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Date: 20011213

Dossiers: 2000-953-IT-I, 2000-954-IT-I

ENTRE :

STATION DENA INC.,

DENIS NADEAU,

appelants,

ET

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifsdu jugement

Le juge Gerald J. Rip, C.C.I.

[1]            Les appelants Denis Nadeau et Station Dena Inc. (la " Corporation "), de laquelle M. Nadeau est actionnaire, contestent des cotisations d'impôt sur le revenu à l'égard des années d'imposition 1996 et 1997. Le ministre du Revenu national (le " Ministre ") a ajouté au revenu de la Corporation, conformément au paragraphe 9(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la " Loi "), à titre de revenus non déclarés, le montant de 17 405 $ pour l'année 1996 et le montant de 36 514 $ pour 1997.[1] Le Ministre a ajouté les mêmes montants aux revenus de M. Nadeau pour les années d'imposition 1996 et 1997, conformément au paragraphe 15(1) de la Loi.

[2]            Les appels ont été entendus sur preuve commune.

[3]            M. Nadeau était l'unique actionnaire de la Corporation durant les années d'imposition 1996 et 1997. Au cours de ces années, la Corporation exploitait à Rawdon (Québec) une pizzeria qui faisait partie d'un réseau de franchises connu sous le nom de " Pizza Barba's Limitée " (" Pizza Barba's ").

[4]            Pizza Barba's recevait tous les appels téléphoniques et transmettait les commandes au franchisé le plus près pour la livraison. La Corporation a payé des frais mensuels à Pizza Barba's pour avoir accès au système de commandes téléphoniques à numéro unique. Aucune autre redevance n'a été payée par la Corporation et par les autres franchisés au franchiseur. Par contre, les franchisés sont obligés de faire leurs achats d'alimentation auprès d'une société soeur du franchiseur, Distribution Hellena's Inc. (" Hellena's"). Le franchiseur vérifie les ventes des franchisés à partir d'un ordinateur central afin de s'assurer que leurs achats sont faits auprès de Hellena's.

[5]            L'ordinateur central de Pizza Barba's produit un rapport détaillé des ventes journalières faites par téléphone et envoie à chaque franchisé le résultat de ses ventes de la journée.

[6]            Le restaurant de la Corporation n'a pas de salle à manger. Le restaurant effectue trois types de ventes : ventes au comptoir sans passer par l'intermédiaire du système téléphonique central (" walk-in "), ventes au comptoir faites par téléphone (" pick up ") et livraisons.

[7]            Le Ministre a établi les cotisations en se basant sur des écarts découverts entre les ventes déclarées par la Corporation et les ventes enregistrées par l'ordinateur central de Pizza Barba's. En ajoutant à ces écarts un montant présumé de ventes au comptoir non déclarées, le Ministre est ainsi arrivé aux montants totaux de ventes présumées non déclarées par la Corporation. Ce sont ces montants des ventes présumées non déclarées que le Ministre a ajoutés dans le revenu des deux appelants, à la Corporation en vertu de l'article 3 et du paragraphe 9(1) de la Loi, et à M. Nadeau en vertu de l'article 3 et du paragraphe 15(1) de la Loi.

[8]            Les appelants constatent que la Corporation compilait toujours ses ventes quotidiennes véritables et qu'elle les rapportait par la suite mensuellement au comptable dans des enveloppes contenant les résultats des opérations quotidiennes.

[9]            M. Nadeau a témoigné que toutes ventes faites par téléphone, que ce soit une livraison ou une vente au comptoir, sont enregistrées dans l'ordinateur central de Pizza Barba's. À la fin de chaque journée, il additionnait les montants des factures produites par l'ordinateur central pour arriver ainsi au total des ventes faites par téléphone.

[10]          Selon M. Nadeau, les factures pour les commandes faites directement au comptoir sont produites par un deuxième ordinateur de la Corporation qui n'est pas branché au réseau de l'ordinateur central du franchiseur. Ce deuxième ordinateur enregistre toutes les ventes walk-in et M. Nadeau additionne quotidiennement les montants des factures produites par cet ordinateur pour arriver ainsi au total des ventes walk-in de chaque journée. Par la suite, l'appelant transfère ce montant total des ventes walk-inà l'ordinateur central pour que le franchiseur soit au courant de toutes les ventes de la Corporation.

