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Date: 20020117

Dossier: 2000-2446-IT-I

ENTRE :

MARIE ROY,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifsdu jugement

Le juge Tardif, C.C.I.

[1]            Il s'agit d'un appel relatif aux années d'imposition 1996 et 1997. La question en litige consiste à déterminer si les paiements totalisant 9 766 $ pour 1996 et 9 912 $ pour 1997 ont été versés périodiquement à l'appelante, par son ex-conjoint, à titre de pension alimentaire ou autre allocation payable périodiquement, pour subvenir aux besoins des enfants issus de leur mariage.

[2]            L'appelante, après avoir été assermentée, a admis plusieurs des allégués pris pour acquis lors de la détermination. Les faits admis sont notamment les suivants :

a)              selon la requête en " Ordonnance modificative des mesures accessoires " déposée à la Cour supérieure le 11 août 1998, les renseignements suivants ont été relevés :

i)               l'appelante et François Langlois (ci-après " ex-conjoint ") sont divorcés depuis le 20 octobre 1989 et le certificat de divorce a été émis le 20 novembre 1989;

ii)              de cette union, deux enfants sont nés, à savoir : Annabelle, née le 29 mai 1979 et Alexandre, né le 17 octobre 1987;

iii)             le jugement de divorce confiait à l'appelante la garde des deux enfants et il fixait la contribution alimentaire de l'ex-conjoint pour ses deux enfants à la somme de 660 $ par mois, indexée suivant la loi;

iv)            suite au jugement de divorce, plusieurs jugements modifiant les mesures accessoires sont intervenus dont l'un en date du 15 juillet 1992 qui octroyait à l'ex-conjoint la garde de sa fille mineure Annabelle;

v)             le 20 avril 1993, intervenait une ordonnance modificative indiquant qu'Annabelle retournait vivre chez l'appelante et que la pension alimentaire fixée lors du prononcé du jugement de divorce était remise en vigueur;

vi)            subséquemment, soit en date du 30 décembre 1993, intervint une décision arbitrale qui recommandait la fixation d'une pension alimentaire de 1 100 $ par mois pour le bénéfice des deux enfants mineurs;

vii)           bien que l'appelante ait requis par requête l'homologation de cette décision arbitrale, l'Honorable Juge Jacques Philippon de la Cour supérieure en a, le 3 mai 1994, refusé l'homologation;

b)             dans la cause " Ordonnance modificative " entendue le 20 avril 1993, l'Honorable juge Jean Richard entérinait une entente entre les parties et décréta une ordonnance intérimaire selon les termes suivants :

i)               les parties conviennent de soumettre leur litige à un arbitre;

ii)              les parties conviennent de plus de renoncer à contester le rapport de l'arbitre qui sera final et qui devra être homologué pour être exécutoire;

iii)             que le jugement de divorce (re : garde et pension alimentaire) est reconduit. Le tout rétroactif au 1er février 1993;

c)              les motifs déterminants invoqués par l'Honorable juge Philippon dans son jugement pour justifier son rejet de la requête décrite à l'alinéa 9 a)vii), sont ceux-ci :

i)               le retrait du droit d'appel dans un processus d'arbitrage incident (arbitrage par les avocats);

ii)              en effet, la renonciation à la sténographie stipulée au mandat d'arbitrage, est incompatible avec le droit d'appel. De plus, la reconnaissance de la finalité de la décision de l'arbitre convient mieux à un arbitrage autonome;

iii)             il faut donc conclure qu'en l'absence d'un attribut essentiel, il n'y a pas lieu d'analyser plus loin la détermination des questions susceptibles d'être soumises à l'arbitrage incident;

iv)            en conséquence, le Tribunal rejette la requête avec dépens;

d)             les sommes de 9 766 $ en 1996 et de 9 912 $ en 1997 ont été versées périodiquement à l'appelante par son ex-conjoint à titre de pension alimentaire ou autre allocation payable périodiquement pour subvenir aux besoins des enfants issus de leur mariage et l'appelante pouvait utiliser ces sommes à sa discrétion.

[3]            L'appelante a déposé plusieurs documents et des copies de diverses procédures judiciaires, tous préparés dans le cadre des procédures de divorce prononcé à l'encontre de son mariage avec son conjoint, monsieur François Langlois.

[4]            La volumineuse preuve documentaire illustre à quel point les relations de l'appelante avec son ex-conjoint étaient difficiles à l'époque du divorce.

