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Date: 20011221

Dossier: 1999-4820-IT-I

ENTRE :

ARMAND DESROCHES,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

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Pour l'appelant :                     l'appelant lui-même

Avocat de l'intimée :            Me Alain Gareau

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Motifsdu jugement

(motifs rendus à l'audience le 26 septembre 2001 à Québec (Québec)

Le juge en chef Garon, C.C.I.

[1]            Il s'agit d'appels de cotisations d'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1995, 1996 et 1997. Par ces cotisations, le ministre du Revenu national a rejeté la déduction des sommes de 14 716 $, 16 459 $ et 12 502 $ réclamées par l'appelant dans le calcul de son revenu provenant de son activité d'écrivain pour les trois années en cause.

[2]            En procédant aux cotisations dont appel, le ministre du Revenu national s'est appuyé sur les allégations de faits mentionnées au paragraphe 4 de la Réponse à l'avis d'appel. Ce paragraphe se lit ainsi :

4.              En établissant les cotisations en litige, le ministre du Revenu national a tenu pour acquis, notamment, les faits suivants :

a)              L'appelant a travaillé auprès d'Hydro-Québec à titre de technicien en électronique jusqu'au moment de sa retraite en 1992;

b)             L'appelant se consacre à son activité d'écrivain depuis le mois de mai 1992;

c)              L'appelant n'a déclaré aucun revenu découlant de cette activité depuis 1992;

d)             Au cours des années d'imposition 1992, 1993, 1994, 1995, 1996 et 1997, l'appelant a déduit les pertes suivantes relativement à son activité d'écrivain :

1992 :                       11 956 $

1993 :                       15 453 $

1994 :                       13 649 $

1995 :                       14 716 $

1996 :                       16 459 $

1997 :                       12 502 $

e)              Une partie importante des dépenses réclamées durant ces années concerne les frais de bureau à domicile, la rénovation de sa résidence ainsi que les frais reliés à la voiture de l'appelant;

f)              Pendant les années d'imposition en litige, l'appelant n'a élaboré aucun plan précis pour rentabiliser ses écrits;

g)             Au cours des années en litige ainsi que durant les années précédentes, l'appelant n'était représenté par aucun éditeur ou agent relativement à la promotion et à la commercialisation de son oeuvre;

h)             Les écrits de l'appelant n'ont par ailleurs pas été édités à ce jour et n'ont fait l'objet d'aucun lancement tant public que privé;

i)               La nature des dépenses engagées ainsi que les autres circonstances décrites ci-haut aux paragraphes 4a) à 4h) de la présente réponse à l'avis d'appel démontrent que l'activité littéraire de l'appelant constitue plus un intérêt personnel que l'exploitation d'une entreprise dans un contexte de réalité commerciale et économique;

j)               L'appelant n'a pas démontré que les dépenses qui ont donné lieu aux pertes d'entreprise réclamées ont été faites ou engagées au cours des années d'imposition en litige en vue de tirer un revenu d'entreprise au sens de l'alinéa 18(1)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu;

k)            Au cours des années en litige, l'appelant n'avait pas d'espoir raisonnable de tirer un profit de son activité d'écrivain.

[3]            L'appelant a admis les allégations figurant aux alinéas a) à f) inclusivement et à l'alinéa h) du paragraphe 4 de la Réponse à l'avis d'appel. Il a nié les allégations dont il est question dans les alinéas g), i), j) et k) du même paragraphe.

[4]            Au cours de son témoignage, l'appelant a affirmé qu'il a commencé à exercer son activité d'écrivain à temps partiel à compter de 1989. Il était alors technicien en électronique au service d'Hydro-Québec. Il a poursuivi cette activité d'écrivain à plein temps à partir de mai 1992, ayant cessé de travailler pour Hydro-Québec en mai 1992.

[5]            Au cours de sa déposition, l'appelant a insisté sur le point que les dépenses dont il réclame la déduction sont de véritables dépenses ayant trait en bonne partie à la rénovation de la maison où il a aménagé un lieu de travail. Il a précisé qu'aucune facture n'était fausse.

[6]            Quant au plan d'affaires, il a indiqué que c'est dans la tête d'un individu qu'un plan pour une si petite entreprise existe. Il a ajouté qu'un plan d'affaires est normalement fait pour être présenté aux banques et il a rappelé dans son cas qu'il a financé son projet en utilisant des argents provenant de " son fonds de retraite ".

[7]            Au sujet de l'allégation à l'alinéa 4 g) de la Réponse à l'avis d'appel selon laquelle l'appelant n'était représenté par aucun éditeur ou agent relativement à la promotion et à la commercialisation de son oeuvre, l'appelant fait état d'un document signé par madame Louise Courteau d'une maison d'édition où elle mentionne les nombreuses démarches de l'appelant. Ce document confirme qu'elle a passé au moins 50 heures " en correction linguistique " avant de décider de ne pas publier cette oeuvre parce que, selon l'appelant, " la conscience spirituelle " de madame Courteau n'appuyait plus " les avancés de principes de psychologie nouvelle de l'appelant ". D'autres tentatives ont été faites par l'appelant en vue d'intéresser les maisons d'édition en leur envoyant copies du manuscrit pour étude.

[8]            L'appelant a aussi témoigné qu'il a établi sa propre maison d'édition en mai 1993. Cette maison n'a pas édité de livres de 1993 à 1999. Le premier livre édité par cette maison d'édition le fut en l'an 2000. Il a ajouté que Québecor World St-Jean a imprimé en octobre 2000, 2 000 exemplaires du dixième livre qu'il a écrit intitulé " Bonne fête Carolanne ". C'est une synthèse de neuf manuscrits. Cette publication a nécessité les services d'un infographiste professionnel à un coût de 1 800 $. Le coût d'impression de ce livre chez Québecor s'est élevé à 25 000 $. L'appelant a aussi expliqué que durant toutes les années précédant la publication de son oeuvre il avait procédé à une révision continuelle de ses manuscrits.

