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Date: 20010816

Dossier: 98-9207-GST-G

ENTRE :

CORÉLO INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Tardif, C.C.I.

[1]            Il s'agit d'un appel relatif à un avis de cotisation en date du 24 mars 1995, ayant trait à la taxe sur les produits et services (" T.P.S. ") pour la période du 1er janvier 1991 au 31 mars 1993.

[2]            L'avis d'appel et la Réponse à l'avis d'appel expliquent bien les faits et la nature du litige. Il y a donc lieu de reproduire, dans un premier temps, le principal de l'avis d'appel :

1.              Le présent appel porte sur la cotisation suivante :

                - Date de l'avis de cotisation :                             24 mars 1995

                - Années d'imposition :                                        du 1er janvier 1991

                                                                                                                au 31 mars 1993

                - Impôt occasionné par la cotisation :                76 039,54 $

2.              L'appelante est un organisme à but non lucratif (OBNL) constitué en vertu de la partie III de la Loi sur la Compagnies du Québec, dans le but exclusif de fournir des locaux aux établissement du réseau de la santé et des services sociaux dans le territoire de la région administrative de la Côte-Nord.

3.              Le ou vers le 24 mars 1995, l'appelante a reçu du Ministère du revenu du Québec un avis de cotisation portant le numéro 0211805 au terme duquel des droits lui étaient réclamés comme taxes sur les produits et services (T.P.S.), pour la période du 1er janvier 1991 au 31 mars 1993.

4.              Selon cet avis de cotisation, le Ministère du Revenu du Québec réclamait le paiement de la T.P.S. pour un montant de 76 039,54 $, que l'appelante a acquitté sous réserves de ses droits le 19 juillet 1995.

5.              Le ou vers le 13 juin 1995, l'appelante a transmis au Ministère du Revenu du Québec un avis d'opposition quant à cet avis de cotisation, demandant au Ministère du Revenu d'annuler cette cotisation pour les motifs ci-après énoncés.

6)              Le ou vers le 12 juin 1997, le Ministère du Revenu du Québec a envoyé à l'appelante une lettre à laquelle était jointe une décision sur opposition, laquelle constituait la réponse du Ministère à l'avis d'opposition de l'appelante selon les termes suivants :

                " La cotisation a été établie conformément aux dispositions de la Loi notamment, mais sans restreindre la généralité de ce qui précède, en ce que les remboursements réclamés à titre d'organisme à but non lucratif ne sont pas admissibles puisque la société " Corélo Inc. " ne se qualifie pas à titre d'organisme à but lucratif admissible au sens des dispositions de l'article 259 et suivants de la Loi sur la taxe d'accise.

                Une personne est un organisme à but non lucratif admissible si c'est un organisme à but lucratif dont le pourcentage de financement public pour l'exercice est d'au moins 40 pour-cent.

                La position du Ministère est à l'effet de considérer que les montants d'argent payés par les établissements de santé et de services sociaux, en contrepartie des fournitures de location d'immeubles effectuées en leur faveur par la société " Corélo Inc. ", ne peuvent être considérés comme des montants de financement public. "

[3]            Dans un deuxième temps, l'intimée a répliqué en indiquant avoir pris pour acquis, au soutien de la cotisation, les faits suivants :

a)              l'appelante est un inscrit aux fins de l'application de la T.P.S.;

b)             l'appelante a été constituée en corporation suivant la Partie III de la Loi sur les compagnies (L.R.Q., c. C-38) aux fins notamment de construire, acquérir et louer des immeubles devant servir de locaux d'habitation aux établissements du réseau de la santé et des affaires sociales;

c)              suivant ses lettres patentes, l'appelante est autorisée à posséder des biens immobiliers pour une valeur de 100 000 000 $;

d)             conformément à ses pouvoirs corporatifs, l'appelante effectue des fournitures consistant en la location d'immeubles principalement aux établissements du réseau de la santé (" les établissements ") situés sur la Côte-Nord;

e)              la fourniture des immeubles par location s'effectue au bénéfice des employés de l'État auxquels le gouvernement doit procurer des logements en vertu des conventions collectives ou lettres d'ententes intervenues entre les parties;

f)              l'appelante possède et détient environ 89 immeubles qu'elle fournit en location pour ces fins;

g)             l'appelante perçoit des revenus de loyers pour la location de ses immeubles;

h)             les montants de loyers versés à l'appelante constituent la contrepartie des fournitures d'immeubles qu'elle effectue par location;

i)               le rapport financier annuel de l'appelante pour l'exercice terminé le 31 mars 1993 indique ce qui suit à la page 2 :

