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Date: 20011204

Dossier: 2001-564-IT-I

ENTRE :

BERMOND LAVOIE,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifsdu jugement

La juge Lamarre, C.C.I.

[1]            Il s'agit d'un appel selon la procédure informelle d'une cotisation établie par le ministre du Revenu national (" Ministre ") en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu (" Loi ") pour l'année d'imposition 1999 de l'appelant.

[2]            Par cette cotisation, le Ministre a refusé d'accorder à l'appelant un crédit équivalent pour personne entièrement à charge au montant de 972,06 $ que celui-ci avait réclamé aux termes de l'alinéa 118(1)b) de la Loi.

[3]            L'intimée s'appuie sur les paragraphes 56.1(4) et 118(5) de la Loi pour refuser ce crédit à l'appelant. Ces dispositions législatives se lisent comme suit :

456.1(4)3

                (4) Définitions. Les définitions qui suivent s'appliquent au présent article et à l'article 56.

"pension alimentaire" -- "pension alimentaire" Montant payable ou à recevoir à titre d'allocation périodique pour subvenir aux besoins du bénéficiaire, d'enfants de celui-ci ou à la fois du bénéficiaire et de ces enfants, si le bénéficiaire peut utiliser le montant à sa discrétion et, selon le cas:

          a) le bénéficiaire est l'époux ou le conjoint de fait ou l'ex-époux ou l'ancien conjoint de fait du payeur et vit séparé de celui-ci pour cause d'échec de leur mariage ou union de fait et le montant est à recevoir aux termes de l'ordonnance d'un tribunal compétent ou d'un accord écrit;

          b) le payeur est le père naturel ou la mère naturelle d'un enfant du bénéficiaire et le montant est à recevoir aux termes de l'ordonnance d'un tribunal compétent rendue en conformité avec les lois d'une province.

4118(1)b)3

b) Crédit équivalent pour personne entièrement à charge - la somme de 7 131 $ et du résultat du calcul suivant:

6 055 $ - (D - 606 $)

où:

D       représente 606 $ ou, s'il est plus élevé, le revenu d'une personne à charge pour l'année,

si le particulier ne demande pas de déduction pour l'année par l'effet de l'alinéa a) et si, à un moment de l'année;

(i) d'une part, il n'est pas marié ou ne vit pas en union de fait ou, dans le cas contraire, ne vit pas avec son époux ou conjoint de fait ni ne subvient aux besoins de celui-ci, pas plus que son époux ou conjoint de fait ne subvient à ses besoins,

(ii) d'autre part, il tient, seul ou avec une ou plusieurs autres personnes, et habite un établissement domestique autonome où il subvient réellement aux besoins d'une personne qui, à ce moment, remplit les conditions suivantes :

(A) elle réside au Canada, sauf s'il s'agit d'un enfant du particulier,

(B) elle est entièrement à la charge soit du particulier, soit du particulier et d'une ou plusieurs de ces autres personnes,

(C) elle est liée au particulier,

(D) sauf s'il s'agit du père, de la mère, du grand-père ou de la grand-mère du particulier, elle est soit âgée de moins de 18 ans, soit à charge en raison d'une infirmité mentale ou physique;

4118(5)3

                (5) Pension alimentaire. Aucun montant n'est déductible en application du paragraphe (1) relativement à une personne dans le calcul de l'impôt payable par un particulier en vertu de la présente partie pour une année d'imposition si le particulier, d'une part, est tenu de payer une pension alimentaire au sens du paragraphe 56.1(4) à son époux ou conjoint de fait ou ex-époux ou ancien conjoint de fait pour la personne et, d'autre part, selon le cas:

                       a) vit séparé de son époux ou conjoint de fait ou ex-époux ou ancien conjoint de fait tout au long de l'année pour cause d'échec de leur mariage ou union de fait;

                       b) demande une déduction pour l'année par l'effet de l'article 60 au titre de la pension alimentaire versée à son époux ou conjoint de fait ou ex-époux ou ancien conjoint de fait.

[4]            Les faits ne sont pas contestés. Un jugement de divorce a été prononcé entre l'appelant et son ancienne conjointe, Diane Boyer, par la Cour supérieure du Québec (chambre de la famille), le 21 novembre 1996.

[5]            Par ce jugement de divorce, la garde légale des deux enfants Maïa, née le 1er octobre 1982 et Jonathan né le 1er juillet 1987, était octroyée à Diane Boyer. Celle-ci renonçait par la même occasion à toute pension alimentaire pour elle-même et l'appelant était également exempt de payer une pension alimentaire pour ses enfants puisqu'il était au moment du divorce prestataire de la sécurité du revenu.

[6]            Le 29 avril 1998, la Cour supérieure du Québec entérinait un consentement écrit entre Diane Boyer et l'appelant par lequel celui-ci s'engageait à payer à son ancienne conjointe une pension alimentaire de 5 660 $ par année pour ses deux enfants mineurs, lesquels étaient toujours sous la garde légale de leur mère.