[5]            Les délais et procédures multiples ont sans doute contribué à la recommandation de l'honorable juge Jean Richard à l'appelante et son conjoint d'avoir recours à une formule plus appropriée pour la solution de leur problème. Il leur a ainsi suggéré la médiation ou l'arbitrage. Le tout ressort de l'extrait suivant : (Pièce A-1,)

L'honorable Jean Richard, j.c.s.

...

EXTRAIT DE L'AUDITION DU 20 AVRIL 1993

La Cour :

Mais, moi, je vous suggèrerais, je pourrais vous suggérer un nom, puis... devant qui, vous allez aller, vous allez convenir d'accepter, comme finale, sa décision.

... allez vous chercher une décision qui soit finale, qui soit pas susceptible d'appel, dans la mesure où vous avez confiance, évidemment, à Salomon.

                Ça va être un Salomon, et ça va... puis, en dehors de procédures judiciaires, en dehors de la Cour...

Me Gilles L'écuyer :

                Moi, je pense que votre suggestion est très bonne, moi, ça me permettrait de me sortir de ce dossier-là, je rends pas... service à mon client et puis quelqu'un d'expérience, un avocat d'expérience, comme ... vous aviez suggéré, d'ailleurs, puis ç'a réglé le problème, ils l'ont réglé le problème.

La Cour :

C'était un problème qui était empoisonné...

Me Gilles L'écuyer :

... ils ont rencontré le médiateur, à une couple d'occasions, chacun, puis le dossier est réglé, parce que, moi, j'ai parlé aux deux (2) parties, depuis, Votre Seigneurie, puis ils m'ont dit : " C'est réglé, c'est fini. "

La Cour :

... (inaudible) ...

Me Gilles L'écuyer :

Pour la défense :

On a... on a...

La Cour :

... réglé, j'en ai jamais réentendu parler...

... puis je suis obligé de me désaisir, parce qu'ils ont jamais même fait homologuer la décision, et...

La Cour :

... Quasi finale, c'est peut-être plus économique que de revenir en Cour, puis de revenir en Cour, de perdre du travail, de perdre des revenus, de payer des honoraires s'il y a un avocat d'un côté ou de l'autre, ou s'il y a deux (2) avocats.

                Moi, en tout cas, j'essaierais.

                J'essaierais, si les parties pensent que ça vaut la peine; si vous pensez pas que ça vaut le peine d'essayer de faire trancher ça par quelqu'un de pratique, de connaissant, qui connaît le métier, qui connaît la Cour, qui connaît le droit familial, qui connaît le droit en général, ...

...

La Cour :

Non, non, mais, là, je ne vous suggère pas de recommencer à vous entendre sur une liste de médiateurs.

                Moi, je vous recommanderais quelqu'un et vous pourriez prendre le temps de vous informer, c'est bien certain, et, ensuite, vous accepteriez, devant moi - puis ce serait consigné, au procès-verbal - d'aller en arbitrage ou en médiation, devant cette personne - en fait, c'est un arbitrage - et vous renonceriez à contester - à l'appel - ça, il faut avoir la foi - vous renonceriez à l'appel de cette décision.

...
                Et, personnellement, je suis convaincu que ce genre de travail-là, dans certains dossiers - je dis pas que c'est le cas, ici - peut-être beaucoup plus satisfaisant, pour les parties, qu'un jugement, beaucoup plus satisfaisant, moins coûteux, moins coûteux en temps, en énergie, en émotion, vous savez, en...

[6]            Les parties ont effectivement confié un mandat d'arbitrage à Me Alain Turgeon, en date du 14e jour de juillet 1993. Ce mandat a été suivi d'une décision très élaborée, signée par l'arbitre le 30 décembre 1993. Il y a lieu de reproduire l'extrait de la sentence arbitrale relative à la question alimentaire : (pièce A-1)

Décision arbitrale

...

                Enfin, quant au poste des vacances, Madame réclame annuellement une somme de 4 500 $, soit 375 $ par mois. Cette somme est sans doute une situation idéale mais les parties, compte tenu des circonstances, ne sont peut-être pas en mesure d'assumer un tel idéal et en conséquence l'item vacances est arbitré à 2 000 $ par année pour Madame et les enfants, compte tenu que Monsieur, s'il décide de prendre des vacances avec les enfants, devra les assumer. Cette somme représente en conséquence une dépense mensuelle de 166 $ par mois pour un grand total net des besoins à ce titre de 2 216 $ par mois.