                REVENUS                                                  1993                         1992

                Location d'immeubles                           1 590 919 $                              1 507 862 $

                Intérêts                                                   6 732                     6 442

                Vente d'immobilisations       56 000                    -------

                Supplément au loyer                             19 898                    22 107

                Autres (note 3)                                      59 368                    324 740

                                                                                1 732 917 $                              1 861 151 $

j)               selon ses rapports financiers annuels, l'appelante ne reçoit aucune subvention ou autre financement public des établissements locataires de ses immeubles;

k)              aucun des établissements locataires des immeubles de l'appelante ne lui délivre, lors des paiements, des attestations de financement public en la forme déterminée par le ministre;

l)               pour la période du 1er janvier 1991 au 31 mars 1993, l'appelante a réclamé des remboursements de T.P.S. totalisant 61 274,36 $ à titre d'organisme à but non lucratif;

m)             l'appelante ne pouvait bénéficier de ces remboursements puisque, pour cette période, elle n'était pas un organisme à but non lucratif admissible;

[4]            La question en litige consiste à décider si l'appelante était un organisme à but non lucratif admissible aux remboursements de T.P.S. pour la période du 1er janvier 1991 au 31 mars 1993. Pour ce faire, le Tribunal doit déterminer si les argents payés à l'appelante, lors des périodes en cause, constituaient du financement public.

[5]            La preuve a établi que les administrateurs du réseau de la santé et des services sociaux de la Côte-Nord devaient composer avec une problématique très particulière : sa juridiction s'étend sur un immense territoire, les distances à parcourir sont considérables et le réseau routier est difficile et peu efficace.

[6]            L'étendue des territoires rend utopique la centralisation des services; le réseau doit en effet desservir une multitude de très petites communautés qui réclament, à raison, des services de base minimaux. Pour livrer certains services, souvent essentiels, il est impératif que le réseau puisse compter sur des locaux appropriés pour permettre la livraison de ces services, mais aussi pour loger les professionnels de la santé chargés de dispenser et de prodiguer les divers soins disponibles.

[7]            Pour répondre de manière satisfaisante aux nombreux besoins et pour remplir pleinement sa mission fondamentale, les responsables du réseau ne pouvant pas mettre de l'avant certaines initiatives à cause des pouvoirs limités de leur entité juridique, ont décidé de créer une structure juridique, parallèle et autonome dont le but et la vocation étaient de faciliter la livraison des services sociaux et de santé. Ils ont ainsi créé et constitué la corporation sans but lucratif " Corélo Inc. ".

[8]            Corélo Inc. a donc été constituée dans le but de résoudre cette problématique que la Régie régionale de la santé et des services sociaux de la Côte-Nord, (la " R.R.S.S.S. ") ne pouvait résoudre eu égard à ses pouvoirs limités. Les deux entités fonctionnaient en très étroite collaboration dans et pour l'accomplissement de leur mission respective ayant le même objectif de livrer le maximum de soins avec l'efficacité maximale.

[9]            Le siège social de Corélo était à la même adresse que la R.R.S.S.S. Toutes les activités de gestion, d'administration, de planification et de comptabilité de Corélo étaient assumées par des employés et cadres de la R.R.S.S.S. Les opérations courantes de Corélo étaient sous le contrôle et la responsabilité d'un directeur général qui était aussi un membre du personnel cadre de la R.R.S.S.S. En effet, la R.R.S.S.S. libérait les personnes requises dont le salaire était assumé par Corélo Inc. La gestion financière, la planification et les divers projets étaient également assumés et orchestrés par les employés de la R.R.S.S.S.

[10]          La Corporation Corélo avait donc comme mission fondamentale de réaliser certains projets immobiliers nécessaires pour livrer divers services en région.

[11]          Organisme à but non lucratif, Corélo a été constituée le 14 avril 1980 suivant la Partie III de la Loi sur les compagnies (L.R.Q., c. C-38). Corélo a donc été constituée pour solutionner une problématique et permettre l'atteinte d'objectifs fondamentaux.

