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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

2001-2003(IT)I

ENTRE :

VINA STARR,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu le 6 décembre 2001 à Vancouver (Colombie-Britannique), par

l'honorable juge D. W. Beaubier

Comparutions

Pour l'appelante :                       L'appelante elle-même

Avocate de l'intimée :                 Me Wendy M. Yoshida

JUGEMENT

          Les appels des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1997 et 1998 sont rejetés selon les motifs du jugement ci-joints.


          Signé à Saskatoon (Saskatchewan), ce 27e jour de décembre 2001.

« D. W. Beaubier »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 28e jour de mai 2003.

Mario Lagacé, réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Date: 20011227

Dossier: 2001-2003(IT)I

ENTRE :

VINA STARR,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Beaubier, C.C.I.

[1]      Le présent appel interjeté conformément à la procédure informelle a été entendu à Vancouver (Colombie-Britannique), le 6 décembre 2001. L'appelante a témoigné. L'intimée a appelé Alexander Abernethy, qui, au cours de la période pertinente, a été administrateur fiduciaire de la Compagnie Trust National et de la société qui l'a remplacée.

[2]      Les faits et les points en litige sont résumés dans la réponse à l'avis d'appel, dont les paragraphes 2 à 14 se lisent comme suit :

[TRADUCTION]

2.          Il admet, conformément à ce qui est allégué dans le préambule de l'avis d'appel (modifié), que l'adresse de l'appelante est 306-1075, rue Comox, Vancouver (Colombie-Britannique), et que l'appelante interjette appel à l'encontre de cotisations d'impôt pour ses années d'imposition 1997 et 1998.

3.          Il admet, conformément à ce qui est allégué au paragraphe 1 de la partie A de l'avis d'appel (modifié), que l'appelante est une Indienne au sens de l'art. 2 de la Loi sur les Indiens.

4.          Dans ses déclarations de revenu, l'appelante a indiqué un revenu de placements détenus dans la fiducie Vina A Starr (la « fiducie » ), mais elle a demandé des déductions à l'égard de ce revenu pour le motif que celui-ci était exonéré d'impôt parce qu'il avait été gagné dans une réserve.

5.          Par des avis de cotisation datés du 13 juillet 1998 et du 20 septembre 1999 respectivement, le ministre du Revenu national a refusé les déductions demandées par l'appelante à l'égard de ce revenu et a inclus celui-ci dans le calcul du revenu de l'appelante pour ces années-là.

6.          L'appelante a déposé des avis d'opposition datés du 25 avril 2000 et du 30 avril 2000 pour les années 1997 et 1998 respectivement.

7.          Il admet, conformément à ce qui est allégué au paragraphe 2 de la partie A de l'avis d'appel (modifié), que le ministre a ratifié les cotisations par voie de notification de ratification en date du 5 mars 2001.

8.          En établissant ces cotisations à l'égard de l'appelante, le ministre s'est fondé sur les hypothèses suivantes :

a)          les faits énoncés et admis ci-devant;

b)          l'appelante était une résidente du Canada durant toute la période pertinente;

c)          le 29 juin 1995, l'appelante, en tant que fiduciante, a constitué la fiducie et y a versé 150 000 $;

d)          l'appelante avait gagné cet argent hors d'une réserve, par l'intermédiaire de son cabinet d'avocats, V Starr and Associates, qui était situé au 103, rue Davie, à Vancouver (C.-B.), et non dans une réserve;

e)          l'argent a été transféré à la société juridique personnelle de l'appelante, V Starr Personal Law Corporation, puis à l'appelante, qui l'a versé dans la fiducie;

f)           la fiduciaire de la fiducie était la Compagnie Trust National;

g)          l'appelante a constitué la fiducie à une succursale de la fiduciaire qui était située dans le centre commercial Park Royal South, à West Vancouver (Colombie-Britannique), sur un terrain loué qui se trouvait dans la réserve indienne de Squamish;

h)          le contrat de fiducie stipulait que le revenu net annuel de la fiducie devait être versé à la fiduciante;

i)           la fiducie devait durer jusqu'à l'expiration d'une période de cinq ans ou jusqu'au décès de la fiduciante, c'est-à-dire jusqu'à la première de ces éventualités;

