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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

97-1671 (IT)I

ENTRE :

RUBIN SUSTERAS,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu le 5 juin et le 2 septembre 1998 à Ottawa (Ontario), par

l'honorable juge D. Hamlyn

Comparutions

Représentant de l'appelant :                  E. C. DeFreitas

Avocate de l'intimée :                          Me Eleanor Thorn

JUGEMENT

          L'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1993 est rejeté selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 24e jour de septembre 1998.

« D. Hamlyn »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 4e jour d'avril 2003.

Philippe Ducharme, réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Date: 19980924

Dossier: 97-1671 (IT)I

ENTRE :

RUBIN SUSTERAS,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Hamlyn, C.C.I.

[1]      Le présent appel porte sur l'année d'imposition 1993.

FAITS

[2]      Un exposé des faits admis en partie, des documents et des questions à trancher a été déposé. Il est reproduit en partie ci-après :

[TRADUCTION]

1.                   L'appel porte sur l'année d'imposition 1993. La déclaration de revenu de l'appelant de cette année et les pièces jointes sont annexées aux présentes sous la cote 1.

2.                   Durant la période pertinente, l'appelant travaillait comme chauffeur pour Muscillo Transport; il conduisait son propre camion depuis 1988 sous la raison sociale de Rubin Susteras Haulage ( « Haulage » ).

3.                   Il effectuait principalement de courts trajets entre le lieu de cueillette des déchets, qui est à l'angle de la rue Keele et de l'avenue Lawrence, et le site d'enfouissement situé à Keele Valley.

4.                   Il était rétribué en fonction du nombre de tonnes transportées et effectuait habituellement cinq ou six déplacements par jour.

5.                   Les déclarations de revenu de Haulage visent chaque année la période du 1er février au 31 janvier.

6.                   De janvier à décembre 1993, l'appelant a également été employé par Majestic Furniture Warehouse ( « Warehouse » ) comme vendeur à commission.

7.                   Rubin Susteras Sales and Distributing Company ( « Sales » ) a déclaré, au titre des revenus et des dépenses, la commission d'emploi versée à l'appelant par Warehouse et les dépenses dont ce dernier a demandé la déduction à cet égard;

8.                   La déclaration de revenu de l'appelant de 1993 visait la période du 1er février 1992 au 31 janvier 1993 en ce qui concerne Haulage, et la période du 1er janvier au 31 décembre 1993 pour ce qui est de Sales (Warehouse).

9.                   Selon la déclaration de revenu de l'appelant, il avait tiré un revenu de 73 250 $ chez Haulage et un revenu de commissions de 32 425 $ chez Warehouse, soit un revenu brut totalisant 105 675 $ pour l'année 1993.

10.               Dans sa déclaration de revenu visant l'année d'imposition 1993, l'appelant a fait état de dépenses de 82 703 $, a réclamé une déduction pour amortissement de 7 343 $ et a déclaré une perte d'entreprise de 16 796 $ relativement à Haulage. Il a aussi déduit des dépenses d'emploi s'élevant à 11 105 $ relativement à Warehouse. Le montant total des dépenses dont l'appelant a réclamé la déduction relativement à l'exploitation de Haulage et à l'emploi exercé durant l'année d'imposition 1993 s'établissait à 101 151 $.

11.               Au moyen d'un avis de cotisation daté du 29 août 1994 (pièce 2), le ministre du Revenu national (le « ministre » ) a établi à l'égard de l'appelant une cotisation fondée sur les chiffres indiqués par ce dernier dans sa déclaration de revenu.

12.               Au moyen d'une lettre datée du 19 janvier 1995 (pièce 3), l'appelant a été informé que sa déclaration de revenu pour l'année d'imposition 1993 avait été sélectionnée en vue de faire l'objet d'un examen et qu'il devait fournir les originaux des reçus et des pièces justificatives pour étayer ses dépenses d'entreprise et les autres dépenses d'emploi dont il réclamait la déduction.

13.               Le 28 février 1995, l'appelant a fourni des preuves pour étayer une partie de ses dépenses; la déclaration produite pour l'année d'imposition 1993 a fait l'objet d'une vérification, laquelle s'est soldée par l'établissement d'une nouvelle cotisation. Le résultat de cette vérification est exposé dans le document de travail du vérificateur annexé aux présentes sous la cote 4. Certaines des dépenses dont l'appelant a réclamé la déduction ont été admises même s'il n'y avait pas de preuve documentaire.

