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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

2000-3121(IT)I

ENTRE :

R.J. SLOBODRIAN,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appels entendus le 26 juin 2001 à Québec (Québec) par

l'honorable juge Pierre Archambault

Comparutions

Pour l'appelant :                                   L'appelant lui-même

Avocate de l'intimée :                           Me Anne Poirier

JUGEMENT

          Les appels des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1996, 1997 et 1998 sont rejetés.


Signé à Ottawa, Canada, ce 8e jour d'août 2001.

« Pierre Archambault »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 14e jour d'avril 2003.

Mario Lagacé, réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Date: 20011018

Dossier: 2000-3121(IT)I

ENTRE :

RODOLFO JOSÉ SLOBODRIAN,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

MOTIFS DU JUGEMENT

(Rendus oralement à l'audience le

26 juin 2001 à Québec (Québec)

et modifiés à des fins de clarté)

Le juge Archambault, C.C.I.

[1]      M. Slobodrian interjette appel de cotisations d'impôt sur le revenu établies pour les années d'imposition 1996, 1997 et 1998 (les « années d'imposition pertinentes » ). Le ministre du Revenu national (le « ministre » ) a rejeté les crédits d'impôt pour dons de bienfaisance demandés relativement à de prétendus dons de 41 160 $ en 1996, de 41 160 $ en 1997 et de 47 040 $ en 1998. Si le ministre a rejeté ces crédits d'impôt, c'est essentiellement parce qu'aucun bien n'a été donné par M. Slobodrian au cours des années d'imposition pertinentes et que les dons ne sont pas attestés par des reçus contenant les renseignements prescrits, comme le prévoit le paragraphe 118.1(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ).

[2]      Au début de l'audience, M. Slobodrian a admis tous les faits énoncés au paragraphe 6 de la réponse à l'avis d'appel, exception faite des alinéas d) et e). Voici le libellé du paragraphe 6 :

[TRADUCTION]

Aux fins d'établir les cotisations à l'égard de l'appelant pour les années d'imposition faisant l'objet du litige, le ministre s'est fondé sur les hypothèses de fait suivantes :

a)          dans les déclarations de revenu qu'il a produites pour les années d'imposition en litige, l'appelant a demandé des montants de crédit d'impôt pour dons de bienfaisance rattachés entre autres aux sommes de 41 160 $, de 41 160 $ et de 47 040 $ pour les années d'imposition 1996, 1997 et 1998, respectivement, au titre des heures, non rémunérées, consacrées à des travaux de recherche pour l'Université Laval (ci-après l' « employeur » );

b)          l'appelant n'a demandé aucune rétribution à l'employeur;

c)          les sommes indiquées à l'alinéa a) ci-avant ne figurent pas sur les feuillets T4 préparés par l'employeur;

d)          relativement aux années d'imposition en litige, l'appelant n'a pas établi qu'il avait fait don de biens à l'employeur;

e)          relativement aux années d'imposition en litige, l'appelant n'a pas présenté au ministre de reçus officiels délivrés par une organisation enregistrée, ainsi que le prévoit l'article 3501 du Règlement de l'impôt sur le revenu;

f)           l'appelant a déposé à la Cour canadienne de l'impôt un avis d'appel à l'égard de l'année d'imposition 1995, la question en litige étant la même qu'en l'espèce;

g)          cet avis d'appel a reçu le numéro 97-812(IT)I;

h)          dans son jugement rendu le 15 mai 1998, l'honorable juge Louise Lamarre Proulx a rejeté l'appel.

[3]      Je ne juge pas utile d'exposer le détail des faits en cause dans le présent appel puisqu'ils sont semblables pour l'essentiel à ceux énoncés dans les motifs du jugement de la juge Lamarre Proulx publiés dans [1998] 3 C.T.C. 2654. Je précise toutefois que le même contrat de recherche (le « contrat de recherche » ) a été renouvelé en 1996, 1997 et 1998. C'est M. Slobodrian qui a fait les premières démarches en vue de la conclusion de ce contrat entre Travaux publics et Services gouvernementaux Canada ( « Travaux publics » ), au nom de l'Agence spatiale canadienne et l'Université Laval.

