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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

1999-2299(GST)G

ENTRE :

RALPH WALBACK,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu le 12 septembre 2001 à Toronto (Ontario), par

l'honorable juge Terrence O'Connor

Comparutions

Avocat de l'appelant :                 Me Alfred Schorr

Avocat de l'intimée :                   Me Arnold H. Bornstein

JUGEMENT

          L'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi sur la taxe d'accise, dont l'avis est daté du 28 novembre 1996 et porte le numéro 06571, est accueilli, avec dépens, et la cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation conformément aux motifs du jugement ci-joints.

          Signé à Ottawa, Canada, ce 18e jour d'octobre 2001.

« T. O'Connor »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 16e jour d'avril 2003.

Mario Lagacé, réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Date: 20011018

Dossier: 1999-2299(GST)G

ENTRE :

RALPH WALBACK,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge O'Connor, C.C.I.

[1]      L'appel en l'instance a été entendu à Toronto (Ontario), le 12 septembre 2001.

[2]      L'appelant interjette appel à l'encontre d'une cotisation établie en vertu du paragraphe 323(1) de la Loi sur la taxe d'accise (la « Loi » ) relativement à l'omission d'Ashton-Potter Limited ( « APL » ) de verser une taxe nette en vertu de la partie IX de la Loi. Le paragraphe 323(1) se lit comme suit :

Les administrateurs de la personne morale au moment où elle était tenue de verser une taxe nette comme l'exigent les paragraphes 228(2) ou (2.3), sont, en cas de défaut par la personne morale, solidairement tenus, avec cette dernière, de payer cette taxe ainsi que les intérêts et pénalités y afférents.

[3]      L'appelant soutient qu'il n'était pas un administrateur d'APL au moment où celle-ci a omis d'effectuer le versement en question et il invoque en outre la défense de diligence raisonnable prévue au paragraphe 323(3) de la Loi. Ce paragraphe se lit comme suit :

L'administrateur n'encourt pas de responsabilité s'il a agi avec autant de soin, de diligence et de compétence pour prévenir le manquement visé au paragraphe (1) que ne l'aurait fait une personne raisonnablement prudente dans les mêmes circonstances.

[4]      Les avocats des parties ont présenté un exposé conjoint de faits partiels, qui se lit comme suit :

[TRADUCTION]

1999-2299(GST)G

COUR CANADIENNE DE L'IMPÔT

ENTRE :

RALPH WALBACK,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

EXPOSÉ CONJOINT DE FAITS PARTIELS

Par l'intermédiaire de leurs avocats, les parties conviennent que, aux seules fins du présent appel, les faits suivants peuvent être acceptés par la Cour comme éléments de preuve présentés au procès sans autre justification :

Administrateurs

1.          Le 21 février 1992 ou vers cette date, l'appelant est devenu un administrateur et vice-président directeur d'Ashton-Potter Limited ( « APL » ).

2.          Durant toute la période pertinente, APL a eu entre trois et quatre administrateurs, à savoir [...] Hugh W. Ashton, Hugh E. Ashton, Alex Smith et Ralph Walback.

Cotisation en cause

4.          L'appelant interjette appel à l'encontre d'une cotisation de 259 666,97 $. L'avis de cotisation porte le numéro 06571 et est daté du 28 novembre 1996.

5.          La cotisation du ministre du Revenu national concerne une taxe nette présumée - plus pénalités et intérêts y afférents - non versée par APL et calculée pour une période allant jusqu'au 21 novembre 1996 ou à peu près, à savoir :

Période se terminant le

Taxe nette

Intérêts

Pénalités

Paiements reçus

Total

30 juin 1992

66 834,51 $

1 649,30 $

1 678,83 $

61 843,84 $

8 318,80 $

31 juillet 1992

45 114,47 $

517,78 $

540,71 $

43 581,71 $

2 591,25 $

31 août 1992

41 180,97 $

1 378,97 $

1 353,90 $

0,00 $

43 913,84 $

30 septembre 1992

59 372,51 $

1 714,60 $

1 612,62 $

0,00 $

62 699,73 $

31 octobre 1992

89 489,12 $

2 237,63 $

2 000,50 $

0,00 $

93 727,25 $

31 décembre 1992

44 044,85 $

2,58 $

2,13 $

43 862,29 $

187,27 $

28 février 1993

22 572,09 $

53,68 $

44,61 $

0,00 $

22 670,38 $

31 mars 1993

15 093,57 $

0,00 $

0,00 $

0,00 $

15 093,57 $

12 avril 1993

10 464,88 $

0 $

0 $

0 $

10 464,88 $

Total

259 666,97 $

Paiements et productions de déclarations par APL

6.          Aux fins de la TPS, APL avait, durant toute la période pertinente, une période de déclaration qui était le mois d'exercice.