14.               Dans la nouvelle cotisation qu'il a établie à l'égard de l'appelant pour l'année d'imposition 1993, par voie d'avis de nouvelle cotisation daté du 24 avril 1995 (pièce 5), le ministre a refusé des dépenses d'entreprise de 44 287 $ et des dépenses d'emploi de 7 088 $. Le montant des dépenses admises par suite de la vérification visant l'année d'imposition 1993 s'établissait à 45 758,60 $ relativement à Haulage et à 4 017 $ relativement à Sales, pour un total de 49 775 $.

15.               La liste des dépenses dont l'appelant a réclamé la déduction relativement à Warehouse et qui ont été refusées, faute de pièces justificatives, est reproduite ci-après :

Admises

Refusées

a) Frais comptables et juridiques

    50 $

      0 $

b) Publicité

2 110

2 110

c) Frais bancaires et comm.

   195

   195

d) Fournitures, matériel

1 943

1 943

Frais d'automobile

5 667

     0

Moins : usage personnel

1 700

     0

e) Montant admissible

3 967

     0

f) Frais de bureau

1 423

1 423

g) Frais administratifs

1 417

1 417

Total

11 105 $

7 088 $

16.               L'appelant a ultérieurement présenté une demande de révision. Le ministre a examiné les observations supplémentaires soumises par l'appelant et a établi une nouvelle cotisation relativement à l'année d'imposition 1993. Le résultat de cet examen est exposé dans le document de travail (révisé) annexé aux présentes sous la cote 6. Certaines dépenses additionnelles dont l'appelant a réclamé la déduction ont été admises même si elles n'étaient pas étayées par des pièces justificatives.

17.               Le ministre a admis les dépenses additionnelles de l'appelant relatives à Haulage, dont le montant s'élevait à 8 036 $ pour l'année d'imposition 1993, par voie d'avis de nouvelle cotisation daté du 31 juillet 1995 (pièce 7). Par suite de cette révision, le montant des dépenses admises pour l'année d'imposition 1993 est passé à 53 794,60 $ en ce qui concerne Haulage et à 4 017 $ pour ce qui est de Sales, ce qui représente un montant total de 57 811 $.

18.               L'appelant a signifié un avis d'opposition daté du 1er septembre 1995, pour l'année d'imposition 1993, relativement aux dépenses de Haulage dont la déduction a été refusée (pièce 8);

19.               Par voie de lettre datée du 5 mars 1996 (pièce 9), on a demandé à l'appelant de produire des preuves au soutien de ses prétentions. Le relevé des dépenses qui figurait dans le document de travail (révisé) - pièce 6 - a par la même occasion été fourni à l'appelant.

20.               Le ministre a ratifié la nouvelle cotisation visant l'année d'imposition 1993 par voie d'avis de ratification daté du 27 juin 1996 (pièce 10).

21.               La liste détaillée des dépenses dont l'appelant a réclamé la déduction relativement à Haulage et qui ont été refusées, faute de pièces justificatives, est reproduite ci-après :

Admises

Refusées

Frais de déplacement - repas du soir, outils, etc.

2 741,00 $

2 741,00 $

Frais et intérêt bancaires

3 211,00

3 211,00

Frais de courtage et comm.

12 920,00

   236,91

Location de matériel et sous-contrats

5 984,00

5 984,00

Camion - carburant, réparations, location, assurance, etc.

45 914,45

20 553,94

Frais généraux et frais de bureau

210,00

210,00

Assurance

5 317,00

1 930,00

Téléphone, téléavertisseur, chauffage, électricité, eau

1 752,00

552,00

Déduction pour amortissement

7 343,00

833,00

                Total

85 392,85 $[1]

36 251,85 $

QUESTION À TRANCHER

[3]      La question à trancher est de savoir si l'appelant a engagé, en vue de tirer un revenu de Rubin Susteras Haulage ( « Haulage » ), 36 251,85 $ de plus que le montant de 53 794,60 $ dont le ministre du Revenu national (le « ministre » ) a admis la déduction du revenu brut de 73 250 $.

