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Date: 20020118

Dossier: 2000-3983-IT-I

ENTRE :

KATHLEEN CLARK,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

motifsdu jugement

Le juge Tardif, C.C.I.

[1]            Il s'agit d'un appel portant sur les années d'imposition 1996, 1997 et 1998.

[2]            Les questions en litige consistent à déterminer :

a)              si, pour les années de base 1996, 1997 et 1998, l'appelante était le particulier admissible à recevoir la prestation fiscale pour enfants pour Nicolas;

b)             si, pour les années de base 1996, 1997 et 1998, le ministre du Revenu national (le " Ministre ") était justifié d'émettre les avis de détermination de la prestation fiscale pour enfants en date du 19 mai 2000, à l'égard de l'appelante;

c)              si, pour les années de base 1997 et 1998, le Ministre était justifié d'émettre les avis de détermination du crédit de la taxe sur les produits et services en date du 19 mai 2000, à l'égard de l'appelante.

[3]            Pour établir les avis de détermination de la prestation fiscale en date du 19 mai 2000 pour les années de base 1996, 1997 et 1998 et les avis de détermination du crédit de la taxe sur les produits et services pour les années de base 1997 et 1998, le Ministre a tenu pour acquis les faits suivants :

a)              en date du 11 juin 1977, l'appelante et monsieur Gérald Tremblay (ci-après, l'" ex-conjoint ") se sont épousés;

b)             de leur union sont nés cinq enfants, soient : Éric né en juin 1978, Nicolas né en octobre 1981, Marie-Ève née en décembre 1982, Vanessa née en septembre 1989 et Maxime né en septembre 1993;

c)              l'appelante et l'ex-conjoint ont cessé de faire vie commune le 1er juillet 1994;

d)             en vertu d'un jugement rendu par l'Honorable juge Frank G. Barakett de la Cour Supérieure du Québec, en date du 25 août 1995, l'appelante avait la garde de trois (3) enfants : Maxime, Vanessa et Marie-Ève;

e)              en vertu de ce même jugement rendu par l'Honorable juge Frank G. Barakett de la Cour Supérieure du Québec, en date du 25 août 1995, l'ex-conjoint avait la garde de deux (2) enfants : Éric et Nicolas;

f)              en date du 30 janvier 1996, l'Honorable juge Gérard Boisvert de la Cour Supérieure du Québec, prononçait un jugement de divorce entre l'appelante et l'ex-conjoint, et entérinait une convention sur mesures accessoires qui prévoyait que :

                i)               l'appelante avait la garde de trois (3) enfants :

                                Maxime, Vanessa et Marie-Ève;

                ii)              l'ex-conjoint avait la garde de deux (2) enfants :

                                Éric et Nicolas;

g)             en date du 18 avril 1996, l'Honorable juge Frank G. Barakett de la Cour Supérieure du Québec, entérina une convention sur requête en ordonnance modificative pour garde d'enfants qui prévoyait que :

                i)               l'appelante allait avoir la garde de trois (3) enfants :

                                Éric qui allait avoir 18 ans en juin, Vanessa et Maxime;

                ii)              l'ex-conjoint allait avoir la garde d'un enfant : Nicolas;

iii)             l'appelante et l'ex-conjoint allaient avoir la garde partagée de Marie-Ève; soit du lundi 16 heures au vendredi 8 heures pour l'ex-conjoint, et du vendredi 8 heures au lundi 16 heures pour l'appelante;

h)             en date du 16 novembre 1999, le Ministre a envoyé à l'appelante et à l'ex-conjoint des questionnaires à compléter par ces derniers;

i)               suite à l'analyse des questionnaire respectifs complétés par l'appelante et l'ex-conjoint, le Ministre a déterminé que l'appelante n'était pas le particulier admissible à recevoir la prestation fiscale pour enfants pour Nicolas, pour les années de base 1996, 1997 et 1998;

j)               le Ministre a donc révisé la PFE pour les années de base 1996, 1997 et 1998 ainsi que le crédit de TPS pour les années de base 1997 et 1998, en conséquence.

[4]            Les dispositions législatives pertinentes sont les articles 122.5, 122.51, 122.6 à 122.64, 152 et 248 de la Loi de l'impôt sur le revenu (la " Loi ") et sur les articles 6300 et 6302 du Règlement de l'impôt sur le revenu (le " Règlement ") tels qu'amendés et applicables pour les années de base en litige.

