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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

2000-3841(IT)I

ENTRE :

REID OLIVER SANDERS,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu le 7 mai 2001 à Toronto (Ontario), par

l'honorable juge M. J. Bonner

Comparutions

Représentante de l'appelant :                Concetta Sanders

Avocate de l'intimée :                           Me Kimberly Moldaver

JUGEMENT

          L'appel de la cotisation d'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1996 est admis et la cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvelle cotisation en tenant pour acquis que l'appelant est en droit de déduire la somme de 3 500 $ payée conformément au paragraphe 4 de l'ordonnance du 8 octobre 1996.

Les appels des cotisations à l'égard de 1997 et 1998 sont rejetés.

Signé à Ottawa, Canada, ce 18e jour d'octobre 2001.

« M. J. Bonner »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 16e jour d'avril 2003.

Mario Lagacé, réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Date: 20011018

Dossier: 2000-3841(IT)I

ENTRE :

REID OLIVER SANDERS,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Bonner, C.C.I.

[1]      L'appelant interjette appel à l'encontre de cotisations d'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1996, 1997 et 1998. Dans ces cotisations, le ministre du Revenu national (le « ministre » ) n'a pas admis les déductions que l'appelant avait demandées au titre de sommes qu'il avait payées conformément à des ordonnances rendues dans un litige entre lui et son ex-conjointe.

[2]      L'appelant et sa conjointe se sont séparés en juillet 1996. Un enfant est issu du mariage. Il est né environ trois ans avant la séparation et a continué à vivre avec sa mère par la suite.

[3]      Les paiements en cause dans le présent appel ont été effectués conformément à trois ordonnances de la Cour de justice de l'Ontario, Division générale. Ces ordonnances se lisent en partie comme suit :

a)        Ordonnance du 8 octobre 1996

[TRADUCTION]

3.          NOTRE COUR ORDONNE QUE le domicile conjugal, situé au 18545, Centreville Creek Road, Caledon (Ontario), soit immédiatement mis en vente à un prix dont les parties devront convenir. Les deux parties devront coopérer concernant tous les aspects de la vente du domicile conjugal.

4.          NOTRE COUR ORDONNE QUE, entre-temps, l'époux verse à l'épouse dans les deux semaines suivant la présente ordonnance une somme forfaitaire de 3 500 $ comme pension alimentaire pour la période allant du 8 octobre au 9 décembre 1996.

5.          NOTRE COUR ORDONNE QUE l'épouse ait la possession exclusive provisoire du domicile conjugal du 18545, Centreville Creek Road, Caledon (Ontario) jusqu'au premier des deux événements suivants : a) la présentation de la requête provisoire; b) la vente du domicile conjugal.

6.          NOTRE COUR ORDONNE QUE l'époux effectue les paiements mensuels relatifs au domicile conjugal jusqu'à la présentation de la requête ou jusqu'à la vente du domicile conjugal.

Les paiements effectués conformément aux paragraphes 4 et 6 sont en cause dans le présent appel.

b)       Ordonnance du 20 décembre 1996

[TRADUCTION]

1.          NOTRE COUR ORDONNE QUE l'époux, Reid Oliver Sanders, continue à verser à l'épouse une pension alimentaire provisoire pour enfant et pour conjoint de 1 750 $ par mois à partir du 9 décembre 1996.

2.          NOTRE COUR ORDONNE QUE l'époux continue à effectuer les paiements mensuels relatifs au domicile conjugal.

3.          NOTRE COUR ORDONNE QUE les paiements faits par l'époux à des tiers soient déductibles d'impôt pour l'époux.

Le mot « continue » figurant au paragraphe 1 de cette ordonnance est important pour l'interprétation du paragraphe 4 de l'ordonnance du 8 octobre. Je présume que l'on veut dire au paragraphe 3 de l'ordonnance du 20 décembre que les paiements effectués aux termes du paragraphe 2 de cette ordonnance sont déductibles en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu. La déductibilité de tels paiements est en cause dans le présent appel.

c)        Ordonnance du 24 avril 1997

[TRADUCTION]

1.          NOTRE COUR STATUE qu'il sera mis fin à l'ordonnance provisoire du juge Jarvis au 30 avril 1997.

2.          NOTRE COUR STATUE que, conformément aux lignes directrices sur les pensions alimentaires pour enfants, l'époux paiera une pension alimentaire pour enfant basée sur son revenu actuel de soixante-quinze mille dollars (75 000 $). Le paiement brut sera de mille deux cents dollars (1 200 $) par mois, jusqu'à ce que les modifications apportées à la Loi de l'impôt sur le revenu soient édictées. Une fois les modifications édictées, le paiement net de pension alimentaire pour enfant sera de six cents dollars (600 $) par mois.

