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97-1199(IT)I

ENTRE :

HÉLÈNE THOMASSIN,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appels entendus le 23 février 1998 à Québec (Québec) par

l'honorable juge Alain Tardif

Comparutions

Représentants de l'appelante :    Gaétan Roy

                                                Alexis-François Charette

                                                André Côté

Avocate de l'intimée :                 Me Pascale O'Bomsawin

JUGEMENT

          Les appels des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1989, 1990, 1991, 1992 et 1993 sont rejetés selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 31e jour de mars 1998.

« Alain Tardif »

J.C.C.I.


Date: 19980331

Dossier: 97-1199(IT)I

ENTRE :

HÉLÈNE THOMASSIN,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Tardif, C.C.I.

[1]      En 1988, le fils de l'appelante, Luc Thomassin initie des démarches dans le but de se porter acquéreur d'un commerce faisant affaires sous le nom et raison sociale de « Alimentation Chanoine-Scott Enr. » . Pour atteindre son objectif, il prépare un dossier et crée la compagnie « 2551-6279 Québec Inc. » dans laquelle il détient la totalité du capital-actions émis.

[2]      Pour réaliser son projet, il a dû obtenir l'intervention de l'appelante, sa mère, à titre de caution. Le 30 juin 1988, cette dernière consentait à l'avantage de son fils un cautionnement hypothécaire pour garantir un emprunt jusqu'à concurrence de 62,000 $.

[3]      Devenu propriétaire du commerce désiré, Luc Thomassin investit dans la modernisation de l'entreprise. Il fit également l'acquisition d'un compétiteur pour augmenter le chiffre d'affaires du commerce dont il était désormais propriétaire. Toutes ses tentatives et initiatives pour redresser la situation financière se sont avérées vaines. Après quelques mois d'opérations, les affaires ne s'amélioraient pas et la nouvelle compagnie n'était plus en mesure de faire face à ses obligations financières d'où l'appelante fut mise à contribution.

[4]      S'appuyant sur le contrat de cautionnement, la société prêteuse, la Caisse Populaire St-Yves, a alors exigé de l'appelante qu'elle rembourse les montants dus par son fils et la compagnie. La preuve a établi que l'appelante avait fait les paiements mensuels à compter du mois d'août 1989.

[5]      Ayant perdu tout espoir de rentabiliser l'entreprise, le fils de l'appelante, seul et unique actionnaire de la compagnie propriétaire du commerce, décidait de procéder à la vente en bloc des actifs de la compagnie. Conformément aux dispositions du code civil, Luc Thomassin a dû énumérer tous les créanciers et indiquer le montant de leur créance respective. Bien qu'il ait admis et reconnu que l'appelante était alors créancière, son nom et le montant qui lui était dû ne furent pas indiqués à la liste annexée au contrat de vente en bloc des actifs de la compagnie.

[6]      Suite à la vente des actifs, la compagnie a alors cessé toutes ses activités. Deux ou trois ans plus tard, Luc Thomassin décidait de faire une faillite personnelle.

[7]      Durant toute cette période, l'appelante n'a initié ou entamé aucune procédure ou posé aucun geste pour se faire rembourser les montants déboursés. Elle a, par contre, assumé totalement les obligations découlant du contrat de cautionnement.

[8]      Devant le harcèlement de la Caisse Populaire St-Yves, l'appelante, devenue inquiète et nerveuse, décidait de rembourser la totalité des sommes dues à la caisse au moyen de prêts consentis par la Banque Nationale.

[9]      Les prêts obtenus auprès de la Banque Nationale ont également permis de payer les dettes affectant les immeubles donnés en garantie lors du cautionnement qui généraient des revenus de loyer. À ce moment, la balance due en vertu du cautionnement se chiffrait entre 45 000 $ et 47 000 $.

[10]     Interrogée sur la motivation à l'origine du cautionnement, l'appelante a indiqué qu'elle faisait confiance à son fils sérieux, expérimenté et travailleur. Elle a affirmé qu'elle voulait aussi éviter qu'il se retrouve sur le bien-être social.

[11]     Il s'agit là, grosso modo, des faits à l'origine du litige sur lequel porte le présent appel. La question en litige a été libellée comme suit :

L'appelante a-t-elle subi une perte au titre d'un placement d'entreprise au cours de l'une des années d'imposition 1989, 1990, 1991, 1992 et 1993?

[12]     La preuve a clairement établi que l'acte de cautionnement consenti par l'appelante n'était pas guidée par un quelque motif de réaliser un profit. Il s'agissait essentiellement d'un geste noble et généreux de soutien d'une mère à l'endroit de son fils. Jamais l'appelante n'a pensé ou voulu tirer profit ou avantage de son intervention à titre de caution.

[13]     La motivation exclusive de son geste était la volonté d'aider son fils, une sorte de contribution désintéressée à son mieux-être. Elle voulait, après réflexion et évaluation de la situation, permettre à ce dernier de se construire un avenir. En sa qualité de mère, elle a voulu contribuer par ce geste magnanime soutenir une initiative de son fils croyant qu'il serait en mesure de relever le défi.

[14]     Après avoir été victime de sa générosité, elle a réalisé que sa contribution pouvait avoir des effets néfastes sur sa propre situation financière en mettant en péril la source même d'une partie de ses revenus puisqu'elle avait dû hypothéquer plusieurs de ses immeubles lors du cautionnement.

[15]     Pour conserver et sauvegarder la source de ces revenus, elle a consolidé les dettes relatives aux immeubles donnés en garantie de manière à rendre plus réaliste et raisonnable ses obligations majorées considérablement par les paiements conséquents à son cautionnement.

[16]     Les déboursés effectués dans le cadre du cautionnement ne pouvaient pas constituer des dépenses pouvant être assimilées à une perte au titre d'un placement d'entreprise au cours des années en litige.

[17]     En effet, le patrimoine financier de l'appelante n'a jamais été associé à celui de l'entreprise de son fils. En d'autres termes, peu importait le résultat de l'aventure du fils, deux seuls scénarios étaient possibles. Le premier : son fils réussissait à relever le défi et l'appelant récoltait la satisfaction d'avoir contribué à sa réussite sans pour autant profiter d'aucun avantage ou gain financier. Le deuxième : son fils échouait et elle devait simplement rembourser le prêt à la place de ce dernier auprès de l'institution financière.

[18]     Malheureusement, pour l'appelante, le deuxième scénario s'est produit et de ce fait, elle a dû rembourser d'importants montants à cause de son cautionnement. Cela n'est pas suffisant pour lui donner raison puisque les déboursés ne rencontrent pas les exigences pour être considérés et appréciés comme des pertes au titre d'un placement d'entreprise.

[19]     L'appel est donc rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 31e jour de mars 1998.

« Alain Tardif »

J.C.C.I.


No DU DOSSIER DE LA COUR :       97-1199(IT)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :               Entre Hélène Thomassin et

                                                          Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :                    Québec (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                  le 23 février 1998

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :        l'honorable juge Alain Tardif

DATE DU JUGEMENT :                    le 31 mars 1998

COMPARUTIONS :

Pour l'appelant(e) :                    Gaétan Roy, Alexis-François Charette et

                                                André Côté

Pour l'intimé(e) :                        Me Pascale O'Bomsawin

AVOCAT(E) INSCRIT(E) AU DOSSIER :

Pour l'appelant(e) :

                   Nom :          

                   Étude :                  

Pour l'intimé(e) :                        George Thomson

                                                Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

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