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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

2000-2527(IT)I

ENTRE :

BARBARA HENNESSY,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu le 3 octobre 2001 à Kelowna (Colombie-Britannique),

par l'honorable juge D. W. Beaubier

Comparutions

Avocat de l'appelante :               Me K. R. Fiddes

Avocate de l'intimée :                 Me Johanna Russell

JUGEMENT

          L'appel interjeté à l'encontre de la nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1997 est admis et la nouvelle cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation selon les motifs du jugement ci-joints.

          Des dépens de 1 150 $ sont adjugés à l'appelante.

Signé à Ottawa, Canada, ce 12e jour d'octobre 2001.

« D. W. Beaubier »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 26e jour de mars 2003.

Mario Lagacé, réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Date: 20011012

Dossier: 2000-2527(IT)I

ENTRE :

BARBARA HENNESSY,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Beaubier, C.C.I.

[1]      L'appel en l'espèce, interjeté sous le régime de la procédure informelle, a été entendu à Kelowna (Colombie-Britannique), le 9 janvier et le 3 octobre 2001. L'appelante et son ex-époux, Steven Hennessy, ont tous deux témoigné. Steven Hennessy n'était pas un témoin crédible; ses réponses étaient intéressées et confinaient à l'argutie; il perdait et retrouvait la mémoire selon l'avantage qu'il pouvait en retirer. L'adresse fournie par l'appelante aux fins de la signification est celle de son avocat.

[2]      La question en litige en l'espèce est énoncée aux paragraphes 4 à 8 inclusivement de la réponse à l'avis d'appel, qui sont libellés comme suit :

                   [TRADUCTION]

4.          Au moyen d'un avis daté du 14 décembre 1999, le ministre a établi une nouvelle cotisation à l'égard de l'appelante pour l'année d'imposition 1997 afin d'inclure dans son revenu un montant supplémentaire de 40 500 $ au titre de l'allocation d'entretien.

5.          En réponse à l'avis d'opposition, le ministre a établi une nouvelle cotisation pour l'année d'imposition 1997, au moyen d'un avis daté du 24 janvier 2000, afin de réduire de 3 408 $ le montant inclus à titre d'allocation d'entretien.

6.          En établissant la nouvelle cotisation, le ministre s'est appuyé sur les hypothèses de fait suivantes :

a)          l'appelante et Robert Steven Hennessy ( « l'ex-époux » ) sont les parents de James Earl Hennessy ( « l'enfant » ) né le 11 juin 1989;

b)          en vertu d'une ordonnance de la Cour suprême de la Colombie-Britannique ( « l'ordonnance » ) datée du 29 mai 1995, l'ex-époux était tenu de verser à l'appelante une pension alimentaire de 800 $ le 1er juin et le 1er juillet 1995 et de 1 500 $ le premier jour de chaque mois suivant à compter du 1er août 1995, jusqu'au 1er décembre 1997 inclusivement, date du dernier paiement;

c)          l'ex-époux était aussi tenu de payer, aux termes de l'ordonnance, une pension alimentaire pour enfants de 500 $ le 1er juin et le 1er juillet 1995 et de 1 000 $ le premier jour de chaque mois à compter du 1er août 1995, tant et aussi longtemps que l'enfant demeurait un enfant issu du mariage;

d)          au moyen d'une ordonnance de la Cour suprême de la Colombie-Britannique datée du 26 mai 1997 (la « deuxième ordonnance » ), la pension alimentaire pour enfants a été ramenée à 426 $ par mois à compter du 1er mai 1997;

e)          la deuxième ordonnance n'a pas modifié le montant impayé au titre de la pension alimentaire pour enfants;

f)           la deuxième ordonnance n'a ni modifié ni annulé la pension alimentaire payable à l'appelante;

g)          en date du 5 novembre 1997, l'ex-époux devait un montant de 50 318,19 $ ( « l'arriéré » ) au titre des pensions alimentaires;

h)          le 14 novembre 1997, l'ex-époux a versé un montant forfaitaire de 40 000 $ au titre de l'arriéré;

i)           l'appelante a reçu de son ex-époux, au titre des pensions alimentaires, un montant de 5 634 $ en excédent du montant forfaitaire de 40 000 $;

