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[TRADUCTION Française officielle]

2000-674(IT)G

ENTRE :

KINGUK TRAWL INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appels entendus sur preuve commune avec les appels de Farocan Incorporated (ayant droit d'Aqviq Trawl Incorporated), no 2000-671(IT)G,

le 17 octobre 2001 à Halifax (Nouvelle-Écosse) par

l'honorable juge T.E. Margeson

Comparutions

Avocat de l'appelante :                         Me Edwin C. Harris

Avocat de l'intimée :                            Me John P. Bodurtha

JUGEMENT

Les appels des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1994, 1995, 1996 et 1997 sont admis et l'affaire est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations en tenant compte du fait que les intérêts calculés dans la cotisation établie à l'égard des appelantes sont réduits du montant des intérêts de contrepassation qu'Uhrenholt a portés au crédit d'Aqviq et de Kinguk, relativement aux avances de 70 %, trois mois après le déchargement des prises faites au cours d'une expédition, conformément aux calculs figurant dans le recueil des appelantes à l'onglet 21 et ainsi qu'en a convenu l'intimée.

Le ministre n'avait pas droit de majorer le montant des intérêts lors des années en cause, et les montants calculés dans les cotisations seront réduits en conséquence.

L'appelante n'a droit à aucune autre mesure de redressement.

Les dépens sont accordés à l'intimée, après taxation.

Signé à Ottawa, Canada, ce 22e jour de janvier 2002.

« T.E. Margeson »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 26e jour de mars 2003.

Yves Bellefeuille, réviseur


[TRADUCTION Française officielle]

2000-671(IT)G

ENTRE :

FAROCAN INCORPORATED

(ayant droit d'Aqviq Trawl Incorporated),

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appels entendus sur preuve commune avec les appels de Kinguk Trawl Inc., no 2000-674(IT)G, le 17 octobre 2001 à Halifax (Nouvelle-Écosse) par

l'honorable juge T.E. Margeson

Comparutions

Avocat de l'appelante :                         Me Edwin C. Harris

Avocat de l'intimée :                            Me John P. Bodurtha

JUGEMENT

Les appels des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1994, 1995, 1996 et 1997 sont admis et l'affaire est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations en tenant compte du fait que les intérêts calculés dans la cotisation établie à l'égard des appelantes sont réduits du montant des intérêts de contrepassation qu'Uhrenholt a portés au crédit d'Aqviq et de Kinguk, relativement aux avances de 70 %, trois mois après le déchargement des prises faites au cours d'une expédition, conformément aux calculs figurant dans le recueil des appelantes à l'onglet 21 et ainsi qu'en a convenu l'intimée.

Le ministre n'avait pas droit de majorer le montant des intérêts lors des années en cause, et les montants calculés dans les cotisations seront réduits en conséquence.

L'appelante n'a droit à aucune autre mesure de redressement.

Les dépens sont accordés à l'intimée, après taxation.

Signé à Ottawa, Canada, ce 22e jour de janvier 2002.

« T.E. Margeson »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 26e jour de mars 2003.

Yves Bellefeuille, réviseur


[TRADUCTION Française officielle]

Date: 20020122

Dossier: 2000-674(IT)G

ENTRE :

KINGUK TRAWL INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée,

et

2000-671(IT)G

ENTRE :

FAROCAN INCORPORATED

(ayant droit d'Aqviq Trawl Incorporated),

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT


Le juge Margeson, C.C.I.

[1]      Les parties ont convenu au moment du procès que la preuve présentée dans une instance s'appliquerait à l'autre. Il a en outre été convenu que Farocan Incorporated ( « Farocan » ), l'une des appelantes, était, par suite d'une fusion, l'ayant droit de l'ancienne Farocan Incorporated ainsi que de l'ancienne Aqviq Trawl Inc. ( « Aqviq » ).

[2]      Les appels portent sur quatre avis de cotisation établis par le ministre du Revenu national (le « ministre » ) et datés du 6 mai 1998 dans lesquels il était indiqué à l'appelante qu'elle faisait l'objet d'une cotisation au titre de l'impôt en vertu de la partie XIII de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ) à l'égard de montants d'impôt qu'elle avait omis de retenir et de verser sur les paiements effectués à F. Uhrenholt Holdings A/S ( « Uhrenholt » ) au cours des années 1994, 1995, 1996 et 1997, à quoi s'ajoutaient les pénalités et intérêts y afférents.

[3]      Il n'y a pas eu contestation du fait que, durant les années en cause, Aqviq et l'appelante Kinguk Trawl Inc. ( « Kinguk » ) étaient chacune propriétaire et exploitante d'un chalutier (l'Aqviq et le Kinguk, respectivement), dont l'équipage pêchait la crevette et en effectuait le traitement, principalement à l'intérieur de la zone économique du Canada. Le traitement des prises était fait à bord. Le port d'attache des deux chalutiers se trouvait à Mulgrave (Nouvelle-Écosse); les prises étaient habituellement déchargées à cet endroit ou dans d'autres ports. Les activités administratives liées aux deux navires étaient menées à Mulgrave, mais non les activités de commercialisation.

[4]      Des ententes liaient les deux navires à Uhrenholt, qui était gérée par un dénommé Hans Andersen. Les ententes prévoyaient des modalités de financement à long terme pour les deux navires, et des marges de crédit ont été établies pour l'un et l'autre. La pertinence de ces ententes constitue la grande question à trancher en l'instance.

[5]      On tenait un compte courant pour les deux navires; des avances leur étaient accordées et des intérêts étaient imputés aux comptes. De même, des crédits compensatoires étaient accordés aux appelantes en fonction du prix obtenu lors de la vente des prises. On retranchait les avances accordées ainsi que les frais applicables pour obtenir le montant net à porter au crédit des comptes. Les intérêts en cause dans la présente affaire n'ont jamais été versés en espèces. Ils étaient imputés aux comptes des marges de crédit. Ni l'une ni l'autre des appelantes n'ont retenu ni versé à Revenu Canada de sommes au titre de l'impôt en vertu de la partie XIII de la Loi à l'égard des intérêts portés au crédit d'Uhrenholt sur leurs comptes de marges de crédit relativement aux avances de 70 %, au solde courant des marges de crédit ou aux prétendues « commissions » trimestrielles calculées d'après le solde maximal des marges de crédit.

[6]      La cotisation établie par Revenu Canada à l'égard des appelantes avait trait aux retenues d'impôt de 15 % sur les montants en question, soit le taux d'imposition réduit applicable aux intérêts en vertu de l'Accord du 30 septembre 1955 entre le Gouvernement du Canada et le Gouvernement du Royaume du Danemark pour éviter les doubles impositions et prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu ( « Accord fiscal Canada-Danemark » ). Le ministre a en outre majoré de 15/85 les intérêts qu'Aqviq et Kinguk ont portés au crédit d'Uhrenholt dans les comptes des marges de crédit durant les années en cause en raison du fait que, aux termes des ententes relatives aux marges de crédit, Aqviq et Kinguk devaient indemniser Uhrenholt des impôts canadiens payables par cette dernière sur les intérêts en question.

Preuve

[7]      Lors de son témoignage, Hans Andersen a indiqué qu'il était président du conseil d'administration d'Uhrenholt depuis juin 2001. Auparavant, il était administrateur délégué de la société de portefeuille, et ce, depuis 1987 environ. C'est ce poste qu'il occupait de 1994 à 1997. Il était l'un des responsables de la société, et ses tâches consistaient entre autres à présenter des recommandations au conseil d'administration. Il relevait du conseil d'administration.

[8]      Il a travaillé pendant plus de 20 ans dans le domaine bancaire, et il a été administrateur délégué de la cinquième banque d'épargne en importance du Danemark.

[9]      La pièce A-1 a été déposée par consentement, et l'on a renvoyé le témoin à l'onglet 3 de cette pièce, où est exposé l'organigramme du groupe Uhrenholt. Le siège social de cette société, dont le témoin faisait partie depuis 1987, se trouvait au Danemark.

[10]     L'exploitation de l'entreprise principale a débuté en 1978; il s'agissait d'une entreprise laitière. À l'heure actuelle, les activités de la société s'étendent également aux denrées, au poisson et à la viande. La société est gérée depuis le Danemark et compte des succursales en Chine, à Moscou et dans d'autres parties du globe. En 1993 et en 1994, Uhrenholt désirait se lancer dans le commerce de la crevette. Elle a cherché des sociétés canadiennes avec lesquelles s'associer. C'est ainsi qu'elle a invité les appelantes à s'associer avec elle.

[11]     Les sociétés du groupe Farocan étaient en manque de liquidités et Uhrenholt a dû les aider. Le financement des deux chalutiers avait été obtenu de banques danoises, qui demandaient le remboursement des prêts. Uhrenholt a discuté avec les banques et, en fin de compte, a eu à investir dans les chalutiers pour se lancer dans le commerce de la crevette. Une entente a été conclue aux termes de laquelle Uhrenholt a acquis la créance de l'une des banques; Uhrenholt a aussi conclu une entente avec l'autre banque et a ultérieurement acquis la seconde créance. Le témoin a pris part directement à ces arrangements.

[12]     Il a été interrogé au sujet de l'onglet 4 de la pièce A-1, dont on a dit qu'il s'agissait d'une entente de crédit d'exploitation conclue entre Kinguk et Uhrenholt. Cette entente visait à convaincre la banque que Farocan était en mesure d'exploiter l'entreprise. Une entente semblable a été conclue avec Aqviq.

[13]     On a établi deux marges de crédit, une pour chaque navire. On trouve à l'onglet 2 de la même pièce la version anglaise de l'entente commerciale pour Aqviq. Les documents d'origine étaient rédigés en danois.

[14]     Les parties voulaient que les ententes demeurent aussi simples qu'une entente de vente à commission. [TRADUCTION] « Nous les avons établies nous-mêmes. Il s'agissait d'engagements fondés sur l'honneur. »

[15]     Le but des ententes était de permettre à Farocan de tirer profit de son expérience dans le domaine de la vente; il devait s'agir de contrats de vente à commission, Farocan recevant 4 % du prix de vente brut, une fois soustraites les dépenses. Autrement dit, la rémunération du travail correspondait à 4 % du prix de vente net.

[16]     En ce qui concerne le règlement des prises, lorsque le navire accostait au port, les vendeurs examinaient les prises, puis estimaient le prix que l'on pouvait en tirer et le coût des ventes. Ils versaient aux responsables du navire une avance correspondant à 70 % du prix auquel ils prévoyaient vendre les prises et payaient le solde une fois la vente effectuée. L'avance était calculée en fonction de la valeur marchande, fixée de façon prudente. Les prises étaient inspectées par des mandataires de Farocan, ainsi que par des responsables japonais lorsqu'elles devaient être vendues au Japon. Le règlement final avait lieu environ 90 jours plus tard.

[17]     Les cours du marché pouvaient changer, mais de façon générale ils allaient en augmentant. Dans le pire des cas, si les prix s'effondraient, il pouvait arriver que les navires soient débiteurs. Le témoin a indiqué que les deux ententes étaient identiques.

[18]    Se reportant de nouveau à l'onglet 1 de cette pièce, le témoin a dit que les navires se voyaient imputer des intérêts sur les avances jusqu'à ce que les prises soient vendues. Une fois les prises déchargées, Uhrenholt [TRADUCTION] « les prenait en charge; dès que les marchandises sont déchargées du navire, nous en devenons responsables. Nous décidons de leur destination et nous les vendons. Nous indiquons au navire la manière de les emballer. » Uhrenholt voulait avoir une garantie lorsqu'elle versait l'argent. Farocan assumait le risque de baisse des prix. Uhrenholt payait les primes d'assurance puis en imputait le coût aux chalutiers.

[19]     On a renvoyé le témoin à l'onglet 8, soit une lettre de F. Uhrenholt Holdings A/S au sujet des assurances. Le témoin a indiqué que le coût exigé des chalutiers par Uhrenholt au titre des assurances correspondait exactement aux primes versées par cette dernière. On retrouve à l'onglet 9 une copie du règlement final, libellé en devise danoise. Le relevé en question illustre la manière dont étaient évaluées les prises.

[20]     Les prises pouvaient être vendues à l'une des sociétés du groupe, mais les ventes ainsi effectuées étaient en général d'un faible montant. En temps normal, les prises étaient vendues à d'autres personnes. Les [TRADUCTION] « intérêts sur paiement au compte » dans le relevé de règlement final pouvaient être qualifiés de dépenses. Il s'agit de l'une des composantes des intérêts faisant l'objet du présent litige. La pratique en vigueur durant les années en cause était essentiellement la même.

[21]     Le témoin a mentionné le relevé de la marge de crédit de Kinguk pour les années 1994, 1995, 1996 et 1997 (onglet 11). On peut voir à la page 13 que des frais d'intérêt calculés quotidiennement au taux de la banque étaient applicables.

[22]     Lors du contre-interrogatoire, le témoin a déclaré qu'Uhrenholt vendait des produits laitiers dans toutes les parties du globe. Il ignorait combien la société comptait de représentants à l'échelle mondiale. Les activités rattachées à la pêche étaient menées principalement depuis le Danemark. Le témoin se rendait à des expositions commerciales. La plus grande part du revenu tiré des activités de pêche prenait la forme de commissions. Dans le cas d'autres produits, la rémunération provenait de l'achat et de la vente. La principale activité en matière de pêche consistait en l'achat et en la vente du poisson. [TRADUCTION] « Les représentants qui travaillent en Chine et dans d'autres pays s'occupent en gros des formalités administratives. » Ils organisent des rencontres avec des acheteurs éventuels afin de leur démontrer qu'Uhrenholt est une entreprise sérieuse.

[23]     Durant les années en cause, Uhrenholt pouvait acheter les produits d'autres vendeurs, et non seulement des deux appelantes. Elle n'avait pas investi dans les autres navires dont elle achetait les prises. Le témoin a dit : [TRADUCTION] « Nous procédons habituellement de la même manière avec les autres parties. Dans certains cas, nous avons des ententes de commission. » En réponse à une autre question à ce sujet, il a indiqué : [TRADUCTION] « Les arrangements avec d'autres parties étaient presque identiques et prévoyaient les mêmes commissions. Parfois, en raison des frais de commission, nous effectuons directement l'achat au lieu d'effectuer l'opération moyennant commission. »

[24]     Le logo d'Uhrenholt est apposé sur certains produits; l'origine du produit doit toujours être indiquée. Parfois, les produits étaient marqués du logo du vendeur. On a demandé au témoin pourquoi le logo de sa société figurait sur les produits si ceux-ci appartenaient encore au vendeur. Il a expliqué que cela tenait au fait que le logo de la société était très connu. Les décisions relatives au logo appartenaient aux clients. Uhrenholt en discutait avec eux. Le témoin a ensuite dit qu'il ne pouvait fournir de réponse parce qu'il ne travaillait pas dans le domaine des ventes. Parfois, le logo du vendeur en gros figurait sur les produits, et parfois aussi les deux logos y étaient apposés. Il arrivait qu'un acheteur souhaitât préciser comment les produits étaient emballés. Le logo d'Uhrenholt représente un navire, et il s'agit d'une marque connue, associée à des produits de première qualité. Il existe des logos différents en fonction des marchés. La société s'efforce d'obtenir le meilleur prix pour les fournisseurs des produits.

[25]     Le témoin a été renvoyé à la page 5 de l'onglet 10, où l'on retrouve un logo représentant un navire; M. Andersen a également mentionné que, au bas de la page, on pouvait voir le mot « Friendship » ( « amitié » ), qui constituait également leur logo. Au cours des années en cause, ils utilisaient le logo représentant le navire ainsi que la marque « Friendship » .