[12]          Les objets de la corporation furent établis comme suit :

1.              À des fins charitables et sociales, construire, acquérir, louer, posséder, améliorer, entretenir, administrer et aliéner des immeubles et biens meubles qui pourraient le devenir par la suite aux fins de fournir :

a)              des locaux d'habitation, en priorité, aux personnes oeuvrant dans le réseau des Affaires sociales et, par la suite, à ceux des secteurs public et parapublic.

b)             des locaux aux établissement publics du réseau des Affaires sociales désirant implanter des ressources particulières, telles que dispensaires, foyers de groupe, et autres de nature similaire.

c)              des locaux d'habitation adaptés aux personnes handicapées.

2.              Organiser, installer, maintenir et améliorer tous les services connexes à l'occasion desdits immeubles et meubles en vue d'en garantir le bien-être général de leurs occupants.

3.              Percevoir toutes sommes d'argent, soit par voie de donations, souscriptions, testaments, dons, cadeaux ou autrement, en vue de réaliser les fins de la corporation.

4.              Faire de façon générale toutes choses ou poser tous gestes nécessaires à la réalisation des buts ci-dessus.

[13]          Des lettres patentes supplémentaires sont venues compléter les premiers objets.

6.2            Le nombre de membres de la corporation est limité à sept (7). Est membre de la corporation toute personne qui y consent et qui est désignée par le Conseil de la santé et des services sociaux de la Côte-Nord et acceptée par le conseil d'administration.

                Trois (3) de ces personnes sont toutefois nommées après consultation et recommandation des établissement de santé et de services sociaux de la région qui bénéficient des services de la corporation, en suivant la procédure que les règlements de la corporation déterminent à cet effet.

                Un membre perd cette qualité lorsque le Conseil de la santé et des services sociaux de la Côte-Nord nomme à sa place une autre personne qui consent à devenir membre de la corporation.

                ...

5.              Tous les règlements de la corporation doivent être ratifiés par le Conseil de la santé et des services sociaux de la Côte-Nord et ceux-ci ne prennent effet qu'à compter de la date de cette ratification.

6.              Advenant la dissolution ou la liquidation de la corporation, qu'elle soit volontaire ou judiciaire, les biens de la corporation, une fois les dettes acquittées, seront dévolus à un organisme exerçant une activité analogue ou, à défaut, seront remis au Conseil de la santé et des services sociaux de la Côte-Nord qui en assurera la gestion. Dans le cas où ce dernier ne pourrait exécuter ces fonctions, ils seront distribués aux établissements de santé et de services sociaux de cette région suivant leur besoin.

[14]          La corporation Corélo Inc. a donc été constituée pour soutenir, compléter et faciliter les opérations de la R.R.S.S.S. dont la vocation était de desservir tout le territoire de la moyenne et basse Côte-Nord et aussi toutes les communautés de la partie du Nouveau Québec.

[15]          L'étendue et les limites des pouvoirs de la R.R.S.S.S., organisme constitué par la Loi sur les services de santé et les services sociaux [L.R.Q., c. S-4.2] découlent de l'article 340 de cette loi, qui se lit comme suit :

                La régie régionale a principalement pour objet de planifier, d'organiser, de mettre en oeuvre et d'évaluer, dans la région, les programmes de santé et de services sociaux élaborés par le ministre.

                Elle a aussi pour objet :

1.              d'assurer la participation de la population à la gestion du réseau public de services de santé et de services sociaux et d'assurer le respect des droits des usagers;

2.              d'élaborer les priorités de santé et de bien-être en fonction des besoins de la population de sa région en tenant compte des objectifs fixés par le ministre...

3.              d'établir les plans d'organisation de services de son territoire et d'évaluer l'efficacité des services...

4.              d'allouer les budgets destinés aux établissements et d'accorder les subventions aux organismes communautaires et aux ressources privées agréées;

5.              d'assurer la coordination des activités médicales particulières des médecins soumis à une entente visée à l'article 360 ainsi que des activités des établissements, des organismes communautaires, des ressources intermédiaires et des résidences d'hébergement agréées aux fins de subventions visées à l'article 454 et de favoriser leur collaboration avec les autres agents de développement de leur milieu;

6.              de mettre en place les mesures visant la protection de la santé publique et la protection sociale des individus, des familles et des groupes;

7.              d'assurer une gestion économique et efficiente des ressources humaines, matérielles et financières mises à sa disposition.