[5]            Pour bénéficier des droits et bénéfices prévus par la Loi, la personne qui bénéficie doit être la personne qui assume principalement la responsabilité pour le soin et l'éducation de la personne à charge. Bien que durant les années concernées, l'appelante était la mère, elle ne répondait pas aux exigences de la Loi et ce, d'une manière non équivoque, ce qui d'ailleurs ressort très clairement de la convention en vertu de laquelle il n'y a aucun équivoque possible.

Convention sur mesures accessoires en date du 3 janvier 1996

7.              La demanderesse aura la garde de Marie-Ève, Vanessa et Maxime;

8.              Le défendeur aura la garde de Éric et Nicolas, la partie demanderesse se déclarant toutefois disponible à en assumer la garde éventuellement, et réservant ses recours à cet effet;

...

- Pension alimentaire

7.              Le défendeur paiera une pension alimentaire de 50 $ par mois à la demanderesse, pour elle et ses enfants Éric, Marie-Ève, Vanessa et Maxime, le tout conformément à la Loi facilitant le paiement des pensions alimentaires;

- Droits d'accès

8.              Les droits d'accès s'exerceront comme suit :

-                Le défendeur aura les enfants Vanessa et Maxime, dont la demanderesse a la garde, une (1) fin de semaine par 15 jours, du vendredi 19:00 heures au dimanche 19:00 heures, et au moins une journée par semaine selon entente à l'amiable entre les parties;

-                L'enfant Éric verra son père une à deux fois par semaine, selon sa convenance;

-                L'enfant Nicolas verra sa mère une à deux fois par semaine, selon sa convenance;

-                Pour le temps des Fêtes, les parties se partageront également les vacances de Noël, et les enfants passeront une fête ou l'autre avec chacun;

-                Pendant la période estivale, les enfants passeront deux (2) semaines avec leur père et seront inscrits aux activités du Patro pendant les vacances, le choix des semaines de vacances ainsi que les enfants s'effectueront selon entente entre les parties;

-                Les autres droits d'accès s'effectueront selon entente à l'amiable entre les parties;

Ratification de la convention par le jugement - 18 avril 1996

                ...

PAR CES MOTIFS, le TRIBUNAL :

ENTÉRINE et REND EXÉCUTOIRE la convention dûment signée par les parties, le 12 avril 1996 en modifiant le paragraphe 7 et fixant la pension payable par le défendeur à la demanderesse au montant de 70 $ par mois, le tout conformément à la Loi facilitant le paiement des pensions alimentaire;

                                LE TOUT, chaque partie payant ses frais.

...

Convention en date du 12 avril 1996

...

LA GARDE DES ENFANTS

2.              La demanderesse aura la garde de Éric, Vanessa et Maxime;

3.              Le défendeur aura la garde de Nicolas;

4.              Les parties exerceront une garde conjointe à l'égard de l'enfant mineure Marie-Ève, âgée de 13 ans;

5.              Les parties exerceront l'autorité parentale conjointe envers leur enfant mineure Marie-Ève;

6.              La garde conjointe de Marie-Ève s'exercera de la façon suivante :

-                                Le défendeur aura la garde de Marie-Ève tous les lundis à partir de 16:00 heures jusqu'au vendredi de la même semaine, à 8:00 heures;

-                                La demanderesse aura la garde de Marie-Ève tous les vendredis matin à partir de 8:00 heures jusqu'au lundi suivant, 16:00 heures;

...

[6]            La preuve documentaire est très claire et non équivoque quant à la question de la responsabilité des soins de l'éducation de l'enfant Nicolas. Dès le début de l'audition j'ai fait remarquer que la preuve documentaire semblait à ce point déterminante, qu'il m'apparaissait impossible de relever le fardeau de preuve nécessaire au bien-fondé de l'appel.

[7]            À la suite de mes remarques, l'appelante a témoigné et expliqué avec émotion tout le contexte et les circonstances qui avaient entouré les procédures de divorce et la signature de la convention. Elle n'a soumis aucun fait qui soit de nature à discréditer la preuve documentaire.

[8]            Elle a essentiellement réclamé l'annulation de la réclamation découlant des avis de détermination tant de la prestation fiscale pour enfants que des avis de détermination du crédit de la taxe sur les produits et services.

