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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

98-2695(IT)G

ENTRE :

LAWRENCE RYCHJOHN,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appels entendus sur preuve commune avec les appels de Rychjohn Investments Ltd. 1999-490(IT)G le 12 décembre 2000 à Regina (Saskatchewan) par

l'honorable juge Gerald J. Rip

Comparutions

Avocat de l'appelant :                 Me Reynold Robertson

Avocate de l'intimé :                   Me Elaine Lee

JUGEMENT MODIFIÉ

                    Attendu que, le 12 juin 2000, Lawrence Rychjohn et Sa Majesté la Reine se sont entendus sur certaines questions en ce qui concerne les années d'imposition 1991 et 1992 de l'appelant;

          Et attendu que le jugement de la Cour n'a pas fait mention de ces questions sur lesquelles les parties se sont entendues;

          Le jugement daté du 26 septembre 2001 est modifié de la manière suivante :

          Les appels interjetés à l'encontre des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1991 et 1992 sont admis, et les cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations au motif que :

a)       Le ministre retirera du revenu de l'appelant le montant de 61 416,67 $ établi à titre d'avantage découlant du condominium;

b)       le ministre supprimera la pénalité prévue au paragraphe 163(2) qu'il a imposée contre l'appelant en ce qui concerne l'avantage découlant du condominium;

c)        l'avantage découlant de la maison Eldorado sera réduit de 8 500 $ pour chaque année.

          À tous les autres égards, les cotisations sont ratifiées.

          Un seul mémoire de frais pour les appels de Lawrence Rychjohn et Rychjohn Investments Ltd. est accordé à l'intimée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 4e jour d'octobre 2001.

« Gerald J. Rip »

J.C.C.I.


Traduction certifiée conforme

ce 10e jour de mars 2003.

Mario Lagacé, réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

1999-490(IT)G

ENTRE :

RYCHJOHN INVESTMENTS LTD.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appels entendus sur preuve commune avec les appels de Lawrence Rychjohn 98-2695(IT)G le 12 décembre 2000 à Regina (Saskatchewan) par

l'honorable juge Gerald J. Rip

Comparutions

Avocat de l'appelant :                 Me Reynold Robertson

Avocate de l'intimé :                   Me Elaine Lee

JUGEMENT MODIFIÉ

          Attendu que, le 12 juin 2000, Rychjohn Investments et Sa Majesté La Reine se sont entendus sur certaines questions en ce qui concerne les années d'imposition 1991 et 1992 de l'appelante;

          Et attendu que le jugement de la Cour n'a pas fait mention de ces questions sur lesquelles les parties se sont entendues;

          Le jugement daté du 26 septembre 2001 est modifié de la manière suivante :

          Les appels interjetés à l'encontre des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1991 et 1992 sont admis, et les cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations au motif que :

a)       Le ministre supprime la pénalité imposée en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu en ce qui concerne le revenu non déclaré provenant de la vente du condominium à Terry Rychjohn;

b)       le ministre accorde à l'appelante une déduction supplémentaire de 57 398,76 $ en ce qui concerne un travail à forfait effectué par Terry Rychjohn pour l'appelante au cours de l'année d'imposition 1991.

          À tous les autres égards, les cotisations sont ratifiées.

          Un seul mémoire de frais pour les appels de Lawrence Rychjohn et de Rychjohn Investments Ltd. est accordé à l'intimée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 4e jour d'octobre 2001.

« Gerald J. Rip »

         J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 10e jour de mars 2003.

Mario Lagacé, réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

98-2695(IT)G

ENTRE :

LAWRENCE RYCHJOHN,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appels entendus sur preuve commune avec les appels de Rychjohn Investments Ltd. 1999-490(IT)G le 12 décembre 2000 à Regina (Saskatchewan) par

l'honorable juge Gerald J. Rip

Comparutions

Avocat de l'appelant :                 Me Reynold Robertson

Avocate de l'intimée :                 Me Elaine Lee

JUGEMENT

          Les appels interjetés à l'encontre des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1991 et 1992 sont admis et les cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations uniquement afin de réduire de 8 500 $ l'avantage conféré chaque année.

          Un seul mémoire de frais pour les appels de Lawrence Rychjohn et de Rychjohn Investments Ltd. est accordé à l'intimée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 26e jour de septembre 2001.

« Gerald J. Rip »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 28e jour de février 2003.

Mario Lagacé, réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

1999-490(IT)G

ENTRE :

RYCHJOHN INVESTMENTS LTD.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appels entendus sur preuve commune avec les appels de Lawrence Rychjohn 98-2695(IT)G le 12 décembre 2000 à Regina (Saskatchewan) par

l'honorable juge Gerald J. Rip

Comparutions

Avocat de l'appelant :                 Me Reynold Robertson

Avocate de l'intimée :                 Me Elaine Lee

JUGEMENT

          Les appels interjetés à l'encontre des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1991 et 1992 sont rejetés.

          Un seul mémoire de frais pour les appels de Lawrence Rychjohn et de Rychjohn Investments Ltd. est accordé à l'intimée.


Signé à Ottawa, Canada, ce 26e jour de septembre 2001.

« Gerald J. Rip »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 28e jour de février 2003.

Mario Lagacé, réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Date: 20000926

Dossier: 98-2695(IT)G

ENTRE :

LAWRENCE RYCHJOHN,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée,

1999-490(IT)G

ET ENTRE :

RYCHJOHN INVESTMENTS LTD.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT


Le juge Rip

[1]      Lawrence Rychjohn et Rychjohn Investments Ltd. ( « Investments » ) interjettent appel à l'encontre des cotisations fiscales de 1991 et de 1992[1].

[2]      La question pour les deux années découle de l'utilisation par M. Rychjohn, un actionnaire, administrateur et dirigeant de Investments, d'une maison construite et appartenant à Investments à Kelowna, en Colombie-Britannique. Le ministre du Revenu national (le « ministre » ) a établi une cotisation à l'égard de M. Rychjohn en vertu du paragraphe 15(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ) et des articles 4300 et 4301 du Règlement pris en application de la Loi. Dans cette cotisation, le ministre a ajouté au revenu de 1991 et de 1992 de M. Rychjohn les avantages qui lui ont été conférés par Investments. Les avantages représentaient la valeur du bien utilisé par M. Rychjohn et les dépenses engagées par Investments pour l'entretien de la maison. Pour 1991, le ministre a ajouté le montant de 83 314,24 $ au revenu de M. Rychjohn, soit le total de 69 875,01 $ reçu à titre d'avantage et de 14 443,23 $ représentant les coûts d'utilisation de la maison payés par Investments, y compris les assurances, les services publics, les réparations et un montant versé à titre de commission sur prêt. Le ministre a ajouté le montant de 59 618,44 $ au revenu de M. Rychjohn, ce qui représentait un avantage de 48 720 $ plus les coûts d'utilisation de la maison de 10 868,44 $.