[16]          L'appelante Corélo Inc. s'est donc donnée les pouvoirs et moyens d'occuper les champs d'activités non accessibles pour la R.R.S.S.S. À cette fin, de manière à pouvoir donner accès aux soins de santé à tous les résidents de ces régions éloignées, l'appelante a acheté ou fait construire des immeubles dont la R.R.S.S.S. avait besoin pour assumer pleinement sa mission fondamentale.

[17]          Les immeubles étaient utilisés à titre de logements et de dispensaires. Il s'agissait souvent d'impératifs puisque dans les régions éloignées, les établissements qui doivent desservir les populations ont la responsabilité et de fournir le logement à ceux et celles qui doivent livrer les services disponibles. Au fil des ans, l'appelante a acquis des immeubles.

IMMEUBLES ET NATURE DE LEUR UTILISATION

1990-1991

1991-1992

1992-1993

Logements

53

56

58

Dispensaires, ressources

intermédiaires et

organismes communautaires

20

25

28

TOTAL

73

81

86

[18]          Les immeubles occupés étaient achetés ou construits principalement comme logements ou comme dispensaires et ressources communautaires au moyen, soit d'une subvention de la R.R.S.S.S. ou financés par le biais d'un hypothèque, ou dans certains cas, au moyen des deux formules.

[19]          Une fois construits ou acquis, les immeubles étaient loués par bail; le prix du loyer était essentiellement établi en fonction de la formule de financement retenu, auquel étaient ajoutés les dépenses inhérentes à l'occupation, soit les taxes, les assurances, les réparations, etc. Les baux étaient toujours signés avec l'établissement responsable de la mission locale; les baux n'étaient donc jamais signés avec les occupants lorsqu'il s'agissait de loyer résidentiel, mais plutôt avec l'employeur des résidents.

[20]          Le prix du loyer était essentiellement déterminé en fonction des coûts de financement et des frais d'occupation et d'administration. Même si l'appelante a soutenu qu'il n'était aucunement question de profits, les états financiers ont démontré des profits de 133 181 $ en 1992, des pertes de 201 418 $ en 1991 et de 97 562 $ en 1993. Même si les immeubles acquis au moyen d'une subvention étaient loués pour un montant minimal couvrant essentiellement les dépenses, la réalité a établi des variables très significatives allant de profits à pertes.

[21]          La question en litige consiste à déterminer si, pour la période du 1er janvier 1991 au 31 mars 1993, les montants payés à l'appelante constituaient des montants de financement public, donnant ainsi droit au remboursement de la T.P.S. pour la dite période.

[22]          L'appelante soutient qu'il s'agissait de financement public puisque les revenus de loyer émanaient d'établissements du secteur public, subventionnés directement ou indirectement par l'État; en d'autres termes, le fait que les revenus de loyers avaient été fixés exclusivement en fonction du coût, ses modalités de financement et des coûts d'opération que le but poursuivi était d'ordre public et sans but lucratif, et finalement que les intervenants dépendaient directement et totalement de l'État faisaient de l'appelante, selon elle, un organisme à but lucratif admissible aux remboursements de T.P.S.

[23]          Pour étoffer ses prétentions, l'appelante affirme :

                Les loyers que reçoit Corélo des établissements sont exonérés de taxes. Par contre, Corélo pour réaliser ses objets achète des biens et services taxables dont elle prétend avoir droit d'être remboursée pour la moitié en sa qualité d'organisme à but non lucratif, en vertu de l'article 259 LTA.

[24]          Non seulement, les parties s'entendent quant à la formulation de la question en litige, ils se réfèrent aux mêmes dispositions législatives pour soutenir leurs prétentions respectives. Ces dispositions sont les suivantes :

                La notion de montant de financement public est définie au Règlement établissant les éléments nécessaires au calcul des montants remboursables aux organismes des services publics en application de l'article 259 de la Loi sur la taxe d'accise, lequel se lit ainsi :

                " montant de financement public " Le montant de financement public d'une personne s'entend :

                a) de toute somme d'argent, y compris un prêt à remboursement conditionnel, mais à l'exclusion d'un remboursement, d'une ristourne ou d'un crédit de frais, droits ou taxes imposés par une loi, qui est facilement déterminable et qui est payée ou payable à la personne par un subventionnaire;

(i) soit en vue de l'aider financièrement à atteindre ses objectifs et non en contrepartie de fournitures.