[9]            L'appelant a fait état dans son témoignage d'une passion qu'il avait d'écrire dans le domaine de psychologie. Il a dit à un moment donné qu'il se laissait " entraîner " par cette passion. Au cours du contre-interrogatoire, il s'est exprimé ainsi sur ce sujet : " J'ai comme dérapé dans une passion d'écrivain en psychologie ".

[10]          Des états des dépenses faites par l'appelant durant les trois années en litige furent mis en preuve.

[11]          L'appelant a aussi affirmé qu'il a étudié la psychologie pendant dix ans à temps partiel à l'Université du Québec à Rimouski. Il ne détient pas de diplôme, plus précisément il n'a pas obtenu de baccalauréat. Il semble attribuer cette situation à la particularité que certains professeurs n'ont pas apprécié le fait qu'il n'acceptait pas la psychologie traditionnelle. Il a aussi affirmé qu'il n'était " pas capable d'apprendre des textes, comprendre qu'est-ce qu'on avançait, comme la psychologie traditionnelle le fait ".

[12]          L'appelant a déposé qu'il avait donné quelques conférences à un nombre limité de personnes qu'il avait lui-même invitées. Ces quelques conférences portaient sur des concepts nouveaux en psychologie. Il n'a pas publié d'articles en psychologie durant la période dont il est question dans ces motifs.

[13]          L'appelant a aussi fait de la thérapie auprès de quelques personnes sans être rémunéré dans la grande majorité des cas.

Analyse

[14]          À la lumière de cette preuve, il me faut déterminer si l'appelant a droit à la déduction des dépenses dont il s'agit ici dans les trois années en cause. Pour répondre à cette question, il m'incombe de décider si l'appelant exploitait une entreprise. Pour qu'il y ait entreprise, il faut au minimum qu'un contribuable ait une expectative raisonnable de profit en exerçant une activité déterminée. Cette approche a été particulièrement bien décrite dans la décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Moldowan v. The Queen, 77 DTC 5213.

[15]          Les fais les plus importants pour procéder à cette détermination sont les suivants :

L'appelant a consacré toutes ses énergies à la rédaction de livres sur la psychologie depuis près de dix ans, ayant commencé à faire ce métier d'écrivain en mai 1992 sur une base à temps plein. Comme je l'ai déjà mentionné, il s'était livré pendant trois ans auparavant à ce métier sur une base à temps partiel.

[16]          Ce n'est qu'en octobre 2000 qu'il a fait imprimer un livre qui est la synthèse de neuf manuscrits. Il avait pourtant lui-même mis sur pied une maison d'édition en 1993.

[17]          L'appelant n'a tiré depuis 1992 aucun revenu de cette activité d'écrivain dans le domaine de la psychologie. Il n'a conclu durant toute cette période de près de dix ans aucun contrat avec une maison d'édition en vue notamment de la promotion et de la mise en vente de ses écrits.

[18]          Comme l'appelant l'a indiqué nettement dans son témoignage, il avait la passion d'écrire dans le secteur de la psychologie. Il s'est laissé entraîner par cette passion, selon ses dires. D'après l'appelant, il a développé des concepts révolutionnaires par rapport à la psychologie traditionnelle.

[19]          J'accepte sans réserve le témoignage de l'appelant sur la motivation qui l'a amené à exercer cette profession. Je suis persuadé par son témoignage que dans les années en cause, l'appelant n'était pas motivé par des considérations de profit, par un but commercial mais bien plutôt par le désir de mettre au point des concepts nouveaux dans le domaine de la psychologie. Il n'hésitait pas pour ce faire à engager les dépenses relativement considérables pour atteindre ce but.

[20]          L'appelant n'a pas fait preuve du genre d'activités et d'efforts qui pouvaient mener à un profit, comme l'a décidé le juge McArthur de cette Cour dans l'affaire Jacquot c. Canada, [1999] A.C.I. no 838. La situation de l'appelant ressemble plutôt à celle dont il est question dans l'affaire Lobban c. Canada, [1992] A.C.I. no 564, une décision de mon collègue le juge Margeson. L'appelant m'a semblé un dilettante en ce qui a trait à ses travaux en psychologie.

[21]          De l'ensemble de la preuve, je conclus que l'appelant accomplissait principalement pour sa propre satisfaction personnelle ses activités d'écrivain auxquelles il s'est livré aussi bien durant les trois années en cause que durant les années qui les ont précédées et suivies. L'appelant à qui incombait le fardeau de la preuve, n'a pas démontré que dans la poursuite de ses activités, il avait un espoir raisonnable de profit.

[22]          Pour ces motifs, les appels des trois cotisations en cause sont rejetés et les cotisations sont confirmées.

Signé à Ottawa, Canada, ce 21e jour de décembre 2001.

" Alban Garon "

J.C.C.C.I.

No DU DOSSIER DE LA COUR :        1999-4820(IT)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :                 Armand Desroches et Sa

                                                                Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :                      Québec (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                    25 septembre 2001

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :         L'hon. Alban Garon

                                                                Juge en chef

DATE DU JUGEMENT :                      5 octobre 2001

COMPARUTIONS :

Pour l'appelant :                    L'appelant lui-même

Pour l'intimée :                       Me Alain Gareau

AVOCAT(E) INSCRIT(E) AU DOSSIER :

Pour l'appelant(e) :

                                Nom :                      

                                Étude :                    

Pour l'intimé(e) :                    Morris Rosenberg

                                                Sous-procureur général du Canada

                                                Ottawa, Canada

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