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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

96-2288(IT)I

ENTRE :

GERALD JAMES CARMEN,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu le 13 janvier 1998 à Sudbury (Ontario), par

l'honorable juge D. G. H. Bowman

Comparutions

Pour l'appelant :                         L'appelant lui-même

Avocate de l'intimée :                 Me Natalie Goulard

JUGEMENT

          L'appel interjeté à l'encontre de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1994 est admis et la cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation afin d'accorder à l'appelant le crédit d'impôt pour personnes handicapées en vertu de l'article 118.3.

          L'appelant a droit à ses frais, s'il en est.

Signé à Ottawa, Canada, ce 30e jour de janvier 1998.

« D. G. H. Bowman »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 31e jour de janvier 2003.

Isabelle Chénard, réviseure


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Date: 19980130

Dossier: 96-2288(IT)I

ENTRE :

GERALD JAMES CARMEN,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Bowman, C.C.I.

[1]      Il s'agit d'un appel interjeté à l'encontre d'une cotisation établie pour l'année d'imposition 1994, selon laquelle le ministre du Revenu national a refusé d'accorder à l'appelant le crédit d'impôt pour personnes handicapées, tel que le prévoit l'article 118.3 de la Loi de l'impôt sur le revenu.

[2]      La question que la Cour est appelée à trancher consiste à déterminer si M. Carmen avait une déficience mentale ou physique grave et prolongée dont les effets étaient tels que sa capacité d'accomplir une activité courante de la vie quotidienne a été limitée de façon marquée.

[3]      En 1983, M. Carmen a été victime d'un accident d'automobile. Sa main gauche a dû être amputée à la hauteur du poignet. Cependant, grâce à une opération chirurgicale, on a pu la lui greffer. Toutefois, cette opération a entraîné des complications et l'on a dû procéder à d'autres chirurgies. L'appelant a encore sa main gauche, mais, à toute fin pratique, elle lui est inutile. À mon avis, avec du recul, il aurait été préférable qu'il porte une prothèse. Sa main gauche ne peut pratiquement rien tenir ou agripper, et il ne peut presque pas bouger sa main, son poignet et ses doigts.

[4]      M. Carmen a déposé en preuve une lettre rédigée par le chirurgien qui avait procédé au greffage de sa main et qu'il a continué de consulter régulièrement. J'ai accepté que cette lettre soit déposée en preuve étant donné que la présente affaire était entendue sous le régime de la procédure informelle (voir l'arrêt Ainsley c. La Reine, C.A.F. no A-610-96, 26 mai 1997). À la suite de la décision qu'a rendue la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Calwell c. La Reine, C.A.F., no A-710-94, 18 octobre 1995 ([1996] 1 C.T.C. 1), il a été établi que le fait d'informer un contribuable que le tribunal accordera moins de poids à un témoignage non solennel sans lui expliquer qu'un médecin peut être cité à comparaître constitue une erreur de droit. Depuis cette décision, l'explication des droits d'un contribuable à l'égard d'une citation à comparaître accompagne désormais l'avis d'audience. En pratique, dans une affaire relative au crédit d'impôt pour personnes handicapées, il est quelque peu irréaliste de s'attendre à ce qu'un appelant cite un médecin qui pratique à Toronto à comparaître à Sudbury, et qu'il lui verse des honoraires pouvant s'élever jusqu'à 300 $ par jour en plus de ses frais de déplacement.

[5]      La lettre du Dr Manktelow est ainsi rédigée :

[TRADUCTION]

Le 4 juin 1996

MADAME, MONSIEUR,

Objet : M. Gerald Carmen

La présente a pour but de fournir des précisions concernant les troubles médicaux dont a souffert ce patient et la déficience qui en découle. En 1983, il a subi une amputation de sa main gauche à la hauteur du poignet. Par la suite, nous avons procédé à un greffage. Toutefois, des complications ont suivi cette opération chirurgicale, notamment une infection et une rupture des plaies qui ont nécessité d'autres chirurgies, dont un prélèvement de tissus musculaires et de peau sur la jambe du patient. Grâce à ces opérations, il peut maintenant légèrement bouger ses doigts et utiliser sa main gauche pour accomplir certaines activités. Cependant, sa sensibilité est insuffisante pour accomplir des activités qui exigent de savoir ce que l'on touche et manipule.