j)           à ce moment-là, la fiduciaire devait remettre à la fiduciante tous les biens en fiducie - y compris l'ensemble des revenus et des acquisitions d'immobilisations - ou diviser les biens en fiducie selon le testament de la fiduciante;

k)          le contrat de fiducie stipulait que la fiduciante pouvait annuler la fiducie ou changer de fiduciaire n'importe quand;

l)           le siège social de la fiduciaire n'était pas situé dans une réserve;

m)         l'argent initialement versé dans la fiducie a été utilisé pour acheter des titres de placement, principalement dans quatre fonds fiduciaires communs de la Compagnie Trust National (à savoir un fonds d'actions canadiennes, un fonds d'obligations, un fonds d'actions étrangères et un fonds du marché monétaire);

n)          les placements dans la fiducie étaient des placements détenus sur le marché ordinaire canadien et international, et c'est sur le marché ordinaire que les émetteurs des titres de placement ont gagné le revenu de placements qui a été attribué à l'appelante;

o)          en 1997 et en 1998, des gains en capital, dividendes, revenus étrangers non tirés d'une entreprise et « autres revenus » provenant de ces placements, ainsi qu'un revenu en intérêts provenant de sommes d'argent détenues dans la fiducie, ont été attribués à l'appelante;

p)          ces revenus totalisaient 15 699,40 $ et 24 977,23 $ pour ces années-là respectivement, à savoir :

1997

1998

Gains en capital imposables

10 302,83

15 874,94

Montant imposable des dividendes

2 526,72

1 566,82

Revenus étrangers non tirés d'une entreprise

572,41

1 179,20

Autres revenus

2 293,06

6 353,28

Intérêts sur sommes d'argent

4,38

2,99

Total

15 699,40

24 977,23

q)          le revenu provenant des placements ne représentait pas des biens « situés sur une réserve » au sens de l'art. 87 de la Loi sur les Indiens.

9.          Il dit que les fonds fiduciaires communs de la Compagnie Trust National détenus dans la fiducie de l'appelante ont été gérés et administrés par Cassels Blaikie Investment Counsel Limited, que Cassels Blaikie a choisi les titres de placement très diversifiés qui étaient détenus dans chacun des fonds fiduciaires communs et que Cassels Blaikie est une filiale en propriété exclusive de la Compagnie Trust National et ne se trouve pas dans une réserve.

B.         QUESTIONS À TRANCHER

10.        Il s'agit de savoir si le revenu de l'appelante provenant des titres de placement et sommes d'argent détenus dans la fiducie représentait des biens « situés sur une réserve » et était ainsi exonéré d'impôt en vertu de l'art. 87 de la Loi sur les Indiens et de l'al. 81(1)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu.

C.         DISPOSITIONS LÉGISLATIVES INVOQUÉES

11.        Il invoque l'art. 3, l'al. 12(1)m), le par. 75(2), l'al. 81(1)a) et le par. 104(13) de la Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.), dans sa forme modifiée, ainsi que les art. 2, 14, 242 à 244 inclusivement et 409 de la Loi sur les sociétés de fiducie et de prêt, L.R.C. 1991, ch. 45, et les art. 2 et 87 de la Loi sur les Indiens, L.R.C. 1985, ch. I-5.

D.         MOTIFS INVOQUÉS ET MESURE DE REDRESSEMENT DEMANDÉE

12.        Le sous-procureur général soutient que le revenu provenant des titres de placement et sommes d'argent détenus dans la fiducie ne représentait pas des biens « situés sur une réserve » au sens de l'art. 87 de la Loi sur les Indiens, car les « facteurs de rattachement » les plus pertinents indiquent que ce revenu a été gagné hors d'une réserve. Parmi ces facteurs de rattachement, mentionnons les suivants :

a)          l'appelante avait gagné l'argent versé dans la fiducie hors d'une réserve, par l'intermédiaire de son cabinet d'avocats;

b)          la fiduciaire - la Compagnie Trust National - ne se trouvait pas dans une réserve;

c)          les activités productives de revenu de la Compagnie Trust National n'étaient pas exercées dans une réserve, si ce n'est dans un pourcentage très faible;

d)          le gestionnaire et administrateur des fonds fiduciaires communs - Cassels Blaikie - ne se trouvait pas dans une réserve;

e)          les placements dans la fiducie, c'est-à-dire à la fois les fonds fiduciaires communs et les titres de placement détenus dans ces fonds, étaient des placements détenus sur le marché ordinaire et non dans une réserve;

f)           le revenu de placements attribué à l'appelante a été gagné sur le marché ordinaire par les émetteurs des titres de placement.