7.          La première période de déclaration d'APL, après l'entrée en vigueur de la TPS, s'est terminée le 31 janvier 1991.

8.          L'annexe « A » du présent document donne une image fidèle des productions de déclarations et des paiements de TPS par APL, selon les registres de l'Agence des douanes et du revenu du Canada.

Perception

9.          Dès juin 1991, le dossier relatif à l'arriéré de TPS d'APL a été confié à Lou Coretti, agent de perception du ministère du Revenu national.

10.        Dès juin 1991, M. Coretti a communiqué avec des représentants d'APL.

11.        Jamais le ministère du Revenu national ou le ministre du Revenu national n'a demandé ou reçu la permission de l'appelant pour faire en sorte que des paiements reçus au titre de la TPS pendant que l'appelant était un administrateur d'APL soient portés en diminution de soldes dus avant que l'appelant devienne un administrateur d'APL.

Faillite d'APL

12.        Le 8 avril 1993, Price Waterhouse Limitée a été nommée séquestre-gérant d'APL par la Banque Hongkong du Canada.

13.        Le 28 avril 1993, une ordonnance de séquestre a été rendue à l'encontre d'APL et de Westport Press Limited en vertu des dispositions de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité. Price Waterhouse Limitée a été nommée syndic relativement aux biens des deux sociétés.

14.        La date de faillite d'APL est toutefois le 13 avril 1993.

15.        Le séquestre-gérant et le syndic n'ont jamais après leur nomination acquitté les obligations d'APL en matière de TPS qui s'étaient accumulées jusqu'aux dates de leur nomination.

Preuves de réclamation

16.        Après la faillite d'APL, le ministère du Revenu national a déposé quatre preuves de réclamation auprès du syndic de la faillite d'APL :

a)          le 11 mai 1993, une preuve de réclamation de 209 179 $;

b)          le 24 août 1993, une preuve de réclamation de 262 421,27 $;

c)          le 17 février 1994, une preuve de réclamation de 250 174,90 $;

d)          le 14 avril 1994, une preuve de réclamation de 259 666,97 $.

Application de crédits d'après-faillite

17.        Le syndic de la faillite d'APL a produit des déclarations de TPS pour APL pour des périodes de déclaration allant de la période du 13 au 30 avril 1993 à la période se terminant le 28 février 1994. Des crédits ont été générés par la production de déclarations à partir de la période de déclaration se terminant le 31 octobre 1993. Le ministère a d'abord appliqué ces crédits à des obligations non acquittées pour des périodes antérieures à la faillite. Ces crédits ont toutefois fini par être remboursés au syndic. Le remboursement a été effectué à la demande du syndic.

18.        L'annexe « B » jointe au présent document, avec notes complémentaires, fait état de l'application de ces crédits.

FAIT le 12e jour de septembre 2001 à Toronto (Ontario).

                                                [signature]

                                                Alfred Schoor

                                                Avocat de l'appelant

FAIT le ___ jour de septembre 2001 à Toronto (Ontario).

                                                _____________________

                                                Morris A. Rosenberg

                                                Sous-procureur général du Canada

                                                Avocat de l'intimée inscrit au dossier

                                    Par :      [signature]

                                                Arnold H. Bornstein

                                                Ministère de la Justice

                                      Avocat de l'intimée


ANNEXE « A »