[3]      La question en litige dans les appels interjetés par Investments consiste à savoir si, en vertu des alinéas 18(1)a) et 18(1)h) de la Loi, la société a le droit de déduire, dans le calcul de son revenu, le montant de 4 858 $, soit un montant versé à titre de commission sur prêt relatif au financement de la maison. Les parties ont convenu que les appels de la société connaîtraient la même issue que ceux de M. Rychjohn.

[4]      M. Rychjohn, un résident de Saskatoon, est président d'Investments. Lui et son épouse, Mme Rychjohn, possèdent chacun 50 p. 100 de ses actions émises. Les Rychjohn résident à Saskatoon. La société exploite une entreprise de construction et de vente de biens immeubles à Saskatoon et elle exploite des coentreprises en Saskatchewan et au Manitoba. Pendant la période pertinente des présents appels, Investments a construit des immeubles d'habitation à logements multiples dans la région de Kelowna en Colombie-Britannique.

[5]      M. Rychjohn représente le « principal acteur » de l'entreprise de construction d'Investments. Mme Rychjohn gère les boutiques de cartes de souhait de la société. À l'exception d'un petit centre commercial à Kelowna appelé Creekside Plaza, Investments a vendu tout ce qu'elle a construit. Depuis environ 1972, au moment où il exploitait l'entreprise à son nom, jusqu'au moment du procès, M. Rychjohn a estimé qu'Investments et lui-même avaient construit des biens immeubles d'une valeur de 200 000 000 $. Le premier projet d'Investments à Kelowna a été réalisé en 1986, et consistait en la construction d'un ensemble de 152 unités locatives. En 1988, Investments et Normandale Holdings Ltd. ont accepté de vendre un projet appelé Mission View Estates, à Kelowna, et elles ont utilisé le produit de la vente afin d'acheter un terrain pour un projet d'ensemble d'habitations comprenant 198 unités condominiales à Kelowna appelé Bridgewater Estates. Normandale Holdings Ltd. ( « Normandale » ) était la propriété de M. Robert Ian Van Norman, un voisin, ami et associé de M. Rychjohnvivant à Saskatoon.

[6]      La résidence en litige est située sur un terrain de premier ordre au bord d'un lac, à quatre milles au sud du centre-ville de Kelowna, en Colombie-Britannique. Le bien a été grevé d'une servitude et un ruisseau le serpentait. Une maison ne pouvait donc être construite près du lac et la vue qu'on avait du lac à partir de la maison s'en trouvait réduite. La maison Normandale n'avait pas ce problème. Le lot sur lequel la résidence était construite est désigné sous le nom de « lot 5, Eldorado Court » . La maison de M. Van Norman est située sur le lot 6. (La maison Rychjohn sera parfois appelée la « maison Eldorado » .)

[7]      M. Rychjohn a indiqué dans son témoignage que la maison Eldorado avait été construite par Investments pour vérifier le marché de l'habitation haut de gamme de Kelowna. Les maisons que Investments construisait à Kelowna à l'époque n'étaient pas « haut de gamme » . Comme M. Rychjohn consacrait plus de la moitié de son temps à son entreprise de Kelowna, il a déclaré qu'il avait prévu se servir de la maison au lieu de descendre à l'hôtel lorsqu'il se trouverait à Kelowna.

[8]      M. Rychjohn a déclaré qu'il s'était d'abord intéressé au lot Eldorado lorsqu'un entrepreneur en réseaux d'aqueduc et d'égout lui en avait parlé au moment où Investments construisait le projet Bridgewater. L'entrepreneur, M. Dan Nomis, avait dit à M. Rychjohn qu'il y avait des lots haut de gamme à vendre sur Eldorado Court, que les constructeurs « manquaient de financement » et qu'on pouvait « réaliser un bon marché » . M. Nomis avait acheté un lot. Normandale et Investments ont acheté deux lots contigus, les lots 5 et 6, pour 180 000 $ chacun. Au procès, M. Rychjohn était d'avis que le prix demandé par lot s'élevait à 300 000 $, mais il a obtenu un bon prix parce que les deux lots ont été achetés ensemble et qu'il avait pu négocier et marchander un bon prix. L'avocate de l'intimée a suggéré à M. Rychjohn que le prix qu'il avait payé pour les lots d'Eldorado Court était celui demandé, qu'il ne s'agissait pas d'un marché. M. Rychjohn a continué d'affirmer qu'il avait réalisé un bon marché. La preuve a révélé que les lots d'Eldorado Court, libre de toute servitude, avaient été vendus entre 180 000 $ et 200 000 $. M. Rychjohn s'est dit surpris « d'apprendre que des gens avaient obtenu les mêmes prix » .

[9]      M. Rychjohn a décrit ce qu'il pensait lorsqu'il avait acquis le lot Eldorado pour Investments :

          [TRADUCTION]

Eh bien, mon intention était simplement que, vous voyez, si je peux acheter quelque chose 180 000 $ et que je crois que ça en vaut 300 000 $, tout de suite, je constate que j'ai réalisé un bénéfice de 100 000 $ sur le lot. C'était ce que je voyais et je savais qu'on pouvait certainement réaliser un bénéfice, mais mon intention s'est davantage précisée : vous voyez, nous construisons le projet Bridgewater Estates et nous négocions d'importants travaux en sous-traitance, vous savez, pour une valeur de 14 000 000 $. Il y a une possibilité que nous puissions réaliser un profit en construisant une ou deux maisons sur ces biens, et je n'ai pas honte de le dire, j'ai réalisé des marchés extraordinaires. Je ne les ai jamais réalisés gratuitement, mais j'ai eu certains marchés extraordinaires lors de la construction des maisons Eldorado par l'entremise du projet Bridgewater Estates. Alors, j'ai pensé qu'il y avait encore un profit de 100 000 $ ou plus à réaliser et je pouvais également envisager que le marché prendrait de l'expansion. Je veux dire, nous parlons des années 1988 et 1989, vous savez. Je pouvais imaginer que les marchés pouvaient prendre de l'expansion et j'avais raison, j'avais tout à fait raison. Le marché commençait à croître rapidement. Alors, je suis là, avec 100 000 $ de plus sur le lot, j'ai 100 000 $ de plus sur les contrats en sous-traitance, j'ai déjà 220 000 $ de plus sans même avoir fait quelque chose. Je sais seulement que je pouvais spéculer, mais je savais également qu'il devait y avoir une plus-value et les biens situés sur le bord du lac se faisaient très rares et, pour être très honnête avec vous, je croyais que je réaliserais un profit d'un demi-million de dollars pour ce travail et il s'est avéré que j'avais tort, mais j'ai vraiment cru que ça y était.

