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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Date: 20011010

Dossier: 2001-1284(IT)I

2001-1285(IT)I

ENTRE :

CATHY GILL,

GARY GILL,

appelants,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Avocat de l'appelante :               Me John David Buote

Avocat de l'intimée :                  Me James Gorham

MOTIFS DU JUGEMENT

(Rendus oralement à l'audience le 21 septembre 2001

à Toronto (Ontario))

La juge Campbell

[1]      Les appels en l'instance ont été entendus ensemble sur preuve commune. Les appelants sont mariés ensemble. Ils ont tous deux témoigné à l'audience.

[2]      Au début de l'audience, les parties ont présenté un exposé conjoint des faits, reproduit ci-après :

          [TRADUCTION]

Répartition de la valeur du bien entre le bien-fonds et les immeubles

1.          En 1991, au moment où la résidence principale a été convertie en un bien locatif, la juste valeur marchande du bien-fonds était de 200 000 $ et celle des immeubles, de 175 000 $. Par conséquent, la FNACC d'ouverture des immeubles locatifs en 1991 était de 175 000 $.

2.          Au moment où la propriété a été évaluée en 1994, la juste valeur marchande du bien-fonds était de 125 000 $ et celle des immeubles locatifs, de 125 000 $.

3.          Au début de l'année d'imposition 1996, la juste valeur marchande du bien-fonds était de 107 500 $ et celle des immeubles locatifs, de 107 500 $.

4.          Au moment où la propriété a été vendue 230 000 $ en 1997, la juste valeur marchande du bien-fonds était de 115 000 $ et celle des immeubles locatifs, de 115 000 $.

5.          Au moment où la propriété a été vendue en 1997, la FNACC des immeubles locatifs était de 175 000 $.

Perte finale

6.          S'il y a eu perte finale en 1997, elle était de 60 000 $. Les appelants ont chacun droit à la moitié de cette perte.

[3]      En 1986, les appelants ont acheté un bien appelé le bien de Beamsville, qu'ils ont utilisé comme résidence principale jusqu'en 1991. D'après le témoignage de Cathy Gill, le bien était financé par emprunt à 95 % au moins. Plusieurs années plus tard, les appelants ont procédé à un refinancement pour effectuer des rénovations, le tout dans le but de louer le bien.

[4]      À l'automne de 1991, les travaux de rénovation étaient terminés. La coopérative de crédit de Niagara a alors estimé la valeur du bien à 375 000 $. Le prêt accordé par cette coopérative de crédit s'élevait approximativement à 128 000 $, et celui accordé par L'Équitable, compagnie de fiducie, à 143 000 $ environ.

[5]      Le bien, une résidence servant exclusivement à l'usage personnel des appelants, a été converti en bien locatif à la fin de l'été de 1991. Les appelants ont alors cessé d'y résider et ont emménagé dans une autre propriété leur appartenant. En novembre et en décembre 1991, ils en ont tiré un revenu de location de 1 800 $. Les montants correspondant aux hypothèques initiales semblent avoir été versés par les appelants après l'achèvement des travaux de rénovation, l'appelante, Cathy Gill, expliquant que, si elle se souvenait bien, il avait fallu obtenir un financement provisoire.

[6]      Les appelants ont remboursé les emprunts hypothécaires accordés par Niagara et L'Équitable et, en 1994, ils ont consenti à la CIBC une hypothèque générale sur le bien en cause en l'espèce ainsi que sur l'autre bien qui leur appartenait.

[7]      Le bien de Beamsville comprenait une maison et une étable. Selon le témoignage des appelants, la maison et l'étable n'ont jamais été utilisées à des fins personnelles après que le bien eut été loué en 1991.