PRODUCTIONS DE DÉCLARATIONS DE TPS - ASHTON POTTER LIMITED - No DE TPS 100290386

PÉRIODE

ÉCHÉANCE

DATE DE PRODUCTION

TAXE NETTE

P et I

SOLDE POUR LA PÉRIODE

SOLDE DU COMPTE

>

31 janv. 91

28 févr. 91

11 juin 91

-11 202,40

0,00

-11 202,40

-11 202,40

>

28 févr. 91

2 avril 91

11 juin 91

33 829,89

1 304,31

35 134,70

23 932,30

>

31 mars 91

30 avril 91

11 juin 91

32 714,77

775,66

33 490,43

57 422,73

>

30 avril 91

31 mai 91

31 mars 92

70 244,31

9 738,47

79 982,78

137 405,51

PAIEMENT

17 juin 91

-25 000,00

112 405,51

PAIEMENT

21 juin 91

-25 000,00

87 405,51

PAIEMENT

28 juin 91

-25 000,00

62 405,51

*

31 mai 91

2 juillet 91

11 juin 91

57 893,21

3 844,24

61 737,45

124 142,96

PAIEMENT

9 juillet 91

-25 000,00

99 142,96

>

30 juin 91

31 juillet 91

4 févr. 92

56 993,49

5 389,29

62 382,78

161 525,74

>

31 juillet 91

3 sept. 91

4 févr. 92

18 592,68

2 304,14

20 896,82

182 422,56

>

31 août 91

30 sept. 91

4 févr. 92

35 643,36

2 624,59

38 267,95

220 690,51

>

30 sept. 91

31 oct. 91

4 févr. 92

71 528,96

9 084,70

80 613,66

301 304,17

PAIEMENT

18 nov. 91

-25 202,42

276 101,75

*

31 oct. 91

2 déc. 91

25 nov. 91

32 850,20

0,00

32 850,20

308 951,95

<

30 nov. 91

31 déc. 91

6 janv. 92

17 364,70

0,00

17 364,70

326 316,65

PAIEMENT

15 janv. 92

-25 829,89

300 486,76

PAIEMENT

27 janv. 92

-26 714,77

273 771,99

<

31 déc. 91

31 janv. 92

4 févr. 92

76 702,74

7 412,85

84 115,59

357 887,58

PAIEMENT

4 févr. 92

-25 529,86

332 357,72

PAIEMENT

7 févr. 92

-23 780,88

308 576,84

PAIEMENT

21 févr. 92

-25 000,00

283 576,84

PAIEMENT

28 févr. 92

-25 000,00

258 576,84

<

31 janv. 92

2 mars 92

6 mars 92

53 707,88

32,21

53 740,09

312 316,93

PAIEMENT

6 mars 92

-25 000,00

287 316,93

PAIEMENT

13 mars 92

-25 586,17

261 730,76

PAIEMENT

20 mars 92

-25 000,00

236 730,76

PAIEMENT

27 mars 92

-25 000,00

211 730,76

<

29 févr. 92

31 mars 92

3 avril 92

20 153,84

0,00

20 153,64

231 884,40

<

31 mars 92

30 avril 92

14 mai 92

115,51

8,77

124,28

232 008,68

<

30 avril 92

1er juin 92

15 juin 92

42 523,81

2 769,20

45 293,01

277 301,69

PAIEMENT

24 juin 92

-50 000,00

227 301,69

>

31 mai 92

30 juin 92

31 août 92

30 544,52

1 810,49

32 355,01

259 656,70

PAIEMENT

27 juillet 92

-50 000,00

209 656,70

<

30 juin 92

31 juillet 92

5 août 92

66 834,51

3 328,13

70 162,64

279 819,34

PAIEMENT

11 août 92

-4 000,00

275 819,34

<

31 juillet 92

31 août 92

4 sept. 92

45 114,47

1 058,49

46 172,96

321 992,30

PAIEMENT

10 sept. 92

-25 000,00

296 992,30

PAIEMENT

23 sept. 92

-96 856,38

200 135,92

<

31 août 92

30 sept. 92

5 oct. 92

41 180,97

2 732,87

43 913,84

244 049,76

PAIEMENT

28 oct. 92

-25 110,46

218 939,30

*

30 sept. 92

2 nov. 92

30 oct. 92

59 372,51

3 327,22

62 699,73

281 639,03

<

31 oct. 92

30 nov. 92

3 déc. 92

89 489,12

4 238,13

93 727,25

375 366,28

PAIEMENT

30 nov. 92

-42 408,30

332 957,98

PAIEMENT

17 déc. 92

-42 138,00

290 819,98

PAIEMENT

22 déc. 92

-60 165,32

230 654,66

<

30 nov. 92

31 déc. 92

4 janv. 93

76 740,22

111,92

76 852,14

307 506,80

PAIEMENT

4 janv. 93

-89 938,69

217 568,11

PAIEMENT

8 janv. 93

-30 775,74

186 792,37

PAIEMENT

22 janv. 93

-45 114,17

141 678,20

*

31 déc. 92

1 er févr. 93

29 janv. 93

44 044,85

4,71

44 049,56

185 727,76

*

31 janv. 93

1 er mars 93

24 févr. 93

25 710,38

0,00

25 710,38

211 438,14

*

28 févr. 93

31 mars 93

29 mars 93

22 572,09