                                Compte tenu de l'ensemble de la preuve, des besoins, des moyens, de la nouvelle situation des parties, et plus particulièrement de celle de Monsieur, compte tenu que les enfants ont droit à un standard de vie à la hauteur des moyens de toute la cellule familiale, compte tenu du fait que Madame assume plus que Monsieur la présence, l'entretien, l'éducation des enfants, le soussigné considère qu'une pension alimentaire nette de 1 300 $ par mois doit être payée par Monsieur et Madame pour les enfants le temps où cette dernière sera en congé de maladie, et de 1 100 $ par mois net d'impôt dès que Madame aura réintégré sa tâche d'enseignante à plein temps.

POUR CES MOTIFS, LE SOUSSIGNÉ :

                A)            REJETTE la demande de suspension du paiement de la pension alimentaire pour les mois d'août, septembre, octobre, et novembre 1993.

                B)             ARBITRE ET DÉCLARE l'indexation de ladite pension alimentaire à compter du 1er janvier 1995.

                C)             ENJOINT à Madame de fournir au défendeur toutes les informations relatives au résultat scolaire ainsi qu'à l'état de santé des enfants Annabelle et Alexandre.

                D)             DONNE ACTE à la déclaration des parties à l'effet que chacune d'entre elles prendra à charge un enfant mineur, Monsieur prenant à charge l'enfant mineure Annabelle et Madame prenant à charge l'enfant mineur Alexandre.

                E)             PREND ACTE de la déclaration des parties à l'effet que ladite pension alimentaire n'est pas imposable entre les mains de Madame ni déductible entre les mains de Monsieur.

                F)             FIXE la pension alimentaire payable du 1er février 1993 au 1er décembre 1993 à 710,85 $ mensuellement.

                G)             À compter du 1er décembre 1993, FIXE la pension alimentaire à 1 300 $ net par mois durant la période où Madame Roy est en congé de maladie et à 1 100 $ net par mois dès qu'elle aura réintégré sa tâche d'enseignante à plein temps.

                H)             ENJOINT à Madame d'aviser Monsieur, le cas échéant.

                I)              DONNE ACTE aux parties de leur déclaration judiciaire à l'effet que la présente décision devra être homologuée par le Tribunal.

                J)              Les parties assumeront les frais conformément au mandat.

Québec, ce 30 décembre 1993.

                                                                                                                Alain Turgeon

[7]            L'appelante a témoigné à l'effet qu'elle et son ex-conjoint avaient par la suite respecté à la lettre la sentence arbitrale quant à la question alimentaire.

[8]            D'ailleurs, l'avocat de son ex-conjoint confirmait cette appréciation, le tout tel qu'il appert d'une lettre en date du 21 janvier 1994, qui se lisait comme suit : (pièce A-1)

...

Me Francine Veilleux

                ...

OBJET : FRANÇOIS LANGLOIS

                                                C. MARIE ROY

...

Notre client nous confirme qu'il a payé intégralement les sommes établies par Me Alain Turgeon dans sa sentence arbitrale du 23 décembre 1993* par le biais de virements bancaires directement dans le compte de son ex-épouse et il nous informe, en outre, qu'il a l'intention de continuer à exécuter volontairement ladite décision arbitrale.

Nous vous réitérons par principe, et ce pour des raisons évidentes, notre demande de ne pas tenter de faire entériner cette sentence arbitrale, tel que semble le souhaiter votre cliente, puisqu'il n'y a plus de litige entre nos clients respectifs. Cela nous évitera de faire encourir à nos clients des frais additionnels et d'avoir à soulever la compétence ou la juridiction du Tribunal de pouvoir recevoir une telle requête en homologation.

L'intérêt qu'aurait votre cliente à faire homologuer cette décision n'est pas actuel ni réel et notre démarche auprès de vous se situe dans le cadre de l'entente que nous avions prise de cesser les procédures inutiles et vindicatives.

Nous comptons donc que vous réviserez la position de votre cliente adoptée dans la vôtre du 21 janvier 1994.

Dans l'attente de vos nouvelles, nous vous prions d'agréer, chère collègue, l'expression de nos sentiments les meilleurs.

* souligné, la sentence arbitrale est datée du 30 décembre 1993

Les avocats Vézina Pouliot,

                ...