[11]          M. Nadeau soutient qu'il additionne le total des factures produites par le deuxième ordinateur avec le total des factures produites par l'ordinateur central du franchiseur, pour ainsi arriver au total des ventes de la journée. Il insiste sur le fait qu'il inscrivait le total des ventes de la journée dans des enveloppes quotidiennes qui contenaient aussi les dépenses de la journée. Par la suite, les enveloppes étaient remises une fois par mois au comptable.

[12]          La seule explication que M. Nadeau peut avancer pour justifier les écarts entre les ventes déclarées par la Corporation durant la période en appel et les ventes enregistrées dans l'ordinateur central, est que ces écarts sont possiblement dus à des erreurs commises lors du transfert des montants des ventes walk-in à l'ordinateur central. Il soutient que le total de toutes les ventes walk-ind'une journée est quotidiennement transféré à l'ordinateur central du franchiseur. Il soutient de plus qu'il est possible qu'il ait fait des erreurs lors du transfert de ce total. D'après M. Nadeau, lors de ce transfert, une fois qu'il avait inscrit un montant et qu'il avait pesé sur la touche Enter, il était trop tard pour faire un changement. Il croit qu'il n'était pas possible de voir si une erreur avait été commise ou de la corriger si c'était le cas. En effet, lors d'un seul transfert dans l'ordinateur central, l'appelant aurait pu commettre une erreur de plus de 10 000 $. Par exemple, si les ventes walk-in totales d'une journée s'élevaient à 115,50 $ et que M. Nadeau oubliait le signe décimal lorsqu'il transférait ce montant dans l'ordinateur central, cet ordinateur aurait enregistré un montant de 11 550,00 $. C'est sa seule explication pour les erreurs.

[13]          M. Nadeau a produit en preuve son bilan personnel en date du 24 juillet 2001 qui a été préparé par les " Multi-Services Pierre Lambert Inc. " d'après les renseignements qu'il a fournis. Le rapport financier annuel de la Corporation pour la période se terminant le 31 décembre 2000 est joint au bilan. Selon le bilan personnel, l'avoir net de M. Nadeau était de 7 319 $ le 24 juillet 2001. Au dire de l'avocat de M. Nadeau, le montant que le Ministre allègue que son client s'est approprié correspond à sept fois son avoir net.

[14]          En établissant les cotisations qui sont en appel, le Ministre a tenu pour acquis, entre autres, le fait que durant les années en litige, la Corporation n'a pas enregistré de ventes au comptoir à l'ordinateur central de Pizza Barba's. Le Ministre allègue que l'appelant contrôlait son système d'enregistrement des ventes.

[15]          M. Gabriel Lavoie, vérificateur à l'Agence des douanes et du revenu du Canada, a témoigné pour l'intimée. M. Lavoie était le vérificateur au dossier des appelants. Le Ministre dit que durant les années en litige, les ventes furent enregistrées au Grand Livre par " Les Multi-Services Pierre Lambert Inc. " à partir d'enveloppes journalières remplies manuellement par M. Nadeau. Et, malheureusement, ni la Corporation ni M. Nadeau n'ont conservé les rapports journaliers des ventes produits par l'ordinateur central de Pizza Barba's ou les rubans de caisse enregistrant les ventes.

[16]          En plus, le Ministre affirme que le montant des ventes enregistrées par l'ordinateur central de Pizza Barba's est fiable. Hellena's utilise le même ordinateur central pour faire sa facturation et enregistrer ses ventes. Le montant qui apparaissait sur les factures d'achats de la Corporation correspond aux rapports mensuels des ventes de Hellena's produits par l'ordinateur central.