98,29

22 670,38

234 108,52

<

31 mars 93

30 avril 93

26 mai 93

15 093,57

0,00

15 093,57

249 202,09

FINAL

12 avril 93

2 juillet 93

10 464,88

0,00

10 464,88

259 666,97

*

PRODUIT À TEMPS

6

<

PRODUIT MOINS D'UN MOIS EN RETARD

12

>

PRODUIT PLUS D'UN MOIS EN RETARD

9

TOTAL

27


ANNEXE « B »

Dates de preuve de réclamation

11 mai 1993

($)

24 août 1993

($)

Notes

17 février 1994

($)

14 avril 1994

($)

Notes

Dates de fin de période de déclaration

30 juin 1992

7 307,74

4 990,67

3

31 juillet 1992

25 710,68

25 710,68

359,70

1 532,76

4

31 août 1992

41 180,97

14 685,98

41 180,97

41 180,97

5

30 septembre

1992

59 372,51

59 372,51

59 372,51

59 372,51

31 octobre

1992

45 444,27

89 489,12

2

89 489,12

89 489,12

31 décembre

1992

182,56

182,56

182,56

182,56

28 février 1993

22 572,09

22 572,09

22 572,09

22 572,09

31 mars 1993

15 093,57

1

15 093,57

15 093,57

12 avril 1993

10 464,88

1

10 464,88

10 464,88

Pénalités et

intérêts

14 715,92

17 542,14

11 459,50

14 787,84

Totaux

209 179,00

262 421,27

250 174,90

259 666,97

Notes

Note 1

Les déclarations de TPS pour les périodes de déclaration se terminant le 31 mars 1993 et le 12 avril 1993 ont été produites le 20 mai 1993 et le 2 juillet 1993, respectivement, après le dépôt de la preuve initiale de réclamation.

Note 2

Un chèque de 44 044,85 $, dont une partie a été appliquée à cette période, a été retourné pour insuffisance de provision le 26 mai 1993, après le dépôt de la preuve initiale de réclamation.

Note 3

La preuve initiale de réclamation ne faisait pas état d'une obligation pour cette période de déclaration. Un chèque de 76 740,22 $ en date du 16 avril 1993 avait été remis en acquittement partiel de cette obligation. Il a été retourné pour insuffisance de provision le 12 mai 1993, après le dépôt de la preuve initiale de réclamation.

            Le montant de 10 844,51 $ avait été appliqué à cette période (à savoir un crédit généré dans la période d'après-faillite). Le solde impayé pour cette période était donc devenu nul. Toutefois, ce crédit a ultérieurement été appliqué à la période suivant la faillite. De plus, un paiement partiel de 2 317,07 $ sur un chèque de 50 000 $ en date du 27 juillet 1992 a été appliqué à cette période.

Note 4

Un crédit de 28 653,61 $ avait été appliqué à cette période, à savoir un crédit généré dans la période suivant la faillite. Il a ultérieurement été appliqué à la période suivant la faillite. De plus, un paiement partiel de 24 177,92 $ sur un chèque de 50 000 $ en date du 27 juillet 1992 a été appliqué à cette période.

Note 5

Un paiement partiel de 26 494,99 $ sur le chèque de 50 000 $ en date du 27 juillet 1992 avait été appliqué à cette période, réduisant ainsi la taxe nette due. Lorsque des crédits générés dans la période suivant la faillite ont été appliqués à la période suivant la faillite, le paiement partiel de 26 494,99 $ a été appliqué aux périodes se terminant le 30 juin 1992 et le 30 juillet 1992. Sur les 26 494,99 $, un montant de 2 317,07 $ a été attribué à la première de ces deux périodes et un montant de 24 177,92 $ a été attribué à la dernière de ces deux périodes.

            Il est également à noter qu'un crédit de 17 031,16 $ avait été appliqué à cette période le 2 juillet 1993, à savoir un crédit généré dans la période d'après-faillite. Puis, le 23 août 1993, ce crédit a été appliqué à la période d'après-faillite. Les transferts de ce crédit n'ont pas eu d'incidence sur les preuves de réclamation.