[9]            Ne souscrivant pas à la suggestion du procureur de son ex-conjoint et voulant obtenir des garanties plus formelles, l'appelante a demandé la ratification et l'homologation judiciaire des conclusions de la sentence arbitrale.

[10]          Bien que le Tribunal ait refusé d'entériner ou d'homologuer la dite sentence arbitrale pour des raisons non pertinentes à la présente instance, les parties en ont toujours respecté fidèlement les conclusions, et ce, jusqu'à la majorité d'Annabelle, après quoi son père déposait le montant directement dans son compte bancaire.

[11]          Annabelle a effectivement reconnu, lors de son témoignage, qu'elle avait reçu le montant indiqué à la sentence à compter de sa majorité.

[12]          Le ministre du Revenu national (le " Ministre ") semble prétendre que le fait que la décision arbitrale n'ait pas été homologuée, les parties étaient régies en 1996 et 1997 par l'ordonnance intérimaire du juge Richard, rendue le 20 avril 1993. Le Ministre soutient que les sommes versées à l'appelante par son ex-conjoint, l'ont été à titre de pension alimentaire ou autre allocation payable périodiquement pour subvenir aux besoins des enfants issus de leur mariage et l'appelante pouvait utiliser ces sommes à sa discrétion. En effet, le Ministre soutient que les sommes versées à l'appelante par son ex-conjoint, sont versées par le régime d'inclusion et de déduction des pensions alimentaires jusqu'à concurrence de ce qui est prévu dans l'ordonnance intérimaire rendue par l'honorable juge Richard.

                                Ordonnance intérimaire

Le jugement de divorce (re : garde et pension alimentaire) est reconduit. Le tout rétroactif au 1er février 1993. Le Juge accorde un délai de deux mois pour le remboursement des arrérages en sus de la pension annexée.

[13]          L'appelante soutient que le régime d'inclusion et de déduction des montants versés à titre de pension alimentaire, prévu dans la Loi de l'impôt sur le revenu (la " Loi "), ne s'applique pas aux montants qui lui ont été versés par son ex-conjoint, périodiquement, durant les années d'imposition 1996 et 1997.

[14]          Selon l'appelante, ces montants n'ont pas été versés en vertu d'une ordonnance d'un tribunal ou d'un accord écrit. Elle soutient que l'ordonnance intérimaire du juge Richard, en date du 20 avril 1993, n'était pas exécutoire en 1996 et 1997 du fait qu'il s'agissait d'une mesure provisoire dont la durée était limitée dans le temps. En effet, selon l'appelante, les sommes qui lui ont été versées par son ex-conjoint dans ces années, l'ont été en vertu d'une entente verbale informelle à laquelle le régime d'inclusion et de déduction n'est pas applicable.

[15]          Puisque la demande d'homologation de la décision arbitrale datée du 30 décembre 1993 a été refusée le 3 mai 1994, cette décision n'était pas exécutoire. L'appelante ajoute que les montants qui lui ont été versés en 1996 et 1997, l'ont été aux termes de cette décision arbitrale sur une base consensuelle, mais sans qu'il y ait toutefois un accord écrit à cet effet.

Analyse

[16]          Au moment où l'appelante a reçu les montants litigieux en 1996, les dispositions de la Loi applicables se lisaient comme suit :

56(1) Sans préjudice de la portée générale de l'article 3, sont à inclure dans le calcul du revenu d'un contribuable pour une année d'imposition :

...

b)             Pension alimentaire - un montant reçu par le contribuable au cours de l'année, en vertu d'une ordonnance ou d'un jugement rendus par un tribunal compétent ou en vertu d'un accord écrit, à titre de pension alimentaire ou autre allocation payable périodiquement pour subvenir aux besoins du contribuable ou d'enfants de celui-ci ou aux besoins à la fois du contribuable et de ces enfants, si le contribuable, pour cause d'échec de son mariage, vivait séparé de son conjoint ou ancien conjoint tenu d'effectuer le paiement, au moment de la réception du paiement et durant le reste de l'année;

c)              Prestation alimentaire - un montant reçu par le contribuable au cours de l'année à titre d'allocation payable périodiquement pour subvenir aux besoins à la fois du contribuable et de ces enfants, si les conditions suivantes sont réunies:

(i)     au moment de la réception du montant et durant le reste de l'année, le contribuable vivait séparé de la personne tenue d'effectuer le paiement.