ANALYSE

[4]      Durant la période pertinente, l'appelant travaillait comme chauffeur pour Muscillo Transport; il conduisait son propre camion depuis 1988 sous la raison sociale de Rubin Susteras Haulage. Il effectuait principalement de courts trajets et faisait habituellement de cinq à six déplacements par jour, pour lesquels il était payé selon le nombre de tonnes transportées. De janvier à décembre 1993, il a aussi été employé par Majestic Furniture Warehouse ( « Warehouse » ) à titre de vendeur à commission. Selon l'exposé des faits admis en partie, des documents et des questions à trancher, le litige entre les parties porte uniquement sur les dépenses dont l'appelant a réclamé la déduction relativement à Haulage. L'appelant a indiqué dans sa déclaration de revenu que le revenu tiré de Haulage s'établissait à 73 250 $ en 1993. Dans sa déclaration de revenu visant l'année d'imposition 1993, l'appelant a déduit des dépenses s'élevant à 82 703 $, a réclamé une déduction pour amortissement de 7 343 $ et a déclaré une perte d'entreprise de 16 796 $ relativement à l'exploitation de Haulage. Le montant total des dépenses dont l'appelant a réclamé la déduction relativement à l'exploitation de Haulage et à l'emploi exercé dans l'année d'imposition 1993 s'élevait à 101 151 $.

[5]      Par voie d'avis de cotisation daté du 29 août 1994, le ministre a établi une cotisation à l'égard de l'appelant pour l'année d'imposition 1993. Dans une lettre datée du 19 janvier 1995, l'appelant a été informé qu'il devait fournir les originaux des reçus et des pièces justificatives pour étayer les dépenses d'entreprise et les autres dépenses d'emploi dont il réclamait la déduction. L'appelant a fourni la preuve de certaines dépenses le 28 février 1995; sa déclaration de revenu a fait l'objet d'une vérification, laquelle s'est soldée par l'établissement d'une nouvelle cotisation. La liste détaillée des dépenses dont l'appelant a réclamé la déduction relativement à Haulage et qui ont été rejetées, faute de justification, figure au paragraphe 21 de l'exposé des faits admis en partie, des documents et des questions à trancher. Dans la nouvelle cotisation qu'il a établie à l'égard de l'appelant pour l'année d'imposition 1993, par voie d'avis de nouvelle cotisation daté du 24 avril 1995, le ministre a refusé la déduction de dépenses d'entreprise de 44 287 $. Le montant des dépenses admises par suite de la vérification visant l'année d'imposition 1993 s'établissait à 45 758,60 $ relativement à Haulage. À l'issue de la révision demandée par l'appelant, le montant des dépenses admises relativement à Haulage a été porté à 53 794,60 $. Une partie des dépenses dont l'appelant réclamait la déduction a été admise même s'il n'existait aucune preuve documentaire. Le ministre a ratifié l'avis de nouvelle cotisation établi à l'égard de l'appelant pour l'année d'imposition 1993 au moyen d'un avis de ratification daté du 27 juin 1996.

[6]      Aux fins de l'analyse de l'affaire qui nous occupe, il faut d'abord déterminer si l'appelant est tenu de fournir des pièces justificatives et des reçus pour étayer les dépenses dont le ministre a refusé la déduction, faute de justification. Les dépenses en question sont les frais bancaires, les frais de courtage et de location de matériel, les dépenses relatives au camion ainsi que les frais généraux et les frais de bureau. L'appelant doit prouver que ces dépenses ont été « engagées ou effectuées par le contribuable en vue de tirer un revenu de l'entreprise ou du bien » aux termes de l'alinéa 18(1)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ).

[7]      Deux possibilités s'offrent à l'appelant : soit fournir les pièces justificatives ou les reçus à la Cour, soit étayer les dépenses au moyen d'autres éléments de preuve acceptables. Une telle preuve pourrait être quelque chose d'aussi simple qu'un témoignage fournissant des précisions sur chacune des dépenses dont la déduction a été refusée et étayant la prétention de l'appelant. À cette fin, il serait nécessaire que l'appelant fournisse des éléments de preuve détaillés et crédibles. Le témoignage qui se limite à des généralités ainsi qu'à des prétentions ou arguments non prouvés ne saurait être considéré comme un autre élément de preuve acceptable.

[8]      Le ministre refuse la déduction d'une partie des dépenses, soit un montant de 36 251,85 $. La quasi-totalité de ce montant, soit 32 125,85 $, est refusée en raison de l'absence de pièces justificatives ou d'autres documents acceptables.