[5]      Autres faits :

a)        L'appelant avait 12 années d'études.

b)       L'appelant a travaillé pour diverses sociétés dans le domaine de l'imprimerie pendant plusieurs années. Le 23 juillet 1980, la Westport Press Limited ( « Westport » ) a été constituée. À la fin des années 1980, l'appelant possédait 49 p. 100 des actions de cette société par l'intermédiaire de sa société de portefeuille, Walback Holdings Limited. George Tuffin ( « M. Tuffin » ) possédait les 51 p. 100 restants (par l'intermédiaire d'une société de portefeuille), mais cette considération n'est pas pertinente dans le présent appel. Qu'il suffise de dire que l'appelant a voulu acquérir la part de 51 p. 100 de M. Tuffin, que l'affaire ne s'est toutefois pas conclue et que M. Tuffin a fini par disposer de sa part de 51 p. 100 en faveur d'une autre partie.

[6]      Par une convention en date du 21 février 1992 (la « convention d'échange d'actions » ), Walback Holdings Limited (le vendeur) a cédé lesdits 49 p. 100 d'actions de Westport à APL (l'acheteur) en échange de 80 actions ordinaires d'APL. Les conseillers professionnels de l'appelant à l'égard de cette opération ont été son comptable de longue date, Robert K. Wigle et Fraser Beatty, un gros cabinet d'avocats bien connu. L'alinéa 4.1q) de la convention d'échange d'actions se lit comme suit :

[TRADUCTION]

4.1        Par la présente convention, Ashton et l'acheteur garantissent solidairement au vendeur et à Walback que :

[...]

q)          Déclarations fiscales et autres déclarations à présenter au gouvernement

APL a dûment produit en temps opportun toutes les déclarations fiscales devant être produites par elle (ce qui comprend toutes les déductions fiscales dont APL pouvait se prévaloir relativement à de telles déclarations fiscales) et toutes les déclarations de renseignements dont la non-production ou la production tardive aurait pu donner lieu à des intérêts ou à des pénalités. Actuellement, il n'y a pas de mesures, vérifications, cotisations, nouvelles cotisations, poursuites, procédures, investigations ou réclamations en cours à l'égard d'APL ou dont APL soit menacée concernant des charges fiscales ou autres charges gouvernementales ou relativement à des questions en discussion avec une autorité gouvernementale concernant des charges fiscales ou autres charges gouvernementales imposées par une telle autorité.

[7]      En annexe à la convention d'échange d'actions figuraient les états financiers d'APL, qui n'indiquaient aucune obligation en matière de TPS non acquittée.

[8]      APL était une entreprise d'imprimerie bien établie, qui existait depuis 1930.

[9]      Pendant que l'appelant a été un administrateur d'APL, c'est-à-dire du 21 février 1992 jusqu'au 13 avril 1993, date de la faillite d'APL, tous les versements de TPS courants ont été effectués par APL. Toutefois, à l'insu de l'appelant, le ministre a appliqué certains de ces paiements à un arriéré de TPS accumulé avant la date à laquelle l'appelant est devenu un administrateur d'APL. L'intimée soutient que, comme le ministre avait le droit de faire cela, ces versements courants ne sont pas considérés en droit comme ayant été effectués, d'où la responsabilité de l'appelant en tant qu'administrateur. Sur ce point, l'intimée dit dans ses observations écrites :

[TRADUCTION]

35.        L'appelant soutient qu'APL n'a pas omis de verser une taxe nette et de payer des pénalités et des intérêts pendant qu'il en était un administrateur. Il dit que, pendant qu'il était un administrateur d'APL, celle-ci a payé tout ce qu'elle était obligée de payer comme taxe nette, pénalités et intérêts. En droit, toutefois, il n'y a aucun doute qu'APL a omis de verser une taxe nette pendant que l'appelant en était un administrateur.

36.        Comme l'indique l'annexe « A » de l'exposé conjoint de faits partiels, il est clair qu'APL a fait des paiements au receveur général pendant que l'appelant en était un administrateur. Le ministère du Revenu national n'a pas appliqué de tels paiements seulement à des obligations d'APL au titre de la taxe nette relative à cette période. Il a également appliqué de tels paiements à des obligations d'APL au titre d'un arriéré de taxe nette, de pénalités et d'intérêts.