[10]     Mme Rychjohn n'était pas au courant de l'achat, selon M. Rychjohn, jusqu'à ce que ce dernier l'en informe. Le 2 novembre 1988, ou vers cette date, il a engagé le même architecte qui a conçu deux de ses projets, dont Bridgewater Estates, pour concevoir la maison Eldorado. M. Rychjohn a déclaré qu'il n'avait pas « fait attention » à la description faite par l'architecte du projet, qu'il ne s'agissait que d'une « maison individuelle familiale pour M. et Mme Lawrence Rychjohn » . Les seules instructions qu'il affirme avoir données à l'architecte consistaient à concevoir la maison pour qu'elle puisse être placée sur le lot à l'intérieur des limites et de la servitude. La superficie de la maison était de 4 000 pieds carrés. L'appelant souhaitait que l'extérieur de la maison soit couvert de pierre de Tyndall, qu'on décrivait comme « une caractéristique unique » , il a choisi la cuve thermale, la piscine, l'embarcadère et le garage pour trois voitures, « tout ce dont vous avez besoin pour une maison de un million de dollars » .

[11]     Selon M. Rychjohn, les maisons d'Eldorado Court ont été construites « dans le cadre du projet Bridgewater » . De plus, en août 1990, Investments a commencé la construction du projet Creekside Villas, comportant 264 unités condominiales, et le projet Creekside Plaza, un centre commercial. La construction a pris fin en 1993. M. Rychjohn et Investments ont continué d'être actifs dans la région de Kelowna pendant une bonne partie des années 1990.

[12]     Investments et Normandale ont conclu une entente de coentreprise le 13    mars 1989 pour Bridgewater Estates, laquelle était composée de quatre paragraphes, dont deux portaient précisément sur la construction de deux maisons sur les lots 5 et 6 sur Eldorado Court : les maisons devaient être construites à des fins d'investissement; Investments devait s'occuper, sans frais, de la gestion de la construction; chaque partie devait posséder son propre titre; tous les coûts des deux maisons devaient être supportés à parts égales jusqu'à une étape d'achèvement décrite; un embarcadère commun et une installation pour le bateau pour les deux lots seraient construits en vertu de l'entente de coentreprise.

[13]     Les lots 5 et 6 (y compris les améliorations) ont été transférés aux coentrepreneurs en 1991, le lot 6 à Normandale et le lot 5 à Investments. En 1992, Normandale a transféré la propriété du lot 6 à M. et à Mme Van Norman. Les états de la coentreprise étaient joints aux déclarations de revenus de 1990 et de 1991 d'Investments et on y indiquait de la manière suivante que la maison Eldorado constituait un actif immobilisé (en capital) :


Valeur comptable nette en 1990

Valeur comptable nette en 1991

Terrain

       181 573 $

ZÉRO

Améliorations au terrain

              450 $

ZÉRO

Sous-total

       182 023 $

ZÉRO

Immeuble

       314 077 $

ZÉRO

Equipement

           2 319 $

ZÉRO

Piscine

         13 899 $

ZÉRO

Embarcadère

          11 850 $

ZÉRO

Sous-total

       342 145 $

ZÉRO

Total

       524 168 $

ZÉRO

[14]     La construction de la maison Eldorado a été achevée en décembre 1990. Un permis d'occuper a été obtenu en mars 1991 et la maison a été mise en vente auprès de M. Colin Bull, un courtier en immeubles qualifié, en septembre 1991 pour 795 000 $. M. Rychjohn a déclaré que M. Bull lui avait dit que l'on pourrait vendre la « maison pour un montant se situant entre 750 000 $ et 900 000 $ » . Selon M. Rychjohn, la maison avait été mise en vente grâce au service interagences, un panneau a été installé dans la cour avant et la vente a été annoncée dans les journaux. M. Rychjohn n'était pas présent lors des visites de la maison à des acheteurs éventuels. Il a déclaré qu'il avait « embêté souvent » M. Bull, mais que la maison n'avait pas trouvé preneur. Il a finalement changé d'agent le 14 juin 1994 ou vers cette date.

[15]     Le deuxième agent immobilier, Mme Joan Marie Richter, selon M. Rychjohn, avait une « réputation fabuleuse » . Elle l'a informé que la maison ne valait pas 1 000 000 $ sur un marché qui commençait à « s'effondrer » . Il n'a jamais réduit le prix lorsque la maison a été mise en vente auprès de M. Bull parce que le marché présentait une croissance soutenue et qu'il croyait que quelqu'un l'achèterait.

[16]     M. Bull a eu deux offres d'achat, toutes les deux verbales. La première comprenait un échange et la deuxième s'élevait à environ 700 000 $, mais elle était sujette à la vente de la maison de l'acheteur. M. Rychjohn n'a pas considéré que ces offres étaient « convenables » .

[17]     Pendant la période où la maison Eldorado a été mise en vente, Investments a connu des difficultés financières en raison du dépassement des coûts de ses projets. Une hypothèque a été consentie sur la maison Eldorado afin de garantir une marge de crédit de 500 000 $ à Investments pour qu'elle finance ses projets. La maison a également été utilisée par Investments à titre de garantie, pour un montant ne dépassant pas 150 000 $, à l'égard d'une lettre de crédit et du versement d'une caution pour un projet.

