Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date: 20011024

Dossier: 2000-4756-IT-I

ENTRE :

9072-6019 QUÉBEC INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifsdu jugement

P.R. Dussault, J.C.C.I.

[1]            Il s'agit d'un appel d'une cotisation établie en vertu de l'article 160 de la Loi de l'impôt sur le revenu (la " Loi ") pour un montant de 10 000 $ suite à un transfert, en date du 17 juin 1999, par la société 2545-3267 Québec Inc. (" 2545-3267 ") d'un permis de camionnage en vrac (VR) à l'appelante, et ce, sans contrepartie et alors que 2545-3267 avait une obligation fiscale impayée de 24 711,96 $ au cours de l'année d'imposition du transfert ou d'une année d'imposition antérieure.

[2]            Pour établir cette cotisation, le ministre du Revenu national s'est fondé sur les hypothèses de fait énoncées aux alinéas a) à t) du paragraphe 11 de la Réponse à l'avis d'appel. Ces alinéas se lisent :

a)              la société 2545-3267 Québec Inc. (ci-après la " Société ") a été incorporée le 29 décembre 1987 et a toujours un statut actif auprès du ministre;

b)             la Société n'a fait aucune demande pour sa dissolution auprès de l'inspecteur général des institutions financières;

c)              Luc Beaudry est l'administrateur, le président et l'actionnaire majoritaire de la Société;

d)             la Société avait une obligation fiscale impayée au cours de l'année d'imposition du transfert ou d'une année d'imposition antérieure de 24 711,96 $, cette somme est ventilée ainsi :

                Impôt fédéral                                          14 021,61 $

                Assurance-emploi                                 6 081,54 $

                Intérêts                                   3 621,82 $

                Pénalités                                                    986,99 $

e)              ce montant représente des retenues à la source non remises ainsi que des intérêts et des pénalités pour les années d'imposition 1998 et 1999;

f)              la société 9072-6019 Québec Inc. (ci-après l'" Entreprise ") a été incorporée le 11 janvier 1999 et a un statut actif auprès du ministre même si elle n'a jamais produit de déclaration de revenus;

g)             aucun dossier n'a été retrouvé pour l'Entreprise auprès de l'inspecteur général des institutions financières;

h)             Nadia Beaudin est administratrice et actionnaire majoritaire de l'Entreprise;

i)               Luc Beaudry et Nadia Beaudin sont conjoints de fait;

j)               Luc Beaudry a fait cession de ses biens le 22 février 2000;

k)              le ou vers le 17 juin 1999, la société 2545-3267 Québec Inc. a transféré le contrat de location d'un camion MACK à la société 9072-6019 Québec Inc.;

l)               la société " Location MSF Inc. " a approuvé, vers le 6 juillet 1999, ce transfert et a autorisé l'Entreprise à effectuer tout changement d'immatriculation en rapport avec ledit camion de telle sorte que son nom apparaisse comme celui du locataire;

m)             la transaction, ci-haut mentionnée, était conditionnelle au transfert du permis V.R. rattaché au camion pour le transport en vrac;

n)             la Société a transféré ledit permis à l'Entreprise sans contrepartie;

o)             au moment du transfert de ce permis, la " Loi de la Commission sur les Transports du Québec " prévoyait qu'un camion ne pouvait être vendu avant le 1er janvier 2000, sans que le permis V.R. qui lui était attitré ne soit aussi transféré;

p)             au moment du transfert du camion, l'appelante ne pouvait donc pas opérer ce camion sans ledit permis;

q)             le 29 septembre 1999, l'évaluation faite par le ministre déterminait que la valeur du permis de transport V.R. visée par la transaction du 17 juin 1999, était de 10 000,00$;

r)              l'appelante est liée à l'auteur du transfert du permis, soit la société 2545-3267 Québec Inc. au sens du paragraphe 251(2) avec qui elle a un lien de dépendance conformément au paragraphe 251(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu (ci-après la " Loi ");

s)              l'appelante qui est la bénéficiaire du transfert du permis et la société qui en est l'auteur sont solidairement responsables du paiement en vertu du paragraphe 160(1) de la Loi, d'un montant égal au moins élevé des montants suivants :

                (i)             Excédent de : A) sur B)

                                A) JMV des biens lors du transfert 10 000,00$

                                B) Contrepartie                                                         0,00$

                (ii)            Montant dû                                                                            24 711,96$;

t)              le montant de la cotisation émise au nom de l'appelante est de 10 000,00$, soit le montant le moins élevé des montants calculés aux alinéas s) (i) et s) (ii).

[3]            Les alinéas k), l), n), r), s) et t) sont niés tels que libellés. Les autres alinéas sont admis.