Du point de vue fonctionnel, sa main gauche ne lui est pratiquement d'aucune utilité et, par conséquent, il devrait être reconnu que ce patient est totalement handicapé de la main gauche. De plus, il éprouve de plus en plus de difficultés avec sa main droite en raison d'un surmenage articulaire accompagné d'une faiblesse et d'un inconfort qui l'affectent lorsqu'il tente d'accomplir des activités courantes, telles que le fait de manger, de se vêtir et de s'administrer des soins personnels.

Par conséquent, je qualifierais sa déficience de déficience grave et permanente qui l'empêche d'accomplir des activités courantes de la vie quotidienne. J'espère que ces renseignements vous seront utiles.

[6]      Les avis de médecins sont utiles et peuvent constituer un facteur important dans des affaires de cette nature; toutefois, de tels avis ne sont pas déterminants. En bout de ligne, la décision doit s'appuyer sur l'appréciation de l'ensemble de la preuve par le tribunal et, plus important dans la plupart des affaires, sur l'observation de l'appelant par le tribunal et sur son témoignage de vive voix.

[7]      Dans l'arrêt Lana Cornect Brennan v. The Queen, C.C.I., no 95-3174(IT)I, 22 septembre 1997, j'ai soutenu que les parents d'un jeune enfant âgé de quatre mois qui n'avait qu'une seule main n'étaient pas admissibles, pendant la première année de vie de l'enfant, au crédit d'impôt pour personnes handicapées pour le motif qu'à cet âge, aucun enfant n'est capable d'accomplir une activité courante quelconque de la vie quotidienne, peu importe la déficience dont l'enfant souffre. J'ai poursuivi en affirmant qu'il est probable qu'ils deviennent admissibles à ce crédit d'impôt lorsque l'enfant sera plus âgé. Cette observation était une remarque incidente, mais il s'avère qu'elle exprime mon point de vue.

[8]      M. Carmen a présenté en preuve une longue liste énonçant les activités qu'il ne peut accomplir ou qui lui sont difficiles à accomplir avec une seule main. Nombre d'entre elles n'ont rien à voir avec les activités courantes de la vie quotidienne qu'énumère l'article 118.4 de la Loi de l'impôt sur le revenu. Pour ce qui est de cet article, la difficulté réelle concerne le fait de se nourrir et de se vêtir. L'appelant a affirmé, dans son témoignage, qu'il éprouve des difficultés à se nourrir, sauf lorsque son épouse lui coupe sa nourriture en petits morceaux. Il a également de la difficulté à se vêtir et doit compter sur l'aide de son épouse parce qu'il est incapable de remonter une fermeture éclair, de se boutonner ou de lacer ses chaussures.

[9]      L'un des aspects du témoignage de M. Carmen m'a toutefois causé certaines difficultés. Il a indiqué que le fait que sa main gauche lui est pratiquement inutile l'a contraint à utiliser davantage sa main droite, ce qui a eu pour conséquence d'affaiblir celle-ci. Il m'est difficile de croire à une telle affirmation. J'aurais plutôt tendance à croire que sa main droite deviendrait plus forte étant donné qu'elle doit compenser pour la perte de sa main gauche. Néanmoins, j'admets le témoignage de M. Carmen qui est appuyé par la lettre du Dr Manktelow précédemment citée.

[10]     Je conclus que M. Carmen est admissible au crédit d'impôt pour personnes handicapées pour le motif qu'il ne peut ni se vêtir ni se nourrir lui-même ou que, pour ce faire, il doit y consacrer un temps excessif.

[11]     L'appel est admis et la cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation afin d'accorder à l'appelant le crédit d'impôt pour personnes handicapées en vertu de l'article 118.3.

[12]     L'appelant a droit à ses frais, s'il en est.

Signé à Ottawa, Canada, ce 30e jour de janvier 1998.

« D. G. H. Bowman »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 31e jour de janvier 2003.

Isabelle Chénard, réviseure

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