37.        La taxe nette, les pénalités et les intérêts dus par APL étaient des créances de Sa Majesté. Le paragraphe 313(1) de la Loi se lit comme suit :

Les taxes, taxes nettes, intérêts, pénalités, coûts et autres montants payables en vertu de la présente partie [la partie IX de la Loi] sont des créances de Sa Majesté du chef du Canada et sont recouvrables à ce titre devant la Cour fédérale ou devant tout autre tribunal compétent ou de toute autre manière prévue par la présente partie. [Les caractères gras sont de moi.]

38.        Le créancier (Sa Majesté) peut appliquer comme bon lui semble des paiements effectués par le débiteur (APL). La Cour suprême du Canada a souscrit au passage suivant qu'elle a cité d'une décision de la Chambre des lords :

[TRADUCTION]

[...] Quand un débiteur effectue un paiement à son créancier il peut imputer la somme comme il l'entend et le créancier doit faire l'imputation en conséquence. Si le débiteur n'indique aucune imputation au moment où il effectue le paiement, le droit à l'imputation échoit au créancier. [...]

Waisman c. Crown Trust Co., [1970] R.C.S. 553, à la page 560.

Voir aussi C.R.B. Dunlop, Creditor-Debtor Law in Canada, 2e éd.

(Scarborough, Carswell, 1995), aux pages 23-24 et 25.

39.        Le principe énoncé dans le passage cité a notamment été appliqué par le juge Christie de la Cour canadienne de l'impôt.

Voir par exemple l'affaire Andrew Paving & Engineering Ltd. c. M.R.N.,

C.C.I., no 81-602, 8 février 1984 (1984 CarswellNat 303), au paragraphe 5.

40.        L'appelant n'a présenté aucune preuve que, après février 1992, les paiements indiqués à l'annexe « A » de l'exposé conjoint de faits partiels ont été affectés par APL à une période de déclaration particulière ou à une dette particulière. En l'absence d'une telle affectation de la part d'APL, Sa Majesté (par l'intermédiaire du ministère du Revenu national) pouvait appliquer des paiements d'APL à un arriéré de taxe nette, à des pénalités et à des intérêts, et c'est ce qu'elle a fait.

41.        APL n'a donc pas effectué de paiements suffisants pour couvrir cet arriéré et ses obligations pour les périodes de déclaration qui se sont terminées pendant que l'appelant en était un administrateur. Ainsi, pendant que l'appelant était un administrateur d'APL, cette dernière a bel et bien omis de payer une taxe nette, des pénalités et des intérêts.

[10]     L'intimée a en outre soutenu que l'appelant ne peut se prévaloir de l'exception relative à la diligence raisonnable, car il aurait dû savoir qu'il y avait un arriéré de TPS et d'autres dettes. L'appelant était au courant de dettes envers des fournisseurs, mais il a dit qu'il n'était pas au courant d'un arriéré de TPS. Il a témoigné que, bien qu'il ait été un administrateur de nom, il n'avait jamais été invité à prendre part à des assemblées des administrateurs et n'avait jamais été mis au courant que le ministre appliquait des versements courants de TPS à un arriéré. Il a ajouté qu'on l'avait empêché d'examiner un certain secteur de production d'APL, ce qui l'aurait alerté quant à l'existence d'un stock excédentaire. Il soutenait en outre qu'il avait pris toutes les précautions en se faisant aider professionnellement dans l'opération consistant à acheter les actions d'APL et à en devenir un administrateur et qu'il s'était également fondé sur la garantie citée précédemment. Il a également dit que ce n'était qu'après la faillite qu'il avait appris qu'il y avait de la TPS impayée. Il a ajouté que, sous sa direction, Westport n'avait jamais omis de se conformer aux exigences gouvernementales en matière d'imposition ou autre et était une entreprise plutôt prospère.