[26]     Les noms Kinguk et Aqviq ne figuraient jamais sur le papier à en-tête. Le témoin a mentionné ceci : [TRADUCTION] « Je crois qu'elles pouvaient nous dire de ne pas mettre notre nom sur les produits. » Uhrenholt précise aux chalutiers quel matériel d'emballage utiliser. L'origine des produits doit être indiquée. Uhrenholt ne joue aucun rôle au regard de la prise du poisson. Elle ne dit pas quelle variété de crevettes pêcher. Elle ne donne pas de conseils au sujet du traitement des produits. Elle était responsable des ventes.

[27]     On a demandé au témoin si des spécialistes se trouvaient à bord des navires, ce à quoi il a répondu ne pas être la personne à qui poser cette question. Il a confirmé que les responsables des chalutiers n'avaient pas voix à propos de la vente des produits, bien qu'Uhrenholt aborde la question avec eux. En temps normal, aucune des personnes responsables des chalutiers ne communique avec leurs clients.

[28]     Concernant la question de savoir si les responsables des chalutiers avaient leur mot à dire au sujet des prix, le témoin a dit : [TRADUCTION] « Ils ne se prononcent pas à ce sujet, mais cela ne leur est pas interdit. »

[29]     Il a indiqué que, parfois, Uhrenholt envoie ses produits en Chine. Les vendeurs d'Uhrenholt au Danemark trouvaient les clients. Le mode de vente des produits varie d'un pays à l'autre.

[30]     Les ventes destinées au Japon étaient effectuées directement du Danemark. Le témoin ne savait pas comment les contrats avaient été conclus, à quel endroit ils avaient été signés ni s'ils avaient été transmis par télécopie ou par un autre moyen.

[31]     Toujours en ce qui touche le Japon, on vendait uniquement des conteneurs. Le témoin ne pouvait dire quelle était la procédure administrative ni à quel endroit les contrats étaient conclus. Les chèques des acheteurs sont établis à l'ordre d'Uhrenholt. Celle-ci envoie les factures aux Japonais et reçoit les paiements.

[32]     M. Andersen a été renvoyé aux changements de raisons sociales que l'on peut observer aux onglets 1, 4 et 5 de la pièce A-1; il a précisé que les raisons sociales ont changé, mais qu'il s'agit toujours de la même société. On l'a renvoyé de nouveau à l'entente commerciale conclue avec Aqviq (onglet 2); il a dit que le paragraphe 1 faisait mention de la commission de 4 % et que le paragraphe 2 indiquait que sa société assumait les dépenses rattachées au fret, au déchargement, à la manutention, à l'entreposage sous froid, aux assurances et aux droits de douane, ainsi que tous les coûts liés aux ventes, la soustraction de ces montants permettant d'obtenir le prix de vente net.

[33]     Selon le témoin, les navires cédaient la totalité de leurs prises à Uhrenholt, exception faite d'une petite partie qu'ils pouvaient conserver pour leurs propres fins. [TRADUCTION] « En principe, nous vendons la totalité des produits. C'est ce qui a été entendu. Nous effectuons le règlement à la fin de chaque expédition. Uhrenholt fixe elle-même son prix de revente. »

[34]     On a interrogé M. Andersen au sujet du terme « revente » ( « resale » ), ce à quoi il a répondu que le mot en question avait simplement trait à l'obligation de la société d'obtenir le prix le plus élevé possible lors de la vente des produits. Il n'estimait pas qu'il s'agissait de revente à proprement parler. D'après lui, le transfert de propriété ne survenait qu'une fois conclue la vente définitive. Ils ont une charge flottante sur les marchandises.

[35]     Il a de nouveau été renvoyé à l'entente commerciale conclue avec Aqviq (onglet 1), et il a précisé que cette entente était identique à celle conclue avec Kinguk. On lui a mentionné qu'il ne s'agissait pas d'une entente de mandat, ce à quoi il a répondu : [TRADUCTION] « Je ne sais pas de quoi il s'agit. Si nous ne jouons pas un rôle de mandataire, je me demande pourquoi nous menons cette activité. J'ignore si le terme mandataire a le même sens qu'en danois. Nous vendons les produits et touchons une commission de 4 %. » Il a ajouté que l'acheteur intenterait des poursuites contre Uhrenholt si les produits étaient livrés en retard. Le paragraphe 9 de l'entente commerciale était exact : Uhrenholt pouvait indiquer au chalutier comment emballer et préparer les produits.

[36]     Le témoin a reconnu le logo et la marque « Friendship » au haut du document classé à l'onglet 7 de la pièce R-2. Le siège social de la société figurait dans la partie supérieure de ce document. Il a déclaré que le rédacteur du document, Tommy Schneider, était vendeur dans le secteur de la crevette. On a demandé à M. Andersen pour quelle raison la société avait rédigé la lettre en question. Il a dit que cette dernière voulait, au moyen de cette lettre écrite le 2 février 1995, fournir les meilleurs conseils possibles à Farocan Inc. de Halifax, Canada.

[37]     On semble donner à entendre dans la lettre en question que de meilleurs prix pourraient être obtenus pour des crevettes de qualité industrielle. On proposait que « nous » augmentions la production de ce produit. On a demandé au témoin si les producteurs devaient donner suite à cette suggestion; il n'a pas répondu immédiatement mais a déclaré par la suite : [TRADUCTION] « Ils s'efforcent de suivre les suggestions dans la mesure du possible. » Il a confirmé qu'Uhrenholt pouvait résilier les ententes sous réserve d'un préavis de trois mois, quoique les chalutiers ne pouvaient le faire s'ils devaient de l'argent à Uhrenholt.

[38]     Les chalutiers doivent souscrire une assurance sur la responsabilité découlant des produits, en conformité avec le droit commun danois en matière de responsabilité; le témoin ne pouvait toutefois préciser qui était l'assureur, Uhrenholt souscrivant par ailleurs sa propre assurance.

[39]     On a présenté au témoin une facture classée à l'onglet 10 de la pièce A-1; il a dit que les factures étaient identiques lors des années en cause. Il a fait mention d'une facture établie par la société à sa propre intention (onglet 5). D'après ses dires, de 1994 à 1997, Uhrenholt vendait à elle-même au plus 5 % des produits. Les chalutiers étaient au courant de la chose.

[40]     Toujours de 1994 à 1997, Uhrenholt a vendu des crevettes au Japon, mais le témoin ignorait quel pourcentage ces ventes représentaient. Il ne savait pas si le Japon constituait ou non le marché le plus important de la société. Celle-ci transigeait déjà sur le marché japonais lorsqu'elle a commencé à faire affaires avec les appelantes. Elle vendait également des produits en Suède, ailleurs en Europe, et à Taïwan. Le témoin ignorait si des ventes étaient effectuées ailleurs encore. À l'heure actuelle, la Chine représente l'un des marchés les plus importants de la société.

[41]     On a renvoyé le témoin à l'onglet 13 de la pièce A-1, qui concerne Aqviq; il a dit ne pas savoir de quoi il s'agissait, ajoutant que cela ressemblait à un budget. Il a convenu que les coûts mentionnés au deuxième paragraphe de l'entente avec Aqviq correspondaient aux coûts habituels associés à la vente des produits. En ce qui a trait au fret, tous les coûts d'expédition ou de transport des produits au Danemark puis aux acheteurs étaient retranchés du prix obtenu en fin de compte, de manière à obtenir le prix net. On lui a demandé si certains es frais rattachés au fret étaient engagés ailleurs qu'au Canada. Il a répondu que ces frais pouvaient être engagés dans n'importe quel pays.

[42]     On a renvoyé M. Andersen aux pages 1 et 2 du document classé à l'onglet 6, à propos des ports de déchargement des deux chalutiers lors des années en cause. On l'a également renvoyé au document classé à l'onglet 1 de la pièce A-1 au sujet de l'assurance mentionnée au paragraphe 2; il a déclaré qu'il pouvait s'agir d'une assurance sur le transport ou d'une assurance relativement au paiement, ajoutant que l'assurance sur le transport était la plus importante. Uhrenholt acquitte l'intégralité de ses impôts au Danemark. Son rôle était de vendre la totalité des produits pour le compte des deux chalutiers. Elle n'a pas à obtenir l'accord des responsables des chalutiers au sujet des prix. Elle n'a pas non plus à leur communiquer le nom des acheteurs. Les responsables des chalutiers n'ont pas à consentir aux ventes effectuées à Uhrenholt. Par contre, le témoin estimait que, si Uhrenholt devait décider d'acheter la totalité des prises, elle devrait les en informer. Toutefois, cela n'était pas nécessaire dans les circonstances, étant donné que la quantité qu'elle achetait était peu importante.

[43]     Si les produits ne pouvaient être vendus, ils étaient détruits et les appelantes en assumaient le coût. On a renvoyé le témoin à la page 6 du document classé à l'onglet 8 de la pièce A-1 et on lui a demandé de quoi il s'agissait. Il a répondu que c'était une copie des modalités des ventes et des livraisons par Uhrenholt à ses clients, y compris les acheteurs des produits fournis par les appelantes. Uhrenholt utilise également ce document aux fins d'assurance. Il s'agit des mêmes modalités que celles en vigueur durant les années en cause. M. Andersen a été renvoyé plus particulièrement au paragraphe 2.5, où l'on peut lire ce qui suit :

[TRADUCTION]

Dans la mesure où la loi le permet, le titre de propriété des marchandises est détenu par F. Uhrenholt jusqu'à ce que le paiement soit effectué.

[44]     Uhrenholt avait une autre société, en Lettonie, qui pêchait la crevette; elle avait conclu une entente de vente similaire avec elle, et il existait une marge de crédit semblable à celle établie entre Uhrenholt et les deux appelantes en l'espèce. Uhrenholt vend des crevettes à différents clients, mais un seul et même client achète les crevettes provenant d'un navire donné.

[45]     Le solde de la marge de crédit de la société lettone est débiteur. Les appelantes savent qu'Uhrenholt vend les produits de nombreux chalutiers, notamment les produits achetés de la société lettone.

[46]     On a de nouveau renvoyé le témoin à l'entente de crédit d'exploitation conclue avec Kinguk (pièce A-1, onglet 4), notamment la page 4, où il est question de l'objet de l'entente; le témoin a dit être d'accord avec ce qui y était indiqué.

[47]     Il a été renvoyé à l'alinéa 6.1(a), à la page 7 de cette entente, où l'on peut lire entre autres ceci :

[TRADUCTION]

[...] si l'emprunteur doit effectuer des retenues ou des paiements au titre de cet impôt, il verse néanmoins au prêteur une somme additionnelle de sorte que le prêteur reçoive la totalité des sommes qui lui sont payables aux termes des présentes, au titre du principal et des intérêts, comme si l'impôt en question n'avait pas été payé.

Le témoin a dit qu'il ne comprenait pas cette clause, qu'elle avait été rédigée par les avocats de la société et non par lui. Il a ajouté qu'il s'agissait de la responsabilité de l'emprunteur. Sa société ne paie pas d'impôt au Canada.

[48]     En réinterrogatoire, le témoin a mentionné une facture établie par Uhrenholt (pièce A-1, onglet 7, page 5) et a précisé que le chiffre 0007 servait à indiquer la provenance des crevettes. Un numéro du même genre était utilisé à l'égard d'Aqviq. Le coût d'entreposage au Danemark était parfois imputé aux appelantes.

[49]     M. Sunvar Mortensen a témoigné. Il résidait à Port Hawkesbury (Nouvelle-Écosse) et était chef comptable chez Farocan depuis août 1990. Ses tâches comprenaient notamment la comptabilité quotidienne, les comptes fournisseurs, les projections ainsi que certaines activités de gestion lors des absences fréquentes du président. Durant les années en cause, il communiquait avec les chalutiers. Les bureaux de la société étaient situés à Mulgrave (Nouvelle-Écosse). La société exploitait une entreprise de pêche aux crevettes et possédait les deux chalutiers en cause ici, qui comptaient environ 23 hommes d'équipage. Les navires naviguaient du Labrador au détroit de Davis et à la baie de Baffin. Ils détenaient les permis requis pour ces zones et pêchaient exclusivement la crevette.

[50]     Les crevettes étaient montées à bord du navire, puis mesurées; les plus grosses étaient traitées et emballées en vue d'être expédiées au Japon. Les crevettes de taille moyenne étaient cuites et emballées à destination du marché européen. Les plus petites étaient traitées de manière à constituer des produits surgelés puis étaient emballées pour le marché des produits décortiqués. La qualité et la taille des crevettes variaient. Seules les crevettes abîmées étaient jetées. Les produits étaient déchargés en Nouvelle-Écosse, à Terre-Neuve et au Groenland, ainsi qu'au Danemark lorsque les navires s'y rendaient pour une remise en état et avaient encore leur prise à bord.

[51]     Une fois les produits déchargés, Uhrenholt en prenait possession et indiquait où les expédier. Ils pouvaient être expédiés directement au Japon, ou être envoyés sous froid au Danemark dans des transporteurs commerciaux. Au Danemark, des inspections étaient effectuées dans le but d'établir la qualité des produits; ceux-ci étaient triés et vendus aux consommateurs.

[52]     Le logo de Farocan et celui d'Uhrenholt étaient apposés sur les produits à bord des navires. En temps normal, les produits n'étaient pas remballés au Danemark. Une très petite portion des crevettes était vendue à des acheteurs au Canada. Les acheteurs canadiens avaient besoin de crevettes pour leurs usines de décorticage situées au Canada. Ces ventes représentaient une quantité totale variant entre deux mille et trois mille cinq cents livres de crevettes, soit l'équivalent d'une cargaison, en quatre ans. Le témoin a admis que les chalutiers pêchaient uniquement dans la zone économique canadienne.

[53]     Le témoin a rédigé à l'égard de chaque navire le document classé à l'onglet 6 de la pièce A-1, dans lequel sont indiqués les dates où le navire entamait et terminait chaque expédition ainsi que l'endroit où les produits étaient déchargés. Le temps passé en mer pouvait aller de 10 à 48 jours, mais la période habituelle était de deux à trois semaines. L'expédition se terminait lorsque les cales étaient remplies de crevettes. Les navires se rendaient au Danemark pour les remises en état, qu'elles soient importantes ou non. Des réparations étaient faites chaque année et l'examen de sécurité des navires était effectué à Mulgrave (Nouvelle-Écosse). Une certaine réparation a été effectuée au Groenland, ainsi que le montre le document classé à l'onglet 7. Le navire s'est rendu au Groenland dans ce but. Le témoin a aussi mentionné un paiement effectué le 1er juin 1995 par la Codan Insurance Limited ( « Codan » ) pour le compte de Kinguk.

[54]     M. Mortensen a déclaré qu'Uhrenholt tenait des comptes relativement à chaque navire. Les appelantes ont reçu un relevé de règlement faisant état des dépenses. Le témoin a reconnu un de ces relevés à l'onglet 10 ainsi que les factures pro forma qui l'ont suivi. Il avait reçu ces documents. Il avait également vu les règlements définitifs, mais pas les factures s'y rapportant. Il s'écoulait généralement trois mois entre le déchargement des prises et le règlement définitif.

[55]     Une marge de crédit existait pour chaque chalutier. Tant Uhrenholt que les appelantes tenaient les comptes connexes. Ces sociétés comparaient leurs comptes chaque mois. Les sommes étaient libellées en devise danoise. Le taux de change variait, mais il s'est établi entre 0,17 et 0,24 durant la période en cause.