[...]

8.          NOTRE COUR STATUE que l'enfant issu du mariage devra immédiatement être inscrit à un service de garde de jour à Sunshine Daycare, et ce, pour les quatre (4) prochaines années, c'est-à-dire jusqu'au 30 avril 2001. L'époux paiera au plus six cent cinquante dollars (650 $) par mois pour les frais relatifs à la garde de l'enfant pendant la journée, y compris les frais afférents au programme de garde après l'école. L'époux sera en droit de demander le crédit d'impôt pour frais de garde d'enfants. Au 1er mai 2001, l'époux et l'épouse partageront les frais de garde de jour proportionnellement à leurs revenus nets imposables après déduction des paiements de pension alimentaire pour enfant effectués par l'époux, mais sans inclure le montant de la pension dans le revenu de l'épouse [...]

Un énoncé de cette ordonnance indique que celle-ci a été rendue conformément à un procès-verbal de transaction. Le procès-verbal de transaction n'a pas été produit à l'audition du présent appel. La déductibilité, dans le calcul du revenu, des paiements faits à Sunshine Daycare est en litige. L'appelant ne réclame pas un crédit d'impôt relativement à ces paiements.

[4]      La position de l'appelant sur les paiements faits à des personnes autres que sa conjointe en matière de garde de jour et en matière d'entretien du domicile conjugal est résumée comme suit dans son avis d'appel :

[TRADUCTION]

Je ne suis pas d'accord sur la décision de Revenu Canada basée sur le bulletin d'interprétation IT-118R3, qui renvoie expressément au paragraphe 60.1(2). Je crois que ce paragraphe s'applique d'une manière appropriée à ce cas-ci, pour les raisons suivantes :

Le paragraphe 60.1(2) indique que, au titre de frais particuliers devant être payés conformément à une ordonnance, à un jugement ou à un accord écrit, le payeur peut déduire des paiements faits :

            a)        soit directement à la personne qui est le conjoint ou l'ancien conjoint,

            b)        soit à un tiers, au profit de la personne ou d'enfants confiés à sa garde.

Il indique en outre que cette règle s'applique s'il s'agit des frais déductibles suivants :

            (i) des frais médicaux ou d'études ou une dépense engagée en vue de l'entretien du logement que le conjoint ou l'ancien conjoint habite (y compris les paiements hypothécaires, les paiements d'impôt foncier, les paiements de services publics, etc.).

L'ordonnance de la Cour dit clairement que l'époux doit effectuer les paiements mensuels relatifs au domicile conjugal et que ces paiements faits à des tiers seront déductibles d'impôt pour l'époux.

Il est évident que l'intention de la Cour était de faire en sorte que les paiements faits à des tiers soient régis par les paragraphes 60.1(2) et 56.1(2).

[5]      Le ministre a refusé la déduction du paiement de 3 500 $ effectué conformément au paragraphe 4 de l'ordonnance du 8 octobre 1996, pour le motif qu'il s'agissait du paiement d'une somme forfaitaire et non d'une « allocation payable périodiquement » au sens de l'alinéa 60b) de la Loi. L'avocate de l'intimée arguait que, si le paiement de 3 500 $ était destiné à être autre chose que le paiement d'une somme forfaitaire, le tribunal l'aurait dit. À mon avis, le tribunal l'a bel et bien dit lorsque, après avoir ordonné le paiement de 3 500 $ pour deux périodes d'un mois se terminant le 9 décembre 1996, il a ordonné que l'appelant « [...] continue à verser à l'épouse une pension alimentaire provisoire pour enfant et pour conjoint de 1 750 $ par mois [...] » . Il est évident que l'appelant était tenu de continuer à payer à sa conjointe, provisoirement, une allocation mensuelle de 1 750 $. Une telle allocation est manifestement une allocation payable périodiquement au sens de l'alinéa 60b). La mention d'une « somme forfaitaire » dans l'ordonnance n'est pas concluante et ne représente pas une description précise de la nature du paiement. L'appelant est donc en droit d'avoir gain de cause sur cette partie de l'appel.