[18]     M. Rychjohn a estimé qu'il avait passé environ douze jours par mois, en moyenne, à Kelowna à partir de 1986. Habituellement, il voyageait de Saskatoon en voiture, et un voyage durait treize heures. En chemin, il visitait des projets à North Battleford et à Lloydminster et il se rendait également au bureau de l'architecte à Calgary. À Kelowna, se rappelle-t-il, il prenait habituellement une chambre d'hôtel lui coûtant 85 $ à 150 $ la nuit. Toutes les dépenses ont été payées par Investments. Lorsque la maison Eldorado a été construite, il a demeuré dans ce bien afin de faire des économies en ce qui concerne ses frais d'hébergement, mais, néanmoins, il a parfois séjourné à l'hôtel. M. Rychjohn n'a pu fournir de journal de ses déplacements à Kelowna ou de ses séjours à la maison Eldorado.

[19]     À quelques occasions, lorsque M. Rychjohn allait skier dans la région de Kelowna, il demeurait également dans la maison Eldorado. Afin de se détendre après le travail, il allait « se relaxer » sur un « vieux » bateau arrimé à la maison Eldorado. La famille utilisait la maison de temps à autre. Son fils a passé une semaine à la maison en 1991 alors qu'il travaillait à Kelowna et l'une de ses filles est demeurée à la maison Eldorado pendant plusieurs jours après les années en litige alors que leur maison était en construction à Kelowna.

[20]     Les bénéficiaires et les propriétaires décrits dans la police d'assurance relativement à la maison Eldorado étaient M. et Mme Rychjohn. M. Rychjohn a indiqué, dans son témoignage, qu'il s'agissait là d'une erreur. Il n'a pu dire qui avait payé les primes de la police.

[21]     Les factures envoyées à M. Rychjohn pour la maison avaient été payées par le projet, a-t-il déclaré. Je suppose qu'il voulait dire la coentreprise Bridgewater.

[22]     M. Rychjohn a déclaré que Mme Rychjohn et lui-même avaient également construit deux maisons à Kelowna pour la revente. L'une des maisons a été construite en 1996 et vendue avec un profit considérable. L'autre maison a été construite sur le lot 12 sur Eldorado Estates « en tant que maison-témoin » et elle a également été vendue à profit. M. Rychjohn a indiqué dans son témoignage, que son épouse et lui-même étaient les propriétaires de ces maisons en raison des difficultés qu'il éprouvait avec les autorités fiscales à l'époque.

[23]     M. Rychjohn a avoué avoir été reconnu coupable d'évasion fiscale pour les années 1989 à 1993 pour avoir omis de déclarer le revenu généré par les montants déposés dans son compte bancaire personnel et dans celui de Mme Rychjohn par des entrepreneurs pour les projets Creekside Villas et Creekside Plaza. En 1992, des entrepreneurs ont versé à M. Rychjohn 22 000 $ pour des contrats qu'il avait avec Investments. L'avocate de l'intimée m'a demandé de tenir compte de ces déclarations de culpabilité en évaluant la crédibilité de M. Rychjohn.

[24]     M. Bull, le courtier en immeubles engagé à l'origine par M. Rychjohn, était en semi-retraite au moment du procès. Il a indiqué, dans son témoignage, qu'il vendait « principalement, mais non pas exclusivement, des immeubles d'habitation haut de gamme » . Il a déclaré que les biens haut de gamme pendant la période de 1980 à 1996 se vendaient de 250 000 $ jusqu'à plus de 800 000 $, mais il n'a pu dire si des maisons à Kelowna s'étaient déjà vendues en 1991 pour 800 000 $. Le prix demandé de 795 000 $, s'est rappelé M. Bull, « constituait probablement celui de M. Rychjohn, mais nous n'étions pas mal à l'aise avec ce prix [...] Il n'était pas exagéré » . Les prix « augmentaient » .

[25]     Toutefois, M. Bull n'a pu vendre la maison, malgré le fait qu'il ait fait visiter le bien à 20 ou 30 occasions au cours des 29 mois pendant lesquels il s'est occupé de la mise en vente de ce bien. Aucune évaluation ou estimation de la maison n'a été préparée, pour autant qu'il le sache. M. Bull ne savait pas que la valeur du bien avait été établie en 1991 à 650 000 $. Selon M. Bull, une seule offre pour le bien a été déposée pendant qu'il s'occupait de la mise en vente, mais il ne pouvait se rappeler le prix de l'offre.

[26]     Pendant les périodes où M. Bull a fait visiter le bien, il a rarement vu M. Rychjohn et n'a vu que des meubles « de première nécessité » dans la maison. Il y avait dans la salle familiale une télévision, une table à café et un sofa, et seules deux des quatre chambres à coucher comportaient un lit. La salle à manger et le salon étaient vides.

[27]     Mme Joan Marie Richter, qui a remplacé M. Bull, en juin 1994 en tant qu'agente responsable de la mise en vente, est l'un des meilleurs agents immobiliers en Colombie-Britannique. J'ai été impressionné par ses compétences spécialisées, ses connaissances et son caractère très dynamique, davantage que par M. Bull. Elle a montré à M. Rychjohn les ventes des immeubles d'habitation dans la région de Kelowna au cours de la dernière année et elle l'a convaincu de réduire le prix demandé à 775 000 $. Mme Richter a reconnu qu'elle ne s'attendait pas à recevoir une offre pour le prix demandé, elle prévoyait recevoir une offre inférieure d'environ 30 000 $ ou 40 000 $.

[28]     Mme Richter a remarqué que la maison était construite en brique et qu'il n'y avait pas beaucoup de maisons en briques à Kelowna. La cour était « tenue avec soin » . Elle était d'accord avec M. Bull pour dire que la maison contenait très peu de meubles et qu'elle voyait rarement M. Rychjohn lors de ses visites à la maison. Elle savait qu'il était à Kelowna lorsqu'elle voyait ses articles de toilette.

[29]     Jusqu'en 1993, les prix des maisons à Kelowna ont augmenté. Entre juin 1994 et février 1995, le marché « s'est effondré » . Ce n'est qu'en 1998-1999 que le marché « s'est stabilisé » , a-t-elle déclaré. Mme Richter a été « reconnaissante » d'obtenir le mandat de vendre la maison Eldorado puisque « tout mandat de vendre une maison sur le bord d'un lac est très bon » . Le mandat a été renouvelé avec Mme Richter en octobre 1994, mais le prix demandé a été réduit à 749 900 $ comme elle l'avait recommandé.