[8]      La preuve a révélé que, en ce qui concerne l'activité de location, Gary Gill s'est occupé principalement des rénovations. À tous autres égards, c'est Cathy Gill qui s'est occupée du bien de Beamsville. Elle a témoigné qu'avant 1991 elle avait suivi les tendances du marché en ce qui concerne les taux d'intérêts et les justes valeurs marchandes, et qu'elle avait été propriétaire auparavant d'un autre bien, dont la valeur avait augmenté de 100 000 $ entre 1982 et 1991. Elle avait aussi discuté avec des avocats, des courtiers, des comptables et des particuliers qui étaient propriétaires de biens, des possibilités qui existaient en matière de location. Elle a pu ainsi apprendre que, plus la valeur d'un bien est élevée, meilleures sont les chances de louer ce bien à un professionnel et donc d'en tirer un revenu locatif plus élevé. Bien que le bien en question ait été évalué à 375 000 $ en 1991, l'appelante a déclaré qu'elle n'avait pas songé à s'en départir à ce moment-là car, d'une part, elle prévoyait tirer un profit de l'entreprise de location dans quatre ou cinq ans et, d'autre part, elle estimait pouvoir alors vendre le bien plus cher. Ses prévisions initiales consistaient en des « chiffres griffonnés sur une chemise de classement » et, d'après ce qu'elle a dit dans son témoignage, elles étaient fondées sur des discussions qu'elle avait eues au fil des ans avec nombre de personnes s'y connaissant dans le domaine. Ces prévisions avaient été faites en fonction d'un loyer mensuel de 1 600 $, plus les services publics, et d'une augmentation annuelle de 4 %. Selon ces prévisions, les revenus locatifs projetés devaient passer de 19 200 $ en 1991 à 22 461 $ en 1995, à condition que le taux d'intérêt ne dépasse pas 9 %, et le bien allait faire ses frais en 1995.

[9]      Des lettres rédigées par un courtier en immeubles connaissant le bien en question et le secteur ont été produites sous la cote A-1 pour appuyer les prévisions des appelants relativement au loyer mensuel qu'ils prévoyaient obtenir à ce moment-là, dans ce marché. Les prévisions à proprement dit qui ont été produites en preuve ont été transcrites par Cathy Gill pas plus tard qu'en 2001. Elle a cependant témoigné que ces prévisions étaient fondées sur les « chiffres » mêmes qu'elle avait griffonnés sur un dossier de classement en 1991. Elle a déclaré qu'elles faisaient abstraction de toute augmentation des impôts fonciers jusqu'en 1995 pour le motif que la municipalité locale l'avait informée qu'aucune augmentation n'était prévue à cet égard. De plus, aucun montant n'était inclus au titre des travaux d'entretien et de réparation puisque le bien avait été rénové récemment et que l'appelant, Gary Gill, allait fort probablement être en mesure d'effectuer les travaux, le cas échéant.

[10]     Toutefois, les appelants n'avaient pas prévu que la récession des années 1990 allait durer aussi longtemps et être d'une telle sévérité. Les appelants ont fait passer des annonces dans les journaux de Hamilton et de Toronto pour louer le bien à 1 600 $ par mois. Cathy Gill avait également entamé des discussions avec un courtier en immeubles pour trouver un locataire. Elle a finalement reçu une offre de 900 $ par mois, qu'elle a acceptée plutôt que de laisser le bien inoccupé. Elle a cependant loué le bien au mois seulement, le locataire étant prévenu qu'il devrait quitter les lieux à 60 jours d'avis si l'appelante trouvait un locataire disposé à payer 1 600 $ par mois ou, à tout le moins, un loyer supérieur à 900 $. Elle a déclaré qu'après avoir loué le bien, elle avait continué à faire paraître des annonces dans les journaux. En outre, toujours dans le but d'atténuer ses pertes, elle avait continué de renouveler l'hypothèque grevant la propriété pour de courts termes seulement de façon à obtenir les meilleurs taux d'intérêt. Lorsqu'elle a mentionné au locataire qu'elle songeait à augmenter son loyer mensuel, qui était de 900 $, il a menacé de déménager. Si elle a continué de chercher un locataire et a renouvelé l'hypothèque pour de courts termes afin d'obtenir les meilleurs taux d'intérêt, l'appelante a cependant été incapable de réduire le principal impayé, indiquant qu'elle avait dû utiliser son argent personnel pour effectuer les versements nécessaires. Au mois de septembre 1994, la valeur du bien était passée de 375 000 $ à 250 000 $ d'après le rapport d'évaluation de la coopérative de crédit de Niagara. Au mois de décembre 1995, le bien ne valait plus que 210 000 $ ou 215 000 $, d'après la lettre d'opinion rédigée en septembre 2001 par un courtier en immeubles. Comme la valeur des biens de ce genre continuait à diminuer, les appelants ont décidé de mettre le bien en vente; ils « n'avaient plus les moyens de le garder » . Ils l'ont vendu 230 000 $ en 1997. Selon leurs témoignages, le bien vaudrait aujourd'hui à peu près 280 000 $.