(ii) soit en contrepartie des biens ou des services qu'elle met à la disposition d'autres personnes (exception faite du subventionnaire, des particuliers qui en sont les cadres, salariés actionnaires ou membres et des personnes liées au subventionnaire ou à ces particuliers), au moyen de fournitures exonérées;

                b) de toute somme d'argent payée ou payable à la personne soit par un organisme intermédiaire qui a reçu le montant d'un subventionnaire, soit par un autre organisme qui a reçu le montant d'un organisme intermédiaire, lorsque, à la fois :

(i) dans le cas d'un montant qui, après 1990, devient payable ou est payé à la personne, l'organisme intermédiaire ou l'autre organisme remet à la personne, au moment du paiement, une attestation en la forme déterminée par le ministre portant que le montant constitue un montant de financement public,

(ii) le montant serait un montant de financement public de la personne par l'effet de l'alinéa a) si le subventionnaire le lui versait directement. (" gouvernment funding ")."

                En vertu de cette définition, est un montant de financement public :

" toute somme d'argent, ... qui est facilement déterminable et qui est payée ou payable à la personne par un subventionnaire... soit en contrepartie des biens ou des services qu'elle met à la disposition d'autres personnes (exception faite du subventionnaire, des particuliers qui en sont les cadres salariés... ou membres et des personnes liées au subventionnaire ou à ces particuliers), au moyen de fournitures exonérées; ou

toute somme d'argent payée ou payable à la personne soit par un organisme intermédiaire qui a reçu le montant d'un subventionnaire, soit par un autre organisme qui a reçu le montant d'un organisme intermédiaire, lorsque à la fois :

l'organisme intermédiaire ou l'autre organisme remet à la personne, au moment du paiement, une attestation en la forme déterminée par le ministre portant que le montant constitue un montant de financement public; et

le montant serait un montant de financement public de la personne par l'effet de " la première définition " si le subventionnaire le lui versait directement ".

Le même règlement définit le terme subventionnaire pour inclure entre autres, le gouvernement, un conseil, une fiducie, une commission, une personne morale sous contrôle gouvernemental dont l'un des principaux objectifs consistent à financer des activités à but non lucratif :

                " subventionnaire "

a)              Gouvernement ou municipalité, à l'exception d'une personne morale dont la totalité, ou presque, des activités sont des activités commerciales ou des activités consistant à fournir des services financiers, ou les deux;

b)             personne morale sous contrôle gouvernemental ou municipal dont l'un des principaux objectifs consiste à financer des activités de bienfaisance ou des activités à but non lucratif;

c)              conseil, fiducie, commission ou autre entité créés par un gouvernement, une municipalité ou ne personne morale visée à l'alinéa b), dont l'un des principaux objectifs consiste à financer des activités de bienfaisance ou des activités à but non lucratif;

d)             bande indienne, au sens de toute loi fédérale (" grantor ")."

[25]          Un des principaux arguments de l'appelante est à l'effet qu'il ne faut pas donner d'importance à ce pour quoi l'argent a été déboursé (loyer), mais essentiellement à la provenance des fonds. Elle formule ainsi son argument :

Lorsqu'un établissement verse une somme d'argent à Corélo en contrepartie d'un immeuble et que cette dernière met à sa disposition au moyen de fournitures exonérées, il ne fait que lui remettre une somme d'argent que la R.R.S.S.S. Côte-Nord lui a confiée à cette fin. Cette somme d'argent (loyer payé par l'établissement) serait donc un montant de financement public de la personne (Corélo) par l'effet de l'alinéa a) si le subventionnaire (la R.R.S.S.S. Côte-Nord ou le Ministère de la santé et des services sociaux) le lui versait directement.

[26]          Lors de la réplique aux arguments de l'intimée, l'appelante va encore plus loin :

La contrepartie reçue par Corélo pour la fourniture de ses immeubles n'est pas du loyer au sens où on l'entend couramment, puisque celui-ci est établi en fonction de l'amortissement du prêt hypothécaire ayant financé l'achat ou la construction de l'immeuble. C'est pour ce motif que le bail produit sous la cote A-10 entre l'appelante et le Centre de santé de la Basse Côte-Nord pour le dispensaire de Old Fort, dont la construction a été entièrement financée par la Régie régionale de la santé et des services sociaux Côte-Nord, ne prévoit qu'un loyer annuel nominal de 1 $.