(ii)    la personne tenue d'effectuer le paiement est le père naturel ou la mère naturelle d'un enfant du contribuable,

(iii) le montant a été reçu en vertu d'une ordonnance rendue par un tribunal compétent en conformité avec la législation d'une province.

56(12) Non applications des al. (1)b), c) et c.1).

Sous réserve des paragraphes 56.1(2) et 60.1(2) et pour l'application des alinéas (1)b), c) et c.1), un montant reçu par une personne - appelée " contribuable " aux alinéas (1)b), c) et c.1) et " bénéficiaire " aux alinéas 60b), c) et c.1) - ne constitue une allocation que si cette personne peut l'utiliser à sa discrétion.

[17]          En 1997 les dispositions de la Loi concernant le régime d'inclusion et de déduction des pensions alimentaires ont subi des amendements. Les dispositions applicables aux montants reçus en 1997 se lisent comme suit :

56. (1) Sommes à inclure dans le revenu de l'année — Sans préjudice de la portée générale de l'article 3, sont à inclure dans le calcul du revenu d'un contribuable pour une année d'imposition :

b)             Pension alimentaire — le total des montants représentant chacun le résultat du calcul suivant :

A - (B + C)

où :

A              représente le total des montants représentant chacun une pension alimentaire que le contribuable a reçue après 1996 et avant la fin de l'année d'une personne donnée dont il vivait séparé au moment de la réception de la pension,

B              le total des montants représentant chacun une pension alimentaire pour enfants que la personne donnée était tenue de verser au contribuable aux termes d'un accord ou d'une ordonnance à la date d'exécution ou postérieurement et avant la fin de l'année relativement à une période ayant commencé à cette date ou postérieurement,

C              le total des montants représentant chacun une pension alimentaire que le contribuable a reçue de la personne donnée après 1996 et qu'il a incluse dans son revenu pour une année d'imposition antérieure;

56.1 (4) Définitions — Les définitions qui suivent s'appliquent au présent article et à l'article 56.

" date d'exécution " Quant à un accord ou une ordonnance :

a) si l'accord ou l'ordonnance est établi après avril 1997, la date de son établissement;

b) si l'accord ou l'ordonnance est établi avant mai 1997, le premier en date des jours suivants, postérieur à avril 1997 :

...

(ii)    si l'accord ou l'ordonnance fait l'objet d'une modification après avril 1997 touchant le montant de la pension alimentaire pour enfants qui est payable au bénéficiaire, le jour où le montant modifié est à verser pour la première fois, ...

" pension alimentaire " Montant payable ou à recevoir à titre d'allocation périodique pour subvenir aux besoins du bénéficiaire, d'enfants de celui-ci ou à la fois du bénéficiaire et de ces enfants, si le bénéficiaire peut utiliser le montant à sa discrétion et, selon le cas :

a) le bénéficiaire est l'époux ou le conjoint de fait ou l'ex-époux ou l'ancien conjoint de fait du payeur et vit séparé de celui-ci pour cause d'échec de leur mariage ou union de fait et le montant est à recevoir aux termes de l'ordonnance d'un tribunal compétent ou d'un accord écrit;

b) le payeur est le père naturel ou la mère naturelle d'un enfant du bénéficiaire et le montant est à recevoir aux termes de l'ordonnance d'un tribunal compétent rendue en conformité avec les lois d'une province.

" pension alimentaire pour enfants " Pension alimentaire qui, d'après l'accord ou l'ordonnance aux termes duquel elle est à recevoir, n'est pas destinée uniquement à subvenir aux besoins d'un bénéficiaire qui est soit l'époux ou le conjoint de fait ou l'ex-époux ou l'ancien conjoint de fait du payeur, soit le père ou la mère d'un enfant dont le payeur est le père naturel ou la mère naturelle.

[18]          Pour que le régime d'inclusion et de déduction de pension alimentaire soit applicable tant aux montants reçus en 1996 qu'à ceux reçus en 1997, les trois conditions devaient être présentes, soit :

1)              les montants devaient être versés à l'appelante par son ex-conjoint en vertu d'une ordonnance d'un tribunal ou d'un accord écrit;

2)              les montants devaient être payables sur une base périodique;

3)              l'appelante devait pouvoir utiliser les montants à sa discrétion.

[19]          Le litige porte essentiellement sur la question de savoir si les montants en question ont été versés aux termes d'une ordonnance d'un tribunal ou d'un accord écrit.