[17]          Quand M. Lavoie a vérifié la comptabilité des appelants, il a comparé les ventes enregistrées au Grand Livre de la Corporation avec les ventes poinçonnées à l'ordinateur central et reportées sur le sommaire annuel des ventes de Pizza Barba's. Quant au Ministre, cette conciliation des registres comptables a démontré qu'il existait un écart qui a résulté dans les cotisations en litige. Dans son calcul des ventes au comptoir, M. Lavoie a estimé qu'il y avait une moyenne de six clients par jour qui achètent le menu le moins coûteux, soit calculé à 6,50 $ pour chacun des 363 jours d'activité par année.

[18]          Les deux avocats sont d'accord : la crédibilité de M. Nadeau déterminera l'appel. Je suis d'accord avec eux.

[19]          Selon le témoignage de M. Lavoie, c'est seulement au procès que M. Nadeau a expliqué qu'il consignait les ventes walk-in dans l'ordinateur central, malgré une vérification approfondie. L'avocate de l'intimée a donc soutenu que si M. Nadeau entrait tous les montants dans l'ordinateur central, il faisait le travail en double parce qu'il rapportait les mêmes montants dans la caisse enregistreuse et dans son propre ordinateur.

[20]          L'avocate de l'intimée a également fait valoir que la Corporation était le seul franchisé à déclarer moins de ventes dans sa déclaration de revenus que ce qui figurait sur les feuilles de renseignements fournies par Pizza Barba's. Il semble, d'après l'avocate, que toutes les autres franchises rapportaient des ventes plus importantes que celles enregistrées par Pizza Barba's. L'avocate soutient que cet état de fait porte atteinte à la crédibilité de M. Nadeau. Toutefois, comme l'a souligné l'avocat de l'appelant, il n'y a pas eu de preuve portée à ma connaissance des montants que les autres franchisés rapportaient comme ventes. Je ne peux pas tenir compte d'allégations de la Couronne non corroborées, je ne peux tenir compte que d'une preuve réelle. Il est déconseillé, sinon condamné, de faire des allégations comme celles de l'avocate de l'intimée.

[21]          Dans le cadre de la préparation des présents motifs, j'ai éprouvé certaines réserves au sujet de la crédibilité de l'appelant, en particulier en raison de son témoignage selon lequel une fois qu'un montant était inscrit dans l'ordinateur central, ce montant, même entré par erreur, ne pouvait pas être corrigé. Je crois pouvoir prendre connaissance d'office du fait qu'il existe toujours quelqu'un qui peut entrer les corrections, si ce n'est pas M. Nadeau, alors peut-être un employé ou un représentant de Pizza Barba's ayant accès à l'ordinateur. Il est, à la réflexion, très possible que M. Nadeau ne disposait pas du pouvoir ou de la compétence requise pour effectuer cette tâche. Je suis d'avis que M. Nadeau n'a pas décrit de façon invraisemblable la manière dont il consigne les ventes walk-in et les ventes au comptoir.

[22]          Selon les renseignements qui sont consignés et qui figurent dans l'ordinateur central, les ventes brutes de la Corporation pour 1996 était de 189 197 $ et pour 1997, de 186 061 $[2]. Les ventes originales de tous les franchisés ont chuté de 1996 à 1997, suivant celles inscrites à l'ordinateur central de la Corporation. En 1996, les ventes de tous les franchisés étaient de 946 572 $ et en 1997, de 791 424 $, une baisse d'environ 16,5 p. cent. Après soustraction des ventes brutes de la Corporation des ventes brutes de tous les franchisés, les ventes brutes des cinq autres franchisés étaient de 757 364 $ en 1996 et de 605 363 $ en 1997, une baisse des ventes brutes de près de 20 p. cent. Les ventes brutes de la Corporation selon l'ordinateur central ont baissé d'environ 1,5 p. cent[3].

[23]          La Corporation a fait état de ventes de 185 950 $ en 1996 et de 163 703 $ en 1997, une baisse de près de 12 p. cent, une baisse qui correspond davantage à celle des autres franchisés de Pizza Barba's. Il n'est pas prouvé en l'espèce que des ventes similaires des autres franchisés étaient plus importantes que celles enregistrées dans l'ordinateur central.