[4]            Madame Nadia Beaudin, seule actionnaire et administratrice de l'appelante ainsi que monsieur Réjean Asselin, évaluateur d'entreprise pour l'Agence des douanes et du revenu du Canada ont témoigné.

[5]            Dans son témoignage, madame Beaudin a expliqué qu'il y avait eu cession de bail concernant le camion Mack 1999 entre 2545-3267 et l'appelante en date du 17 juin 1999. Un document se voulant plutôt un contrat de vente a été soumis en preuve (pièce A-4). On y fait état que la vente est conditionnelle au transfert du permis. En fait, madame Beaudin a reconnu qu'il ne s'agit que d'une cession de bail, la société Location MSF Inc. (" MSF ") étant propriétaire du camion et que le document en question aurait été rédigé suite à une exigence de la Commission des transports du Québec (" Commission des transports "). MSF a d'ailleurs expressément approuvé le changement de locataire (pièce A-3).

[6]            Avant la cession de bail, 2545-3267 utilisait le camion pour le transport en vrac de terre, de sable et de gravier et le transfert du permis à l'appelante était nécessaire pour continuer ce type d'exploitation jusqu'au 31 décembre 1999. Selon madame Beaudin, comme le permis accordé est rattaché au camion, il fallait effectuer le transfert pour que l'appelante puisse continuer à faire du transport en vrac. Toutefois, elle a expliqué que l'appelante a plutôt utilisé le camion pour faire le transport de bois en longueur et de copeaux de bois et qu'un permis n'était pas nécessaire pour ce type de transport.

[7]            Malgré cela, la demande du transfert du permis de transport en vrac a bel et bien été faite et signée par monsieur Luc Beaudry pour 2545-3267 décrite comme demandeur-cédant (vendeur) et par madame Nadia Beaudin pour l'appelante décrite comme demandeur-cessionnaire (acheteur). La Commission des transports a accueilli cette demande et le permis de transport a bel et bien été transféré de 2545-3267 à l'appelante en date du 6 juillet 1999 (pièce A-5). Les frais de traitement payés à la Commission des transports pour cette demande de transfert ont été de 183 $ (pièce A-6).

[8]            Dans son témoignage, madame Beaudin a expliqué que les permis de transport en vrac ont été abolis à compter du 1er janvier 2000 mais elle a dit ignorer si le fait de détenir un permis antérieurement conférait certains droits au détenteur en vertu du nouveau régime. De même, madame Beaudin a dit ignorer le prix payé pour l'acquisition du permis par 2545-3267 en 1990.

[9]            Monsieur Réjean Asselin, CMA, est au service de l'Agence des douanes et du revenu du Canada et occupe un poste d'évaluateur depuis 1990. Sa qualité d'expert en évaluation d'entreprise n'a pas été contestée par les représentants de l'appelante.

[10]          Monsieur Asselin a établi à 10 000 $ la valeur du permis de transport en vrac (VR) transféré par 2545-3267 à l'appelante en date du 17 juin 1999.

[11]          L'évaluation de monsieur Asselin est essentiellement fondée sur des renseignements obtenus lors de conversations téléphoniques, d'abord avec une certaine dame Raymonde Lévesque de l'Association du Camionnage en vrac de Sept-Iles, puis d'un certain monsieur Gilles Couture du Ministère des transports du Québec.

[12]          Dans ses notes au dossier (pièce I-1, onglet 5), monsieur Asselin souligne notamment ce qui suit de sa conversation avec madame Lévesque :

" Bien qu'un permis ne se vend pas, elle pense qu'une valeur variant entre 10 000 $ et 15 000 $ est raisonnable pour cette région. "

[13]          Quant à la conversation avec monsieur Couture, on retrouve les notes au dossier suivantes (pièce I-1, onglet 7) :

" J'ai communiqué avec M. Gilles Couture du Ministère des transports à Québec concernant le projet de loi ou une nouvelle réglementation sur le permis " VR ".

Effectivement, il y a un projet dans l'air sur la déréglementation du permis " VR ".

1-          Abolition du permis " VR ".

2- Nouvel enregistrement obligatoire à la Commission des transports pour tous les travaux publics de voirie plus un enregistrement au sous-poste de courtage de la région desservie.

3-          Marché privé complètement déréglementé.

4- Ce changement est causé par une déréglementation au niveau de la Loi fédérale sur les transports.

M. Couture indique que l'enregistrement au Ministère des transports sera permis seulement à ceux qui ont un permis " VR " actuellement et qui font partie d'une association de camionneurs, c'est-à-dire qui sont enregistrés à un sous-poste de courtage de leur région.