Ordonnance d'un tribunal ou accord écrit     

[20]          Pour que l'inclusion et la déduction des pensions alimentaires s'appliquent les montants doivent être conséquents à une ordonnance d'un tribunal ou à un accord écrit et les paiements doivent être conformes à l'obligation qui les a imposés. Un paiement est conforme à une ordonnance d'un tribunal ou à un accord écrit, s'il est fait conformément à l'obligation légale créée dans cet ordre ou accord.[1]

[21]          Dans l'arrêt Canada c. Sigglekow[2] (soumis par le procureur du Ministre), la Cour a conclu que les montants payés par un ex-conjoint à titre de pension alimentaire en vertu d'une ordonnance d'un tribunal ou d'un accord écrit, sont visés par le régime d'inclusion et de déduction de pension alimentaire nonobstant que ces paiements ne correspondent pas aux sommes prévues dans l'ordonnance ou accord écrit. Cependant, la Cour a indiqué que le régime d'inclusion et de déduction s'applique aux montants versés seulement jusqu'à concurrence des sommes prévues dans l'ordonnance ou dans l'accord en vertu duquel ils sont payés.[3]

[22]          Les circonstances du présent appel peuvent être distinguées de celles de l'arrêt Sigglekow, en ce que dans le présent appel, l'appelante ne soutient pas que les montants qu'elle a reçus en 1996 et 1997 ne sont pas visés par le régime d'inclusion/déduction en raison qu'ils ne correspondent pas aux sommes prévues dans l'ordonnance intérimaire du juge Richard. L'argument de l'appelante est plutôt à l'effet que l'ordonnance du juge Richard n'est pas exécutoire et que par conséquent les montants qu'elle a reçus en 1996 et 1997 n'étaient pas versés en vertu de cette ordonnance.

[23]          Dans l'arrêt Monette c. M.R.N.[4], le juge Garon, tel qu'il était en ce temps, a conclu que pour que le régime d'inclusion et de déduction des pensions alimentaires soit applicable il n'est pas nécessaire que les sommes payables à titre d'allocation soient déterminées avec précision dans l'ordre ou accord en vertu duquel elles sont payées. Le juge Garon, en concluant ainsi indique à la page 6 :

J'en viens donc à la conclusion qu'un contribuable peut déduire une somme payée dans l'année dans les circonstances prévues à l'alinéa 60b) même si la somme en question n'était pas préétablie dans le jugement ou l'accord écrit, selon le cas, pourvu que cette somme puisse être déterminée subséquemment ou, en d'autres mots, soit déterminable.

[24]          En l'espèce, il faut déterminer si les montants versés à l'appelante par son ex-conjoint, l'ont été en vertu de l'ordonnance intérimaire du juge Richard. Cette ordonnance a été rendue dans le contexte de l'audition d'une requête pour ordonnance modificative des mesures accessoires suite au divorce[5]. Le juge devant lequel une requête en matière familiale est présentée, peut " rendre toute ordonnance conforme aux exigences de la justice. "[6] Le pouvoir d'émettre une ordonnance intérimaire lors de l'audition d'une telle requête est prévu à la règle 22.1 des Règles de pratique de la Cour supérieure du Québec en matière familiale (les" R.p.C.s.Q.m.f. ") qui se lit :

22.1 Lors de demandes pour mesures accessoires ou pour modifier de telles mesures, si le tribunal ne peut commencer ou compléter l'enquête immédiatement, et s'il y a urgence, il peut émettre une ordonnance intérimaire sur la foi des affidavits, des documents produits par les parties et de leurs représentations.

[25]          L'objet premier de l'ordonnance du juge Richard est à l'effet que les ex-conjoints devraient se présenter devant un arbitre pour résoudre leur différence par rapport notamment, à la pension alimentaire qui devait être versée à l'appelante. L'honorable juge a déterminé l'obligation alimentaire pour la durée spécifique et temporaire. Les ex-conjoints se sont entendus que la décision arbitrale serait finale et le juge Richard a ordonné de plus, que celle-ci soit homologuée par un tribunal compétent.