[30]     Au moins deux offres d'achat ont été reçues par Mme Richter, l'une le 28 novembre 1994 pour 650 000 $, qu'elle considérait basse. L'offre a, par la suite, été augmentée à 671 000 $, puis a été annulée. La deuxième offre, de 700 000 $, a été présentée le 8 février 1995. Après la présentation d'une contre-offre par Investments, le vendeur et l'acheteur éventuels se sont entendus pour un prix de 690 000 $, sous réserve de la vente de la maison de l'acheteur. M. Rychjohn devait également pouvoir utiliser sans frais la maison de l'acheteur pendant deux mois et payer un loyer par la suite. (Apparemment, Investments était sur le point de commencer la construction à l'époque d'un nouveau projet près de Kelowna.) La transaction a été conclue le 31 mars 1995.

[31]     Mme Rychjohn a indiqué dans son témoignage qu'elle n'avait aucun intérêt à partir de Saskatoon pour s'installer à Kelowna. Elle a nié avoir « participé » à la conception ou à l'ameublement de la maison Eldorado comme elle l'a fait, par exemple, pour la résidence principale de la famille à Saskatoon et la résidence secondaire à Turtle Lake. Bien qu'elle ait pu formuler certaines suggestions pour le papier peint ou l'aménagement paysager, la disposition de la maison n'était pas celle qu'elle aurait souhaitée. Par exemple, il n'y avait pas d'espace pour manger dans la cuisine. En ce qui la concerne, son époux a construit la maison pour « la vendre de façon spéculative et faire de l'argent » .

[32]     Lorsqu'elle visitait Kelowna avec son époux ou qu'elle s'y rendait pour affaires, elle gérait la boutique de cartes d'Investments à Kelowna, ou encore, lorsqu'elle rendait visite à sa fille, Mme Rychjohn ne demeurait dans la maison Eldorado qu'à l'occasion. Habituellement, elle demeurait chez sa fille. (Je suppose que c'était après 1992.) Elle ne considérait pas la maison Eldorado comme étant la sienne.

[33]     Mme Rychjohn n'a pas aimé être contre-interrogée par l'avocate de l'intimée. Elle n'a pu confirmer que sa fille possédait sa propre maison en 1993. Elle a confirmé qu'elle s'était rendue à Kelowna par avion environ huit fois entre juin 1991 et octobre 1992. À d'autres occasions, elle s'y était rendue en voiture avec M. Rychjohn. Elle ne pouvait se rappeler si elle avait suggéré une architecture paysagère pour la maison. Elle ne pouvait se rappeler si c'est elle qui avait choisi les moulures ou encore les fenêtres de la maison. Elle se rappelait avoir rencontré une architecte d'intérieur, Mme Lisa Howard, pour faciliter la vente de la maison, mais ne pouvait se rappeler des détails en ce qui concerne la conception.

[34]     Lisa Howard exploitait une entreprise d'architecture intérieure à Kelowna lorsqu'elle a reçu la visite de M. Rychjohn le 19 novembre 1989. Elle s'est rendue au bien Eldorado le lendemain. M. Rychjohn lui avait dit qu'il construisait une maison, mais qu'il y avait des problèmes de conception, en particulier avec la chambre principale et la salle familiale. Elle a compris qu'elle a été engagée par M. Rychjohn afin de « corriger les problèmes architecturaux » . Mme Howard croyait qu'il construisait une résidence de vacances. M. Rychjohn lui a demandé de s'assurer que les différentes pièces « remplissaient bien leurs fonctions » , qu'une vue donnait sur le lac, que les éclairages, la télévision et le foyer étaient convenablement placés dans la salle familiale. M. Rychjohn a précisément indiqué les changements qu'il souhaitait obtenir.

[35]     La Couronne a suggéré que, selon le témoignage de Mme Howard, l'intérêt de M. Rychjohn dans le bien Eldorado était personnel. Par exemple, l'extérieur et le foyer de la maison étaient faits de pierre de Tyndall, une pierre naturelle de la Saskatchewan et qui n'était pas utilisée à Kelowna. Mme Howard a déclaré qu'elle n'avait jamais travaillé avec de la pierre de Tyndall. Elle a dit qu'elle « a complètement refait la conception » de la salle de bain communicante. Toutefois, elle n'avait pas encore rencontré Mme Rychjohn. Elle a déclaré qu'elle avait l' « impression » que Mme Rychjohn participait à la conception et « qu'on tenait compte de ses préférences » . Mme Howard s'est rappelée que M. Rychjohn avait souvent fait référence à Mme Rychjohn et à « ses préférences à lui ainsi qu'à celles de Pat » . À certaines occasions, il a dit à Mme Howard qu'il s'en remettait à son épouse. Ce n'est que le 12 juin 1990 qu'elle a rencontré M. et Mme Rychjohn afin de prendre les décisions finales et de recevoir les instructions finales.

[36]     Les factures de Mme Howard pour ses services, à partir de janvier 1990, ont été envoyées à M. Rychjohn, bien que des notes explicatives, également adressées à M. Rychjohn, aient fait référence à M. et à Mme Rychjohn ou à M. Rychjohn uniquement. Différentes propositions de conception ont également été adressées à M. et à Mme Rychjohn.

[37]     Mme Rychjohn, selon Mme Howard, avait donné son avis au sujet des couleurs de la maison. Elle a choisi le papier peint, les carreaux, les tapis et les surfaces de comptoirs, par exemple. Mme Howard a préparé des notes pour Mme Rychjohn afin de lui « demander son avis »

[38]     M. Rychjohn a rencontré Mme Howard, à plusieurs occasions, et cette dernière a déclaré qu'elle avait eu une seule « rencontre principale » avec M. et Mme Rychjohn. Mme Howard avait l'impression que la maison était construite pour être utilisée principalement comme une résidence de vacances par les Rychjohn.

[39]     Mme Howard ne se rappelait pas que M. Rychjohn lui ait déjà mentionné que la maison était construite afin de vérifier le marché haut de gamme. Elle avait auparavant conçu des maisons construites pour la spéculation. Dans ces cas, le constructeur et elle se rencontraient généralement afin de discuter du marché visé et elle établissait un budget. Elle ne rencontrait jamais l'épouse du constructeur. En contre-interrogatoire, elle a reconnu que, dans le cadre de la construction d'une « résidence principale » , l'époux et l'épouse donnaient leur avis, mais qu'en ce qui concerne la résidence Eldorado, ces avis « étaient principalement donnés par M. Rychjohn » .