[56]     La marge de crédit était utilisée pour toutes les dépenses d'exploitation, notamment pour le carburant, l'équipement de pêche, les fournitures et l'entretien. Le témoin envoyait les factures à Uhrenholt et demandait que les paiements requis soient effectués aux clients. Uhrenholt effectuait directement les paiements. Elle portait les sommes en question au débit des marges de crédit des appelantes, ce qui entraînait par le fait même une hausse de la somme que ces dernières lui devaient. Les montants nets des règlements des prises étaient crédités. Les soldes variaient à la hausse et à la baisse.

[57]     Concernant les frais d'intérêt, Uhrenholt les calculait quotidiennement et les consignait à la marge de crédit à la fin du mois. Des frais de commission étaient également consignés, de même que les intérêts sur les avances de 70 %. Les intérêts constituaient simplement une écriture comptable. Dans les livres comptables d'Uhrenholt, ils figuraient à titre de poste débiteur, et de poste créditeur dans ceux des appelantes. Le témoin a mentionné les feuilles de calcul classées aux onglets 11 et 12, qui ont trait à la marge de crédit de chacune des appelantes dans les livres comptables d'Uhrenholt où figurent les débits et crédits inscrits durant la période en question. Ces montants provenaient du grand livre général des appelantes et étaient libellés en devise danoise. Ils comprenaient les règlements des prises ainsi que l'ensemble des frais d'intérêt.

[58]     À la page 3 du document figurant à l'onglet 11, on fait état des intérêts versés au titre des avances de 70 % (ces données ne figuraient pas sur le relevé de règlement). Les appelantes ne jouaient aucun rôle dans la commercialisation des produits; Uhrenholt effectuait seule cette tâche et touchait à ce titre une commission de 4 %. Les appelantes assumaient le risque de baisse des prix entre le moment où les produits étaient déchargés et celui où ils étaient vendus. Il pouvait arriver que les appelantes doivent de l'argent à Uhrenholt. Les clients étaient choisis par Uhrenholt. Celle-ci s'efforçait toujours d'obtenir les meilleurs prix possibles lors de la vente des produits.

[59]     On comptait quatre personnes travaillant au bureau des appelantes. M. Sunvar Mortensen était responsable lorsque le président s'absentait. Le bureau effectuait la gestion des fournitures et le contrôle de la qualité, s'assurait du respect des normes applicables, versait le salaire de l'équipage et payait le coût du carburant, mais ne s'occupait pas des ventes. Le bureau embauchait les membres d'équipage et devait vérifier qu'ils possédaient les qualifications requises. L'équipage était composé de Canadiens et d'immigrants admis, principalement les capitaines et les officiers.

[60]     Le témoin n'a pas pris part à la rédaction des deux ententes commerciales. C'est par la suite qu'il a pris connaissance de leur teneur. Il n'a pas participé non plus à la conclusion des ententes relatives aux marges de crédit.

[61]     Toutes les dépenses figurant aux pages 2 et 3 du document à l'onglet 10 ont été déduites. Le témoin a préparé le relevé relatif à Aqviq que l'on retrouve à l'onglet 13. Ce relevé comprend un résumé de toutes les expéditions. Les données en question provenaient des relevés pro forma et des relevés de règlement définitif. Le témoin a également reconnu le document classé sous l'onglet 14. Il a indiqué que les appelantes assumaient la totalité des dépenses qui y étaient comprises. Les chiffres inscrits représentaient l'ensemble des dépenses rattachées aux ventes, et le résultat aurait été le même si chaque dépense avait été inscrite de façon distincte dans les comptes de la marge de crédit. Cette façon de faire donnait le même résultat que si l'on avait inscrit les dépenses qui y étaient comprises directement dans le grand livre et que les montants bruts eussent été inscrits séparément. Les frais d'intérêt et les soldes seraient les mêmes. Si les appelantes n'avaient pas eu à acquitter les dépenses qui y étaient comprises, elles auraient dû moins d'argent, les frais imputés auraient été moins élevés et le solde de la marge de crédit aurait été plus élevé. Les appelantes payaient des intérêts à l'égard des dépenses qui étaient comprises.

[62]     Le document classé à l'onglet 14, qui concerne le chalutier Aqviq, faisait état de fournitures obtenues dans un port étranger (état récapitulatif). Des postes particuliers sont inscrits à la page 2. Le document de l'onglet 16 contient le même genre de renseignements relativement à l'autre chalutier. Les montants étaient libellés en couronnes danoises. Les fournitures et le matériel d'emballage étaient tous achetés à l'extérieur du Canada. Toutes les dépenses liées à l'entretien des navires étaient engagées à l'étranger. Les polices d'assurance étaient souscrites à l'étranger. L'équipement de pêche était acheté au Danemark. Le carburant était acheté en mer à une société danoise, mais l'approvisionnement avait lieu en eaux canadiennes. Les paiements relatifs à l'équipage étaient effectués à des sociétés étrangères, et les honoraires juridiques étaient versés à des avocats étrangers. Les dépenses qui étaient comprises provenaient toutes des livres comptables des sociétés (onglets 11 et 12).

[63]     En contre-interrogatoire, le témoin a précisé que c'était lui qui avait communiqué les renseignements figurant à l'onglet 22 de la pièce R-1. Il s'agit des états financiers de fin d'année au 31 décembre 1996. Ces états financiers ont été préparés par le cabinet de comptables agréés KPMG. Leur contenu est exact. Ils se rapportent au chalutier Aqviq. On trouve à l'onglet 12 les états financiers du chalutier Kinguk. Avant 1999, la comptabilisation des profits posait problème. Ce problème a été corrigé en 1999; outre cela, les états financiers sont exacts.

[64]     Tous les employés travaillant au siège social résident en Nouvelle-Écosse. Les deux sociétés partagent les mêmes bureaux, qui appartiennent exclusivement au groupe Farocan. Le principal actionnaire de la société était M. Kjolbro, immigrant admis et résident canadien. M. Kjolbro et le témoin détenaient un pouvoir de signature de 1994 à 1997, mais c'est le témoin qui prenait les décisions concernant les activités des deux chalutiers.

[65]     Les deux sociétés étaient propriétaires des navires visés en l'instance et étaient enregistrées à Halifax. Toutes deux exerçaient leurs activités en vertu d'un permis émis par le ministère des Pêches et Océans du Canada. Les permis de pêche en vigueur pour la période en cause sont classés sous l'onglet 6 de la pièce R-2. Les deux chalutiers pêchaient uniquement à l'intérieur des eaux canadiennes, dans les zones désignées aux termes de leur permis.

[66]     Le document classé sous l'onglet 1 indique les trois catégories de crevettes, soit les crevettes destinées au marché japonais, celles qui sont cuites et celles qui sont de qualité industrielle. Les crevettes sont triées selon leur grosseur. Les plus grosses, destinées au marché japonais, étaient emballées dans des sacs de 1 kilogramme, qui étaient ensuite placés dans des boîtes en carton grand format, à raison de douze sacs par boîte. Les crevettes de taille moyenne étaient cuites et emballées dans des boîtes en carton, ces boîtes de cinq kilogrammes étant dès lors prêtes à être commercialisées. Les crevettes de plus petite taille étaient mises dans des sacs à usage industriel qui, une fois remplis, pesaient 20 kilogrammes; elles servaient de matière première dans les usines de décorticage situées sur la côte. Les lettres « J » , « C » et « I » , mentionnées dans la pièce en question, servent à désigner les crevettes destinées au Japon, celles qui sont cuites et celles de qualité industrielle, respectivement. Les crevettes destinées au Japon sont cuites, apprêtées et prêtes à être commercialisées. Le traitement, qui se fait entièrement à bord des deux navires, est alors complet. Les navires font escale à différents endroits, dont Mulgrave (Nouvelle-Écosse), lors des expéditions de pêche dans des régions situées au sud. Lorsqu'ils vont vers le nord, ils font escale à Terre-Neuve, et au Groenland s'ils s'aventurent plus loin encore au nord.

[67]     Le document classé à l'onglet 6 de la pièce A-1 fait état de toutes les expéditions et les escales des deux chalutiers en cause. En 1994, aucun n'a fait escale au Danemark. On a affirmé au témoin que le Groenland appartient au Danemark, et ce dernier a dit ne pas savoir si c'était le cas en vertu de l'Accord entre le Canada et le Danemark. De 1994 à 1997, le chalutier Aqviq ne s'est rendu qu'une fois au Danemark et, lors de chacune de ces années, la plus grande partie des prises a été déchargée au Canada. C'est là que les produits étaient déchargés, que le navire était réapprovisionné et que les réparations des moteurs et de l'équipement de pêche étaient effectuées. La plupart du temps, les crevettes destinées au marché japonais étaient expédiées directement au Japon, mais il arrivait à l'occasion qu'elles soient envoyées au Danemark après leur déchargement des navires à Mulgrave. Le témoin n'avait aucune autorité quant à la destination des prises.

[68]     Les tâches administratives étaient effectuées à Mulgrave. C'est là qu'étaient menées toutes les activités touchant l'équipage, les réparations, les fournitures, la réglementation touchant les navires, la sécurité et la pêche, la comptabilisation des prises, les comptes fournisseurs et les comptes clients, les frais liés aux assurances pour les navires, les dépenses entourant les prises à bord des navires, le coût de l'assurance-indemnisation en cas de déversement de pétrole, les primes du régime des accidents du travail et l'assurance couvrant les membres de l'équipage (assurance-vie et assurance contre les accidents et les frais médicaux). Exception faite de la vente des produits, toutes les activités étaient effectuées à partir du siège social.

[69]     Durant les années en cause, les équipages étaient composés de Canadiens, d'immigrants admis et, peut-être, de quelques étrangers. À l'heure actuelle, les équipages comptent uniquement des Canadiens et des immigrants admis. Leur rémunération est calculée en dollars canadiens. Les comptes établis à la Banque de Nouvelle-Écosse sont au nom de chaque navire.

[70]     La société embauchait une secrétaire, Michelle, dont les responsabilités comprenaient la paie, les changements au sein des équipages, les rapports (quotidiens) à Pêches et Océans, les règlements concernant l'équipage et les provisions et fournitures (sel, etc.). Le témoin était chef comptable et, à toutes fins pratiques, remplissait le rôle de directeur lorsque le président était absent. Les déclarations de revenus produites au Canada à l'égard des deux chalutiers faisaient état de la totalité des ventes de crevettes. Les sociétés produisaient des déclarations de revenus et payaient de l'impôt sur le revenu uniquement au Canada, et tous leurs éléments d'actif étaient au Canada. Une assurance contre le risque de guerre était en vigueur. Il y avait également une assurance sur les intérêts hypothécaires, une assurance sur les effets et articles des membres de l'équipage et une assurance sur le chargement (pertes attribuables à une panne). Toutes ces polices ont été négociées par le témoin depuis son bureau en Nouvelle-Écosse.

[71]     En autant qu'il le savait, le Japon, la Chine et l'Europe constituaient les principaux marchés, une petite partie des crevettes de qualité industrielle étant vendue au Canada. Le témoin estimait à 20 % la proportion des crevettes vendues au Japon, mais il a ajouté que la fraction du revenu des ventes provenant de ce pays était supérieure à 20 %. Les crevettes cuites, destinées surtout à l'Europe, représentaient environ 40 % des prises. Le reste était constitué des crevettes de qualité industrielle. Il ne savait rien des ventes effectuées au Danemark, mais certaines ventes y étaient faites. Elles portaient principalement sur des crevettes de qualité industrielle destinées aux usines de décorticage danoises. Une certaine quantité de crevettes de qualité industrielle était également expédiée en Norvège et en Suède. Les crevettes de cette catégorie représentaient de 30 à 40 % des prises.

[72]     Le témoin a reconnu une entente de crédit concernant Aqviq (pièce A-1, onglet 5) ainsi que l'entente de crédit d'exploitation concernant Kinguk (onglet 4). Les fonds en cause dans la présente affaire étaient pour la plus grande partie liés à ces ententes.

[73]     L'avocat a renvoyé le témoin à la lettre envoyée à M. Sunvar Mortensen par le cabinet de comptables agréés KPMG, à l'onglet 11 de la pièce R-1. La lettre concernait l'obligation, de la part des appelantes, d'effectuer des retenues et des versements au titre de l'impôt à l'égard des intérêts payés sur la marge de crédit d'Uhrenholt. Le témoin a exprimé son accord avec l'énoncé selon lequel les appelantes n'étaient pas tenues d'effectuer ces retenues et versements au titre de l'impôt, étant donné que les intérêts n'étaient pas rattachés aux activités de la société au Canada.

[74]     On a renvoyé le témoin à l'onglet 11 de la pièce A-1; le témoin a déclaré avoir préparé le document qui y est classé afin de distinguer les dépenses engagées au Canada de celles engagées à l'étranger. Le document en question avait trait à Kinguk, tandis que celui de l'onglet 12 se rapportait à Aqviq. Le document de l'onglet 14 est une version plus détaillée du document de l'onglet 11, servant à indiquer les sommes versées relativement aux activités menées à l'étranger. Le document de l'onglet 16 est un document similaire se rapportant à Kinguk. Les paiements en question étaient libellés en couronnes danoises. La somme de 169 739 $ avait trait à des services obtenus au Groenland, le paiement étant effectué au fournisseur norvégien. Il s'agissait de dépenses nécessaires à la poursuite des activités de pêche du navire. Le témoin a négocié l'assurance souscrite au Canada relativement à l'exploitation des navires. Il fallait souscrire une telle assurance.

[75]     Le matériel d'emballage se trouvait à trois endroits. Le paiement à Skold Insurance était un paiement destiné à la Norvège en contrepartie d'une assurance-indemnisation négociée au Canada. Il fallait également souscrire une assurance de ce type.

[76]     L'équipement de pêche se composait de chaluts, de filets, de câbles, de flotteurs et de panneaux de chalut. Cet équipement était utilisé sur les navires. Le témoin a mentionné un paiement concernant le carburant ainsi que de l'huile lubrifiante, précisant qu'il s'agissait de carburant obtenu au large à l'intérieur des eaux canadiennes. Le fournisseur était danois, et le paiement a été effectué au Danemark. Au sujet des paiements à Malik, il a dit que les fournitures correspondantes avaient toutes été effectuées en eaux canadiennes, sauf si le navire avait procédé à un déchargement au Danemark. Lorsque les navires accostaient pour effectuer un déchargement, ils se réapprovisionnaient en carburant et en huile. Ces dépenses étaient nécessaires.

[77]     Concernant les déplacements des membres d'équipage, des billets étaient fournis à ceux qui vivaient à l'étranger. Il s'agissait d'étrangers. Les dépenses en question étaient nécessaires.

[78]     Les honoraires juridiques et professionnels étaient versés à des avocats danois au titre de la marge de crédit, des ententes de crédit d'exploitation, etc. Toutes ces dépenses étaient nécessaires.

[79]     Le paiement dont il est question à l'onglet 7 a été effectué au mandataire du navire au Groenland en contrepartie des réparations y ayant été faites. Le témoin a mentionné un autre poste, soit une indemnité intégrale pour dommages versée par l'entremise de la société d'assurances. Les chalutiers et Codan ont payé chacun leur part.

[80]     Il arrivait qu'Uhrenholt achète des produits pour son propre compte; dans un tel cas, l'appelante n'était pas consultée.