[26]          L'ordonnance du juge Richard comportait un deuxième volet, soit l'ordonnance intérimaire qui fixait une pension alimentaire en faveur de l'appelante au montant de 660 $ par mois, ce qui correspondait au montant fixé dans le jugement de divorce. En général, une ordonnance intérimaire est rendue en vertu de la règle 22.1 R.p.C.s.Q.m.f. pour combler aux besoins de la partie qui y tire bénéfice jusqu'à ce que la requête soit entendue sur le fond. Cependant, dans le présent appel, l'ordonnance intérimaire semble être accessoire au jugement final rendu par le juge Richard puisque celle-ci a été rendue pour combler au besoin de l'appelante et de l'enfant jusqu'à ce que la décision arbitrale soit rendue. Malgré que ceci ne soit pas déclaré expressément, il peut être inféré à la lecture des notes sténographiques de l'audition de la requête, que l'ordonnance intérimaire rendue par le juge Richard était une ordonnance à terme (tel que soutient l'appelante) et que le terme était la décision arbitrale.

[27]          Le Code de procédure civile du Québec (le " Code ") prévoit aux articles 382 à 394 le droit des parties dans une instance de demander d'être référées devant un arbitre et la procédure applicable :

art. 382. Le tribunal peut, à la demande des parties, référer une cause à la décision d'un ou de plusieurs arbitres de leur choix, avocats en exercice ou juges retraités.

                La demande d'arbitrage doit être signée des parties elles-mêmes; elle doit contenir les noms des arbitres, leur consentement à agir et le chiffre de la rémunération que les parties s'engagent solidairement à leur verser.

...

art. 385. Les dispositions des sections III, IV, V et VI du Chapitre I du Titre V du Livre deuxième, relatives à l'assignation et à l'audition des témoins, à la prise de leurs dépositions et à la marche de l'instruction, s'appliquent à l'instruction devant les arbitres.

art. 386. Les arbitres doivent rendre leur sentence par écrit, sous la forme d'un jugement du tribunal; s'ils ne sont pas unanimes, les dissidents doivent motiver leur dissentiment.

...

art. 388. La sentence n'a d'effet que si elle est homologuée par le tribunal, sur requête d'une partie.

                Le tribunal saisi de cette demande ne peut examiner le fond du litige, mais seulement s'enquérir des causes de nullité dont la sentence peut être entachée; s'il relève l'omission de quelque formalité à laquelle il soit possible de remédier sans injustice pour les parties, il peut rendre l'ordonnance jugée nécessaire dans les circonstances.

...

art. 393. La sentence arbitrale homologuée est sujette à appel, comme tout jugement de la Cour supérieure.

art. 394. Les dispositions du présent chapitre ne s'appliquent pas lorsque les parties n'ont pas le pouvoir de transiger, ni lorsque l'intérêt public est en jeu; elles ne s'appliquent pas non plus aux demandes relatives à la filiation, à l'autorité parentale, aux demandes en séparation de corps ou de biens, en nullité de mariage ou en divorce, ni a celles en dissolution de personne morale ou en annulation de lettres patentes.

[28]          Selon le juge Richard, une fois la décision arbitrale rendue, l'homologation serait une simple formalité nécessaire pour rendre le rapport de l'arbitre exécutoire. L'article 388 du Code. énonce que la décision arbitrale " n'a d'effet que si elle est homologuée par le Tribunal, sur requête d'une partie. " L'ordonnance intérimaire cessait d'être exécutoire à partir du moment où la décision arbitrale a été rendue, conséquemment les montants versés à l'appelante ne peuvent pas être visés par le régime d'inclusion et de déduction des pensions alimentaires sur la base de cette ordonnance intérimaire.

[29]          Bien que la décision arbitrale n'ait pas été homologuée, les parties se sont liées volontairement et verbalement aux termes de la décision arbitrale. L'appelante doit poursuivre son ex-conjoint en cas de non paiement et ne peut pas tout simplement prendre les mesures d'exécution qui sont disponibles lorsqu'il y a contravention d'un jugement ou d'un ordre d'un tribunal.

[30]          Il est incontestable que les montants versés à l'appelante par son ex-conjoint durant les années 1996 et 1997 l'ont été en conformité de la décision arbitrale. Cela ressort de la lecture de la lettre du procureur de l'ex-conjoint datée du 21 janvier 1994 dans laquelle il déclare que son client " a l'intention de continuer à exécuter volontairement ladite décision arbitrale. "

[31]          En outre, les montants versés correspondent à ceux prévus dans la décision arbitrale.