j)           une partie du montant de 5 634 $ mentionné à l'alinéa 6i) des présentes, soit un montant de 3 408 $, a été reçu par l'appelante en application de la deuxième ordonnance, dont la date d'exécution était le 1er mai 1997;

k)          le montant de 3 804 $ versé à l'appelante par l'ex-époux après la date d'exécution de la deuxième ordonnance a été déduit du montant des allocations d'entretien que l'appelante doit inclure dans le calcul de son revenu pour l'année d'imposition 1997 au moyen d'un avis de nouvelle cotisation daté du 24 janvier 2000.

B.         QUESTIONS EN LITIGE

7.          La question à trancher est celle de savoir si le montant forfaitaire de 40 000 $ versé au titre de l'arriéré a été inclus à juste titre dans le calcul du revenu de l'appelante pour l'année d'imposition 1997.

C.        DISPOSITIONS LÉGISLATIVES INVOQUÉES

8.          Il invoque l'alinéa 56(1)b) de la Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, c. 1 (5e suppl.), modifiée (la « Loi » ).

[3]      L'hypothèse énoncée à l'alinéa 6h) est contestée. Elle est manifestement erronée parce que le montant de 40 000 $ a été versé le 14 novembre 1997 par M. Hennessy en acceptation des modalités énoncées dans une lettre datée du 12 novembre 1997 émanant de l'avocat de Mme Hennessy, Me Kenneth Fiddes, et qui est reproduite ci-après :

                   [TRADUCTION]

KENNETH R. FIDDES

B.Com., LL.B., avocat

Médiateur familial

No 2, 2908-31e AVENUE                                          TÉLÉPHONE : (250) 542-5391

VERNON (C.-B.)                                    TÉLÉCOPIEUR : (250) 542-4199

V1T 2G4

NOTRE DOSSIER :     4879

le 12 novembre 1997

M. Steven Hennessy

5959, avenue McMurray

BURNABY (C.-B.)

V5H 3E5

Monsieur,

Objet : Hennessy c. Hennessy

Dès paiement de la somme de 40 000 $ en fonds certifiés ou au moyen d'une traite bancaire payable au soussigné, Mme Hennessy vous libérera de toutes les obligations au titre de la pension alimentaire qui lui est payable, y compris les montants qui sont actuellement dus, ainsi qu'au titre de la pension alimentaire pour enfants impayée et de tous les frais de justice existants. Les fonds doivent parvenir à mon cabinet avant 16 h 30 le vendredi 14 novembre 1997.


Veuillez agréer, Monsieur, mes salutations distinguées.

« Signature »

KENNETH R. FIDDES

KRF/td

p. j.

[4]      Le montant de 40 000 $ a été versé à la date prévue sans que M. Hennessy fixe d'autres conditions. Ce paiement constituait l'acceptation des conditions énoncées dans la lettre de Me Fiddes et se trouvait donc à libérer l'ex-époux des obligations suivantes :

1.        Toutes les obligations passées et futures au titre de la pension alimentaire payable à l'appelante.

2.                  Toutes les obligations au titre de la pension alimentaire pour enfants impayée.

          3.        Tous les frais de justice existants.

[5]      Dans l'arrêt McKimmon c. M.R.N. (C.A.), [1990] 1 C.F. 600 (90 DTC 6088), la Cour d'appel fédérale (juge Hugessen) a fait observer ce qui suit :

La distinction entre les versements périodiques faits à titre d'allocation d'entretien, qui sont déductibles pour fins d'impôt sur le revenu, et les versements périodiques faits sous forme de paiement forfaitaire ou de capital, qui, eux, ne le sont pas, a fait l'objet de longues discussions et de nombreux arrêts de jurisprudence. Il y a une question similaire, reliée en fait à ce problème, qui se pose fréquemment en droit fiscal et qui consiste à déterminer si des sommes d'argent sont dépensées ou reçues à titre de revenu ou de capital. Ce genre de problème peut difficilement être résolu par des règles rigides. La Cour doit au contraire examiner toutes les circonstances entourant le paiement et déterminer, à la lumière de ces circonstances, la façon appropriée de qualifier ce paiement. Vu la corrélation qui existe entre les alinéas 60b) et 56(1)b), le fait de conclure qu'un paiement est déductible par un débiteur fera habituellement en sorte que le bénéficiaire sera imposable à l'égard dudit paiement. À l'inverse, conclure qu'un paiement n'est pas déductible fera en sorte que le bénéficiaire sera exempt d'impôt.