[81]     On a renvoyé le témoin au document classé à l'onglet 4 de la pièce A-1, soit une copie de l'entente de crédit d'exploitation conclue avec Kinguk, plus précisément l'alinéa 6.1(a), qui a trait à l'obligation de Kinguk de verser des sommes additionnelles au prêteur dans l'éventualité où l'emprunteur était tenu de retenir ou de payer des sommes au titre de l'impôt. Aucun montant n'a été retenu au titre de l'impôt, et les intérêts ont été entièrement portés au débit de la marge de crédit sans qu'aucune somme soit retenue au titre de l'impôt canadien sur le revenu.

[82]     On a ensuite renvoyé le témoin à l'entente commerciale se trouvant à l'onglet 1 de la pièce A-1, aux termes de laquelle Aqviq devait souscrire une assurance sur la responsabilité découlant des produits, en conformité avec le droit commun danois sur la responsabilité. Le témoin a dit que cette assurance n'avait pas été souscrite avant l'année en question. L'appelante était la bénéficiaire de l'assurance, qui avait été souscrite en Nouvelle-Écosse.

[83]     En 1995, 1996 et 1997, les appelantes ont emprunté 183 000 $ en tout sur leur marge de crédit pour financer la construction, en Nouvelle-Écosse, d'une résidence destinée au président.

[84]     En réinterrogatoire, le témoin a dit que les frais d'emballage correspondaient aux achats à des fournisseurs situés ailleurs qu'au Canada. On lui a demandé pourquoi les produits étaient emballés; il a répondu que les produits étaient emballés conformément aux instructions d'Uhrenholt et aux lois canadiennes.

[85]     Au sujet des frais juridiques dont il est question aux onglets 5 et 6, le témoin a dit qu'il ne pouvait les lier aux ententes en question. D'autres ententes pouvaient avoir été conclues.

[86]     Il a répété que le carburant acquis de Malik était reçu principalement au large. Une partie du carburant a été reçu lors de la remise en état au Danemark.

[87]     En réponse à une question posée par la Cour, il a dit qu'une partie du carburant avait été fourni par Malik au Groenland. Puis, à la suite d'une question de l'avocat des appelantes, il a indiqué que les navires se réapprovisionnaient en carburant lorsqu'ils faisaient escale à Nuuk, au Groenland. En réponse à une question de l'avocat de l'intimée, il a dit ne pas être en mesure de préciser quels étaient les montants versés en contrepartie du carburant reçu au large.

[88]     L'intimée a appelé à témoigner Joseph Gillis, vérificateur travaillant à l'Agence des douanes et du revenu du Canada depuis 1978. De 1983 jusqu'à l'an dernier, il a effectué des vérifications relatives aux retenues d'impôt. Il procède de nouveau à des vérifications générales.

[89]     Il a effectué, relativement aux années en cause, une vérification portant sur des paiements effectués par les appelantes à des sociétés étrangères, ces paiements pouvant être visés par l'article 212 de la Loi et être de ce fait assujettis à des retenues aux fins d'impôt. Il a commencé la vérification à l'été 1997. Il a discuté avec le contrôleur, M. Mortensen, en vue d'examiner ses comptes. Il s'est rendu à Mulgrave et a étudié les paiements effectués à des non-résidents, notamment les intérêts. Il a abordé le sujet avec M. Mortensen. Il a également constaté des paiements d'intérêts dans les comptes des appelantes et a examiné les ententes de prêt. Il a constaté qu'aucune retenue au titre de l'impôt n'avait été effectuée.

[90]     M. Mortensen lui a remis une lettre des comptables de la société au sujet de la politique au chapitre des retenues d'impôt. Cette lettre se trouve à l'onglet 11 de la pièce R-1. On y indique que les activités des appelantes se déroulaient hors du Canada et que, de ce fait, l'entreprise était exploitée à l'étranger. Le témoin a constaté par ailleurs qu'Uhrenholt imposait des intérêts sur le solde de la marge de crédit.

[91]     Lors de la vérification, les appelantes soutenaient que les prises étaient effectuées à l'étranger si elles avaient lieu à l'extérieur de la limite de 12 milles. Le témoin s'est également entretenu avec M. Bryan Duffy à ce sujet. Il a examiné des copies de l'entente de prêt et a eu accès à tous les livres et registres des appelantes ayant trait aux opérations avec Uhrenholt. Il a fait des rapprochements avec les chiffres du grand livre général.

[92]     M. Gillis a dit qu'il disposait d'une copie de l'entente de crédit d'exploitation relative à Kinguk et à Aqviq. Il a étudié les états financiers et les déclarations de revenus des appelantes et a eu des discussions avec son superviseur à ce sujet. Ils n'étaient pas d'accord avec la position adoptée par les comptables de la société, et une lettre a été envoyée à cette dernière en février 1998. Le témoin a fait savoir à la société qu'il établirait une cotisation.

[93]     Il a mentionné de nouveau la lettre du 27 février 1998 qu'il a envoyée à Kinguk (pièce R-1, onglet 9). Il y informait M. Mortensen que l'exemption prévue ne s'appliquait pas, du fait que les activités de pêche avaient lieu à l'intérieur de la zone économique canadienne.

[94]     On retrouve à la page 2 un état récapitulatif des intérêts payés à Uhrenholt ou portés à son crédit; le témoin a majoré ces intérêts, étant donné l'obligation due selon lui aux appelantes aux termes de l'article 6.1 de l'entente de crédit d'exploitation. L'article en question stipulait que toute somme retenue serait assumée par Kinguk. Dans le cas d'Aqviq, la somme versée à Uhrenholt représentait un montant net, de sorte qu'il fallait disposer d'un montant brut pour calculer l'impôt payable. Le taux de 15 % utilisé dans le calcul a été déterminé conformément à l'Accord.

[95]     La lettre envoyée par le témoin à Aqviq (pièce R-1, onglet 24) est datée du 27 février 1998. Une lettre similaire a été envoyée à Kinguk. Le témoin a précisé qu'à la page 2, les montants manuscrits étaient les bons, non les montants dactylographiés. Par ailleurs, il aurait dû être fait mention de l'article 5 de l'entente de prêt plutôt que de l'article 6. Il est possible de voir à l'onglet 24 de quelle manière le témoin a calculé les sommes qu'il considérait payables.

[96]     Le document classé à l'onglet 8 de la pièce R-1 n'a pas trait à une vérification de la paie, même si c'est ainsi qu'il est désigné. Le témoin a expliqué comment il a utilisé ce programme pour calculer les intérêts et les pénalités en vue d'établir la cotisation définitive à l'égard des contribuables. Il leur a envoyé ce document. Le document classé sous l'onglet 23 de la pièce R-1 et portant sur Aqviq n'a pas trait non plus à une vérification de la paie. Le témoin a fourni la même explication que précédemment à ce propos.

[97]     M. Gillis a mentionné la lettre classée à l'onglet 12 de la pièce R-1, qu'il a envoyée à la Division des appels à St. John's (Terre-Neuve) et dans laquelle il exposait les raisons de sa position aux fins des cotisations. L'agent des appels a utilisé ces renseignements dans le cadre de l'appel.

[98]     L'information figurant à la page 7 de cette lettre constituait simplement un échantillon des opérations sur la marge de crédit à l'extérieur de la période visée par la vérification. Le but était de montrer comment les choses fonctionnaient. Les exemples des pages 8, 9 et 10 se situaient également à l'extérieur de la période en cause. L'entente commerciale entre Uhrenholt et Aqviq se trouvait aux pages 13 et 14. La page 15 avait trait aux questions entourant l'omission de retenues sur les avances à Jogvan Kjolbro. On retrouve à l'onglet 13 la confirmation de la cotisation par la Division des appels.

[99]     Le témoin croyait savoir que la marge de crédit devait servir au financement des expéditions des navires ainsi qu'aux opérations relatives aux prises et à leur vente. Certaines dépenses personnelles avaient également été imputées à la ligne de crédit par le président, mais ces montants n'ont pas d'incidence en l'espèce. Les sommes en question sont mentionnées au paragraphe 9 de la réponse à l'avis d'appel.

[100] En contre-interrogatoire, le témoin a admis que les intérêts n'avaient pas été acquittés en espèces ou par chèque. Les sommes en question étaient inscrites au compte de la marge de crédit et consignées à titre de crédits et de débits dans différents livres comptables. Le témoin, qui avait calculé les intérêts sur chacun de ces trois montants, a expliqué comment il avait procédé au calcul. On a avancé qu'il avait employé la méthode de comptabilité d'exercice relativement aux intérêts, mais il n'a pas répondu.

Observations des appelantes

[101] L'avocat des appelantes a présenté des observations écrites et des observations de vive voix. Il a déclaré que les « ententes commerciales » conclues par Uhrenholt avec Aqviq ainsi qu'avec Kinguk, ententes dont les termes étaient semblables pour l'essentiel, sont au coeur de la relation unissant Uhrenholt à ces deux sociétés. Les ententes ont été rédigées en danois en 1993 ou en 1994 par Hans Andersen, sans l'aide d'un conseiller juridique, dans le cadre de négociations avec Jogvan Kjolbro, principal actionnaire de l'ancienne société Farocan Incorporated. Ces ententes étaient en vigueur durant les années visées par l'appel et étaient liées aux marges de crédit accordées par Uhrenholt à Aqviq et Kinguk. L'avocat soutenait qu'il ne fallait pas faire preuve d'un [TRADUCTION] « juridisme excessif » dans l'interprétation de ces ententes. M. Andersen a dit lors de son témoignage que les parties savaient ce qu'elles voulaient accomplir.

[102] Les « ententes commerciales » faisaient d'Uhrenholt le mandataire exclusif de commercialisation pour le compte d'Aqviq et Kinguk, en contrepartie d'une commission de 4 %. Uhrenholt devait prendre en main les prises peu importe l'endroit où elles étaient déchargées. Dans les faits, le groupe Farocan livrait les prises à un mandataire nommé par Uhrenholt ou les expédiait en conformité avec les instructions de celle-ci. La plupart du temps, les prises étaient expédiées directement au Japon à des acheteurs trouvés par Uhrenholt ou étaient transportées à un entrepôt exploité par Uhrenholt au Danemark, d'où elles étaient acheminées vers leur destination finale. Elles pouvaient par exemple être acheminées en Chine ou au Japon, bien qu'il arrivât que l'acheteur soit en fin de compte l'une des sociétés du groupe Uhrenholt.

[103] Au cours de son argumentation orale, l'avocat a mentionné l'onglet 9 de la pièce A-1, plus précisément la page 5, où l'on retrouve une facture établie par F. Uhrenholt à sa propre intention. L'avocat a fait la remarque suivante : [TRADUCTION] « Comment peut-on vendre quelque chose à soi-même? Cela ne se peut pas. La société n'avait aucune raison d'agir ainsi. » L'avocat était d'avis que, si l'on considère le terme « titre » que l'on retrouve dans les ententes et qu'on l'associe aux autres faits, il devait s'agir d'un mandat en vigueur jusqu'à la vente effective des marchandises. Il y avait une seule entreprise exploitée au Canada et à l'étranger. Dès lors, les intérêts doivent être répartis entre le Canada et l'étranger.

[104] On procédait chaque mois à trois types de calculs des intérêts. Premièrement, les intérêts sur les sommes payables par Aqviq et Kinguk à Uhrenholt étaient calculés sur le solde quotidien du compte de marge de crédit pertinent au cours du mois. Deuxièmement, on calculait une commission trimestrielle selon le montant maximal de la marge de crédit. Ces deux montants étaient portés au débit du compte de marge de crédit pertinent dans les livres comptables d'Uhrenholt et portés en conséquence au crédit du compte correspondant d'Aqviq et Kinguk. Troisièmement, Uhrenholt imposait des intérêts sur les « avances » de 70 % qu'elle consentait lors de la réception des prises.

[105] Selon l'avocat, le fait d'imposer des intérêts sur ces avances montrait que, du point de vue d'Uhrenholt, la livraison des prises après leur déchargement des navires en cause ne constituait pas une vente. Cette façon de procéder n'est pas compatible avec une vente. Ce n'est pas ainsi qu'agiraient un acheteur et un vendeur dans des circonstances normales. Les intérêts étaient facturés sur ces 70 % pendant une période maximale de trois mois.

[106] Dans cette situation, Aqviq et Kinguk assumaient le risque de baisse des cours du marché entre le moment où les prises étaient déchargées et celui où elles étaient vendues par Uhrenholt, de même que le risque de dommage aux prises. On peut penser que c'est pour cette raison qu'Uhrenholt accordait une « avance » de 70 % seulement du prix de règlement net estimatif. Cette conclusion est étayée par le fait qu'Aqviq et Kinguk assumaient, dans le cadre des « dépenses comprises » , les frais engagés par Uhrenholt pour assurer les prises lorsque celles-ci étaient en sa possession ou durant leur expédition à l'acheteur final.

[107] L'avocat a rappelé que, lors de son témoignage, M. Andersen avait indiqué que le transfert du [TRADUCTION] « titre » dont il était question dans les « ententes commerciales » constituait uniquement une forme de garantie. C'était une simple question de prudence de la part d'Uhrenholt, considérant que tant Aqviq que Kinguk lui devaient des sommes importantes. De cette manière, Uhrenholt pouvait se protéger en cas de réclamation éventuelle de la part d'un autre créancier d'Aqviq ou de Kinguk. Tous les autres éléments des « ententes commerciales » vont dans le sens d'un mandat plutôt que dans celui d'un transfert de la propriété bénéficiaire des prises à Uhrenholt. Uhrenholt détenait le titre en common law comme garantie, mais Aqviq et Kinguk continuaient d'avoir la propriété bénéficiaire notamment l'aspect important du risque - de dommage ou de baisse des cours du marché.

[108] Les facteurs suivants ne concordent pas non plus avec l'idée d'un transfert de la propriété bénéficiaire à Uhrenholt :

a) on ne paie pas une commission à un vendeur, seulement à un mandataire. Si Uhrenholt avait la propriété des biens en qualité de bénéficiaire, elle tirerait un bénéfice ou une perte de la revente, au lieu de toucher une commission;

b) la clause autorisait Uhrenholt à mettre les marchandises en gage. Si Uhrenholt était déjà propriétaire des marchandises, elle n'aurait pas besoin d'une telle autorisation;

c) la somme reçue par Aqviq et Kinguk pour une expédition était calculée d'après le prix de vente final à l'acheteur ultime, ce qui ne concorde pas avec l'idée d'une vente antérieure à Uhrenholt;

d) Aqviq et Kinguk assumaient toutes les dépenses entourant la commercialisation des prises;

e) des intérêts étaient imposés sur les avances de 70 %. Si les marchandises étaient déjà vendues à Uhrenholt par Aqviq ou Kinguk, on ne pourrait considérer que celles-ci devaient verser une fraction quelconque du prix de vente à Uhrenholt.

[109] La fraction des prises vendue à des acheteurs au Canada était quasi nulle. La commercialisation des prises, tout comme d'autres activités commerciales, faisait partie d'une entreprise exploitée par Uhrenholt au Danemark ainsi peut-être que dans d'autres pays.

[110] Les « dépenses comprises » étaient engagées par Aqviq et Kinguk par l'intermédiaire de leur mandataire, Uhrenholt, dans le cadre de l'exploitation d'une entreprise, c'est-à-dire la commercialisation des prises, au Danemark, et peut-être également dans d'autres pays. Du fait de ces dépenses, le solde payable à Uhrenholt sur les comptes des marges de crédit était plus élevé, de même que les intérêts imputés sur ces comptes, que si ces « dépenses comprises » n'avaient pas été engagées. Par conséquent, les intérêts portés au crédit d'Uhrenholt comprenaient les intérêts sur ces dépenses lors de la remise des comptes de règlement.