13.        Il soutient également que, de toute façon, en vertu du par. 75(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu, le revenu et les gains en capital provenant des placements sont réputés être un revenu et des gains en capital de l'appelante et non un revenu ou des gains en capital de la fiducie, car :

a)          l'argent versé et les placements effectués étaient détenus dans la fiducie à la condition que ces biens retournent à l'appelante ou soient transmis à des personnes devant être déterminées par l'appelante dans son testament;

b)          du vivant de l'appelante, ces biens ne devaient pas être aliénés, sauf avec le consentement de l'appelante ou conformément aux instructions de l'appelante.

14.        Il soutient donc respectueusement que le ministre a à bon droit établi à l'égard de l'appelante des cotisations basées sur le fait que les gains en capital, dividendes, revenus étrangers non tirés d'une entreprise et « autres revenus » provenant des placements, ainsi que le revenu en intérêts provenant des sommes d'argent détenues dans la fiducie, qui totalisaient 15 699,40 $ et 24 977,23 $ pour les années d'imposition 1997 et 1998 respectivement, n'étaient pas exonérés d'impôt et devaient être inclus dans le calcul du revenu de l'appelante pour ces années-là.

[3]      Les hypothèses 8 b) et c) ont été admises par l'appelante. Les hypothèses d) et e) sont exactes, mais tout le revenu d'ordre juridique de l'appelante a été gagné en travaillant pour des Indiens ou des bandes indiennes, a été déclaré comme étant exonéré d'impôt et a fait l'objet de cotisations en conséquence. C'est ce revenu qui constitue le capital de 150 000 $ qui a été placé dans la fiducie. Les hypothèses 8 f), g), h) et i) ont été admises par l'appelante dans sa réplique. La preuve qui a été présentée établit l'exactitude des hypothèses 8 j), k) et l).

[4]      L'hypothèse 8 n) est exacte, tout comme l'hypothèse 8 o). L'exactitude de l'hypothèse 8 p) a été admise par l'appelante.

[5]      L'hypothèse 8 q) est en litige.

[6]      La preuve qui a été présentée établit l'exactitude du paragraphe 9 de la réponse à l'avis d'appel. Toutefois, au cours de l'ensemble de la période considérée en l'espèce, l'appelante n'a jamais été au courant de ce qui est relaté audit paragraphe 9, et l'acte de fiducie lui-même (pièce A-1) ne stipulait pas qu'il y aurait une telle délégation à Cassels Blaikie Investment Counsel Limited ( « Cassels » ).

[7]      L'alinéa 81(1)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ) se lit comme suit :

81.        (1) Ne sont pas inclus dans le calcul du revenu d'un contribuable pour une année d'imposition :

a)          une somme exonérée de l'impôt sur le revenu par toute autre loi fédérale, autre qu'un montant reçu ou à recevoir par un particulier qui est exonéré en vertu d'une disposition d'une convention ou d'un accord fiscal conclu avec un autre pays et qui a force de loi au Canada.

L'article 87 de la Loi sur les Indiens se lit comme suit :

87.        (1) Nonobstant toute autre loi fédérale ou provinciale, mais sous réserve de l'article 83, les biens suivants sont exemptés de taxation :

a)          le droit d'un Indien ou d'une bande sur une réserve ou des terres cédées;

b)          les biens meubles d'un Indien ou d'une bande situés sur une réserve.

            (2) Nul Indien ou bande n'est assujetti à une taxation concernant la propriété, l'occupation, la possession ou l'usage d'un bien mentionné aux alinéas (1)a) ou b) ni autrement soumis à une taxation quant à l'un de ces biens.