Voici certaines considérations dont on peut légitimement tenir compte, me semble-t-il, pour en arriver à une telle décision. Il ne s'agit évidemment pas d'une liste exhaustive.

1.                   L'intervalle auquel les paiements sont effectués. Les sommes qui sont versées une fois par semaine ou une fois par mois peuvent facilement être qualifiées d'allocations d'entretien. Lorsque les paiements sont effectués à des intervalles plus longs, la question devient moins claire. Même si ce n'est pas impossible, il me paraîtrait difficile de considérer comme des allocations d'entretien des paiements faits à des intervalles plus longs qu'une année.

2.         Le montant des paiements par rapport au revenu et au niveau de vie du débiteur et du bénéficiaire. Lorsqu'un paiement représente une partie très importante du revenu d'un contribuable ou même l'excède, il est difficile de considérer un tel paiement comme une allocation d'entretien. Par ailleurs, lorsqu'un paiement ne dépasse pas ce qui serait censé être nécessaire au maintien du niveau de vie du bénéficiaire, il sera plus probablement admissible à titre d'allocation.

3.         Les paiements portent-ils intérêt avant leur date d'échéance? On associe plus souvent l'obligation de payer des intérêts à une somme forfaitaire payable par versements qu'à une véritable allocation d'entretien.

4.          Les sommes en question peuvent-elles être payées par anticipation au gré du débiteur ou peuvent-elles être exigibles immédiatement à titre de pénalité au gré du bénéficiaire en cas de défaut de paiement? Les dispositions en matière de paiements anticipés et d'exigibilité immédiate sont d'habitude associées à l'obligation de payer des sommes à titre de capital et non à une allocation d'entretien.

5.         Les paiements permettent-ils au bénéficiaire d'accumuler un capital important? Ce ne sont manifestement pas tous les paiements à titre de capital qui sont exclus d'une allocation d'entretien : l'expérience indique qu'à titre d'exemples des primes d'assurance-vie et des paiements hypothécaires mensuels réunis, même s'ils permettent une accumulation de capital au cours des années, constituent des frais normaux de subsistance qui sont payés sur le revenu et peuvent faire partie d'une allocation d'entretien. D'autre part, une telle allocation ne devrait pas permettre l'accumulation, sur une brève période, d'un capital important.

6.         Les paiements sont-ils censés continuer pendant une période indéfinie ou être d'une durée fixe? Une allocation d'entretien fera habituellement en sorte que ces paiements seront effectués pendant une période indéfinie ou jusqu'à l'arrivée d'un événement (par exemple la majorité d'un enfant) qui modifiera de façon importante les besoins du bénéficiaire. Les sommes payables pendant une durée fixe peuvent au contraire être plus facilement considérées comme un capital.

7.         Les paiements convenus peuvent-ils être cédés et l'obligation de payer subsiste-t-elle pendant toute la vie du débiteur ou du bénéficiaire? Une allocation d'entretien est habituellement versée à la personne même du bénéficiaire; elle est par conséquent incessible et prend fin à son décès. Une somme forfaitaire ou un capital, au contraire, fera normalement partie de la succession du bénéficiaire, elle peut donc être cédée et subsistera après son décès.

8.         Les paiements sont-ils censés libérer le débiteur de toute obligation future de verser une pension alimentaire? Dans l'affirmative, il est plus facile de considérer les paiements comme l'échange ou l'achat du coût en capital d'une allocation d'entretien.

Considérant les faits en l'espèce à la lumière des critères susmentionnés, il ressort manifestement de la plupart des indicateurs que les paiements en question ont été faits dans le cadre d'un règlement global et que virtuellement aucun de ces indicateurs ne laisse croire le contraire.