[111] Outre le coût des réparations apportées aux navires à l'étranger, Aqviq et Kinguk engageaient de nombreuses dépenses à l'extérieur du Canada dans le cadre de l'exploitation de leur entreprise.

[112] Il faut mentionner entre autres les approvisionnements et les services à l'intention des navires lorsqu'ils faisaient escale dans un port étranger, les assurances relatives aux navires, le matériel d'emballage, l'assurance-responsabilité, l'équipement de pêche, le carburant et l'huile lubrifiante, le déplacement des membres d'équipage et les services juridiques. Toutes ces dépenses étaient engagées dans le cadre de l'entreprise exploitée à l'extérieur du Canada par Aqviq et Kinguk.

[113] Aqviq et Kinguk n'effectuaient pas de retenues et ne payaient pas à Revenu Canada l'impôt en vertu de la partie XIII de la Loi à l'égard des intérêts portés au crédit d'Uhrenholt sur les comptes des marges de crédit relativement aux avances de 70 %, au solde courant de ces marges de crédit ou aux « commissions » trimestrielles calculées d'après la marge de crédit.

[114] Revenu Canada a établi une cotisation à l'égard des appelantes au titre de la retenue d'impôt de 15 % sur les montants en question, ce pourcentage représentant le taux réduit applicable aux intérêts aux termes de l'Accord fiscal Canada-Danemark. De plus, aux fins de ces cotisations, les intérêts portés au crédit des comptes des marges de crédit par Aqviq et Kinguk lors des années en cause ont été majorés de 15/85 du fait que, selon les ententes relatives à ces marges de crédit, les deux sociétés devaient indemniser Uhrenholt relativement aux impôts canadiens que cette dernière pourrait être tenue de payer sur ces intérêts.

[115] D'après l'avocat, les questions qui demeurent en litige dans les présents appels consistent à savoir : a) si, dans la mesure où la retenue d'impôt visée à la partie XIII de la Loi est payable sur tout ou partie des intérêts en question pour les années en cause, elle doit être calculée, au taux de 15 %, sur 100 % ou sur 100/85 des intérêts portés au crédit d'Uhrenholt dans les livres comptables d'Aqviq et Kinguk; b) si les intérêts en question sont ou non visés, en tout ou en partie, par l'exemption prévue à la division 212(1)b)(iii)(E) de la Loi pour l'application des retenues d'impôt, considérant que les dettes liées à la marge de crédit correspondaient à des obligations contractées par Aqviq et Kinguk dans le cadre de l'exploitation d'une entreprise dans un pays étranger et que les intérêts étaient déductibles dans le calcul du revenu d'Aqviq ou de Kinguk, en vertu de la partie I de la Loi, tiré d'une entreprise qu'elles exploitaient dans ce pays étranger.

[116] L'avocat a soutenu ce qui suit : a) aucune disposition de la Loi ne justifiait la majoration de 15/85 des intérêts car, dans les faits, ce montant additionnel n'avait pas été payé à Uhrenholt ni porté à son crédit lors des années en cause, ainsi que cela est prévu au début du paragraphe 212(1) de la Loi; b) les activités d'Aqviq et de Kinguk étaient exercées en partie dans un autre pays que le Canada, principalement le Danemark, de sorte qu'il fallait attribuer une fraction adéquate des intérêts à ces activités, ces intérêts devenant du même coup déductibles dans le calcul de leur revenu tiré de ces activités en vertu de la partie I de la Loi.

[117] Dans leur argumentation, les appelantes ont présenté à l'intimée et à notre cour une méthode permettant de calculer le montant approprié de la retenue d'impôt.

[118] Les parties conviennent qu'Aqviq et Kinguk n'avaient aucun lien de dépendance avec Uhrenholt et qu'il faut retrancher des intérêts en litige les intérêts de contrepassation portés au crédit d'Aqviq et de Kinguk par Uhrenholt au titre des intérêts sur les avances de 70 % trois mois après le déchargement des prises en cause. Ce rajustement apparaît dans les calculs que l'on retrouve dans le recueil des appelantes, à l'onglet 21 de la pièce A-1. S'il est ordonné d'établir une nouvelle cotisation, la Cour devrait se reporter à ces calculs aux fins de déterminer le montant devant être soustrait des intérêts.

[119] La partie XIII de la Loi prévoit l'imposition d'un impôt à l'égard notamment des intérêts versés par un résident du Canada à un non-résident au titre de sommes que le résident porte au crédit du non-résident et qui sont considérées comme des paiements. Il n'est pas question dans l'introduction du paragraphe 212(1) d'un revenu, par exemple des intérêts, que l'on pourrait considérer comme s'étant accumulé. Au contraire, exception faite des cas où un montant est réputé, en vertu de la partie I de la Loi, avoir été payé à une personne ou porté à son crédit, ces termes ne visent que les montants qu'un résident du Canada paie effectivement à une personne non-résidente ou porte bel et bien à son crédit.

[120] Il ne semble exister aucune disposition de la partie I aux termes de laquelle des intérêts majorés sont réputés avoir été payés à une personne ou portés à son crédit dans ces circonstances. Étant donné que ni Aqviq ni Kinguk n'ont payé d'intérêt à Uhrenholt durant les années en cause, les seuls intérêts pouvant être pertinents sont ceux ayant été portés au crédit de cette dernière; or, ces intérêts doivent alors être portés au crédit du créancier de sorte qu'ils soient entièrement à la disposition de ce dernier : La Compagnie Minière Québec Cartier c. M.R.N., C.C.I., no 82-1953, 30 janvier 1984 (84 D.T.C. 1348); Mutuelle des Fonctionnaires du Québec c. La Reine, C.F. 1re inst., no T-2188-88, 28 novembre 1996 (97 D.T.C. 5030) et Mutuelle des Fonctionnaires du Québec c La Reine, C.A.F., no A-993-96, 16 octobre 2000 (2000 D.T.C. 6625).

[121] Malgré toute obligation contractuelle, de la part d'Aqviq ou de Kinguk, d'indemniser Uhrenholt des retenues au titre de l'impôt payable par cette dernière en vertu de la partie XIII de la Loi, il n'y a eu aucune indemnisation de la sorte - qu'il s'agisse d'un paiement à Uhrenholt ou d'un montant porté à son crédit - durant les années en cause. La Cour n'a pas à décider des conséquences fiscales de telles indemnités dans l'éventualité où elles seraient versées dans l'avenir.

[122] On fait donc valoir que, dans la mesure où la totalité ou une partie des intérêts qu'Aqviq ou Kinguk ont portés au crédit d'Uhrenholt durant les années en cause devaient faire l'objet de retenues d'impôt en vertu de la partie XIII de la Loi, il n'y avait pas lieu de majorer de 15/85 le montant de ces intérêts puis d'appliquer le taux de 15 % aux intérêts ainsi majorés, ce qui donne dans les faits un taux de 17,647 % sur les intérêts réellement portés au crédit d'Uhrenholt.

[123] Concernant la question du titre de propriété des marchandises, la possibilité qu'une partie détienne le titre en common law uniquement comme garantie alors que le risque est assumé par une autre partie est attestée dans la décision fréquemment citée de la Cour de l'Échiquier du Canada dans l'affaire M.N.R. v. Wardean Drilling Ltd., 69 D.T.C. 5194. Le concept de la propriété bénéficiaire, qui peut différer de la propriété au sens strict en common law, est bien établi dans la jurisprudence. À cet égard, lorsque l'on considère les « ententes commerciales » dans leur ensemble, particulièrement à la lumière de son interprétation et de son application par les parties, il semble tout à fait clair que le transfert éventuel du titre de propriété à Uhrenholt ne donnait pas lieu à un transfert de propriété bénéficiaire.

[124] Si l'on accepte le fait qu'Uhrenholt, lorsqu'elle commercialisait les prises d'Aqviq et de Kinguk, remplissait le rôle de mandataire de ces dernières et exploitait en cette qualité son entreprise de vente des prises, que ce soit entièrement au Danemark ou dans des pays autres que le Canada, il s'ensuit qu'Aqviq et Kinguk, par l'intermédiaire de leur mandataire, exploitaient cette entreprise dans les pays en question. Cela vient en outre étayer l'argument voulant que les autres opérations commerciales d'Aqviq et de Kinguk ailleurs qu'au Canada aient été liées à leurs activités commerciales menées à l'étranger et en faisaient partie intégrante.

[125] La jurisprudence n'est pas parfaitement uniforme au sujet des critères servant à établir si un contribuable exploite une entreprise dans un pays donné. Toutefois, en l'espèce, il ne devrait pas faire de doute qu'Uhrenholt, dans la mesure où elle agissait à titre de mandataire d'Aqviq et Kinguk aux fins de commercialiser les prises, exerçait à ce titre des activités suffisantes au Danemark pour que l'on puisse dire qu'elle exploitait une entreprise dans ce pays. Faire de la publicité pour un produit au Canada ne revient pas en soi à exploiter une entreprise dans ce pays : Sudden Valley Inc. c. La Reine, [1977] 1 C.F. 617, 76 D.T.C. 6448. De même, le seul fait d'acheter des marchandises dans un pays étranger ne signifie pas qu'une entreprise soit exploitée dans ce pays : Cutlers Guild Limited c. La Reine, C.F. 1re inst., no T-4325-76, 16 mars 1981 (81 D.T.C. 5093). Par contre, le simple fait d'utiliser une adresse au Canada pour des fins de commodité relativement à une entreprise exploitée principalement à l'étranger peut être assimilé à l'exploitation d'une entreprise au Canada. Dans l'affaire La Reine c. Gurd's Products Company Limited, C.A.F., no A-366-81, 5 juillet 1985 (85 D.T.C. 5314), même si l'opération considérée était en fait une façade, une entreprise était bel et bien exploitée au Canada. Dans la jurisprudence, on met l'accent sur les activités de vente à titre de principale indication de l'endroit où une entreprise est exploitée; en l'espèce, les activités exercées par Uhrenholt au Danemark en qualité de mandataire d'Aqviq et de Kinguk étaient essentiellement des activités de vente.

[126] Dans les affaires Loeck c. La Reine, C.F. 1re inst., no T-551-77, 6 juillet 1978 (78 D.T.C. 6368) et Loeck c. La Reine, C.A.F., no A-505-78, 14 décembre 1981 (82 D.T.C. 6071), le contribuable, résident allemand, prenait part à la réalisation de projets comportant un risque de nature commerciale au Canada, par l'intermédiaire d'un compatriote devenu résident du Canada. On a jugé que ce dernier était l'associé ou le mandataire du contribuable. Il a été décidé que le contribuable exploitait une entreprise au Canada, bien que ses séjours au Canada aient été occasionnels et brefs. Les décisions des tribunaux dans cette affaire illustrent le fait qu'une entreprise peut être exploitée dans un pays par l'intermédiaire d'un mandataire qui y est établi. En l'espèce, Aqviq et Kinguk exploitaient une entreprise au Danemark par l'entremise de leur mandataire, Uhrenholt.

[127] Aux termes de l'alinéa 4(1)b) de la Loi, lorsque l'entreprise exploitée par le contribuable l'a été à plus d'un endroit - en l'espèce, au Canada et au Danemark - une fraction raisonnable des revenus et des dépenses de l'entreprise doit être attribuée à chaque endroit. Ce critère semble pertinent aux fins d'attribuer la fraction appropriée des intérêts en cause à la partie de l'entreprise exploitée à l'étranger aux fins de l'exemption prévue par la division 212(1)b)(iii)(E) relativement aux retenues d'impôt. La Loi ne précise cependant pas de quelle manière on doit effectuer cette attribution. Le calcul effectué aura donc forcément un caractère quelque peu arbitraire.

[128] Le document classé à l'onglet 21 fournit une assise raisonnable relativement à cette attribution. Le principe d'une telle attribution a été accepté dans l'affaire Twentieth Century Fox Film Corporation c. La Reine, [1985] 2 C.F. 227, 85 D.T.C. 5513. Là aussi, le fait d'exploiter une entreprise par le biais d'un mandataire indépendant pour le compte du contribuable a été considéré comme l'exploitation d'une entreprise par le contribuable.

[129] Dans l'arrêt London Life Insurance Co. c. Canada, [1990] 1 C.F. 784, 90 D.T.C. 6001, on a de nouveau accepté le concept de l'exploitation d'une entreprise à l'étranger par l'intermédiaire d'un mandataire responsable d'aspects importants de l'entreprise dans le pays concerné, notamment des activités clés liées aux ventes. Le critère employé fut la détermination de l'endroit où avaient lieu les activités « qui génèrent réellement les bénéfices » . En l'espèce, il est parfaitement clair que les bénéfices tirés de l'entreprise d'Aqviq et de Kinguk [TRADUCTION] « étaient générés réellement par les activités de commercialisation d'Uhrenholt » .

Les calculs

[130] Dans le document des appelantes classé à l'onglet 21, on a tenté de répartir de façon raisonnable les frais d'intérêt en cause ici entre la partie des entreprises d'Aqviq et de Kinguk exploitées à l'étranger et la partie exploitée au Canada. Les calculs sont fondés sur l'hypothèse selon laquelle, du fait que les intérêts s'appliquaient en fonction des fluctuations quotidiennes du solde des comptes des marges de crédit, la façon la plus raisonnable de déterminer la fraction des intérêts liée à la partie des entreprises exploitée à l'étranger est de prendre les montants portés au débit de ces comptes par Uhrenholt - montants donnant lieu aux frais d'intérêt - et de distinguer ceux de ces montants rattachés à la partie des entreprises exploitée à l'étranger. Une fois établie la proportion des montants applicable à la partie exploitée à l'étranger, le solde des intérêts est assujetti aux retenues aux fins d'impôt.

[131] Aux fins de calculer les montants imputés aux comptes des marges de crédit dans les livres comptables d'Uhrenholt et de déterminer les frais d'intérêt, il faut tenir compte du fait que les « dépenses comprises » faisaient partie de ces montants. C'est à des fins d'ordre pratique qu'Uhrenholt, dans le relevé de règlement final, retranchait ces dépenses du produit brut et, une fois déduite l' « avance » de 70 %, portait le solde ainsi obtenu au crédit du compte de marge de crédit applicable dans ses livres comptables. Par rapport au solde des comptes de marge de crédit et au calcul des intérêts sur ce solde, cette façon de procéder donnait les mêmes résultats que si les « dépenses comprises » avaient été portées au débit des comptes de marge de crédit dans les livres comptables d'Uhrenholt et le produit brut de la vente (avance de 70 % et solde résiduel), au crédit de ces comptes.

[132] Le point à retenir ici est que, en vue de calculer le montant total des dépenses donnant lieu aux frais d'intérêt et qui portaient sur la partie de l'entreprise exploitée à l'extérieur du Canada, il était nécessaire d'additionner les « dépenses comprises » aux autres dépenses engagées par Aqviq et Kinguk à l'étranger, dépenses qu'Uhrenholt portait directement au débit des comptes de marge de crédit dans ses livres comptables. De manière à établir la proportion des imputations à ces comptes ayant donné lieu aux frais d'intérêt, il fallait également additionner les « dépenses comprises » au total des sommes portées directement au débit de ces comptes. Une fois établie la proportion des sommes inscrites directement ou indirectement au débit qui se rapportait à la partie de l'entreprise exploitée à l'étranger par rapport au total de ces sommes dans les livres comptables d'Uhrenholt (et les crédits et débits inverses dans les livres comptables d'Aqviq et de Kinguk), la façon la plus raisonnable de calculer la fraction des intérêts non assujettie à des retenues d'impôt en vertu de l'exemption prévue à la division 212(1)b)(iii)(E) consiste à utiliser la même proportion et à l'appliquer au montant total des intérêts. Le solde des intérêts ainsi calculés sera assujetti aux retenues d'impôt.