(3) Aucun impôt sur les successions, taxe d'héritage ou droit de succession n'est exigible à la mort d'un Indien en ce qui concerne un bien de cette nature ou la succession visant un tel bien, si ce dernier est transmis à un Indien, et il ne sera tenu compte d'aucun bien de cette nature en déterminant le droit payable, en vertu de la Loi fédérale sur les droits successoraux, chapitre 89 des Statuts revisés du Canada de 1952, ou l'impôt payable, en vertu de la Loi de l'impôt sur les biens transmis par décès, chapitre E-9 des Statuts revisés du Canada de 1970, sur d'autres biens transmis à un Indien ou à l'égard de ces autres biens.

[8]      La Cour est d'accord sur l'observation de l'intimée formulée au paragraphe 13 de la réponse à l'avis d'appel. Le paragraphe 75(2) de la Loi s'applique clairement à l'appelante relativement à la fiducie considérée en l'espèce.

[9]      L'appelante contestait l'hypothèse 8 q) de l'intimée selon laquelle le revenu en cause était un « revenu provenant des placements » . Elle disait que c'était un revenu provenant de la fiducie. À cet égard, le paragraphe 108(5) de la Loi appuie sa thèse. Il se lit comme suit :

108(5) Sauf disposition contraire de la présente partie :

a)          un montant inclus, en vertu du paragraphe 104(13) ou (14) ou de l'article 105, dans le calcul du revenu d'un bénéficiaire d'une fiducie pour une année d'imposition est réputé être un revenu que le bénéficiaire a tiré, pour l'année, d'un bien qui constitue une participation dans la fiducie et non un revenu tiré d'une autre source;

b)          un montant qui peut être déduit dans le calcul du montant qui, sans les paragraphes 104(6) et (12), serait le revenu d'une fiducie pour une année d'imposition ne peut être déduit par un bénéficiaire de la fiducie dans le calcul de son revenu pour une année d'imposition;

il est entendu cependant que le présent paragraphe n'a pas pour effet de modifier l'application du paragraphe 56(4.1) et des articles 74.1 à 75 de la présente loi et de l'article 74 de la Loi de l'impôt sur le revenu, chapitre 148 des Statuts révisés du Canada de 1952.

[10]     À ce sujet, les paragraphes 104(19), (20), (21) et (22) servent à maintenir le caractère du revenu de la fiducie. Le paragraphe 104(19) - qui se rapporte à des dividendes provenant de sociétés canadiennes imposables - et le paragraphe 104(20) - qui concerne des dividendes autres que des dividendes imposables - exigent qu'une attribution par la fiducie au bénéficiaire soit caractérisée. L'attribution décrite dans l'hypothèse 8 o) est l'attribution qui s'applique à ces dividendes, à l'exception des seuls « dividendes en capital » , à l'égard desquels s'appliquerait le paragraphe 12 des présents motifs.

[11]     Ces mêmes droits de la fiduciaire d'attribuer un revenu s'appliqueront aux « revenus étrangers non tirés d'une entreprise » , aux « autres revenus » et aux « intérêts sur sommes d'argent » décrits dans l'hypothèse 8 p).

[12]     Toutefois, concernant le paragraphe 104(21), c'est-à-dire concernant l'attribution de gains en capital imposables nets, l'acte de fiducie lui-même (pièce A-1) ne dit pas que le revenu inclut les gains en capital. Il n'autorise pas non plus l'empiétement sur le capital en faveur de l'appelante comme seule bénéficiaire. Dans ces circonstances, bien que l'hypothèse 8 o) indique que des gains en capital ont été attribués à l'appelante, il n'y avait pas d'autorisation permettant à la fiduciaire de procéder à une telle attribution. Cela s'appliquerait également à tous les « dividendes en capital » qui ont été attribués.

[13]     Il résulte de l'analyse qui précède que, en vertu des paragraphes prévoyant une attribution, le revenu (mais pas le capital) qui a été attribué à la bénéficiaire par la fiduciaire est « réputé » :

[...] être un revenu de ce bénéficiaire pour l'année donnée, tiré de cette source.

[Exemple -paragraphe 104(22)]

Les raisons en sont les suivantes :

1.        Les dispositions particulières de l'article 104 l'emportent sur les dispositions plus générales de la Loi de l'impôt sur le revenu.

2.        Les mesures que la fiduciaire a prises en attribuant ainsi le revenu sont des mesures qu'elle a prises délibérément et qui dans ce cas-ci avaient été autorisées par la bénéficiaire elle-même - dans l'acte de fiducie qu'elle avait établi - et ont été acceptées par elle.