[11]     En septembre 1998, l'appelant a engagé des poursuites contre les autres administrateurs et contre un dirigeant d'APL, réclamant des dommages-intérêts pour fausse déclaration relative à la convention d'échange d'actions signée le 21 février 1992. Dans ces poursuites (section 18 de la pièce R-1), il était dit ce qui suit au sujet du fait que l'appelant était exclu des activités d'APL :


[TRADUCTION]

22.        À la suite de la conclusion des opérations correspondant aux conventions résumées aux paragraphes 11 et 15 du présent document et malgré les dispositions desdites conventions, on a empêché le demandeur, pourtant nommé et élu administrateur, de prendre part aux assemblées des administrateurs ou de recevoir l'information que les administrateurs étaient par ailleurs en droit de recevoir. De plus, malgré les dispositions des conventions selon lesquelles le demandeur devait être chargé de la gestion quotidienne de la société, c'étaient les défendeurs Silverman et Hugh E. Ashton qui assuraient la gestion des affaires quotidiennes de la société, dont le demandeur était exclu. En outre, pour cacher au demandeur l'inexistence des millions de dollars de produits en cours de production dont les défendeurs lui avaient dit qu'ils existaient et qui étaient indiqués dans l'état financier vérifié qu'avait établi et signé le défendeur Tom Silverman, on excluait le demandeur d'un secteur des locaux commerciaux de la société appelé la zone de finition de sécurité, où les défendeurs alléguaient que la plupart des produits en cours de production se trouvaient. La zone de finition de sécurité était un secteur où une partie importante de l'activité d'Ashton-Potter Limited était exercée, à savoir l'impression, la perforation et l'emballage de timbres pour Postes Canada. C'étaient les défendeurs Hugh E. Ashton et Silverman qui s'arrangeaient pour que le demandeur se voit refuser le droit de participer aux assemblées des administrateurs et soit exclu de la zone de sécurité, ce à quoi acquiesçaient les défendeurs Alex Smith et Hugh W. Ashton.

Analyse

[12]     Je reconnais la crédibilité de l'appelant sans aucune hésitation.

[13]     L'appelant, qui était de bonne foi, a nettement été induit en erreur par les garanties données dans la convention d'échange d'actions, et ce n'est qu'après la faillite d'APL qu'il est devenu au courant d'un arriéré de TPS. Tel a été son témoignage, qui n'a pas été contredit. Il ressort de l'annexe « A » de l'exposé de faits que l'arriéré au 31 janvier 1992, qui était de 357 887 $, a été ramené à 259 667 $ pendant que l'appelant était un administrateur d'APL. La difficulté tient au fait que le ministre a porté certains paiements courants en diminution de l'arriéré existant avant le 21 février 1992. L'appelant a manifestement été trompé par les autres administrateurs, surtout par Hugh E. Ashton et Hugh W. Ashton, ainsi que par d'autres dirigeants d'APL.

[14]     À mon avis, l'appelant agissait de bonne foi en se fondant sur les garanties données et en se fiant aux professionnels auxquels il avait fait appel à l'époque de la convention d'échange d'actions et avant. J'accepte en outre son témoignage voulant qu'il n'ait jamais été au courant d'un arriéré de TPS et que personne ne l'en ait avisé. On faisait en sorte qu'il reste dans le noir. De plus, à mon avis, à cause des faits bien particuliers de cette affaire et quoiqu'il ait été un employé à temps plein d'APL, il n'avait pas connaissance de l'information dont disposaient les autres administrateurs. Je considère donc qu'il était un administrateur externe au sens de la jurisprudence.

[15]     Dans l'affaire Ashton c. La Reine, C.C.I., no 1999-2401(GST)G, 12 mai 2000 ([2000] G.S.T.C 31), le juge Bonner a dit :

[20]       Dans l'affaire Soper c. Canada, [1998] 1 C.F. 124 ([1997] 3 C.T.C. 242), la Cour d'appel fédérale a tenté de résumer la jurisprudence portant sur cette question. Le juge Robertson, à la page 155 (C.T.C. : à la page 262), a examiné la norme de prudence selon le paragraphe 227.1(3) de la Loi de l'impôt sur le revenu. Il a déclaré ceci :

Au lieu de traiter les administrateurs comme un groupe homogène de professionnels dont la conduite est régie par une seule norme immuable, cette disposition comporte un élément subjectif qui tient compte des connaissances personnelles et de l'expérience de l'administrateur, ainsi que du contexte de la société visée, notamment son organisation, ses ressources, ses usages et sa conduite. Ainsi, on attend plus des personnes qui possèdent des compétences supérieures à la moyenne (p. ex. les gens d'affaires chevronnés).