[9]            La preuve a établi que l'appelante vivait très modestement; elle avait comme seul revenu les prestations d'aide sociale qui constituaient un strict minimum pour combler sans doute une partie seulement des besoins essentiels de famille, dont elle avait seule la responsabilité.

[10]          La cotisation des suites de laquelle le Ministre réclame quelques milliers de dollars a un impact très considérable sur le budget familial au point d'entraîner une déstabilisation tragique.

[11]          Cette seule réalité a évidemment pour effet de rendre le dossier de l'appelante très sympathique, d'autant plus que la convention a été signée de bonne foi et entérinée par l'honorable juge Frank G. Barakett de la Cour Supérieure du Québec.

[12]          Il s'agit d'un autre dossier où la créancière alimentaire subit les conséquences pénibles tout à fait désastreuses de la révision de son dossier, découlant sans doute de l'initiative du débiteur alimentaire qui, pour de multiples raisons, décide de réclamer l'application des dispositions de la Loi qui lui procure un avantage équivalant à la réclamation soumise à l'autre conjoint, après y avoir renoncé par le biais d'une convention qui lui est pourtant totalement opposable.

[13]          Pour éviter une telle situation souvent désastreuse, il y aurait lieu pour l'intimée de réviser sa pratique administrative de manière à ce que toute personne concernée par la révision d'un dossier alimentaire, soit informée de manière à ce qu'elle puisse rapidement initier des procédures susceptibles de mitiger les conséquences du volte face de son conjoint particulier, quand les parties se sont elles-mêmes assujetties à une convention prévoyant clairement les charges de chacun.

[14]          Une convention, si claire fusse-t-elle, n'a aucun effet face au Ministre si elle prévoit des dispositions qui sont contraires aux dispositions de la Loi; en d'autres termes, une convention qui lie les parties signataires n'a pas pour effet de lier le Ministre à qui une telle convention n'est pas opposable. En l'espèce, bien que l'ex-conjoint ait par convention renoncé à des droits qui découlaient de la Loi, cela n'avait aucun effet quant à l'obligation du Ministre de verser à l'ex-conjoint de l'appelante, tous les bénéfices de la Loi. Le Ministre ne pouvait pas ignorer ou faire abstraction de la réalité. Or, l'ex-époux de l'appelante avait bel et bien la garde de l'enfant pour lequel des bénéfices ont été émis.

[15]          Quoi que les conséquences puissent être désastreuses pour l'équilibre budgétaire de l'appelante, ni le ministère du Revenu national, ni ce Tribunal ne peuvent pour des motifs humanitaires et d'équité faire abstraction des dispositions de la Loi, très claires sur cette question.

[16]          Faire droit à l'appel aurait pour effet de valider un non respect évident des dispositions de la Loi; je n'ai ni le pouvoir, ni l'autorité pour ce faire, d'où je dois rejeter l'appel.

Signé à Ottawa, Canada, ce 18e jour de janvier 2002.

" Alain Tardif "

J.C.C.I.

No DU DOSSIER DE LA COUR :        2000-3983(IT)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :                 Kathleen Clark et Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :                      Québec (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                    le 6 novembre 2001

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :         l'honorable juge Alain Tardif

DATE DU JUGEMENT :                      le 18 janvier 2002

COMPARUTIONS :

Avocate de l'appelante :      Me Marlène Jacob

Avocat de l'intimée :            Me Alain Gareau

AVOCATE INSCRIT AU DOSSIER :

Pour l'appelante :

Nom :                       Me Marlène Jacob

                Étude :                     Proulx, Ménard, Milliard

                Ville :                       Québec (QC)

Pour l'intimée :                       Morris Rosenberg

                                                Sous-procureur général du Canada

                                                Ottawa, Canada

2000-3983(IT)I

ENTRE :

KATHLEEN CLARK,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu le 6 novembre 2001 à Québec (Québec) par

l'honorable juge Alain Tardif

Comparutions

Avocate de l'appelante :             Me Marlène Jacob

Avocat de l'intimée :                  Me Alain Gareau

JUGEMENT

          L'appel de la détermination des prestations fiscales pour enfants établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années de base 1996, 1997 et 1998 est rejeté, selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 18e jour de janvier 2002.

" Alain Tardif "

J.C.C.I.

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