[40]     M. Randall Rhode est un entrepreneur de maçonnerie à Kelowna. Il a déménagé de Saskatoon à Kelowna en 1989 et il a démarré une entreprise appelée Cana Masonry ( « Cana » ). Le père de M. Rhode avait fait affaires avec M. Rychjohn à Saskatoon et l'appelant lui avait demandé s'il était intéressé à présenter une soumission en vue d'effectuer du travail sur un condominium appelé Creekside Villa qui était construit par Investments et sur les deux maisons des lots 5 et 6 sur Eldorado Court.

[41]     M. Rhode a d'abord été engagé afin de poser un revêtement de brique sur l'extérieur de la résidence d'Eldorado Court et d'installer trois foyers de maçonnerie. Plus tard, des éléments supplémentaires ont été ajoutés. M. Rhode a déclaré qu'une maison toute en brique n'était « pas habituelle à Kelowna » . Il avait travaillé sur cinq autres maisons sur Eldorado Court, toutefois le briquetage y était peu important.

[42]     Des « éléments supplémentaires » ont été ajoutés, dont des fenêtres de différentes grandeurs qui, selon M. Rhode, provenaient du projet Creekside Villas puisqu'elles étaient identiques à celles du projet de condominium. M. Rychjohn a également fait construire les marches, les trottoirs et l'allée de la maison en briques « roses » . À mesure que M. Rhode effectuait les améliorations, M. Rychjohn lui demandait d'effectuer des travaux supplémentaires sur la maison. M. Rychjohn a dit à M. Rhode que la maison devait être sa résidence d'été.

[43]     M. Bruce Evans, un vérificateur d'entreprise auprès de Revenu Canada à l'époque, a été affecté au dossier des appelants. Il a rencontré M. Rychjohn, en 1993, et a examiné les dossiers de société d'Investments, y compris les factures. En examinant certaines des factures du 12 janvier 1990, M. Evans « a remarqué que la maison était probablement construite pour un usage personnel » . Il a enquêté pour savoir si la maison avait été transférée de la coentreprise à Investments pour sa juste valeur marchande. Il a noté que l'appelant considérait sa maison d'Eldorado de la même manière que la maison de Turtle Lake. Il a également remarqué qu'Investments avait acheté un bateau pour 9 235 $.

[44]     M. Evans a indiqué, dans son témoignage, que le 23 septembre 1993, M. Rychjohn l'avait informé qu'il prévoyait déménager à Kelowna puisque tous ces projets à l'époque y étaient localisés et que la ville « connaissait une grande croissance » . Toutefois, M. Rychjohn n'a pas dit que la maison Eldorado était celle dans laquelle il prévoyait vivre à Kelowna.

[45]     M. Evans a expliqué que les profits attribués à M. Rychjohn comprenaient un montant calculé grâce aux taux d'intérêts prescrits sur celui de 650 000 $, la valeur du bien et les coûts d'utilisation comme l'assurance, les services publics, les réparations et, en 1991, des montants versés à titre de commission sur prêt.

[46]     Lionel Lambie, un comptable agréé, est le comptable des appelants. Il a confirmé que la maison d'Eldorado Court avait été construite en tant que projet conjoint puis avait été transférée à Investments en 1991 pour environ 525 000 $. La maison était considérée comme un bien immobilisé de la coentreprise, puis comme un bien d'inventaire lorsque Investments en a disposé en 1995. Selon un résumé des déclarations de revenus d'Investments pour sa première année se terminant le 31 décembre 1991, la coentreprise aurait eu recours à la déduction pour amortissement à l'égard de la maison d'Eldorado Court au 31 décembre 1989. Les dépenses relatives tant à la maison d'Eldorado Court qu'à une résidence de vacances des Rychjohn à Turtle Lake ont été payées par Investments. Le ministre a refusé ces déductions et rajouté les montants déduits au revenu de 1991. Ces montants comprenaient les coûts de l'assurance, des réparations, de l'entretien et des taxes.

[47]     M. Clifford Worman, un résident de Kelowna et un entrepreneur, travaillait avec M. Rychjohn depuis 1990 et était un chargé de projet, sous les ordres de M. Rychjohn, pour le condominium à Kelowna appelé Creekside Villas.

[48]     Selon M. Worman, la maison Eldorado était « mal située » sur son lot. L'intérieur de la maison était pour l'essentiel vide, sauf pour ce qui était des « meubles convenant à des étudiants » . Il voyait « parfois » Mme Rychjohn à la maison, et Ryan Rychjohn, l'un des enfants de M. Rychjohn, a vécu pendant un été dans la maison.

[49]     Si je conclus que M. Rychjohn a personnellement profité de son utilisation de la maison, il est important que je détermine la valeur de la maison à une date donnée. Les deux parties ont présenté une preuve quant à la valeur du bien Eldorado en 1991. L'évaluation de la Couronne est datée du 26 juin 1991. Le témoin de l'appelant semble avoir considéré la valeur du bien pendant la période comprise entre 1989 et 1991.

[50]     M. Donald H. Gordon a témoigné au nom de l'appelant. Il est un évaluateur de biens immobiliers résidentiels auprès de Okanagan/Kootenay Property Services Inc. de Kelowna. Son mandat consistait à m'aider à « déterminer si la transaction de 1995, enregistrée relativement au bien en question, était raisonnable en vertu des conditions du marché à l'époque » . Il devait examiner les précédents rapports d'évaluation effectués par son cabinet relativement au bien Eldorado et revoir les tendances passées du marché dans la région de Kelowna. Il n'a pas lui-même évalué la maison. Il était d'avis que les conditions du marché à l'époque confirmaient les prix demandés et la transaction enregistrée. Il avait visité l'endroit le 14 janvier 1991.

[51]     Selon M. Gordon, le bien a été mis en vente auprès de M. Bull entre le 15 décembre 1992 et le 31 mars 1993 pour 795 000 $, puis remis en vente entre le 19 avril 1993 et le 31 octobre 1993 et entre le 1er novembre 1993 et le 28 février 1994. Il n'a pas mentionné dans son rapport que le bien avait été mis en vente pendant 14 mois avant décembre 1992 et qu'il n'avait pas été vendu.

[52]     Le 9 juin 1989, M. Gordon a examiné et apparemment approuvé une évaluation du financement par prêt hypothécaire de la résidence Eldorado effectuée par M. Allan Ramsay de son cabinet, au 25 mai 1989, de 575 000 $. L'évaluateur a écrit que la « seule vente connue ayant dépassé les 500 000 $ » était celle des biens-fonds comparables qu'il a utilisés dans son rapport. Le bien-fonds comparable était de toute évidence un bien de valeur supérieure en raison principalement de sa superficie de 2,5 acres et une façade riveraine de 200 pieds linéaires. Néanmoins, il a accordé une valeur au bien Eldorado se situant entre 555 000 $ et 605 000 $, après ajustements. L'évaluateur n'a pas mentionné que le bien était assujetti à une servitude importante qui, selon le témoin expert de l'intimée, occupait 18,11 p. 100 de la superficie du bien.