[32]          Dans l'affaire Dlagacz v. M.N.R.[7] le contribuable tenu de faire des paiements de pension alimentaire à son ex-conjointe en vertu d'un jugement de divorce, a volontairement payé des sommes supérieures à celles prévues dans le jugement. Le juge Cardin avait alors conclu que le contribuable pouvait déduire de son revenu les montants de pensions alimentaires versés, jusqu'à concurrence de ce qui était prévu dans le jugement de divorce. Les sommes additionnelles payées volontairement n'étaient pas déductibles puisqu'il n'y avait pas une entente écrite à cet effet. Le juge Cardin avait aussi indiqué qu'il n'y avait pas de preuve démontrant que les termes du jugement de divorce avaient été changés.

[33]          En l'instance, une ordonnance a été rendue sur la requête pour modification des mesures accessoires au divorce, en vertu de laquelle les ex-conjoints ont consenti à régler leur différend devant un arbitre et se conformer à la décision de cet arbitre. Je crois que cette ordonnance affectait le jugement de divorce quant aux mesures accessoires. En effet, l'ordonnance intérimaire était accessoire à l'ordonnance du juge Richard devant prendre fin dès la venue de la décision arbitrale.

[34]          En effet, les deux parties ont consenti à l'avance à être liées par la décision finale de l'arbitre. Par la suite, elles s'y sont soumises et en ont respecté le contenu nonobstant qu'elle ne soit pas homologuée.

[35]          Dans l'arrêt Dlagacz (précité), une entente écrite aurait été acceptable pour modifier le jugement de divorce aux fins fiscales sans qu'il soit nécessaire d'obtenir un jugement à cet effet.

[36]          Dans le présent appel, je suis d'avis que la décision arbitrale avait pour effet de mettre un terme à l'ordonnance intérimaire du juge Richard; il est tout à fait régulier et légitime que les parties liées par une ordonnance alimentaire s'entendent pour modifier le contenu sans pour autant manquer à leurs obligations découlant de l'ordonnance alimentaire.

[37]          N'ayant pas été homologuée, la sentence n'avait pas les qualités requises pour être considérée par les dispositions de la loi fiscale; elle n'était d'ailleurs pas exécutoire.

[38]          Constituant sans doute une réalité incontournable dans le cadre d'un litige civil, la sentence en question ne respectait pas les exigences pour constituer une donnée de référence à l'application des dispositions de la Loi. Conséquemment, les montants versés et reçus n'étaient pas assujettis par les dispositions légales relatives à l'inclusion et la déduction.

[39]          L'appel est donc accueilli.

Signé à Ottawa, Canada, ce 17e jour de janvier 2002.

" Alain Tardif "

J.C.C.I.

No DU DOSSIER DE LA COUR :                        2000-2446(IT)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :                                 Marie Roy et Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :                                      Québec (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                                    le 20 juin 2001

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :                         l'honorable juge Alain Tardif

DATE DU JUGEMENT :                                      le 17 janvier 2002

COMPARUTIONS :

Pour l'appelante :                                   L'appelante elle-même

Avocat de l'intimée :                            Me Stéphane Arcelin

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

Pour l'appelante :

Pour l'intimée :                                       Morris Rosenberg

                                                                Sous-procureur général du Canada

                                                                Ottawa, Canada

2000-2446(IT)I

ENTRE :

MARIE ROY,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu le 20 juin 2001 à Québec (Québec) par

l'honorable juge Alain Tardif

Comparutions

Pour l'appelante :                       L'appelante elle-même

Avocat de l'intimée :                  Me Stéphane Arcelin

JUGEMENT

          L'appel des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1996 et 1997 est accueilli, selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 17e jour de janvier 2002.

" Alain Tardif "

J.C.C.I.



[1] La Reine c. Barbara D. Sills, [1985] 2 C.F. 200, 85 D.T.C. 5096 (C.A.F.).

[2] Canada c. Sigglekow, [1985] A.C.F. 902, [1985] 2 C.T.C. 251 (C.F. 1re inst.).

[3] Ibid.

[4] [1991] A.C.I. 609, 92 D.T.C. 1615 (C.C.I.), (jurisprudence soumis par la partie intimée).

[5] Présentable en vertu de l'article 2(1)a.5) de la Loi sur le divorce, L.R.C. (1985), c. 3 (2e suppl.)

[6] Règle 14 des R.p.C.s.Q.m.f.

[7] 84 D.T.C. 1549 (C.C.I.).

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