[27]          Dans un premier temps, l'appelante fait état des contraintes de la R.R.C.S.S.S. pour justifier la création de l'appelante dont la mission fondamentale est de fournir des locaux, selon différentes méthodes ou approches (achat ou construction)(financement entier ou partiel).

[28]          Une fois les locaux aménagés, un bail est signé et le prix du loyer est fixé en fonction du financement, mais aussi de toutes les charges reliées à l'occupation, taxes-entretien-chauffage etc.

[29]          Comment comprendre et prétendre que la considération payée n'est pas du loyer au sens courant ou habituel sans devoir faire abstraction complètement des données véritables. Je ne crois pas que l'on puisse changer la nature des réalités administratives pour le seul et simple motif d'en tirer avantage.

[30]          Quant aux exigences relatives à l'attestation, encore là, l'appelante soumet qu'il s'agissait là d'une technicité secondaire non fatale et qui ne pouvait lui être opposée parce que les formulaires n'étaient pas disponibles et que leur existence était même inconnue de ses vérificateurs externes.

[31]          De son côté, l'intimée admet que les loyers payés par les établissements provenaient de fonds octroyés par la R.R.S.S.S., qui de son côté reçoit les subventions du Ministère de la santé et des services sociaux du Québec (" M.S.S.S. ").

[32]          Par contre, l'intimée affirme, avec raison d'ailleurs, que les montants des loyers n'étaient pas versés directement à Corélo Inc. par le M.S.S.S.; les loyers étaient payés directement par les établissements bénéficiaires des espaces mis à leur disposition en vertu de baux consentis par l'appelante. Il n'y a aucun doute que les montants de loyers étaient payés par les établissements pour et en considération de l'occupation des lieux décrits à un bail; cette réalité ne peut être occultée ou même marginalisée du fait que les établissements débiteurs des loyers recevaient des subventions leur permettant de payer de tels montants de loyer.

[33]          À l'époque pertinente, Corélo Inc. était une personne morale, distincte et autonome, et cela, bien que la preuve ait démontré que la R.R.S.S.S. avait un ascendant considérable sur toutes les activités, orientations et la gestion générale de l'appelante.

[34]          Même si des entités corporatives partagent les mêmes objectifs et peuvent dépendre, en bout de piste, du même bailleur de fonds, cela est sans effet quant à leur autonomie et indépendance légale.

[35]          Lorsqu'une entité distincte est requise pour l'atteinte de certains objectifs et la solution de certaines problématiques, cette réalité ne peut soudainement disparaître pour éviter les obligations inhérentes à son existence.

[36]          Pour la poursuite de sa mission, la R.R.S.S.S. a mis sur pied une structure juridique distincte de la sienne; cette entité ne peut, pour les faits de certaines obligations, disparaître ou tout simplement être considérée comme non existante du fait de partager les mêmes préoccupations.

[37]          Corélo Inc. a été constituée; elle est devenue une intermédiaire distincte, autonome et assujettie à part entière à toutes les obligations légales, eu égard à ses activités et opérations.

[38]          Pour être considéré comme financement public, plusieurs conditions et exigences sont requises; il ne suffit pas de satisfaire à une seule, voire deux, des conditions. Je crois que les quatre conditions sont essentielles :

1)              Les paiements ont initialement été reçus par l'intermédiaire d'un subventionnaire;

2)              Les fonds payés par l'intermédiaire à la personne doivent être destinés à aider la personne à atteindre ses objectifs ou à payer une fourniture exonérée effectuée à " d'autres personnes ", à l'exception notamment des personnes liées au subventionnaire;

3)              Les fonds ne passent pas par plus de deux intermédiaires à l'acquéreur final (par exemple d'un subventionnaire à un organisme national, à un organisme provincial puis à un organisme local);

4)              L'intermédiaire fournit une attestation de financement public, en la forme déterminée par le ministre (formulaire GST-322), certifiant à la personne que le montant constitue un montant de financement public.

[39]          Dans un premier temps, l'appelante a admis ne pas avoir fourni les attestations de financement public suivant la forme déterminée par le ministre du Revenu national (le " Ministre ") (formulaire G.S.T. no 322). Il semble que l'exigence n'était ni connue de l'appelante ni de ses vérificateurs externes.