[53]     Dans une lettre envoyée à la Banque Royale du Canada le 16 janvier 1991, M. Gordon a estimé que la valeur marchande du bien Eldorado, deux jours plus tôt, s'élevait à 650 000 $, en utilisant la vente de comparables.

[54]     Deux ans plus tard, M. Gordon a informé la Banque Royale du Canada qu'il estimait que la valeur marchande du bien, au 17 décembre 1992, se situait « autour de 800 000 $ » . M. Gordon, n'a pas inspecté le bien à l'époque, ne l'ayant vu que de la rue. Il a comparé le bien à quatre autres biens, dont l'un d'eux était situé sur Eldorado Court et qui avait été vendu en janvier 1992 pour 990 000 $ et en août de la même année pour 907 000 $. Ce bien est plus grand que le bien Eldorado d'environ 1 500 pieds carrés et la taille de son lot est supérieure (une façade riveraine de 88 pieds). M. Gordon a évalué la valeur du bien Eldorado en fonction de sa taille et est arrivé à la somme de 800 000 $. Il a également déclaré, dans son rapport, que le bien avait été mis en vente pour 795 000 $ et que le courtier qui s'était occupé de la mise en vente, M. Bull, je suppose, avait indiqué qu'une offre de 720 000 $ avait été rejetée plus tôt au cours de l'année. M. Bull n'a pu se rappeler cette offre.

[55]     Selon M. Gordon, les prix de vente des deux maisons de grandeur moyenne de Kelowna ont augmenté entre 1990 et juin 1993, puis ont décliné pendant le reste de 1993. Les prix des maisons de grandeur moyenne ont augmenté de plus de 30 p. 100 pendant la période au cours de laquelle la maison Eldorado a été mise en vente, selon le graphique présenté par M. Gordon, mais la maison Eldorado ne s'est pas vendue. M. Gordon n'a pu établir que le prix des immeubles d'habitation « haut de gamme » augmentaient à un taux semblable à celui des résidences à prix moyen.

[56]     George Ward, un coordonnateur de l'évaluation des biens immobiliers auprès de l'Agence des douanes et du revenu du Canada (l' « ADRC » ) a témoigné en tant que témoin expert pour la Couronne. Il était d'avis que la valeur du bien Eldorado au 26 juin 1991 était de 625 000 $. Le rapport de M. Ward est daté du 25 avril 2000. Toutefois, il a inspecté le bien pour la première fois le 7 décembre 1993. Selon M. Ward, le prix des immeubles à Kelowna a augmenté brusquement en 1989 et l'activité est demeurée très importante jusqu'au début de 1990. Les prix ont continué d'augmenter de 1990 jusqu'en 1992, mais à un rythme plus lent que ce ne fut le cas au cours de la dernière moitié de 1989.

[57]     M. Ward estimait que la valeur du terrain, après l'ajustement de la taille plus importante du bien par rapport aux biens comparables et de la servitude, était de 4 275 $ par pied de façade, soit de 278 750 $ de terrain vacant. Il a ajouté 358 800 $ pour les améliorations (selon le prix de revient) apportées au terrain vacant pour une valeur totale de 637 550 $. Il a également comparé les ventes des quatre autres lots et, après avoir effectué des ajustements à chaque bien comparable pour l'âge, l'état, l'endroit et la façade riveraine, il a conclu que la valeur du bien Eldorado en 1991 était de 625 000 $. La valeur de 637 550 $ établie selon la méthode du coût représentait, à son avis, la valeur « haut de gamme du marché résidentiel » .

[58]     M. Ward a également déposé une réfutation relativement au rapport de M. Gordon. Il a remis en question l'application de la servitude par M. Gordon (et M. Ramsay) ainsi que leur méconnaissance de la mise en vente du bien, entre autres choses. M. Ward était d'avis que la valeur des biens haut de gamme avait augmenté à un taux inférieur au taux moyen pendant la période comprise entre janvier 1991 et décembre 1991 et que l'augmentation des prix de 30 p. 100 à la fin de 1991 était trop élevée.

[59]     M. Ward a également remis en question l'appréciation par M. Gordon de la servitude. Dans son rapport du 8 mai 2000, M. Gordon parle de la servitude comme du « droit de passage important faisant obstacle au développement du site » , suggérant qu'il couvre les deux tiers du bien. Dans une lettre que M. Gordon a écrite à la Banque Royale du Canada le 19 février 1990, qu'il n'a pas mentionnée dans son rapport, il estimait que la valeur marchande des lots 5 et 6 se situait « autour de 650 000 $ » , dans la mesure où les améliorations sont effectuées conformément aux plans et aux spécifications présentés. La servitude n'est pas mentionnée. Dans la lettre ultérieure du 16 janvier 1991, M. Gordon parle de la servitude, mais minimise son effet sur la valeur puisqu'elle « ne gêne pas la jouissance du [bien] » . Apparemment, M. Gordon a changé d'opinion. J'ai plus confiance dans le rapport et le témoignage de M. Ward et j'accorde à son témoignage ainsi qu'à ses conclusions plus de poids qu'à ceux de M. Gordon. Je suis d'accord pour dire que la valeur de la maison Eldorado au 26 juin 1991 se situait entre 625 000 $ et 650 000 $ et qu'elle n'a pas changé de façon importante entre cette date et la fin de 1992.

[60]     Le paragraphe 15(1) prévoit que :

La valeur de l'avantage qu'une société confère, à un moment donné d'une année d'imposition, à un actionnaire [...] est incluse dans le calcul du revenu de l'actionnaire pour l'année.

[61]     Selon l'intimée, la maison Eldorado a été construite, non pas afin de vérifier le marché haut de gamme, mais à titre de résidence de vacances pour la famille. L'avocate a parlé du fait que M. Rychjohn avait reconnu qu'il aurait pu obtenir de l'information sur le marché haut de gamme de personnes bien renseignées de Kelowna.