[133] En conclusion, l'avocat a soutenu que les appels devaient être admis en partie, conformément aux calculs exposés au document de l'onglet 21, et que l'affaire devait être déférée au ministre du Revenu national afin que celui-ci établisse en conséquence de nouvelles cotisations au regard de l'impôt en vertu de la partie XIII.

[134] Il a été également soutenu que les dépens devraient être adjugés aux appelantes.

Observations de l'intimée

[135] Au cours de son argumentation, l'avocat de l'intimée a déclaré que, durant les années en cause, les deux appelantes étaient des sociétés constituées sous le régime des lois du Canada et que Mulgrave (Nouvelle-Écosse) était leur port d'attache. Ni l'une ni l'autre n'avait de bureaux à l'extérieur de la Nouvelle-Écosse, et leurs employés étaient tous résidents de la province. Le président et Hans Andersen étaient les âmes dirigeantes des sociétés. Les placements étaient enregistrés en Nouvelle-Écosse, les navires pêchaient en eaux canadiennes durant la période en cause, en vertu de permis délivrés conformément aux lois canadiennes, et le traitement était entièrement effectué à leur bord. Les produits destinés au Japon étaient emballés à bord puis expédiés directement au Japon; tous les éléments d'actif des appelantes se trouvaient en Nouvelle-Écosse.

[136] L'avocat a déclaré que la vraie question à trancher en vertu de la disposition pertinente de la Loi consiste à savoir si les appelantes exploitaient une entreprise ailleurs qu'au Canada. Il a posé la question suivante : quelle est l'entreprise du contribuable? La réponse est selon lui que l'entreprise consistait à pêcher des crevettes. M. Mortensen a déclaré qu'il s'agissait là de l'entreprise de la société, ce qui est confirmé par les états financiers.

[137] Il a mentionné les notes afférentes aux états financiers relatifs à Aqviq pour l'année s'étant terminée le 31 décembre 1996 (pièce R-1, onglet 22). Il est précisé dans ces notes que l'entreprise de la société consistait à exploiter un navire de pêche pour la pêche aux crevettes. Le contrôleur a déclaré lors de son témoignage que ces renseignements étaient exacts. Les objectifs de Kinguk sont exposés dans les notes afférentes aux états financiers de cette société (pièce R-1, onglet 12, page 20). Le contrôleur a dit que ces renseignements étaient véridiques et que c'est lui qui les avait fournis. Les états financiers corroborent le témoignage de M. Mortensen.

[138] La pêche et la vente sont deux activités distinctes. Il n'y a aucun élément de preuve montrant que les appelantes jouaient un rôle dans la vente de leurs produits. Elles avaient confié cette tâche à Uhrenholt. M. Andersen a dit qu'Uhrenholt comptait vingt ans d'expérience dans la vente et qu'elle se spécialisait dans ce domaine.

[139] Les activités de pêche étaient menées uniquement en eaux canadiennes. C'est dans ces mêmes eaux que se déroulaient toutes les activités. C'est au Canada que l'entreprise de la société est exploitée. Par conséquent, l'exigence énoncée à la division 212(1)b)(iii)(E) de la Loi n'a pas été remplie, et l'exemption ne s'applique pas à la situation en l'espèce. [TRADUCTION] « Le simple fait que je fasse appel à une autre personne pour vendre mes produits ne fait pas en sorte que j'exploite une entreprise de vente de crevettes. L'entreprise d'autrui n'est pas mon entreprise à moi. »

[140] Quelles qu'aient été les activités d'Uhrenholt au Danemark, les appelantes n'exploitaient pas d'entreprise à l'étranger. Par conséquent, l'endroit où Uhrenholt exploitait son entreprise est dénué de pertinence ici. L'entreprise des appelantes, soit la pêche aux crevettes, était entièrement exploitée au Canada. L'entreprise d'Uhrenholt n'était pas l'entreprise des appelantes. Rien dans la preuve des appelantes n'indiquait qu'elles exploitaient une entreprise de vente de crevettes.

[141] L'avocat a fait mention des ententes commerciales conclues entre les appelantes et Uhrenholt. Il est question du titre de propriété au paragraphe 10 du document classé à l'onglet 1 de la pièce A-1. Voici ce que dit ce paragraphe :

[TRADUCTION]

FUF acquiert le titre de propriété des produits à quai dès leur déchargement du chalutier. FUF est habilitée à grever la cargaison ou à la céder à titre de garantie sous quelque forme que ce soit.

M. Andersen n'a pas fourni d'explication plausible au sujet du choix du terme « title » ( « titre » ) au lieu d'un autre terme, par exemple « possession » . Il aurait su ce qu'il signifiait. Il en savait très peu sur la façon dont les ventes étaient effectuées. Il aurait dû être plus au courant; si tel avait été le cas, la Cour aurait pu se faire une idée plus juste du sens des termes employés dans l'entente et de la façon dont on aurait pu les rendre plus clairs lors des négociations concernant les ventes. L'avocat a poursuivi en mentionnant le paragraphe 8 :

[TRADUCTION]

FUF vend les marchandises acquises en contrepartie du prix le plus élevé qu'elle puisse obtenir et établit un compte de vente distinct pour chaque expédition. FUF fixe elle-même ses prix de revente.

Les témoins n'ont fourni aucune explication raisonnable au sujet du sens du terme « resale » ( « revente » ), si ce n'est le sens qu'il semble avoir au départ. Si le titre de propriété est transféré, ainsi que le précédent paragraphe le donne à penser, les choses se terminent là pour les appelantes.

[142] Les appelantes n'avaient pas de bureaux à l'étranger. Elles doivent donc démontrer qu'elles ont exploité une entreprise à l'étranger par l'intermédiaire d'Uhrenholt. Il n'existait pas de mandat réel entre Uhrenholt et les appelantes. Les activités menées par Uhrenholt au Danemark ne peuvent être attribuées aux appelantes. Ces dernières ne peuvent donc affirmer qu'elles exploitaient une entreprise au Danemark par l'intermédiaire d'Uhrenholt.

[143] Si Uhrenholt avait agi à titre de mandataire des appelantes, elle aurait eu une obligation fiduciaire envers celles-ci et n'aurait pas pu acheter elle-même les marchandises. Or, en l'espèce, c'est ce qu'elle a fait, ainsi que le démontre la preuve. Elle n'avait pas reçu le consentement préalable des appelantes à cet égard, ce qui indiquerait qu'aucun mandat n'existait. L'avocat a mentionné à l'appui de cet argument l'affaire General Motors Acceptance Corporation of Canada Ltd. c. La Reine, C.C.I., no 97-2864(IT)G, 3 février 2000 ([2000] 2 C.T.C. 2061).

[144] L'avocat a déclaré qu'une deuxième condition rattachée à l'existence d'un mandat est que le mandant doit avoir un droit de contrôle sur le mandataire. La preuve révèle que ce n'était pas le cas en l'espèce. Les appelantes n'avaient pas voix au chapitre concernant les prix de vente et les acheteurs; elles ne communiquaient pas avec les clients; aussi, dans l'éventualité où il existait un mandat, c'est le mandataire qui exerçait un droit de contrôle sur le mandant à propos de la manière de commercialiser les produits. Il ressort de la lettre classée à l'onglet 7 de la pièce R-2 qu'Uhrenholt fournissait des conseils aux appelantes par le truchement du contrôleur, M. Sunvar Mortensen, en présentant des suggestions à ce dernier au sujet de la variété de crevettes que les appelantes devraient produire ainsi que de la variété qu'elles devraient cesser de cuire, et en insistant pour qu'elles continuent dans la mesure du possible à produire la même quantité de crevettes pour le marché japonais. En outre, conformément aux ententes commerciales, [TRADUCTION] « la production et l'emballage doivent être effectués conformément aux instructions en vigueur de FUF, selon les demandes particulières du marché » . Ces faits indiqueraient qu'Uhrenholt exerçait un contrôle complet sur la production et l'emballage, et qu'elle n'agissait pas à titre de mandataire des appelantes. Cette conclusion concorde avec la lettre contenant les instructions.

[145] M. Andersen a dit qu'Uhrenholt pouvait agir à sa guise en ce qui touche les ventes. Cette déclaration concorde avec le témoignage de M. Mortensen, selon qui les appelantes n'exploitaient pas une entreprise de vente. De plus, il est indiqué à la page 2 de l'entente qu'Uhrenholt pouvait décider de résilier celle-ci, chose qui ne serait pas logique si cette société était mandataire des appelantes. L'entente ne pouvait être résiliée par les appelantes si elles avaient des dettes envers Uhrenholt. De plus, s'il s'était agi d'un mandat, on peut penser que M. Mortensen, en qualité de dirigeant, aurait disposé de certains renseignements au sujet des ventes et au sujet des factures, alors que ce n'était pas le cas.

[146] Dans la présente affaire, le mandataire n'avait pas le droit ni la capacité de lier le mandant, du fait qu'Uhrenholt assumait entièrement le risque de perte si l'acheteur ne payait pas. M. Andersen a déclaré que le client pouvait également déposer une réclamation à l'encontre d'Uhrenholt en cas de problème touchant les produits. Cela n'est pas compatible avec un mandat.

[147] L'avocat a fait mention des modalités de vente et de livraison en vigueur, qui comprenaient notamment ceci :

[TRADUCTION]

F. Uhrenholt est entièrement responsable des dommages matériels et corporels dans la mesure où il est établi que ces dommages sont attribuables à des défaillances liées à la livraison par F. Uhrenholt.

Cette clause était jointe aux factures destinées aux clients. Certains des principaux aspects d'un mandat, décrits précédemment, sont absents. Par conséquent, il n'existait pas de mandat.

[148] S'il y avait un mandat, les activités exercées au Danemark pourraient être attribuées aux appelantes. La question consiste alors à savoir si les appelantes ont établi que l'entreprise d'Uhrenholt était leur propre entreprise. Les activités menées au Danemark ne doivent pas être envisagées de la même manière que celles menées dans les îles Féroé. L'avocat a mentionné l'article 3 de l'Accord fiscal Canada-Danemark, aux termes duquel le terme « Danemark » désigne le Royaume du Danemark, mais ne comprend pas les îles Féroé ni le Groenland.

[149] L'avocat a fait mention de l'affaire Gurd's Products Company Limited, précitée, afin d'étayer sa thèse selon laquelle chaque affaire doit être jugée en fonction des faits en cause. Dans ladite affaire, malgré l'existence d'un trompe-l'oeil et l'absence de véritable activité commerciale au Canada, la Cour a conclu que Gurd's Products exploitait bel et bien une entreprise au Canada et que l'on ne pouvait faire abstraction des faits étayant la thèse contraire de la société.

[150] L'avocat a fait mention de l'affaire London Life Insurance Company, précitée, et a soutenu qu'il est nécessaire de tenir compte de tous les faits relatifs à l'entreprise plutôt qu'à un seul aspect de celle-ci. Dans l'affaire en question, la Cour a tenu compte de l' « effet cumulatif » de différents facteurs (notamment l'endroit où les dépenses avaient été engagées par le contribuable et où les profits ont été générés relativement à l'entreprise présumée). Il ressort d'une prise en considération raisonnable des facteurs établis par la preuve dans la présente affaire que l'entreprise des appelantes était exploitée au Canada.

[151] Cette conclusion s'impose lorsque l'on examine les éléments de preuve fournis : l'entretien des navires en Nouvelle-Écosse; l'embauche des équipages; l'exigence de se conformer à la réglementation du ministère canadien des Pêches et Océans; le droit qu'avaient les sociétés de gérer les chalutiers; les réparations; les fournitures; l'assurance des navires au Canada; le fait que les âmes dirigeantes des sociétés étaient au Canada, que les employés du siège social travaillaient au Canada et que les dirigeants résidaient au Canada; les équipages composés de Canadiens et d'immigrants admis; le versement des salaires en dollars canadiens; l'exploitation des navires en vertu de permis de pêche canadiens; le fait que les navires exerçaient leurs activités de pêche en eaux canadiennes, que l'emballage et le traitement étaient également effectués en eaux canadiennes et que la majorité des prises étaient déchargées au Canada.

[152] Le document classé à l'onglet 6 de la pièce A-1 montre que la plus grande partie des déchargements étaient effectués au Canada. Chaque fois que des prises étaient déchargées au Danemark, les navires s'étaient rendus dans ce pays pour des remises en état. De plus, une fois les prises déchargées - la plupart du temps au Canada - les navires étaient remis en état et réapprovisionnés, et les réparations requises étaient apportées au moteur et à l'équipement de pêche au Canada. Les appelantes avaient leurs comptes bancaires au Canada. Les fonds provenant de la marge de crédit étaient versés par anticipation à la Banque de Nouvelle-Écosse pour le paiement de factures liées aux activités commerciales des appelantes au Canada.

[153] Les appelantes payaient de l'impôt uniquement au Canada à l'égard de leurs ventes de crevettes. Le montant des ventes était déclaré en totalité. Aucun impôt étranger n'était payé, et aucune déclaration de revenus n'était produite dans un autre pays. Les témoins des appelantes n'ont eu que des propos d'ordre général sur les endroits où les produits étaient vendus. L'avocat a de nouveau indiqué que tous les éléments d'actif des appelantes se trouvaient au Canada.

[154] L'avocat a fait mention d'un article de Vern Krishna intitulé The Fundamentals of Canadian Income Tax, 6 RED (Ottawa, Carswell, 2000), et il a soutenu que le Canada devait être l'endroit où l'entreprise était exploitée et que c'est là l'objectif principal de l'entreprise. L'objectif secondaire ou accessoire est l'endroit où les ventes sont effectuées.

[155] Même si les appelantes exploitaient une entreprise de pêche aux crevettes et qu'elles embauchaient quelqu'un pour les vendre, elles ne faisaient pas appel à autrui pour exploiter leur entreprise principale. Cela signifie qu'Uhrenholt était responsable uniquement de l'exploitation de leur entreprise secondaire ou accessoire.

[156] Si la Cour conclut qu'il existait un mandat et qu'une partie de l'entreprise principale était exploitée ailleurs qu'au Canada, la question de la répartition se posera alors.

[157] Au sujet de la formule mise de l'avant par l'avocat des appelantes (pièce A-1, onglet 21), l'avocat de l'intimée a exprimé des réserves au sujet de la variable B, étant donné qu'il s'agissait selon lui de paiements entre fournisseurs étrangers. Cela faussait les résultats, puisque la répartition est effectuée selon l'endroit où les paiements ont été effectués plutôt que selon l'endroit où les activités ont été menées. Malik réapprovisionnait les navires en carburant au Canada, aussi le fait que le paiement correspondant ait été effectué à l'étranger est dénué de pertinence. En ce qui touche les coûts rattachés à l'équipement de pêche, l'avocat a soutenu que cet équipement a servi exclusivement à la pêche à la crevette en eaux canadiennes. Quelle importance si cet équipement a été acquis à l'étranger? Il a servi principalement à la pêche à la crevette au Canada.

[158] À propos des dépenses comprises, M. Andersen a témoigné que ces dépenses étaient engagées lors du déchargement des produits. La plupart de ces déchargements étaient effectués au Canada, quoique certains aient eu lieu à l'étranger. Le seul fait que des dépenses aient été engagées à l'étranger ne signifie pas qu'elles aient été liées à une activité exercée à l'extérieur du Canada.