[4]      Le contrat prévoyait l'embauche de plusieurs chercheurs pour la prestation des services nécessaires à la réalisation du projet de recherche. Selon M. Slobodrian, il avait été clairement convenu que les professeurs de l'Université ne seraient pas rétribués en contrepartie des services fournis dans le cadre d'un contrat de ce genre avec Travaux publics. À ce point de son témoignage, M. Slobodrian a reconnu qu'il était professeur à la retraite et a déclaré que, en raison des fonds limités qui avaient été obtenus pour le financement du projet de recherche, l'Université Laval n'aurait pas eu les moyens de rétribuer ses services. Aussi, faisant preuve de désintéressement, l'appelant a accepté de les fournir à titre gratuit.

[5]      Les services fournis par l'équipe de chercheurs travaillant sous la supervision de M. Slobodrian ont produit des résultats, qui ont été présentés à Travaux publics sous forme d'études et de rapports. M. Slobodrian soutenait que ses travaux de recherche avaient donné lieu à la création de biens intellectuels, que ceux-ci avaient fait l'objet de dons à Travaux publics et que ces dons donnaient droit au crédit d'impôt pour dons de bienfaisance. Il était pourtant stipulé dans le contrat de recherche que tout bien intellectuel créé dans le cadre du projet de recherche serait la propriété du Canada, non de l'Université Laval ou des membres de l'équipe de recherche.

[6]      Pour étayer sa thèse devant notre cour, M. Slobodrian a produit une lettre de l'Université Laval confirmant qu'il avait supervisé les travaux de préparation de thèse d'étudiants en 1996 et qu'il avait également rempli les fonctions de chercheur principal dans le cadre du contrat de recherche. La lettre confirmait également que M. Slobodrian n'avait reçu aucune rémunération au titre des services d'enseignement et de recherche fournis pour le compte de l'Université Laval. Également, le directeur du Département de physique de la Faculté des sciences et de génie, la ( « Faculté » ) a fourni une évaluation monétaire des services offerts par M. Slobodrian. Il estime à 41 160 $ la valeur des services fournis en 1996, somme qui équivaut à 1 960 heures de travail à un taux de rémunération horaire de 21 $. Ce taux horaire de 21 $ correspondait au taux de rémunération de l'adjoint principal de M. Slobodrian et représentait, selon le directeur, la valeur la plus basse que l'on puisse décemment attribuer au travail de M. Slobodrian. Des lettres analogues ont été rédigées pour les années 1997 et 1998. Pour cette dernière année, la seule différence a trait au taux horaire, qui est passé de 21 $ à 24 $.

[7]      Après avoir souligné le fait qu'il avait fourni ses services à titre gratuit, M. Slobodrian a mentionné les dépenses (les « dépenses additionnelles » ) qu'il a engagées au cours des années d'imposition pertinentes. Les dépenses en question correspondent pour l'essentiel au coût d'ouvrages scientifiques, à des cotisations et droits, au coût de fournitures, par exemple des logiciels et du matériel informatique, et à l'écart de coût rattaché aux repas pris à l'extérieur du domicile, écart estimé à 4 $ par jour, multiplié par 240 jours de travail en 1998[1]. Ces dépenses comprennent également des frais de déplacement, notamment les frais engagés pour faire le trajet entre le domicile de l'appelant et le campus universitaire de même que les frais de stationnement sur le campus. Les frais de déplacement incluent également le coût de voyages aller-retour à Toronto, Ottawa et Calgary. M. Slobodrian a indiqué que ces dépenses n'étaient pas reliées exclusivement à la réalisation du projet de recherche. Il s'agissait de dépenses qu'il avait engagées dans le but d'assister à des conférences portant sur des sujets dignes d'intérêt pour un physicien comme lui.

[8]      Il convient d'observer que, aux termes du contrat de recherche, des fonds étaient affectés à l'Université Laval au titre des fournitures, de l'équipement et des déplacements, sans oublier les allocations de subsistance, en sus du coût de la main-d'oeuvre et des frais généraux d'administration. Les dépenses prévues au titre des déplacements englobaient entre autres les frais engagés pour prendre part à des réunions avec la NASA à Houston. Les dépenses additionnelles engagées par M. Slobodrian n'étaient pas visées par le contrat de recherche.