[11]     La question principale à trancher dans la présente affaire est de savoir si, dans le calcul de leur revenu pour les années d'imposition 1996 et 1997, les appelants peuvent déduire des pertes locatives relativement au bien de Beamsville. Les appelants pouvaient-ils raisonnablement s'attendre à réaliser un profit de la location de ce bien pendant les années en question? Pour obtenir gain de cause, ils doivent établir selon la prépondérance des probabilités qu'ils détenaient le bien locatif en vue de tirer un revenu. Enfin, les appelants peuvent-ils, par suite de la vente du bien locatif, déduire une perte finale de 60 000 $, soit le montant convenu par les parties?

[12]     Les deux avocats m'ont reporté à diverses décisions pertinentes, dont la décision rendue par la Cour suprême dans l'affaire Moldowan c. La Reine, [1978] 1 R.C.S. 480; 77 DTC 5213 (C.S.C.). Les principes qui se dégagent de ces nombreuses affaires ont été résumés clairement et succinctement par le juge en chef adjoint Bowman dans la décision rendue récemment dans l'affaire Donyina c. Canada, [2001] A.C.I. 456. Ils sont exposés au paragraphe 9 de la décision du juge Bowman, reproduit ci-après :

[9]         Je ne vais pas citer ces jugements ni les analyser en long et en large. Je pense qu'il suffit de résumer certains des principes qu'ils semblent établir.

1. En l'absence d'un élément personnel, le critère de l'attente raisonnable de profit doit être appliqué avec modération (Tonn, Keeping, Bélec et Walls). L'absence d'un élément personnel n'établit pas définitivement que le principe de l'attente raisonnable de profit ne peut être invoqué, mais une telle absence est un facteur qui a beaucoup de poids (Mastri).     

2. Le ministre ou le tribunal ne doit pas rétrospectivement porter un jugement sur le sens des affaires d'un contribuable qui s'est lancé de bonne foi dans une entreprise commerciale (Keeping, Tonn, Nichol, Kuhlmann, Bélec et Smith).     

3. Le fait qu'une entreprise ou qu'un bien soit financé à 100 p. 100 n'est pas en soi une raison pour appliquer le principe de l'attente raisonnable de profit (Milewski, Mohammad et Saunders).        

4. Il faut laisser au contribuable une période de temps raisonnable aux fins de l'établissement de l'entreprise (Keeping). Une telle période variera selon les circonstances et pourra bien être longue (Milewski).

5. Le principe de l'attente raisonnable de profit ne doit pas être invoqué en remplacement d'une analyse. Avant d'invoquer ce principe, le répartiteur de l'impôt doit examiner les dépenses pour déterminer si elles sont raisonnables ou si, pour une autre raison, elles ne sont pas déductibles (Smith, Costello et Cipollone).