La norme de prudence énoncée au paragraphe 227.1(3) de la Loi n'est donc pas purement objective. Elle n'est pas purement subjective non plus. Il ne suffit pas qu'un administrateur affirme qu'il a fait de son mieux, car il invoque ainsi la norme purement subjective. Il est également évident que l'intégrité ne suffit pas. Toutefois, la norme n'est pas une norme professionnelle. Ces situations ne sont pas régies non plus par la norme du droit de la négligence. La Loi contient plutôt des éléments objectifs, qui sont représentés par la notion de la personne raisonnable, et des éléments subjectifs, qui sont inhérents à des considérations individuelles comme la « compétence » et l'idée de « circonstances comparables » . Par conséquent, la norme peut à bon droit être qualifiée de norme « objective subjective » .

[21]       À la page 156 (C.T.C. : à la page 263), le juge Robertson a souligné la distinction entre la position des administrateurs internes et celle des administrateurs externes :

[...] je ne donne pas à entendre que la responsabilité est simplement fonction du fait qu'une personne est considérée comme un administrateur interne par opposition à un administrateur externe. Cette qualification constitue plutôt simplement le point de départ de mon analyse. Mais cependant, il est difficile de nier que les administrateurs internes, c'est-à-dire ceux qui s'occupent de la gestion quotidienne de la société et qui peuvent influencer la conduite de ses affaires, sont ceux qui auront le plus de mal à invoquer la défense de diligence raisonnable. Pour ces personnes, ce sera une opération ardue de soutenir avec conviction que, malgré leur participation quotidienne à la gestion de l'entreprise, elles n'avaient aucun sens des affaires, au point que ce facteur devrait l'emporter sur la présomption qu'elles étaient au courant des exigences de versement et d'un problème à cet égard, ou auraient dû l'être. Bref, les administrateurs internes auront un obstacle important à vaincre quand ils soutiendront que l'élément subjectif de la norme de prudence devrait primer l'aspect objectif de la norme.

[16]     Sur la foi de l'ensemble de la preuve, je suis d'avis que l'appelant ne peut tout d'abord être tenu pour responsable en tant qu'administrateur, car les paiements de TPS requis pendant qu'il était un administrateur ont été effectués. Même si, dans le cadre d'une relation entre un créancier et un débiteur (APL), le ministre avait le droit d'appliquer ces paiements à un arriéré existant avant que l'appelant devienne un administrateur, je ne crois pas que cette opération donne le droit au ministre de présenter une réclamation contre l'appelant en tant qu'administrateur. Le débiteur était APL. La responsabilité de l'appelant n'est qu'une responsabilité du fait d'autrui, et il ne convient pas de l'étendre aux faits de l'espèce. Cela serait faire fi du libellé du paragraphe 323(1), qui dit que les administrateurs de la personne morale « au moment où elle était tenue de verser une taxe nette » ont une responsabilité en cas de défaut par la personne morale.

[17]     J'ajouterais que, le fait que le ministre a affecté les paiements d'une manière erratique, c'est-à-dire qu'il en a appliqué certains à des dettes courantes et d'autres à un arriéré, joue en faveur de l'appelant. De plus, la façon dont le ministre a jonglé avec les montants n'est pas conforme à la théorie de l'avocat de l'intimée quant à la manière dont un paiement peut être affecté à une dette. Il est à noter que, dans la procédure de faillite, le ministre a déposé quatre preuves distinctes de réclamation indiquant chacune un montant différent au titre de la taxe nette. En outre, lorsque des paiements ont été effectués pendant que l'appelant était un administrateur d'APL, les déclarations de TPS produites à la date des paiements ou à peu près devaient indiquer les périodes de vente et les crédits correspondant aux paiements de TPS, ce qui représentait une indication de la part du débiteur, APL, quant à la façon dont les paiements devaient être affectés. La preuve sur ce point n'était pas concluante, mais, vu tous les facteurs en cause, il convient d'accorder le bénéfice du doute à l'appelant.

[18]     Quoi qu'il en soit, étant donné l'ensemble de la preuve, je conclus que l'appelant a agi avec le soin, la diligence et la compétence prévus à l'article 323 et qu'il peut donc se prévaloir de la défense de diligence raisonnable. Ainsi, il n'est pas responsable en tant qu'administrateur.

[19]     En conclusion, les appels sont accueillis, avec dépens.

Signé à Ottawa, Canada, ce 18e jour d'octobre 2001.

« T. O'Connor »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 16e jour d'avril 2003.

Mario Lagacé, réviseur


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