Analyse

[9]      La question à trancher dans les présents appels consiste essentiellement à savoir si toutes les conditions donnant droit au crédit d'impôt pour dons de bienfaisance aux termes de la Loi sont réunies. Le ministre soutient que la prestation des services de M. Slobodrian n'a donné lieu à aucun don de biens par ce dernier. En outre, aucun reçu officiel conforme aux exigences de l'article 3501 du Règlement de l'impôt sur le revenu (le « Règlement » ) n'a été produit. Ainsi que je l'ai dit précédemment, la juge Lamarre Proulx s'est penchée sur ces mêmes questions dans le cadre de l'appel interjeté par M. Slobodrian pour l'année d'imposition 1995. Dans sa décision, elle a jugé que, pour qu'une personne ait droit au crédit d'impôt pour dons de bienfaisance, le don doit mettre en cause des biens. Elle s'est fondée notamment sur la remarque incidente suivante du juge en chef Jackett de la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Rapistan Canada Ltd. c. M.R.N., [1974] 1 C.F. 739 (74 DTC 6426), citée au paragraphe 23 :

[. . .] ces connaissances, compétence ou expérience, pour autant que je sache, ne constituent pas, au regard d'aucun système juridique au Canada, des « biens » pouvant faire l'objet d'une donation, d'un octroi ou d'une cession [...] Si je comprends bien la loi, les connaissances ou les idées en tant que telles, ne constituent pas des biens.

[10]     Au paragraphe 26 de sa décision, la juge Lamarre Proulx a examiné la situation de M. Slobodrian à la lumière de ce principe et en est arrivée à la conclusion suivante :

Compte tenu des circonstances de l'espèce, l'appelant a apporté ses connaissances, ses compétences et ses talents sous forme de services fournis à l'université. Ces services ont ajouté une valeur, et ont en fin de compte donné lieu à un travail susceptible d'appropriation, lequel était un bien, mais les services eux-mêmes n'étaient pas susceptibles d'appropriation et ils ne devraient donc pas être considérés comme des biens. Cela étant, les services ne peuvent pas constituer l'objet d'un don.

Je souscris entièrement à sa conclusion, et j'estime qu'elle s'applique tout autant aux années en cause dans le présent appel.

[11]     Avant de conclure, j'aimerais formuler deux commentaires. D'abord, même si un bien avait été donné par M. Slobodrian à Sa Majesté du chef du Canada ou à un organisme de bienfaisance enregistré, l'appelant n'a pas présenté au ministre, comme l'exige le paragraphe 118.1(2) de la Loi, des reçus contenant les renseignements prévus par l'article 3501 du Règlement. Par conséquent, il n'avait pas droit au crédit d'impôt pour dons de bienfaisance. Ensuite, la lettre jointe aux déclarations de revenu produites par M. Slobodrian ne fournit pas une indication de la juste valeur marchande du « bien » donné par M. Slobodrian; elle donne uniquement une évaluation de la valeur plancher des « services » qu'il a fournis pour l'Université Laval. Aucune preuve n'a été produite concernant la juste valeur marchande du bien que M. Slobodrian prétend avoir transféré à l'Université Laval et, en bout de ligne, au gouvernement du Canada. Les appels de M. Slobodrian ne peuvent donc être accueillis, puisqu'il n'y a aucune preuve qu'il ait fait don d'un bien au gouvernement du Canada et que, même en admettant qu'un bien a été donné, rien de permet d'en établir la valeur.

[12]     Me fondant sur tous ces motifs, je conclus que M. Slobodrian n'est pas parvenu à établir que le ministre avait fait une erreur dans les cotisations établies à son égard pour les trois années d'imposition pertinentes, aussi ses appels sont-ils rejetés.

Signé à Ottawa, Canada, ce 18e jour d'octobre 2001.

« Pierre Archambault »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 14e jour d'avril 2003.

Mario Lagacé, réviseur



[1] Une méthode analogue a été utilisée pour les autres années d'imposition pertinentes.

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