6. Une attente de profit irrationnelle, absurde et ridicule n'est pas une attente raisonnable (Kuhlmann).     

7. Le fait qu'un investissement ou une entreprise soit en partie motivé par des considérations fiscales n'est pas pertinent quant à savoir s'il existe une entreprise et, en soi, une motivation fiscale n'est pas pertinente dans la détermination de la déductibilité de dépenses si une entreprise existe (Stubart Investments Limited c. La Reine, [1984] 1 R.C.S. 536 (84 D.T.C. 6305), à moins évidemment que le ministre ne choisisse d'invoquer la règle générale anti-évitement prévue à l'article 245, auquel cas la situation est fondamentalement différente.

8. Lorsque des pertes ont été déclarées, puis refusées, la première question est de savoir s'il s'agit de "frais personnels ou de subsistance", dont la définition législative inclut le critère de l'attente raisonnable de profit. Dans la négative, le critère de l'attente raisonnable de profit doit être appliqué avec un soin extrême et il faut alors déterminer s'il y a une entreprise. L'existence d'une attente raisonnable de profit n'est qu'un facteur dans cette détermination (Kaye).            

9. La question du caractère raisonnable de dépenses se pose dans le contexte d'une entreprise existante - l'article 67 interdit la déduction de dépenses qui ne sont pas raisonnables - ainsi qu'à l'étape initiale consistant à déterminer s'il y a une entreprise (Kaye).            

10. Si ce qui est manifestement un bien locatif a été acquis et détenu dans le cadre d'un projet comportant un risque de caractère commercial et qu'il était raisonnable de s'attendre à en tirer un profit à la revente, les pertes (soit les frais de possession engagés moins les loyers reçus) ne doivent pas être refusées selon le principe de l'attente raisonnable de profit (Roopchan). Le tribunal doit toutefois examiner avec soin une déclaration a posteriori selon laquelle un bien détenu à perte pendant un certain nombre d'années fait partie d'une opération spéculative motivée par une revente à profit. Ce n'est pas quelque chose que l'on s'attendrait qu'une personne admette facilement si le bien a été vendu à profit.    

11. Si le contribuable a plusieurs biens locatifs et que certains donnent lieu à un profit, tandis que d'autres donnent lieu à une perte, il ne convient pas d'appliquer le critère de l'attente raisonnable de profit aux biens donnant lieu à une perte et de faire fi des biens donnant lieu à un profit. L'investissement doit être examiné dans son ensemble (Smith).            

12. Les décisions quant à savoir quand lancer une entreprise et quand l'abandonner sont des décisions d'ordre commercial dans lesquelles ni les autorités fiscales ni le tribunal ne doivent intervenir (Nichol). Néanmoins, si des pertes continuent d'être subies année après année pendant une période excessive, il faut tôt ou tard appliquer le principe selon lequel "trop, c'est trop" et considérer que ce qui pourrait avoir été une entreprise viable s'est révélé avec le temps un cas désespéré et que la meilleure chose à faire de cette entreprise est d'y mettre fin convenablement. Il faut toutefois considérer avec beaucoup de respect la décision d'un homme d'affaires de maintenir une entreprise.         

[13]     À mon avis, le résumé des principes présenté par le juge Bowman est le plus complet à ce jour. Je vais maintenant appliquer ces principes aux faits de la présente affaire.

[14]     Pour ce qui est de l'élément personnel, je n'accepte pas l'argument de l'avocate de l'intimée qu'il existe un élément personnel indéniable en l'espèce pour la simple raison que les appelants ont résidé dans le bien pendant plusieurs années avant de le louer. Le bien a été rénové puis loué. Il est manifeste que l'aspect personnel a cessé d'exister au moment où les appelants ont quitté le bien et ont tenté de le louer. Il y a eu un changement évident d'usage du bien. Lors du contre-interrogatoire, les appelants ont indiqué qu'ils n'avaient aucunement utilisé la maison ou l'étable situées sur le bien. Cette preuve n'a pas été contestée, et j'accepte les témoignages des appelants, qui se sont exprimés avec franchise et honnêteté, sans faux-fuyants. Le bien a été traité en totalité comme un bien locatif après les travaux de rénovation, ce qui a mis fin à l'existence de tout élément personnel antérieur. Ainsi que l'a déclaré le juge Bowman, l'absence de cet élément est un facteur qui a beaucoup de poids et qui fait en sorte que le critère de l'attente raisonnable de profit doit être appliqué avec modération en usant d'une extrême prudence.