[9]      Le ministre fait valoir que les dépenses dont la déduction est refusée n'ont pas été engagées dans le but de tirer un revenu d'une entreprise ou d'un bien au sens de l'alinéa 18(1)a) de la Loi, car elles étaient des frais personnels ou des frais de subsistance de l'appelant au sens de l'alinéa 18(1)h) de la Loi.

[10]     À l'audience, M. Susteras a affirmé, au cours de son témoignage, qu'il n'avait pas en mains des registres et documents complets à cause d'une inondation qui a détruit une partie des documents (y compris des reçus et des pièces justificatives), de problèmes de santé, de crises d'épilepsie et de séjours à l'hôpital, à cause aussi du fait qu'il estime que la tenue de livres est une tâche fastidieuse - il a dès lors confié cette tâche à d'autres - et à cause d'un lock-out dans l'entreprise.

[11]     Plus particulièrement, aucun relevé bancaire, chèque annulé ou reçu faisant état des montants dont la déduction a été refusée n'a été fourni pour étayer les prétentions de l'appelant.

[12]     Aucune preuve documentaire n'a été produite pour étayer le lien qui existe entre les sommes empruntées au moyen d'une hypothèque consentie sur la résidence personnelle de l'appelant et l'achat d'un camion. Les chèques qui auraient été émis au nom du chauffeur du camion étaient en fait payables à un autre particulier.

[13]     Pour ce qui est des réparations, le montant total qui a été présenté à Revenu Canada était de 7 314,04 $ (pièce R-1, onglet A), et il a été admis. Par la suite, l'appelant a présenté à Revenu Canada une demande de déduction de frais de réparation de 15 854,03 $ (pièce R-1, onglet B). À l'audience, il a soumis à la Cour une réclamation de 30 631 $ au titre des frais de réparation. En contre-interrogatoire, il a été incapable de fournir des précisions sur ces dépenses.

[14]     Tout au long de l'audience, l'appelant ou son représentant ont soutenu qu'ils pouvaient étayer les dépenses au moyen de pièces justificatives ou de chèques. En contre-interrogatoire, la question de la réclamation d'assurance a été soulevée car elle portait sur un montant de 5 317 $. Or, les documents produits à l'audience étayent tout au plus un montant de 3 387 $, lequel a été admis par Revenu Canada.

[15]     L'appelant a essentiellement témoigné qu'il exploitait une entreprise et qu'il dépensait de l'argent. Dès lors, toutes les sommes dépensées doivent être considérées comme des dépenses d'entreprise et se rapportaient à des dépenses d'entreprise. Malgré cette affirmation, les dépenses dont la déduction est réclamée ne pouvaient pas être étayées au moyen d'éléments de preuve acceptables confirmés ou connexes.

[16]     Il convient de faire observer que la suite de l'audition de l'affaire a été retardée de deux mois, la Cour donnant ainsi à l'appelant une autre possibilité de vérifier et d'organiser ses registres et de faire les rapprochements nécessaires, pour être en mesure de fournir à la Cour des éléments de preuve acceptables faisant clairement état des dépenses qui ont été admises et de celles qui ont été refusées, étayant donc les montants dont la déduction est réclamée.

[17]     À la reprise de l'audience, l'appelant n'a pas fourni de preuve de fond supplémentaire.

[18]     Pour pallier l'absence de documents et de registres, l'appelant a affirmé que les montants dont il réclamait la déduction étaient raisonnables, vu le genre d'entreprise qu'il exploitait. Même si cette affirmation n'est pas dénuée de sens, elle ne libère pas l'appelant de la charge de justifier expressément les dépenses d'entreprise dont la déduction est réclamée lorsqu'elles sont contestées et mises en doute.

[19]     Les raisons invoquées par l'appelant pour expliquer l'absence de justification (inondation, maladie, lock-out dans l'entreprise et caractère fastidieux de la tenue de livres) ne le libèrent pas de l'obligation de tenir des registres précis et de justifier les dépenses dont il réclame la déduction, faute de fournir d'autres preuves acceptables. Vu l'absence de registres fiables, la Cour ne saurait s'en tenir au fait que l'appelant affirme que les dépenses sont raisonnables pour accueillir l'appel.

DÉCISION

[20]     L'appel est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 24e jour de septembre 1998.

« D. Hamlyn »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 4e jour d'avril 2003.

Philippe Ducharme, réviseur



[1]           Ce total a été modifié à l'audience; de 90 046,45 $, il a été ramené à 85 392,85 $.

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