[159] L'avocat a mentionné l'alinéa 4(1)b) de la Loi et a avancé que lorsqu'une société exploite une entreprise à plus d'un endroit, les dépenses engagées doivent être rattachées à l'endroit où l'entreprise est exploitée. En l'espèce, les activités de pêche étaient menées au Canada, tandis que les ventes étaient effectuées au Danemark, et les dépenses devaient être réparties selon leur rapport avec l'un ou l'autre endroit. Pour ce faire, il ne faut pas considérer l'endroit où les dépenses sont engagées. Cette règle s'applique uniquement dans le cas de l'acquisition de services. Si vous achetez une chose au Danemark et que vous pêchez au Canada, cela ne veut pas dire que la dépense se rapporte à la pêche à l'autre endroit. Le critère à employer doit être l'objet de la dépense, non le lieu où elle est engagée.

[160] Si, comme dans le cas présent, les activités étaient la pêche et la vente, il faut se demander quel était l'objet de la dépense. L'avocat a mentionné différents postes de dépenses, notamment la somme de 103 755 $ figurant à l'onglet 14 de la pièce A-1, qui avait trait selon lui à la pêche à la crevette au Canada et n'avait aucun lien avec la vente des produits. Les frais d'assurance de 220 311 $ étaient également liés à des activités exercées au Canada. Le matériel d'emballage et les fournitures étaient destinés aux navires et servaient à l'emballage, mais ils avaient aussi un lien avec les ventes, de sorte que les dépenses correspondantes seraient visées par l'exemption. Par contre, les dépenses relatives à l'un des navires et ayant trait à des réparations au moteur et à des services d'entretien étaient liées exclusivement à la pêche en eaux canadiennes et n'avaient aucun lien avec la vente des produits. Ces dépenses étaient donc rattachées aux activités menées au Canada et n'étaient pas visées par l'exemption.

[161] Les primes d'assurance étaient versées en Norvège, mais ces assurances avaient trait à la pêche à la crevette, non à la vente des prises. Elles n'étaient pas admissibles. De même, les dépenses liées à l'équipement de pêche étaient nécessaires pour pêcher les crevettes, mais n'avaient rien à voir avec la vente des prises.

[162] Au sujet du carburant et de l'huile lubrifiante, les navires étaient réapprovisionnés au large. Le mécanisme d'approvisionnement était situé en eaux canadiennes. Qui plus est, la consommation de carburant était rattachée à la pêche, non à la vente des prises. Quoi qu'il en soit, il n'est arrivé que deux fois que le réapprovisionnement ait lieu au Danemark. Malik possédait également une citerne au Groenland. Les frais rattachés à la nourriture et aux déplacements avaient eux aussi trait à la pêche, non à la vente.

[163] La preuve a montré que les frais juridiques avaient trait à l'exploitation des navires. Si la Cour juge ces frais déductibles, elle devrait les répartir en deux parties égales.

[164] Les dépenses comprises se rapportaient aux activités de vente des produits par Uhrenholt. L'exemption prévue à l'article 212 devrait s'appliquer à leur égard.

[165] Si la Cour applique la formule des appelantes, elle devrait utiliser les chiffres mis de l'avant par l'intimée.

[166] L'avocat n'a pas soulevé grande objection à ce que les appels soient admis concernant la question de la « majoration » des montants.

[167] Toujours en ce qui a trait à la formule, l'avocat a dit ne pas avoir de réserve concernant la variable A, dans l'éventualité où les arguments de l'avocat des appelantes seraient retenus. Le premier élément de la variable B est aussi accepté, mais pas le second. La variable C est acceptée.

[168] Le premier élément de la variable B correspond au montant total des dépenses comprises et le second, aux autres dépenses engagées ailleurs qu'au Canada. Ces dépenses devraient être déterminées à la lumière des arguments de l'intimée au sujet de la répartition, de sorte que la variable B serait modifiée.

[169] Le principal argument de l'avocat était en fin de compte qu'il n'existait pas de mandat et que l'appel devait être rejeté, exception faite de la question relative à la majoration des montants. De plus, ainsi que l'a indiqué l'avocat des appelantes au cours de son argumentation, les parties ont convenu qu'Aqviq et Kinguk n'avaient pas de lien de dépendance avec Uhrenholt et qu'il fallait retrancher du montant total des intérêts en cause les intérêts de contrepassation portés par Uhrenholt au crédit d'Aqviq et de Kinguk relativement aux avances de 70 % lorsqu'il s'était écoulé trois mois depuis le déchargement des prises. Les calculs exposés dans le document des appelantes classé à l'onglet 21 tiennent compte de ce rajustement.

[170] En réplique, l'avocat des appelantes a déclaré, eu égard aux états financiers et aux notes afférentes à l'onglet 12 de la pièce R-1, page 20, que, selon les dires du témoin des appelantes, les données en question étaient erronées et n'avaient pas grande importance. Il reste que ce n'est pas en examinant les écritures comptables que l'on détermine la nature d'une opération. S'il existe un mandat, le critère relatif à l'exploitation d'une entreprise est satisfait par l'intermédiaire du mandataire. L'avocat a de nouveau mentionné l'affaire Loeck, précitée. Il a soutenu que, lorsque M. Andersen a évoqué le titre de propriété, il voulait parler de la propriété en common law, non de la propriété bénéficiaire. Uhrenholt détenait le titre de propriété uniquement comme garantie, et il n'y avait pas de changement de la propriété bénéficiaire. La Cour ne devrait pas accorder trop d'importance au terme « revente » ( « resale » ), étant donné que, lors de la rédaction de l'entente, les rédacteurs, qui étaient des profanes en la matière, n'évoquaient que le titre en common law.

[171] Pour ce qui est de la crédibilité, l'avocat a avancé que l'argument de l'intimée à ce propos n'était pas plausible. Peut-être les témoins auraient-ils pu fournir davantage de précisions sur les ventes, mais ce point est dénué de pertinence.

[172] Les droits et les obligations du mandant et du mandataire peuvent faire l'objet d'une entente écrite. Le mandant n'a pas forcément de droit de contrôle à l'égard du mandataire; tout dépend de la teneur de l'entente.

[173] Les modalités prévoyant un droit de résiliation ne sont pas incompatibles avec l'existence d'un mandat. Ce n'est pas parce que les clients pouvaient intenter des poursuites à l'encontre d'Uhrenholt que les appelantes n'assumaient pas de risque. Ce sont elles qui payaient les primes.

[174] Au sujet de l'accord fiscal avec le Danemark, le fait que le Groenland ne soit pas considéré comme faisant partie du Danemark n'a aucune pertinence. Le Groenland ne fait pas partie du Canada. L'entreprise peut être exploitée à l'extérieur du Canada. Quant à la question de savoir si les appelantes ont produit des déclarations de revenus ou payé des impôts à l'étranger, ces dernières ont renvoyé à l'Accord fiscal Canada-Danemark. Les appelantes n'avaient pas d'établissement stable au Danemark et n'étaient donc pas assujetties à l'impôt danois. Cet argument est dès lors dénué de pertinence.

[175] Une petite partie des produits était vendue sur la terre ferme au Danemark. Ce point n'est pas déterminant. L'entreprise en était une de vente. La direction de l'entreprise était au Danemark.

[176] Le simple fait qu'une petite partie des activités était menée au Danemark ne signifie pas que les appelantes n'exploitaient pas une entreprise à l'étranger. Dans l'affaire London Life Insurance Company, précitée, le tribunal a jugé que le sens du passage « a exploité une entreprise d'assurance [...] dans un pays autre que le Canada » ne devait pas être limité en fonction de considérations pouvant ou non servir à établir si une telle entreprise était exploitée au Canada. Ce passage a un sens large et doit être interprété en conséquence.

[177] Dans la présente affaire, les activités exercées au Danemark étaient davantage que de simples activités accessoires de l'entreprise des appelantes, dans la mesure où l'on juge fondé l'argument de l'existence d'un mandat. La commercialisation constituait une entreprise importante. Les appelantes exploitaient une entreprise internationale dont les activités étaient menées dans de nombreux pays.

[178] Au sujet des dépenses comprises, même les dispositions relatives à l'expédition des marchandises du Canada au point de vente et aux coûts d'entreposage au Canada étaient prises depuis le Danemark. De ce fait, ces dépenses s'inscrivaient dans l'exploitation de l'entreprise au Danemark en vertu du mandat. Il ne faut pas considérer seulement l'endroit et la dépense, mais aussi l'auteur de l'activité et le lieu où il l'exerce. Qui prend les dispositions? Toutes les dépenses comprises sont rattachées à l'exploitation d'une entreprise à l'étranger. Il n'y a pas lieu de procéder à une répartition de ces dépenses.

[179] L'intimée a fait valoir que, pour l'application de l'alinéa 4(1)b) de la Loi, les dépenses doivent être liées à l'endroit où elles sont engagées. Ce n'est pas exact. La règle a une portée plus générale que cela. Il ne faut pas appliquer le critère de façon mécanique et fonder la décision finale sur le lieu où les dépenses étaient effectuées. Les décisions d'affaires étaient prises au Danemark.

[180] L'avocat a souscrit à l'argument de l'intimée voulant que les frais d'emballage engagés au Canada soient étroitement liés aux activités de commercialisation au Danemark ou ailleurs qu'au Canada. Les activités exercées à l'extérieur du Canada ne se résumaient pas à la commercialisation. Il y a lieu de procéder à une répartition. La question n'est pas de savoir à qui les frais étaient versés, mais bien si les dépenses se rapportaient à une entreprise exploitée à l'étranger. Cette répartition, même si elle peut être arbitraire dans une certaine mesure, est nécessaire.

[181] À propos de la formule, les activités ne peuvent se limiter à pêcher la crevette. Il faut aussi vendre les prises. Il faut considérer l'entreprise depuis le tout début des activités jusqu'à la conclusion de la vente. Que les dépenses soient acquittées au Canada ne signifie pas qu'elles ne sont pas rattachées à une entreprise exploitée à l'étranger. Toutes les dépenses comprises avaient trait à des activités menées au Danemark.

[182] Toujours au sujet de la formule présentée par les appelantes, il y a accord au sujet de la variable A, la variable C (ensemble des dépenses engagées) est acceptable, et la variable B n'est pas totalement acceptée, mais l'avocat soutenait que les dépenses comprises devaient être prises en considération dans leur totalité, y compris les frais liés au fret et à l'entreposage.

[183] Les autres dépenses engagées à l'étranger faisaient l'objet d'un calcul raisonnable, et elles se rapportaient toutes à des activités menées à l'extérieur du Canada. Si cette procédure n'est pas jugée acceptable, toutes les dépenses d'emballage devraient être acceptées, de même que la moitié des frais juridiques.

[184] L'avocat a enfin soutenu que l'affaire devait être déférée au ministre pour nouvel examen et nouvelles cotisations, de manière que les montants en cause ne soient pas majorés, que soient soustraits des intérêts en cause les intérêts de contrepassation portés au crédit d'Aqviq et de Kinguk par Uhrenholt trois mois après le déchargement des prises relativement aux intérêts sur les avances de 70 %, et que soit appliquée la formule présentée par les appelantes, avec les modifications apportées par la Cour, le cas échéant, pour le calcul des dépenses engagées à l'étranger. Les dépenses comprises devraient être admises en totalité.

Analyse et décision

[185] La Cour doit se prononcer sur trois questions, quoique deux seulement demeurent en litige.

[186] Ainsi que cela a été indiqué précédemment, les parties aux présents appels conviennent maintenant qu'Aqviq et Kinguk n'avaient pas de lien de dépendance avec Uhrenholt et qu'il faut soustraire des intérêts en cause les intérêts de contrepassation qu'Uhrenholt a portés au crédit d'Aqviq et de Kinguk, relativement aux avances de 70 %, trois mois après le déchargement des prises faites au cours d'une expédition. Ce rajustement est pris en compte dans les calculs que l'on retrouve dans le recueil des appelantes à l'onglet 21. Ce premier volet de l'appel est admis, et l'affaire est déférée au ministre pour nouvel examen et nouvelles cotisations en conséquence.

[187] La deuxième question à trancher consiste à savoir si, dans la mesure où des retenues d'impôt doivent être versées en vertu de la partie XIII de la Loi à l'égard de tout ou partie des intérêts lors des années en cause, cet impôt est payable, au taux de 15 %, sur 100 % des intérêts portés au crédit d'Uhrenholt dans les livres d'Aqviq ou de Kinguk, ou sur 100/85 de ces intérêts. On peut aussi poser la question ainsi : y avait-il lieu de majorer le montant des intérêts réellement imputés de 15/85 aux termes de la Loi, étant donné que, dans les faits, aucun montant additionnel d'intérêt n'a été payé à Uhrenholt ni porté à son crédit, selon les termes de l'introduction du paragraphe 212(1) de la Loi, durant les années en cause?

[188] La Cour est convaincue que les appelantes se sont acquittées du fardeau à ce propos et que le ministre n'est pas fondé à majorer de 15/85 les intérêts réellement imputés, ou, si l'on veut, à établir une cotisation d'impôt à l'égard des appelantes prévoyant l'application d'un taux de 15 % sur les 100/85 des intérêts portés au crédit d'Uhrenholt dans les livres d'Aqviq ou de Kinguk. Rien ne justifie une telle mesure de la part du ministre, et l'argument des appelantes à ce propos est fondé.

[189] Le procédé employé par le ministre à cet égard revenait à calculer l'impôt en utilisant la méthode de comptabilité d'exercice.

[190] L'argument suivant de l'avocat est fondé : « Malgré toute obligation contractuelle, de la part d'Aqviq ou de Kinguk, d'indemniser Uhrenholt des retenues au titre de l'impôt payable par cette dernière en vertu de la partie XIII de la Loi, il n'y a eu aucune indemnisation de la sorte - qu'il s'agisse d'un paiement à Uhrenholt ou d'un montant porté à son crédit - durant les années en cause. La Cour n'a pas à décider des conséquences fiscales de telles indemnités dans l'éventualité où elles seraient versées dans l'avenir. »

[191] Ce volet des appels est admis et l'affaire est déférée au ministre pour nouvel examen et nouvelles cotisations en tenant compte de la conclusion de la Cour selon laquelle le ministre n'était pas fondé à majorer les intérêts pour les années en cause.

[192] La dernière question à trancher, et la plus importante, consiste à savoir si - et, le cas échéant, dans quelle mesure - les intérêts en cause sont visés par l'exemption en matière de retenues d'impôt prévue à la division 212(1)b)(iii)(E) de la Loi du fait que les dettes liées à la marge de crédit constituaient des obligations contractées par Aqviq ou Kinguk dans le cadre de l'exploitation d'une entreprise ailleurs qu'au Canada et que les intérêts étaient déductibles dans le calcul du revenu de ces dernières, en vertu de la partie I de la Loi, tiré d'une entreprise exploitée par elles à l'étranger, selon la règle qu'a énoncée l'avocat des appelantes dans ses observations et à laquelle a souscrit l'avocat de l'intimée.

[193] Ainsi que l'a souligné l'avocat des appelantes, les « ententes commerciales » conclues par Uhrenholt avec Aqviq ainsi qu'avec Kinguk sont au coeur des rapports unissant Uhrenholt à ces deux sociétés. Ces ententes avaient essentiellement le même libellé et ont été mentionnées précédemment. Elles ont été rédigées en danois en 1993 ou en 1994, sans que l'on fasse appel à un conseiller juridique. On a fait valoir que Hans Andersen, l'un des témoins, avait mené les négociations avec Jogvan Kjolbro, principal actionnaire de l'ancienne société Farocan Incorporated, et qu'il ne fallait pas faire preuve d'un [TRADUCTION] « juridisme excessif » dans l'interprétation de ces ententes.