[15]     Les faits de la présente affaire indiquent clairement que les appelants se sont renseignés sur le marché immobilier, qu'ils ont examiné les tendances après avoir discuté avec des avocats, des comptables, des courtiers et autres professionnels bien renseignés dans les domaines de l'immobilier et du placement. Les appelants avaient été propriétaires d'autres biens qu'ils avaient achetés, puis revendus beaucoup plus cher. Ce n'était pas leur première incursion dans le domaine de l'immobilier. Ils avaient en quelque sorte une expérience préalable - une expérience réussie qui s'était soldée par un profit. Forts de ce succès et des renseignements additionnels obtenus de gens du métier, les appelants ont pris la décision de rénover et de louer le bien à un moment où ils étaient certains d'obtenir un loyer beaucoup plus élevé en raison du genre de bien - haut de gamme - qu'ils pouvaient offrir, dans un marché où les loyers étaient censés augmenter. L'avocate de l'intimée n'a produit aucune preuve indiquant que les attentes des appelants, à cette époque-là, étaient déraisonnables ou irréalistes. Il est vrai que les appelants n'ont dressé aucun plan d'affaires écrit et complet à proprement dit, mais de nombreuses entreprises lucratives sont nées, comme l'appelante Cathy Gill l'a dit, de « chiffres griffonnés sur un dossier de classement » . Les prévisions faites à ce moment-là n'ont été couchées officiellement sur papier que des années plus tard, en vue de l'audience. Le loyer mensuel de 1 600 $ projeté était certainement réaliste compte tenu des faits dont elle disposait alors. En fait, dans une lettre rédigée par un courtier de l'endroit, on peut lire qu'il n'était pas déraisonnable d'espérer tirer de ce bien un loyer de 1 400 $ par mois à ce moment-là.

[16]     En outre, l'appelante a effectué des vérifications en vue de s'assurer qu'il n'y aurait aucune hausse d'impôts fonciers dans les trois ou quatre années à venir. Elle a aussi tenu compte du fait que Gary Gill était capable d'effectuer les travaux de réparation et de rénovation.

[17]     Cependant, il y a eu une récession et le marché locatif a changé -    un facteur important sur lequel les appelants n'avaient aucune prise. Leur attente initiale de profit dans la quatrième année de location aurait très bien pu se réaliser s'il n'y avait pas eu de ralentissement économique. Leurs attentes et prévisions initiales étaient fondées sur les tendances du marché entre les années 1981 et 1991 : les revenus de location devaient augmenter en proportion de l'augmentation de la valeur du bien.

[18]     Les prévisions relatives au revenu de location étaient fondées sur une analyse des loyers demandés et sur les conseils prodigués par des professionnels. Les rendements prévus ne se sont pas concrétisés en raison de la récession, qui a entraîné une baisse des loyers et de la valeur des maisons.