[7]            Au cours du mois de juin 1998, Maïa est venue habiter avec son père. Par la suite, ce dernier a rencontré son avocat au cours du mois d'août 1998, afin qu'il fasse les démarches nécessaires pour mettre un terme à la pension alimentaire qu'il payait à l'égard de sa fille Maïa. Suite à ces démarches, un consentement à jugement entre l'appelant et Diane Boyer fut entériné par la Cour supérieure du Québec (chambre de la famille), le 4 mars 1999, concernant la requête en modification des mesures accessoires présentée au nom de l'appelant. Ainsi à compter de cette date, la pension alimentaire au montant de 5 660 $ par année payable par l'appelant à Diane Boyer pour les deux enfants a été annulée et l'appelant s'engageait à compter de cette même date à payer à son ancienne conjointe à titre de pension alimentaire pour l'enfant mineur Jonathan seulement, la somme de 2 829,84 $ par année.

[8]            L'intimée refuse d'accorder à l'appelant un crédit équivalent pour personne entièrement à charge à l'égard de sa fille Maïa pour l'année 1999, au motif qu'au cours de cette année d'imposition, il était tenu de payer une pension alimentaire au sens du paragraphe 56.1(4) à son ancienne conjointe (Diane Boyer) pour sa fille Maïa (soit du 1er janvier au 4 mars 1999, date du jugement modifiant les mesures accessoires) et qu'il vivait séparé d'elle tout au long de l'année 1999 pour cause d'échec de leur mariage, et ce, aux termes du paragraphe 118(5) de la Loi.

[9]            L'appelant soutient, par l'intermédiaire de son représentant, qu'il n'était plus tenu, à compter du 4 mars 1999, de payer une pension alimentaire à son ancienne conjointe pour le bénéfice de sa fille Maïa. En l'espèce, il ne voit pas pourquoi il serait forclos de réclamer le crédit équivalent pour personne entièrement à charge en vertu du paragraphe 118(5), puisque cette disposition, selon lui, n'empêche pas un individu de réclamer un tel crédit s'il est tenu de payer une pension alimentaire pour une partie de l'année seulement.

[10]          Cette question a déjà été traitée par la juge Lamarre Proulx de cette Cour dans l'affaire Sherrer v. The Queen, [1998] T.C.J. No. 62. Il y fut décidé, en s'appuyant sur un principe établi par la Cour d'appel fédérale dans The Queen v. Marshall et al., 96 DTC 6292, que le paragraphe 118(5) de la Loi ne prévoyait pas la possibilité de prendre le crédit au cours d'une année selon une proportion établie en fonction des mois où une pension alimentaire était payable à l'ancien conjoint pour le bénéfice de l'enfant à charge. Le paragraphe 118(5) stipule qu'aucun montant n'est déductible en application du paragraphe 118(1) relativement à une personne dans le calcul de l'impôt payable " pour une année d'imposition " si le particulier, d'une part, est tenu de payer une pension alimentaire à son ancien conjoint pour cette même personne [...]. Si tel est le cas, le particulier ne rencontre pas la première condition pour avoir le droit au crédit. Ainsi, si un contribuable doit payer une pension alimentaire à son ancien conjoint pour le bénéfice des enfants au cours d'une année d'imposition, ce dernier perd le droit au crédit équivalent pour personne entièrement à charge pour les enfants, même si la pension alimentaire n'était payable que pour une partie de l'année.

[11]          C'est le cas ici. L'appelant, ayant été tenu de payer une pension alimentaire pour sa fille Maïa au cours des deux premiers mois de l'année 1999, ne peut, en vertu de la première condition prévue au paragraphe 118(5), avoir droit au crédit pour le reste de l'année 1999.

[12]          Par ailleurs, le paragraphe 118(5) exige une deuxième condition pour nier le droit au crédit. Si le particulier vivait séparé de son ancien conjoint tout au long de l'année pour cause d'échec de leur mariage, ou s'il avait demandé une déduction pour cette même année par l'effet de l'article 60 de la Loi au titre de la pension alimentaire versée à son ancienne conjointe, alors le particulier perd le droit aux crédits prévus au paragraphe 118(1) de la Loi (incluant le crédit équivalent pour personne entièrement à charge prévu à l'alinéa 118(1)b)).

[13]          Il est clair ici que l'appelant n'avait droit à aucune déduction par l'effet de l'article 60 au titre de la pension alimentaire pour le bénéfice de ses enfants, par suite des modifications apportées à la Loi après le mois d'avril 1997.

[14]          Il est aussi clair toutefois que tout au long de l'année 1999, l'appelant vivait séparé de son ancienne conjointe pour cause d'échec de leur mariage.