[194] Aucun autre élément de preuve - comme le témoignage de Jogvan Kjolbro ou d'une autre personne appelée à témoigner pour le compte des appelantes - n'a été produit au sujet de l'intention des parties aux ententes. L'avocat des appelantes s'est fondé sur le témoignage de Hans Andersen, qui a déclaré que les parties [TRADUCTION] « voulaient que les ententes demeurent aussi simples qu'une entente de vente à commission. Nous les avons établies nous-mêmes. Il s'agissait d'engagements fondés sur l'honneur. »

[195] Ce témoin a insisté sur le fait que la rémunération consistait en une commission sur le prix de vente net des produits. Il a déclaré : [TRADUCTION] « Nous voulions avoir une garantie lorsque nous versions l'argent. »

[196] Le témoin a fourni peu de renseignements supplémentaires au sujet de l'objet et de l'intention sous-jacents à l'entente; on ne lui a adressé aucune question sur les termes « legal » ( « en common law » ) et « equitable » ( « en equity » ) eu égard au titre de propriété, et il n'a pas indiqué non plus qu'il savait qu'il y a une différence entre eux. Chose certaine, il n'a pas dit qu'Uhrenholt voulait uniquement avoir le titre en common law des produits, par opposition à la propriété bénéficiaire de ces produits, et on ne lui a pas posé la question.

[197] De même, lors du contre-interrogatoire, ce témoin a convenu qu'Uhrenholt fixait elle-même ses prix de « revente » . On lui a demandé d'expliquer le sens qu'il donnait au terme « revente » ( « resale » ); il a simplement répondu que cela avait trait à l'obligation de vendre les produits le plus cher possible. Sa réponse n'avait rien à voir avec le sens qu'il donnait au terme en question, et il n'a rien dit de plus à ce propos. La Cour n'estime pas qu'il s'agisse d'une interprétation raisonnable.

[198] Après que l'on eût insisté, il a indiqué que, selon lui, il ne s'agissait pas de revente, mais sans fournir d'autres précisions. Ce témoin semblait mettre l'accent davantage sur le terme « commission » que sur la distinction entre la propriété « en common law » et la propriété « bénéficiaire » . Il a déclaré que la propriété faisait l'objet d'un transfert après la conclusion de la vente définitive, mais il ne semble pas s'agir là d'une interprétation raisonnable, compte tenu de son témoignage au sujet de la procédure suivie à compter du déchargement des produits.

[199] Il a mentionné que la société disposait d'autres documents relatifs à des garanties, par exemple une charge flottante, mais cette explication est sans la moindre utilité lorsqu'on veut établir si un transfert de la propriété « en common law » et de la propriété « bénéficiaire » avait eu lieu.

[200] Il a dit de l'entente commerciale conclue avec Aqviq (pièce A-1, onglet 1) qu'elle était similaire à celle conclue avec Kinguk. On lui a donné à entendre qu'il ne s'agissait pas d'une entente de mandat, ce à quoi il a répondu : [TRADUCTION] « Je ne sais pas de quoi il s'agit. [...] J'ignore si le terme mandataire a le même sens qu'en danois. Nous vendons les produits et touchons une commission de 4 %. »

[201] Au sujet de l'alinéa 6.1(e) figurant à la page 7 du document classé à l'onglet 4 de la pièce A-1, le témoin a dit qu'il ne comprenait pas le sens de cette disposition. Ce n'est pas lui qui l'avait rédigée, mais les avocats de la société. Il a ajouté que la responsabilité incombait à l'emprunteur et qu'Uhrenholt ne payait pas d'impôt au Canada.

[202] Ce témoin était de toute évidence un homme d'affaires très avisé et chevronné. Les seuls points à propos desquels ses connaissances étaient lacunaires concernaient les modalités de vente, qui relevaient selon ses dires du personnel de vente, ainsi que certaines des clauses les plus pertinentes des ententes. Il a affirmé avoir été celui ayant négocié les ententes, dans lesquelles on employait des termes et expressions comme « the transfer of title » ( « le transfert du titre » ) et « resale » ( « revente » ), sans en circonscrire le sens. On aurait pu penser que, compte tenu des conséquences juridiques évidentes découlant de telles ententes, une personne aussi expérimentée en aurait confié la rédaction à quelqu'un possédant des compétences dans le domaine juridique si elle n'avait pas été d'avis que les termes employés devaient être pris au pied de la lettre. De la même manière, lorsqu'il est question de transfert du titre dans les ententes, c'est exactement cela que l'on veut dire, et non que le transfert portait uniquement sur le titre en common law, tandis que les appelantes conservaient le titre bénéficiaire.

[203] La manière dont l'avocat des appelantes semble interpréter ces ententes, en particulier les termes susmentionnés, ne paraît pas concorder avec le témoignage limité du témoin au sujet de ces aspects cruciaux des documents en question, et aucun autre élément de preuve ne donne à penser que ces termes n'avaient pas le sens ordinaire qu'ils semblent véhiculer.

[204] Sunvar Mortensen était très au fait des activités des appelantes. Toutefois, son témoignage n'a fourni que peu d'éléments utiles pour ce qui est de l'interprétation raisonnable des ententes, et ce, malgré le fait qu'il était la personne à qui les responsabilités étaient confiées lorsque le président était absent, ce qui arrivait fréquemment. Il assumait de nombreuses responsabilités importantes touchant les activités des deux navires. Il a seulement indiqué qu'il n'avait pas participé à la rédaction des ententes commerciales et qu'il a simplement pris connaissance de leur contenu. De même, il n'a pas joué de rôle dans l'élaboration des ententes relatives aux marges de crédit.

[205] L'avocat de l'intimée soutenait que la relation qui existait n'était pas un mandat, que les appelantes exploitaient une entreprise de pêche à la crevette, mais non une entreprise de vente de crevettes. Cette dernière entreprise était exploitée entièrement par Uhrenholt, qui obtenait le titre de propriété sur les produits une fois les crevettes déchargées et qui assumait les dépenses engagées à partir de là, ces dépenses n'ayant absolument aucun rapport avec les appelantes et leurs activités de pêche à la crevette.

[206] Rien dans la preuve n'indiquait que les appelantes prenaient part à la vente des crevettes. Elles confiaient cette tâche à Uhrenholt. M. Andersen lui-même a dit que le spécialiste de la vente était Uhrenholt et que celle-ci exerçait des activités dans ce domaine depuis de nombreuses années. La seule tâche des appelantes consistait à pêcher les crevettes, ce qui était accompli en eaux canadiennes. Toutes les activités des appelantes étaient liées à des activités au Canada, car c'était l'endroit où les sociétés exploitaient leur entreprise.

[207] Les appelantes ne sont pas parvenues à prouver que les dépenses en cause étaient liées à une entreprise qu'elles exploitaient à l'étranger; en conséquence, ces dépenses ne sont pas visées par l'exemption.

[208] L'entreprise de vente de crevettes exploitée par Uhrenholt n'était pas l'entreprise des appelantes. Peu importe les activités d'Uhrenholt au Danemark ou ailleurs à l'étranger, il ne s'agissait pas des activités des appelantes. L'endroit où Uhrenholt exploitait son entreprise est dénué de pertinence en l'espèce.

[209] Les appelantes n'ont produit aucun élément de preuve démontrant qu'elles prenaient part à une entreprise de vente de crevettes. En fait, c'est tout le contraire.

[210] L'avocat de l'intimée a mentionné de façon particulière les éléments pertinents des ententes commerciales qui établissaient sans ambiguïté que le titre de propriété était transféré.

[211] Les raisons avancées par M. Andersen afin d'expliquer pourquoi, si Uhrenholt n'agissait qu'à titre de mandataire des appelantes, on avait utilisé le terme « title » ( « titre » ) plutôt que « possession » au paragraphe 10 de l'entente n'étaient ni raisonnables, ni acceptables. M. Andersen n'a pas expliqué pourquoi on n'avait pas utilisé d'autres termes si l'on voulait exprimer autre chose.

[212] Une personne possédant autant d'expérience que lui aurait sûrement su ce que ces termes signifiaient. En outre, il est précisé au paragraphe 8 [TRADUCTION] « [qu']Uhrenholt vend les marchandises achetées » . Cela montre sûrement que le titre était transféré. Qui plus est, la mention de la « revente » indique qu'il doit déjà y avoir eu vente. L'explication fournie à ce propos par M. Andersen n'était pas raisonnable.

[213] L'avocat de l'intimée a soutenu qu'il n'existait pas de mandat véritable et que les activités d'Uhrenholt à l'étranger ne pouvaient être attribuées aux appelantes. Dès lors, ces dernières ne pouvaient dire qu'elles exploitaient une entreprise à l'extérieur du Canada par l'intermédiaire d'Uhrenholt de manière à pouvoir se prévaloir des déductions. Cet argument est fondé.

[214] Les deux avocats ont mentionné différents principes associés à un mandat. Certains principes peuvent parfois être présents et d'autres non. Ces éléments ne sont pas forcément tous présents dans une relation mandant-mandataire. Il faut prendre en considération les faits propres à une situation donnée pour établir si un mandat existe.

[215] L'avocat des appelantes a soutenu que la manière dont Uhrenholt imposait des intérêts sur les « avances » de 70 % montrait que, du point de vue de cette société, la livraison des prises lors de leur déchargement des navires en cause ne constituait pas une vente. Toutefois, aucun des témoins des appelantes n'a mis cet argument de l'avant. La Cour n'est pas convaincue que ce soit là la seule interprétation que l'on puisse faire de ladite méthode de paiement. Il s'agissait après tout uniquement d'une méthode de paiement, et les parties avaient certainement la possibilité d'élaborer à leur gré les modalités de paiement. Aucune des clauses des ententes ne donne à penser que l'imposition de ces intérêts reflète la nature de la relation.

[216] La Cour n'est pas certaine de comprendre la raison pour laquelle Uhrenholt a décidé de limiter le montant des avances à 70 % du règlement net estimatif, mais aucun des éléments de preuve produits ne l'a convaincue que ce fait indiquait l'existence d'un mandat entre les parties.

[217] Ainsi que cela a été précisé précédemment, la Cour n'est pas convaincue par l'explication de M. Andersen que le transfert du « titre » dont il est question dans les « ententes commerciales » avait uniquement pour but de constituer une garantie. La Cour ne voit pas de quelle manière la méthode de paiement utilisée peut être perçue comme l'indication, par les parties, que le transfert ne touchait que le titre en common law, et non la propriété bénéficiaire.

[218] Il n'existe aucun doute qu'Uhrenholt faisait preuve de prudence en limitant les avances à une fraction du prix d'achat, étant donné le risque auquel elle s'exposait en cas de réclamation de créanciers à l'encontre des appelantes. Toutefois, il n'y a rien dans les « ententes commerciales » ni dans les autres documents qui donne à croire à l'existence d'un mandat plutôt qu'à un transfert de propriété « en common law » et de propriété « bénéficiaire » une fois les crevettes déchargées.

[219] En dépit de l'argumentation habile de l'avocat des appelantes au sujet des différents facteurs qui, à son avis, ne concordaient pas avec un transfert de la propriété bénéficiaire à Uhrenholt, la Cour n'est pas convaincue que les parties envisageaient d'établir entre elles un mandat. Considérant la preuve qui lui a été présentée et l'interprétation des ententes selon le sens ordinaire de leur libellé et les conclusions raisonnables qu'elle est fondée à faire à partir de la preuve, la Cour ne peut conclure que la preuve a établi l'existence d'un mandat ni même qu'une telle relation était envisagée dans les ententes.

[220] Ainsi que la Cour l'a déjà mentionné, la méthode de paiement employée en l'espèce n'indique pas nécessairement qu'un mandat existait. Même si la clause autorisant Uhrenholt à donner les marchandises en gage ne semble pas au premier regard être compatible avec l'idée d'un transfert de la propriété bénéficiaire, on peut certainement dire qu'elle n'est pas moins compatible que la clause de l'entente précisant qu'il y a transfert du titre et non uniquement du « titre en common law » . De plus, ces clauses ne jettent aucune lumière sur l'utilisation dans les ententes du terme « revente » ( « resale » ), au sujet duquel aucune précision n'est fournie.

[221] La Cour ne souscrit pas à l'argument de l'avocat voulant que la méthode de calcul de la rétribution d'Aqviq et de Kinguk, fondée sur le prix obtenu lors de la vente finale aux clients, ne concorde pas avec l'idée d'une vente antérieure à Uhrenholt. Là encore, il s'agissait simplement d'une méthode de calcul du paiement final qui avait bien évidemment été négociée entre les parties, qui avait été acceptée par les appelantes et qui avait bien sûr été rédigée par Uhrenholt de manière à servir ses propres intérêts.

[222] De plus, le fait qu'Aqviq et Kinguk assumaient toutes les dépenses pertinentes entourant la mise en marché des prises illustre uniquement l'habileté des représentants d'Uhrenholt à servir les intérêts de leur société lors des négociations ayant conduit à la conclusion des ententes et, sans doute, la situation financière très difficile des appelantes à l'époque. Cela vaut également pour les intérêts imposés à l'égard des « avances » de 70 %. Ici encore, la Cour ne conclut pas que l'emploi de cette méthode signifie que les parties n'envisageaient pas le transfert de la propriété « en common law » et de la propriété « bénéficiaire » .

[223] Les ententes elles-mêmes constituent les principaux arguments pouvant être avancés pour réfuter la thèse des appelantes, de même que l'obligation qu'a la Cour de les interpréter selon leur sens ordinaire, en l'absence de toute ambiguïté qui la forcerait à examiner des documents et des éléments de preuve extrinsèques afin de les interpréter correctement. Sauf ambiguïté, les ententes parlent d'elles-mêmes. En l'espèce, la Cour est d'avis que les ententes ne contiennent aucune ambiguïté et aucun des témoignages entendus ne l'amène à éprouver des doutes au sujet du sens, de l'objet et de l'intention véritables des termes clairs utilisés dans ces ententes.

[224] Les mots « title » ( « titre » ), « sale » ( « vente » ) et « transfer of ownership » ( « transfert de propriété » ) ont un sens simple et clair; si les parties avaient voulu préciser que les termes « ownership » ( « propriété » ) et « title » ( « titre » ) désignaient uniquement le transfert de la propriété en common law ou du titre en common law, par opposition à la propriété bénéficiaire ou au titre bénéficiaire, les ententes auraient dû être plus explicites à ce propos. Si les appelantes ont choisi de faire un engagement fondé sur l'honneur afin de régir ce qui semble être une relation bien définie, sérieuse et de nature juridique entre les parties, et que, par la suite, les ententes ainsi conclues ne se prêtent pas à l'interprétation qu'elles préconisent, elles ne peuvent s'en prendre qu'à elles-mêmes.

[225] En conséquence, la Cour n'est pas convaincue que les appelantes se soient acquittées du fardeau qui leur incombait de prouver que les intérêts en cause étaient visés par l'exemption aux retenues d'impôt prévue à la division 212(1)b)(iii)(E) de la Loi, et ce volet des appels est rejeté. Sous réserve des nouvelles cotisations que doit établir le ministre relativement aux deux autres volets des appels, les cotisations du ministre sont confirmées.

[226] Les appelantes n'ayant pas eu gain de cause pour l'essentiel dans les présents appels, elles n'ont pas droit aux dépens.

[227] Les dépens sont accordés à l'intimée, après taxation.

Signé à Vancouver (Colombie-Britannique) ce 22e jour de janvier 2002.

« T.E. Margeson »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 26e jour de mars 2003.

Yves Bellefeuille, réviseur

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