[19]     Pendant les travaux de rénovation, le bien était grevé d'une hypothèque en quasi-totalité. Cependant, après les rénovations, les évaluations ont indiqué que la valeur du bien était de 375 000 $, alors que la dette était de 278 000 $. Les prévisions que les appelants avaient faites au début des années 1990 auraient donné lieu à un profit dans la quatrième année si les conditions du marché étaient restées les mêmes. Cette période de démarrage était certainement raisonnable mais, dans l'intervalle, il y a eu la récession, qui a duré plusieurs années, ce qui a eu pour effet d'en prolonger la durée. Je ne suis pas d'accord avec l'avocate de l'intimée lorsqu'elle affirme que les appelants n'ont pris aucune mesure concrète pour réagir aux nouvelles conditions du marché. Ils ont certainement pris des mesures pour atténuer leurs pertes. Ils ont tenté à de nombreuses reprises de louer la propriété 1 600 $ par mois en faisant de la publicité, par le bouche à oreille, etc. C'est uniquement lorsqu'ils ont conclu à l'impossibilité immédiate d'obtenir le montant demandé qu'ils ont décidé de louer à quelqu'un qui leur avait offert 900 $. Ils ont pris cette mesure pour réduire leurs pertes et pour tenir le coup pendant la détérioration des conditions du marché.

[20]     Dans l'espoir de trouver un locataire disposé à payer un loyer plus élevé, ils ont loué la propriété 900 $, au mois seulement, de façon à pouvoir demander au locataire de quitter les lieux sans qu'il soit nécessaire de lui donner un long préavis. Ils ont bien demandé au locataire de payer un loyer plus élevé, mais ce dernier a menacé de déménager. Pour résoudre le problème, ils ont également continué de renouveler leur hypothèque pour de courts termes - les plus courts possible - de façon à obtenir les meilleurs taux d'intérêt. Ils ont agi avec prudence dans les circonstances.

[21]     Rien dans les faits de la présente affaire n'indique que les dépenses liées au bien locatif n'étaient pas raisonnables. Il n'y a aucune preuve non plus que les dépenses étaient liées de quelque manière que ce soit à des frais personnels ou de subsistance. Le bien locatif était clairement exploité comme une entreprise.

[22]     Les témoignages et les rapports d'évaluation produits indiquent que le marché commençait à changer en 1996 et 1997. Cependant, les appelants n'étaient tout simplement plus capables de conserver le bien, et ils ont décidé de le vendre en 1997. Selon la preuve, le bien dont ils se sont départis augmentait progressivement de valeur à la faveur de l'amélioration du marché. Cathy Gill a témoigné qu'on leur avait suggéré de conserver le bien, car les valeurs allaient augmenter au fil du temps, au même titre que les loyers, mais, comme elle l'a dit, ils « ne pouvaient pas le garder plus longtemps » . Suivant le dernier principe mentionné par le juge Bowman, les décisions sur les questions de savoir à quel moment il convient de lancer une entreprise et à quel moment il convient de l'abandonner sont des décisions d'ordre commercial qui appartiennent sans contredit au contribuable. Les faits en l'espèce sont clairs. Les appelants avaient une attente raisonnable de profit qui n'était pas « irrationnelle, absurde [ni] ridicule » . S'ils ont loué le bien pour un montant inférieur à celui de leurs prévisions, c'était dans l'espoir de tenir le coup pendant le ralentissement économique, qui a commencé seulement après qu'ils eurent fait les prévisions et achevé les rénovations. La récession a toutefois duré plusieurs années et, lorsqu'il est devenu évident, compte tenu de leur situation, que (comme le juge Bowman l'a expliqué) trop c'était trop, les appelants ont pris la décision commerciale de vendre.

[23]     Le bien locatif était une entreprise de laquelle les appelants pouvaient raisonnablement s'attendre de tirer un profit, et il était détenu par les appelants en vue d'en tirer un revenu. La perte finale totale subie en 1997, dont le montant de 60 000 $ a été convenu entre les parties, est admise.


[24]     Les appels sont admis et les cotisations sont déférées au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation afin d'admettre la déduction, par les appelants, de pertes locatives dans les années d'imposition 1996 et 1997, et une perte finale de 60 000 $, le montant convenu, à imputer au revenu des années d'imposition 1994, 1995 et 1996.

Signé à Ottawa, Canada, ce 10e jour d'octobre 2001.

« D. Campbell »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 10e jour de mars 2003.

Mario Lagacé, réviseur


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