[62]     M. Rychjohn est une personne qui fait preuve d'une confiance en soi, d'une vitalité et d'un dynamisme débordants. Je l'ai trouvé agréable en cour, il tentait constamment de faire valoir son point de vue relatif aux appels afin de s'assurer que je ne me méprenais pas sur son témoignage ou sa position. Bien qu'il ait connu certains problèmes avec le fisc de par le passé, je ne crois pas que cela ait eu une incidence sur la teneur de son témoignage devant moi. Je crois qu'au cours des années (il s'est écoulé près de dix ans entre les années en litige et la date du procès, années au cours desquelles il a traité de différentes questions avec les autorités fiscales), M. Rychjohn a succombé à son propre sens de la vente et a accepté comme avérés certains éléments que je trouve difficiles à accepter.

[63]     D'abord, je ne peux conclure que l'objet de la construction de la maison Eldorado était de vérifier le marché des maisons haut de gamme de Kelowna. Il existe des moyens plus économiques, comme l'a reconnu M. Rychjohn, pour déterminer si un tel marché existe. Investments s'endette énormément pour entreprendre ses activités de construction. Une telle société n'utilise normalement pas ses fonds disponibles pour vérifier un marché qu'elle connaît peu. Rien dans la preuve n'indique qu'Investments a vérifié un marché de cette manière depuis 1989. J'en déduis que, s'il s'agissait réellement de l'intention de M. Rychjohn, il aurait appelé M. Van Norman à témoigner pour indiquer ce qu'étaient précisément leurs intentions à l'égard des lots 5 et 6.

[64]     Il se peut très bien (il n'y a pas de preuve concluante déposée devant moi) que M. Rychjohn avait l'intention de construire la maison Eldorado pour lui-même et sa famille, mais qu'il ait fait face à une très forte opposition de la part de Mme Rychjohn qui souhaitait demeurer à Saskatoon. Il a alors cherché à vendre le bien à un prix supérieur à celui qu'il pouvait espérer obtenir en fonction des conditions du marché à l'époque. Le prix qu'il demandait lorsque le bien a été mis en vente auprès de M. Bull était trop élevé et je suis d'avis qu'il le savait. Lorsqu'il a enfin décidé de vendre le bien, il a retenu les services d'un agent immobilier bien informé qui connaissait le marché.

[65]     Peu importe si Investments a construit la maison afin de vérifier le marché des maisons haut de gamme ou si la maison a été construite à des fins personnelles, le fait demeure qu'en 1991 et en 1992, M. Rychjohn et les membres de sa famille ont utilisé la maison pour leur plaisir personnel, même si parfois M. Rychjohn a utilisé la maison parce qu'il devait venir à Kelowna par affaires. Dans les deux cas, que la maison ait été la propriété de Investments en vue de vérifier le marché ou qu'elle ait été la propriété d'Investments en vue de permettre à un actionnaire d'en faire un usage personnel, la maison était la propriété d'Investments et était utilisée par son actionnaire. Dans les deux cas, la société a conféré un avantage à M. Rychjohn en lui permettant d'utiliser le bien de la société à son propre avantage, et le montant ou la valeur de l'avantage personnel doit être inclus dans son revenu conformément au paragraphe 15(1) de la Loi.

[66]     L'avocat de l'appelant a soutenu que l'utilisation de la maison par M. Rychjohn ne constituait pas un avantage puisqu'il était tenu de se rendre à Kelowna pour superviser l'entreprise de développement et de construction d'Investments. Il y a eu une utilisation de la maison à des fins commerciales, contrairement à la situation qui existait dans les affaires La Reine c. Fingold[2] et Youngman v. The Queen[3].

[67]     L'utilisation personnelle de la maison Eldorado par M. Rychjohn était plus qu'accessoire. À mon avis, l'objet principal de l'acquisition du lot 5 et de la construction de la maison était personnel. L'intérêt de M. Rychjohn dans la maison, sa contribution au changement de la décoration de la maison, le choix des couleurs, par exemple, indique que la maison était préparée pour son utilisation et sa jouissance personnelles ainsi que pour celle de sa famille. Il a utilisé la maison, tout comme l'ont aussi fait les membres de sa famille, à des fins autres que commerciales. Ils pouvaient l'utiliser quand ils le voulaient. Il ne s'agit pas d'une situation où une société propriétaire impose des conditions très strictes d'utilisation du bien et qui s'assure que son utilisation est effectuée à l'avantage de la société.

[68]     La preuve révèle toutefois qu'à de nombreuses occasions, le nombre exact n'a pas été précisé en cour, M. Rychjohn a logé dans la maison, au lieu d'aller à l'hôtel, lorsqu'il se trouvait à Kelowna pour affaires. M. Rychjohn a estimé qu'il a passé environ douze jours par mois dans la maison Eldorado pendant les années en question pour le bénéfice d'Investments, épargnant à cette dernière le coût d'un hébergement à l'hôtel à Kelowna. Rien dans la preuve n'indique quel était le coût des hôtels à Kelowna en 1990 et en 1991. M. Rychjohn a estimé que le coût se situait entre 85 $ et 150 $ la nuit. Prenant connaissance d'office des tarifs d'hébergement à l'hôtel pendant mes voyages au Canada au cours des années, je crois que les chiffres supérieurs qu'a estimés M. Rychjohn pour 1991 et 1992 sont excessifs. Je suis prêt à évaluer que les économies qu'a réalisées Investments (et la réduction de l'avantage conféré à M. Rychjohn) en permettant à M. Rychjohn de rester à la maison Eldorado soient calculées à 85 $ la nuit pour dix nuits par mois pendant dix mois, c'est-à-dire 100 jours par année, ou à 8 500 $ pour chacune des années 1991 et 1992 (malgré qu'un permis d'occuper ait été obtenu en mars 1991). Par conséquent, j'admettrais les appels de M. Rychjohn en déférant les cotisations au ministre pour nouvel examen et nouvelles cotisations uniquement afin de réduire l'avantage pour chacune des années de 8 500 $.

[69]     Les appels d'Investments sont rejetés.

[70]     Un seul mémoire de frais pour les quatre appels est accordé à l'intimée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 26e jour de septembre 2001.

« Gerald J. Rip »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 28e jour de février 2003.

Mario Lagacé, réviseur



[1]           Les questions décrites dans les présents motifs sont les seules qui m'ont été soumises. Les autres questions soulevées dans les avis d'appel ont été réglées avant le procès.

[2]           C.A.F., no A-73-96, 26 septembre 1997 (97 DTC 5449).

[3]           90 DTC 6322 (C.A.F.).

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