(les notes de bas de page ont été omises)

[6]      C'est en tenant compte de ces considérations qu'il faut examiner le paiement de 40 000 $ effectué le 14 novembre 1997. Compte tenu des huit critères énoncés au paragraphe précédent, la Cour conclut ce qui suit :

1.        Le montant de 40 000 $ était un paiement forfaitaire visant à satisfaire en totalité aux trois éléments mentionnés au paragraphe [4] qui précède.

2.        Aucune preuve n'a été fournie au sujet des niveaux de vie de M. et Mme Hennessy. Cependant, les hypothèses précisent le montant de l'allocation d'entretien et de la pension alimentaire pour enfants qui ont été fixés par le juge qui a prononcé le divorce. Ce montant est fonction de la situation financière des parties et de leur niveau de vie. Eu égard à ces critères, la somme de 40 000 $ constitue un montant très élevé.

3.        Aucune mention n'est faite de l'intérêt, mais l'ex-époux ne dispose que de deux jours pour verser les 40 000 $ et satisfaire à la totalité des obligations.

4.        Le délai de deux jours et la clause relative à la satisfaction de la totalité des obligations indiquent que le montant en cause est un montant en capital. Ces deux éléments indiquent qu'il y a exigibilité immédiate.

5.        Les 40 000 $ représentent une somme considérable d'argent eu égard à la situation financière de M. et Mme Hennessy. La somme payable indique que c'est un capital.

6.        Les 40 000 $ ont fait l'objet d'un paiement forfaitaire et ont mis un terme aux obligations futures de M. Hennessy précisées dans la lettre.

7.                  Il n'y a aucune mention de cessibilité. Cependant, la lettre de Me Fiddes aurait lié la succession de Mme Hennessy si cette dernière était décédée avant 16 h 30 le vendredi 14 novembre 1997.

8.        Il est manifeste que le paiement a libéré M. Hennessy de toute obligation future au titre de la pension alimentaire payable à Mme Hennessy, de la pension alimentaire pour enfants impayée et des frais de justice.

[7]      Ces constatations de la Cour indiquent que le paiement de 40 000 $ était un règlement forfaitaire et qu'il n'avait pas valeur de pension alimentaire pour l'appelante. Le versement du montant de 40 000 $ au titre de la pension alimentaire destinée à l'appelante, de la pension alimentaire pour enfants impayée et des frais de justice ne résultait pas d'une ordonnance d'un tribunal. M. Hennessy a payé le montant en cause pour être libéré des obligations précisées dans la lettre datée du 12 novembre 1997 adressée par Me Fiddes, et il l'a obtenue. Le montant n'a pas été payé en conformité avec les ordonnances de la cour qui ont été rendues dans le cadre du litige qui opposait M. et Mme Hennessy. (Voir l'arrêt M.N.R. v. Armstrong, (C.S.C.) 56 DTC 1044)

[8]      L'appel est admis et l'affaire est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation.

[9]      Mme Hennessy a interjeté elle-même l'appel en l'instance à Kelowna (Colombie-Britannique), le 9 janvier 2001. L'audience a été reportée au 3 octobre 2001, à 9 h 30, et Mme Hennessy s'y est présentée avec son avocat. L'avocate de l'intimée a demandé un ajournement parce que son témoin, M. Hennessy, n'était pas présent. L'audience a donc commencé à 13 h 05 le 3 octobre 2001. Me Fiddes, qui exerce à Vernon (Colombie-Britannique), a été obligé de passer une demi-journée complète à Kelowna après l'ajournement de l'audience de 9 h 30 pour représenter sa cliente au procès qui a duré une demi-journée. Compte tenu des circonstances, les dépens sont adjugés à Mme Hennessy, ainsi qu'il est indiqué ci-après :

1.

Préparation de l'audience

200 $

2.

Deux demi-journées pour l'audience    

600 $

3.

Frais de déplacement et frais de photocopie, de couverture et de reliure des copies des recueils de jurisprudence de l'appelante fixés à :

350 $

Total des dépens adjugés

1 150 $

         

Signé à Ottawa, Canada, ce 12e jour d'octobre 2001.

« D. W. Beaubier »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 26e jour de mars 2003.

Mario Lagacé, réviseur

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