[40]          Pour expliquer le non respect de cette condition et éviter les conséquences, l'appelante soutient, dans un premier temps, que la responsabilité ne lui était pas imputable du fait que ses propres vérificateurs externes n'en connaissaient pas l'existence et que les formulaires n'étaient, semble-t-il, pas disponibles.

[41]          L'appelante allègue en outre qu'il s'agissait là d'une formalité secondaire et que le non respect n'était pas fatal. Souscrire à une telle interprétation aurait pour effet d'affirmer que le législateur s'est exprimé pour ne rien dire. Cet argument à l'effet que l'exigence du formulaire était une formalité facultative ne tient pas et doit être rejeté.

[42]          Lorsqu'un texte prévoit d'une manière expresse que des renseignements devraient être fournis ou transmis par le biais d'un certificat selon une formulation prescrite, je ne crois pas qu'il soit possible de se soustraire à une telle obligation sans conséquence. Pour ces raisons, je ne crois pas que les sommes d'argent payées ou payables constituaient des montants de financement public, d'où l'appel doit être rejeté quant à cet aspect.

[43]          Pour ce qui est des intérêts, je n'ai pas juridiction pour intervenir, puisqu'il s'agit là d'une question que le législateur a confié à la seule discrétion du Ministre.

[44]          Quant aux pénalités, l'intimée soutient que la bonne foi n'équivaut pas à une diligence raisonnable permettant d'annuler des pénalités. Effectivement, bonne foi n'est pas synonyme de diligence raisonnable. Par contre, l'imposition d'une pénalité, à moins qu'elle ne soit de droit strict, ce qui en l'espèce n'est pas le cas, suppose une certaine négligence voire une certaine incurie.

[45]          En l'espèce, je suis d'avis que la bonne foi de l'appelante ne fait aucun doute d'une part, et d'autre part, la preuve a établi qu'elle s'était comportée, dans les circonstances révélées par la preuve, d'une manière qui ne peut être taxée de fautive ou de grossière négligence, d'où il n'y a pas lieu de maintenir les pénalités. Conséquemment, l'appel est bien fondé en ce qui a trait aux pénalités et doit être rejeté quant à la cotisation.

[46]          L'appel est accueilli en ce qui a trait aux pénalités et rejeté quant à la cotisation. Le dossier devra donc être retourné pour une nouvelle cotisation qui devra être établie sans ajout de pénalités, le tout sans frais.

Signé à Ottawa, Canada ce 16e jour d'août 2001

" Alain Tardif "

J.C.C.I.

No DU DOSSIER DE LA COUR :                        98-9207(GST)G

INTITULÉ DE LA CAUSE :                                 Corélo Inc. et Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :                                      Baie Comeau (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                    le 4 octobre 2000

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :                         L'honorable juge Alain Tardif

DATE DU JUGEMENT :                                      le 16 août 2001

COMPARUTIONS :

Avocat de l'appelante :                                        Me Jean Nadeau

Avocat de l'intimée :                                            Me Michel Morel

AVOCAT(E) INSCRIT(E) AU DOSSIER :

Pour l'appelante :

                                Nom :                                       Me Jean Nadeau

                                Étude :                                     Savard Nadeau

                                Ville :                                       Baie Comeau (Québec)

Pour l'intimée :                                                       Morris Rosenberg

                                                                                Sous-procureur général du Canada

                                                                                Ottawa, Canada

98-9207(GST)G

ENTRE :

CORÉLO INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu le 4 octobre 2000 à Baie Comeau (Québec) par

l'honorable juge Alain Tardif

Comparutions

Avocat de l'appelante :                        Me Jean Nadeau

Avocat de l'intimée :                            Me Michel Morel

JUGEMENT

          L'appel de la cotisation établie en vertu de la partie IX de la Loi sur la taxe d'accise, dont l'avis est daté du 24 mars 1995 et qui porte le numéro 0211805, pour la période du 1er janvier 1991 au 31 mars 1993, est accueilli en ce qui a trait aux pénalités et rejeté quant à la cotisation et aux intérêts s'y attachant, selon les motifs du jugement ci-joints, le tout sans frais.

Signé à Ottawa, Canada, ce 16e jour d'août 2001.

" Alain Tardif "

J.C.C.I.


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