Il en résulte que, aux fins de l'impôt, le revenu attribué n'est pas un revenu provenant de la fiducie. Il s'agit d'un revenu provenant des placements.

[14]     L'attribution de capital n'est pas autorisée par le texte de l'acte de fiducie. Cela a toutefois été fait par la fiduciaire et l'appelante. De telles attributions sont fréquemment effectuées pour avantager fiscalement les parties à l'attribution. Cette attribution a été acceptée par l'intimée, comme l'indique l'hypothèse 8 o). Dans ces circonstances, l'appelante ne peut en vertu de la préclusion nier l'attribution de capital pour les années en question. Donc, aux fins du présent appel, le capital attribué provient de placements et non de la fiducie.

[15]     L'appelante est une Indienne au sens de la Loi sur les Indiens. Le revenu en cause représente un bien meuble de la contribuable. Ce qui est en litige dans la présente espèce, c'est le situs du revenu. Dans l'affaire Williams c. Canada, [1992] 1 R.C.S. 877 (92 DTC 6320), la Cour suprême du Canada a opté pour une approche téléologique dans la détermination du situs du bien. Cette approche est appelée le critère des « facteurs de rattachement » . Aux pages 892 et 893 (DTC : à la page 6326), le juge Gonthier a donné les précisions suivantes :

Il faut d'abord identifier les divers facteurs de rattachement qui peuvent être pertinents. On doit ensuite analyser ces facteurs pour déterminer le poids à leur accorder afin d'identifier l'emplacement du bien, en tenant compte de trois choses:

(1)                l'objet de l'exemption prévue dans la Loi sur les Indiens,

(2)                le genre de bien en cause et

(3)                la nature de l'imposition de ce bien.

Il s'agit donc de déterminer, relativement à chaque facteur de rattachement, le poids qui devrait lui être accordé pour décider si l'imposition en cause de ce type de bien représenterait une atteinte aux droits de l'Indien à titre d'Indien sur une réserve.

Le cadre analytique à adopter est celui que le juge Hamlyn a décrit dans l'affaire Recalma c. La Reine, C.C.I., no 94-197(IT)G, 17 juin 1996 (96 DTC 1520). Dans cette affaire, les contribuables étaient des Indiens qui vivaient à temps plein dans une réserve. Ils avaient investi de l'argent provenant de leur entreprise de pêche dans des acceptations bancaires et des fonds communs de placement. Le juge Hamlyn a rejeté l'appel et statué que les facteurs de rattachement indiquaient qu'il s'agissait principalement de placements hors d'une réserve, c'est-à-dire sur le marché ordinaire. Il a appliqué les critères suivants aux pages 8 et 9 (DTC : à la page 1523) :

[...] il y a lieu de tenir compte des éléments de rattachement suivants pour déterminer le situs du revenu de placement :

a)          la résidence des appelants;

b)          la source ou l'emplacement du capital utilisé pour acheter les valeurs mobilières;

c)          l'emplacement de la succursale bancaire où les valeurs mobilières ont été achetées;

d)          l'endroit où le revenu de placement est utilisé;

e)          l'emplacement des instruments de placement;

f)           l'endroit où le revenu de placement est versé;

g)          la nature des valeurs mobilières, et en particulier :

(i)          le lieu de résidence de l'émetteur;

(ii)         l'endroit où l'émetteur exerce l'activité qui engendre un revenu et donne lieu au placement;

(iii)        l'emplacement du bien de l'émetteur qui, en cas de défaut, pourrait faire l'objet d'une saisie.

En confirmant la décision de la Cour canadienne de l'impôt, le juge d'appel Linden, s'exprimant pour la Cour d'appel fédérale, C.A.F., no A-571-96, 27 mars 1998 (98 DTC 6238), disait aux pages 5 et 6 (DTC : à la page 6239) :