[24]          Pour admettre les montants de revenus que l'intimée prétend que la Corporation n'a pas déclarés dans son revenu pour 1996 et 1997, je devrais me fonder sur une preuve inexistante. Il se peut fort bien que lors de la vérification de la comptabilité des appelants, les fonctionnaires du Ministre ont eu connaissance d'éléments de preuve qui appuieraient les cotisations, or ces éléments preuve ne m'ont pas été présentés. Je ne suis pas du tout convaincu que le revenu déclaré par la Corporation est correct - des erreurs ont été commises. Toutefois, compte tenu des faits qui ont été portés à ma connaissance, il est probable que les chiffres de la Corporation sont plus proches de la réalité que ce que le Ministre soupçonne.

[25]          Par conséquent, vu les circonstances, les appels sont admis avec frais.

Signé à Ottawa, Canada, ce 13e jour de décembre 2001.

"Gerald J. Rip"

J.C.C.I.

No DU DOSSIER DE LA COUR :        2000-953(IT)I et 2000-954(IT)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :                 Station Dena Inc. et Denis Nadeau

                                                                c. La Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :                      Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                    le 25 juillet 2001

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :         l'honorable juge Gerald J. Rip

DATE DU JUGEMENT :                      le 13 décembre 2001

COMPARUTIONS :

Pour les appelants :              Me André A. Lévesque

Pour l'intimé(e) :                    Me Annick Provencher

AVOCAT(E) INSCRIT(E) AU DOSSIER :

Pour l'appelant(e) :

                                Nom :                      

                                Étude :                    

Pour l'intimé(e) :                    Morris Rosenberg

                                                Sous-procureur général du Canada

                                                Ottawa, Canada

2000-953(IT)I

ENTRE :

STATION DENA INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appels entendus sur preuve commune avec l'appel de Denis Nadeau 2000-954(IT)I

le 25 juillet 2001 à Montréal (Québec), par

l'honorable juge Gerald J. Rip

Comparutions

Avocat de l'appelante :                        Me André A. Lévesque

Avocate de l'intimée :                          Me Annick Provencher

JUGEMENT

          Les appels des cotisations établies en vertu de la Loi sur l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1996 et 1997 sont admis avec frais et les cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations en tenant compte du fait que le revenu de Station Dena en 1996 et en 1997 était respectivement de 185 950 $ et de 163 703 $.

Signé à Ottawa, Canada, ce 13e jour de décembre 2001.

"Gerald J. Rip"

J.C.C.I.


ENTRE :

2000-954(IT)I

DENIS NADEAU,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appels entendus sur preuve commune avec les appels de Station Dena Inc. 2000-953(IT)I le 25 juillet 2001 à Montréal (Québec), par

l'honorable juge Gerald J. Rip

Comparutions

Avocat de l'appelant :                          Me André A. Lévesque

Avocate de l'intimée :                          Me Annick Provencher

JUGEMENT

          Les appels des cotisations établies en vertu de la Loi sur l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1996 et 1997 sont admis avec frais et les cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations en tenant compte du fait que Station Dena Inc. n'a pas conféré d'avantage à M. Nadeau au cours des années en litige.

Signé à Ottawa, Canada, ce 13e jour de décembre 2001.

"Gerald J. Rip"

J.C.C.I.




[1] Les montants se déterminent comme suit :

                                                                                                1996                                        1997

                Ventes selon l'ordinateur de Pizza Barba's                                      189 198 $                                 186 060 $

                Ventes au comptoir estimatives                                                          14 157 $                                   14 157 $

                Ventes totales                                                                                      203 355 $                                 200 217 $

                moins :

                Ventes déclarées                                                                                 185 950 $                                 163 703 $

                Ventes non déclarées                                                                           17 405 $                                   36 514 $

[2]               Pièce I-1.

[3]               Le Ministre augmenterait les ventes de 14 157 $ par année en litige (ventes au comptoir estimatives) pour un total de 203 355 $ en 1996 et, de 200 217 $ en 1997.

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