[15]          Il ressort du texte de la Loi, de même que des notes explicatives accompagnant l'introduction du paragraphe 118(5) cité plus haut, de même que d'une certaine jurisprudence (voir Spirig c. La Reine, [2001] A.C.J. No 270), qu'à compter de 1997 et pour toutes les années subséquentes, un particulier qui, au cours d'une année, est tenu de payer une pension alimentaire à son ancien conjoint pour le soutien des enfants, aux termes d'une entente écrite ou d'une ordonnance d'un tribunal compétent, ne peut plus réclamer un crédit eu égard aux enfants aux termes du paragraphe 118(1) pour cette même année. La logique derrière ceci est de permettre au parent qui a la garde légale de l'enfant et qui reçoit le soutien alimentaire de réclamer lui-même ce crédit. Donc, même si le parent qui paie la pension alimentaire pour le bénéfice de ses enfants ne peut plus déduire ce montant de ses revenus aux termes de l'article 60 depuis le mois de mai 1997, il ne peut plus non plus réclamer un crédit prévu au paragraphe 118(1)

à l'égard de ses enfants s'il vit séparé de son ancienne conjointe tout au cours de l'année pour cause d'échec de leur mariage.[1]

[16]          Ceci ressort clairement de l'article 5 de l'Avis de motion des voies et moyens visant à modifier la Loi de l'impôt sur le revenu, le R.P.C. et la L.A.-C., accompagnant le budget fédéral du 6 mars 1996, portant sur le crédit équivalent pour personnes entièrement à charge et du commentaire éditorial de CCH à ce sujet qui se lisent comme suit dans le Rapport spécial publié par les Publications CCH/FM Ltée, page 85 au paragraphe 25 :

[ ¶ 25] Article 5: Crédit équivalent pour personnes entièrement à charge

                Pour les années d'imposition 1997 et suivantes, le particulier tenu, aux termes d'un accord écrit ou de l'ordonnance d'un tribunal, de faire des paiements au cours de l'année pour subvenir aux besoins d'un enfant n'aura pas droit de demander, relativement à l'enfant, les crédits d'impôt prévus à l'article 118 de la Loi.

LIR: 118

                Commentaire éditorial de CCH/FM: L'article 118 permet à un particulier de réclamer des crédits d'impôt à l'égard de personnes à charge (cette expression est définie au paragraphe 118(6) afin d'inclure les enfants et petits-enfants).

                Le paragraphe 118(5) prévoit qu'un contribuable qui paie une pension alimentaire pour subvenir aux besoins de son enfant ou de son conjoint et qui déduit ce montant dans le calcul de son revenu, conformément aux alinéas 60b) et c), ne peut réclamer les crédits d'impôt disponibles en vertu de l'article 118. Cette disposition a pour effet d'empêcher la même personne de réclamer, à la fois une déduction pour le paiement de la pension alimentaire et un crédit d'impôt pour personnes à charge à l'égard des personnes bénéficiaires de cette pension.

                Pour les années d'imposition 1997 et suivantes, ces règles demeurent inchangées malgré les modifications apportées au traitement fiscal des pensions alimentaires (la pension alimentaire payée pour les enfants n'est plus déductible dans le calcul du revenu du payeur). Par conséquent, la personne éligible pour réclamer un crédit d'impôt conformément à l'article 118 demeure le contribuable qui est bénéficiaire de la pension alimentaire.

[17]          En conséquence, je me dois de conclure que le paragraphe 118(5) trouve application ici et l'appelant ne peut avoir droit au crédit équivalent pour personne entièrement à charge pour l'année 1999.

[18]          L'appel est donc rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 4ième jour de décembre 2001.

" Lucie Lamarre "

J.C.C.I.

No DU DOSSIER DE LA COUR :        2001-564(IT)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :                 Bermond Lavoie c. La Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :                      Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                    le 28 novembre 2001

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :         l'honorable juge Lucie Lamarre

DATE DU JUGEMENT :                      le 4 décembre 2001

COMPARUTIONS :

Pour l'appelant(e) :               Jean-Guy Mathieu

Pour l'intimé(e) :                    Philippe Dupuis (stagiaire en droit)

AVOCAT(E) INSCRIT(E) AU DOSSIER :

Pour l'appelant(e) :

                                Nom :                      

                                Étude :                    

Pour l'intimé(e) :                    Morris Rosenberg

                                                Sous-procureur général du Canada

                                                Ottawa, Canada

2001-564(IT)I

ENTRE :

BERMOND LAVOIE,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu le 28 novembre 2001 à Montréal (Québec) par

l'honorable juge Lucie Lamarre

Comparutions

Représentant de l'appelant :        Jean-Guy Mathieu

Avocat de l'intimée :                  Philippe Dupuis (stagiaire en droit)

JUGEMENT

          L'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1999 est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 4ième jour de décembre 2001.

" Lucie Lamarre "

J.C.C.I.




[1]               Le représentant de l'appelant a fait part à la Cour que l'ancienne conjointe de l'appelant était décédée au cours de l'année 2001. Pour répondre à une question du représentant de l'appelant, je serais d'avis que la deuxième condition requise par le paragraphe 118(5) ne serait plus rencontrée en 2001 (à savoir, l'appelant ne vivait plus séparé de son ancienne conjointe pour cause d'échec de leur mariage tout au long de l'année 2001) et que l'appelant pourrait réclamer le crédit équivalent pour personne entièrement à charge au cours de l'année 2001 pour son fils Jonathan (âgé de moins de 18 ans) s'il rencontre par ailleurs les autres conditions requises par l'alinéa 118(1)b) de la Loi.

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