[6]      La position de l'intimée était que l'appelant n'était pas en droit de déduire les paiements faits à des tiers, en vertu des alinéas 60b) et 60c). Après tout, les paiements devaient être faits à des tiers, et l'on ne peut dire qu'il s'agissait de montants que Mme Sanders pouvait utiliser à sa discrétion au sens du paragraphe 56(12) de la Loi. L'appelant n'a pas vraiment contesté les propos de l'intimée là-dessus. Il a plutôt invoqué le paragraphe 60.1(2), disposition visant expressément des paiements devant être faits à des tiers. Le rôle de cette disposition dans le régime législatif est énoncé comme suit dans les motifs du jugement rendus par la Cour d'appel fédérale dans l'affaire La Reine c. Larson[1] :

            À l'époque en cause, la Loi de l'impôt sur le revenu renfermait un régime général qui prévoyait que les pensions alimentaires versées au conjoint et aux enfants étaient imposées entre les mains du conjoint bénéficiaire et qu'elles étaient déductibles par le conjoint qui les payait. Ce système visait à réduire le fardeau fiscal général supporté par les deux conjoints, étant donné que le conjoint dont le revenu était plus élevé pouvait déduire la pension alimentaire, tandis que celle-ci était imposée à un taux moindre entre les mains du conjoint bénéficiaire.

            Ce traitement fiscal ne valait que pour les sommes payables périodiquement pour subvenir aux besoins du bénéficiaire qui pouvaient être qualifiées d' « allocations » . Suivant la jurisprudence, en règle générale, lorsque le conjoint bénéficiaire peut utiliser les sommes en question à sa discrétion, celles-ci ne sont pas considérées comme une allocation (La Reine c. Armstrong, 96 DTC 6315 (C.A.F.). Ainsi, les pensions alimentaires que le payeur est tenu de payer comme celle qui a été versée en l'espèce ne sont en règle générale pas assujetties au traitement fiscal susmentionné et sont imposées entre les mains du conjoint qui les paie.

            Il existe une exception à ce principe général lorsque le conjoint verse la pension alimentaire qu'il est tenu de payer en conformité avec un accord écrit ou un ordonnance judiciaire. En pareil cas, la Loi de l'impôt sur le revenu précise que ces versements sont réputés constituer une allocation pour l'application de la Loi lorsque l'accord ou l'ordonnance judiciaire mentionne expressément les paragraphes 60.1(2) et 56.1(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu. Si ces articles sont mentionnés, la somme en question est réputée être une allocation et le conjoint payeur a le droit de la déduire de son revenu.

[7]      La version du paragraphe 60.1(2) applicable à des montants reçus avant 1997 et la version de ce paragraphe applicable à des montants reçus après 1997 exigent toutes les deux, pour l'application de ce paragraphe, une mention expresse dans l'accord ou l'ordonnance prévoyant les paiements. Ces deux versions de ce paragraphe se lisent en partie comme suit :

a)        version antérieure :

[...] est, lorsque l'ordonnance, le jugement ou l'accord écrit prévoit que le présent paragraphe et le paragraphe 56.1(2) s'appliquent à tout paiement effectué à leur titre, réputé être un montant payé par le contribuable et reçu par la personne à titre d'allocation payable périodiquement.

b)       version ultérieure :

[...] est réputé, lorsque l'ordonnance ou l'accord écrit prévoit que le présent paragraphe et le paragraphe 56.1(2) s'appliquent à un montant payé ou payable à leur titre, être un montant payable par le contribuable à cette personne et à recevoir par celle-ci à titre d'allocation périodique, que cette personne peut utiliser à sa discrétion.

[8]      À mon avis, le paragraphe 60.1(2) ne s'applique pas. Il n'y a simplement rien dans les ordonnances consignées en preuve qui réponde à l'exigence voulant qu'il y ait une mention non seulement du paragraphe 60.1(2), mais aussi du paragraphe 56.1(2). La mention des deux dispositions représente une partie essentielle du régime conçu pour maintenir une symétrie, c'est-à-dire pour qu'une somme soit déduite du revenu du payeur et qu'elle soit incluse dans le revenu du bénéficiaire du paiement. La seule chose qui corresponde ne serait-ce que de loin à l'exigence qu'il soit fait mention de l'application du paragraphe 60.1(2) est l'énoncé du paragraphe 3 de l'ordonnance du 20 décembre 1996 voulant que les paiements faits par l'appelant à des tiers « soient déductibles d'impôt pour l'époux » . Même en interprétant de la façon la plus large possible l'exigence d'une mention de l'article 60.1, il reste que rien n'était dit au sujet de l'article 56.1. Les paiements faits à des tiers ne sont donc pas déductibles.

Signé à Ottawa, Canada, ce 18e jour d'octobre 2001.

« M. J. Bonner »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 16e jour d'avril 2003.

Mario Lagacé, réviseur




[1] C.A.F., no A-623-96, 15 août 1997, aux pages 4 et 5 (97 DTC 5425, à la page 5427).

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