Tout ceci a pour effet de faire baisser la valeur des permis bien que normalement on ne devrait pas accorder aucune valeur à ce permis. Cependant sur le marché, ces permis se transigent entre des parties non liées.

Je lui ai parlé d'une valeur d'environ 10 000 $ ajoutée à la valeur du camion comme étant représentatif de la valeur du permis.

M. Couture trouve cela très raisonnable. "

[14]          Monsieur Asselin a expliqué que sa compréhension du nouveau système qui devait être mis en place à compter de l'année 2000 est que certains droits acquis étaient reconnus aux détenteurs des permis de transport en vrac (VR) quant au transport pour fins publiques alors que le transport privé devenait complètement déréglementé.

[15]          Monsieur Asselin a également souligné que le permis avait été acquis par 2545-3267 de madame Gina Boudreault le 1er septembre 1990 au prix de 13 500 $ (pièce I-1, onglet 2). Le relevé T2S.(11) - relevé C.17S.(10) au 28 février 1991 indique un achalandage d'une valeur de 13 500 $. Par référence, la note 4 nous indique bien sur la page suivante qu'il s'agit d'un permis de transport (V.R. Région 09) (pièce I-1, onglet 3).

[16]          L'appelante n'a apporté aucune preuve quant à la valeur du permis au moment du transfert par 2545-3267. Ses représentants se sont contentés d'affirmer qu'il y avait eu cession de bail entre 2545-3267 et l'appelante. Toutefois, si je comprends bien le raisonnement, du fait que MSF était propriétaire du camion et que l'article 9 du Règlement sur le camionnage en vrac (R.R.Q., 1981, c. T-12, r. 3 (" Règlement ") prévoit que le permis de camionnage en vrac est délivré au nom d'une personne pour un camion désigné, on ne peut prétendre qu'il y a eu transfert entre 2545-3267 et l'appelante. Le transfert aurait plutôt été entre MSF et l'appelante qui n'avaient, entre elles, aucun lien de dépendance de sorte que l'article 160 de la Loi ne saurait s'appliquer dans les circonstances.

[17]          L'article 16 du Règlement permet au titulaire d'un permis de camionnage en vrac (VR) d'utiliser un camion loué pourvu qu'il remplisse les conditions énoncées à cette disposition. Manifestement, MSF était la propriétaire du camion Mack 1999 et 2545-3267 en était la locataire. Le permis de camionnage en vrac était détenu par 2545-3267 à l'égard de ce même camion pour exploiter une entreprise de transport en vrac comme en fait foi la décision de la Commission des transports (pièce A-5). Il y a eu cession de bail entre 2545-3267 et l'appelante approuvée par la propriétaire MSF (pièce A-3). Par ailleurs, il y a eu transfert du permis de transport en vrac de 2545-3267 en faveur de l'appelante comme le démontre la décision de la Commission des transports (pièce A-5). Aucune contrepartie n'a été donnée par l'appelante à cet égard.

[18]          D'aucuns pourraient considérer l'évaluation faite par monsieur Asselin assez sommaire. Toutefois, l'appelante n'a apporté aucune preuve que la valeur du permis au moment de son transfert était moindre que 10 000 $.

[19]          En conséquence de ce qui précède, l'appel est rejeté.

Signé à Ottawa (Canada) ce 24e jour d'octobre 2001.

" P.R. Dussault "

J.C.C.I.

No DU DOSSIER DE LA COUR :        2000-4756(IT)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :                 9072-6019 QUÉBEC INC. et

Sa Majesté La Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :                      Québec (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                    le 15 octobre 2001

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :         l'honorable juge P.R. Dussault

DATE DU JUGEMENT :                      le 24 octobre 2001

COMPARUTIONS :

Pour l'appelante :                  Martine Savard et Robert Stastny (étudiants en droit)

Pour l'intimée :                       Me Simon-Nicolas Crépin

AVOCAT(E) INSCRIT(E) AU DOSSIER :

Pour l'appelant(e) :

                                Nom :                      

                                Étude :                    

Pour l'intimé(e) :                    Morris A. Rosenberg

                                                Sous-procureur général du Canada

                                                Ottawa, Canada

2000-4756(IT)I

ENTRE :

9072-6019 QUÉBEC INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu le 15 octobre 2001 à Québec (Québec) par

l'honorable juge P. R. Dussault

Comparutions

Représentants de l'appelante :    Martine Savard et Robert Stastny,

(étudiants en droit)

Avocat de l'intimée :                  Me Simon-Nicolas Crépin

JUGEMENT

          L'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1999 est rejeté selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa (Canada) ce 24e jour d'octobre 2001.

" P.R. Dussault "

J.C.C.I.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.