En évaluant les différents facteurs pertinents, la Cour doit décider de l'endroit où il est « le plus logique » de situer les biens meubles afin d'éviter de porter « atteinte à un bien détenu par un Indien en tant qu'Indien » dans le but de protéger le mode de vie traditionnel des autochtones. Dans l'évaluation des différents facteurs pertinents, il est également important de déterminer si l'activité qui a généré le revenu était « étroitement liée » à la réserve, c'est-à-dire si elle faisait « partie intégrante » de la vie dans la réserve, ou s'il est plus approprié de la considérer comme une activité accomplie sur « le marché ordinaire » (voir Canada c. Folster [1997], 3 C.F. 269 (C.A.F.)). Il convient de préciser que le concept « du marché ordinaire » n'est pas un critère ayant pour but de déterminer si les biens sont situés dans une réserve; il s'agit simplement d'un élément qui aide à l'évaluation des divers facteurs à l'étude. Ce n'est absolument pas un critère déterminant. L'exercice de raisonnement primordial est de décider, en tenant compte de l'ensemble des facteurs de rattachement et en gardant à l'esprit l'objet de l'article, de l'endroit où sont situés les biens, c'est-à-dire si le revenu gagné fait « partie intégrante de la vie de la réserve » , s'il est « étroitement lié » à cette vie, et s'il devrait être protégé pour empêcher de porter atteinte aux biens détenus par les Indiens en tant qu'Indiens.

Il est bien évident que les différents facteurs pourront avoir une importance différente dans chaque cas. Ce qui est extrêmement important, surtout en l'espèce, c'est le type de revenus que l'on veut assujettir à l'impôt. Lorsque le revenu est tiré d'un emploi ou qu'il s'agit d'un salaire, le lieu de résidence du contribuable, le type de travail effectué, l'endroit où le travail a été effectué et la nature de l'avantage qu'en tire la réserve ont une très grande importance (voir Folster, précité). Lorsque le revenu provient de prestations d'assurance-chômage, le facteur le plus important est de savoir où le travail ouvrant droit aux prestations a été effectué (voir Williams, précité). Lorsqu'il s'agit d'un revenu d'entreprise, le facteur primordial sera l'endroit où le travail a été effectué et où se trouve la source du revenu (voir Southwind c. La Reine, le 14 janvier 1998, dossier A-760-95 (C.A.F.)).

[Le soulignement est de moi.]

[16]     L'application des facteurs de rattachement indique ce qui suit :

1.        Bien que la résidence actuelle de l'appelante semble être à Vancouver, l'appelante habitait dans une réserve durant les années d'imposition 1997 et 1998.

2.        C'est par l'intermédiaire de son cabinet d'avocats, V Starr and Associates, que l'appelante avait gagné l'argent qui a initialement été versé à la fiducie. Le revenu du cabinet d'avocats provenait de services juridiques fournis à des Indiens habitant dans une réserve et était donc exonéré d'impôt.

3.        Cet argent a été transféré à l'appelante par l'intermédiaire de sa société juridique personnelle, V Starr Personal Law Corporation, qui était durant toute la période pertinente située dans une réserve.

4.        Le siège social de la fiduciaire était à Toronto (Ontario). Les instruments de placement étaient des « fonds » . Aucun élément de preuve n'en indique le situs. L'appelante a constitué la fiducie à une succursale de la fiduciaire située sur un terrain loué qui se trouvait dans la réserve indienne de Squamish.

5.        L'argent initialement versé à la fiducie a été utilisé pour acheter des titres de placement, principalement dans quatre fonds fiduciaires communs de la fiduciaire. L'argent détenu dans ces fonds fiduciaires était de l'argent détenu sur le marché ordinaire canadien et international et non dans une réserve. C'est sur le marché ordinaire et non dans une réserve que les émetteurs des titres de placement ont gagné le revenu de placements qui a été attribué à l'appelante.

6.        Le revenu et le capital gagnés dans les fonds ont été réinvestis, sauf pour ce qui est du prélèvement de revenu effectué par l'appelante en 1998, lorsqu'elle habitait dans une réserve.

7.        Les fonds fiduciaires de la fiduciaire étaient gérés et administrés par une filiale en propriété exclusive de la fiduciaire qui n'était pas située dans une réserve.

[17]     Les différents facteurs doivent se voir attribuer une importance différente dans chaque cas. Le revenu en cause était un revenu de placements passif. À cet égard, dans l'affaire Recalma, le juge d'appel Linden a fait remarquer ceci à la page 6 (DTC : à la page 6240) :

[...] lorsqu'un revenu de placement est en cause, ce revenu doit être considéré en fonction de son lien avec la réserve, de son effet bénéfique sur le mode de vie traditionnel des autochtones, du risque potentiel d'une atteinte aux biens des autochtones et de la mesure dans laquelle il peut être considéré comme provenant d'une activité du marché ordinaire. À notre avis, le juge de la Cour de l'impôt a à bon droit accordé beaucoup d'importance à la façon dont le revenu de placement a été produit, [...] Étant un revenu passif, le revenu de placement n'est pas produit par le travail individuel du contribuable. D'une certaine façon, le travail est accompli par l'argent qui est investi partout dans le pays. Le juge de la Cour de l'impôt a à bon droit accordé beaucoup d'importance à des facteurs comme la résidence de l'émetteur des titres, l'endroit où sont exercées les activités génératrices du revenu de l'émetteur, et l'endroit où se trouvent les biens de l'émetteur des titres.

Dans l'affaire Recalma, les contribuables étaient des Indiens qui vivaient à temps plein dans une réserve. Ils avaient investi de l'argent - provenant de leur entreprise, située dans une réserve - dans des acceptations bancaires et des fonds communs de placement. Le juge Hamlyn et le juge d'appel Linden ont accordé peu de poids au situs de la résidence des contribuables et à l'emplacement de l'entreprise ayant généré l'argent que les contribuables avaient investi. La Cour d'appel fédérale a, aux pages 6 et 7 (DTC : à la page 6240), considéré que :

Le courtier de ces titres, la succursale locale de la Banque de Montréal, était situé sur la réserve, mais pas les émetteurs des titres; les sociétés qui offraient les acceptations bancaires et les gestionnaires des fonds communs de placement en cause n'avaient aucun lien avec la réserve. Ils se trouvaient dans les sièges sociaux des sociétés dans des villes bien éloignées des réserves. De même, l'activité principale qui génère le revenu des émetteurs est située dans les villes du Canada et partout dans le monde, et non pas dans les réserves. En outre, les biens des émetteurs des titres en question se trouvaient principalement en dehors des réserves ce qui, en cas de défaillance, serait un facteur des plus importants.

Tout comme dans l'affaire Recalma, il est relativement peu important que l'appelante en l'espèce ait habité dans une réserve durant les années d'imposition 1997 et 1998. Le fait que l'argent initialement versé à la fiducie était un revenu exonéré et que la société juridique personnelle de l'appelante était située dans une réserve a peu de poids. Une importance considérable doit être attribuée à la façon dont le revenu a été généré. L'appelante conteste que la Cour puisse dans son examen déborder le cadre de la fiducie et baser son analyse sur le situs des placements détenus par la fiducie et sur le lieu de l'activité productive du revenu de placements. Elle dit que la Cour devrait surtout prendre en compte le fait que la fiducie avait été constituée à une succursale de la fiduciaire située dans une réserve.

[18]     Bien qu'en vertu du paragraphe 104(2) une fiducie soit réputée être un particulier aux fins de la Loi, notre cour base son analyse sur le situs de la source du revenu. Il s'agit de l'endroit où il est « le plus logique » de situer les biens meubles en cause. Cet endroit, c'était là où les instruments de placement se trouvaient et là où l'argent a été investi pour gagner le revenu et le capital en question. Cet endroit n'était pas une réserve. Ce placement ou le revenu provenant de ce placement ne faisait pas non plus partie intégrante de la vie d'une réserve.

[19]     L'analyse effectuée dans les affaires Sero c. La Reine, C.C.I., no 1999-548(IT)G, 25 mai 2001 (2001 DTC 575), Lewin c. La Reine, C.C.I. no 1999-504(IT)G, 17 avril 2001 (2001 DTC 479), Hill c. La Reine, C.C.I., no 95-1005(IT)I, 4 mai 1999 ([1999] 3 C.T.C. 2073), et Recalma s'applique directement à la présente espèce. Les facteurs de rattachement indiquent que le revenu et le capital gagnés par l'appelante ont été gagnés non pas dans une réserve, mais sur le marché ordinaire.

[20]     Les cotisations sont confirmées et les appels sont rejetés.

Signé à Saskatoon (Saskatchewan), ce 27e jour de décembre 2001.

« D. W. Beaubier »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 28e jour de mai 2003.

Mario Lagacé, réviseur

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