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97-2333(IT)I

ENTRE :

JACQUES GAOUETTE,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appels entendus le 10 mars 1998 à Sherbrooke (Québec) par

l'honorable juge Alain Tardif

Comparutions

Avocat de l'appelant :                          Me Bertrand Lussier

Avocat de l'intimée :                            Me Michel Lamarre

JUGEMENT

          Les appels des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1992 et 1993 sont rejetés selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 20e jour de mars 1998.

« Alain Tardif »

J.C.C.I.


Date: 19980320

Dossier: 97-2333(IT)I

ENTRE :

JACQUES GAOUETTE,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Tardif, C.C.I.

[1]      Il s'agit d'un appel qui concerne les années d'imposition 1992 et 1993. Pour les années en cause, l'appelant a soutenu avoir subi des pertes de location et une perte finale importante lors de la vente de l'immeuble qui devait produire les revenus de location.

[2]      Les principaux faits du litige sont les suivants :

- L'appelant avait fait l'acquisition d'une maison unifamiliale en 1987. Cette résidence principale était occupée par l'appelant et ses deux adolescents dont il avait la garde partagée.

- En 1991, l'appelant fait la rencontre d'une dame qui devient rapidement sa conjointe; cette dernière étant propriétaire d'un triplex, ils conviennent de vivre maritalement dans le logement de cette dernière au sous-sol du triplex.

- Des suites de cette décision, l'appelant aménage chez sa compagne et libère ainsi les lieux occupés jusqu'alors comme sa résidence familiale sur la rue Auguste Dubuc à Sherbrooke.

- À une année du renouvellement de son prêt, dont le taux d'intérêt dépassait 10%, il prend la décision de changer la vocation de sa résidence familiale pour en faire une affaire commerciale. Selon lui, il y avait là une possibilité de louer sa résidence pour une considération mensuelle pouvant varier entre 600 $ et 700 $ par mois, soit, des revenus amplement suffisants pour rendre l'opération viable et rentable.

[3]      Il a témoigné ne pas avoir payé de publicité pour louer sa maison mais avoir affiché sur divers babillards à l'épicerie, à l'hôpital du C.H.U. et à l'Université de Sherbrooke. Il s'agissait, selon lui, d'une formule plus valable et plus sûre pour dénicher de très bons et sérieux locataires.

[4]      Face aux difficultés de louer et à la suite d'un avis des assureurs en date du 17 décembre 1991 l'avisant que la couverture d'assurance serait annulée à compter du 15 janvier 1992 si les lieux demeuraient inoccupés, l'appelant a affirmé être devenu très nerveux et inquiet. Il craignait que l'annulation de la couverture d'assurance protégeant sa propriété entraîne le rappel du prêt hypothécaire par le créancier. Ses vives et profondes inquiétudes l'auraient alors incité à faire appel à un agent immobilier pour faciliter et accélérer la location.

[5]      Après avoir indiqué que le mandat qu'il avait signé en avait été un de louer, l'appelant, en contre-interrogatoire, admettait que le mandat octroyé à une dame Trépannier était non pas un mandat de louer mais un mandat de vendre. D'ailleurs la preuve a aussi démontré que la résidence de l'appelant avait fait l'objet d'une description dans une publication spécialisée à l'échelle de tout le réseau immobilier l'objectif étant évidemment de signaler à tous les agents immobiliers que sa résidence était en vente. Suite au mandat, un panneau-réclame indiquant que la résidence était en vente fut placé devant l'immeuble.

[6]      Entre 1992 et 1993, le marché immobilier était difficile tout comme le marché locatif. Cela est clairement ressorti du témoignage de l'appelant et également du contenu de la pièce I-2 où il est possible de constater que trois des inscriptions concernaient des immeubles situés sur la rue Auguste Dubuc.

[7]      Devant un scénario aussi peu encourageant, il était normal que l'appelant mette tout en oeuvre pour protéger son capital, minimiser les pertes et sauvegarder son patrimoine financier.

[8]      Cela est-il suffisant pour justifier l'appelant de réclamer des pertes financières? Je ne le crois pas. Certes, il est difficile pour ce tribunal de savoir, comprendre et évaluer ce qui s'est réellement produit au niveau de la naissance et gérance du projet de location. De manière bien imparfaite, j'en conviens, les seuls outils dont je dispose pour en apprécier la qualité sont les faits établis par la preuve dont le fardeau incombait à l'appelant.

[9]      Je retiens de cette preuve que l'appelant a confié à un agent immobilier un mandat pour vendre et cela, après avoir fait le constat que le marché était très difficile. Lors de la conception mentale et théorique du projet, l'appelant estimait que la location de sa résidence pouvait lui rapporter entre 600 $ et 700 $ misant sur un bon et fiable locataire. La réalité fut tout autre : la location fut de très courtes périodes et la considération très en deçà des prévisions.

[10]     La location pour fins d'habitation est très réglementée et les locataires jouissent de pouvoirs et droits pouvant avoir des effets sur la vente d'un tel immeuble résidentiel. Conséquemment cette réglementation a souvent pour effet de ralentir les ardeurs d'un propriétaire vendeur pour la location de l'immeuble qu'il désire vendre.

[11]     Par contre, lorsqu'un immeuble est inoccupé et que les acheteurs sont rares, il devient alors onéreux d'assumer les frais financiers inhérents à la garde de l'immeuble et particulièrement inquiétant d'envisager que les assureurs puissent annuler la protection couvrant l'immeuble non habité.

[12]     Coincé par la dans une conjoncture difficile, l'avenue choisie par l'appelant était alléchante et théoriquement possible; par contre, pour réussir, il eut fallu que son projet soit plus articulé, mieux défini et surtout plus cohérent.

[13]     Il ne suffit pas d'espérer ou de planifier mentalement un projet pour que cela devienne une réalité opposable au fisc. Il est impératif qu'il s'agisse d'un véritable projet concret et réaliste.

[14]     En l'espèce, je crois que le marché et ses contraintes ont été les principaux éléments qui ont façonné le projet dont l'appelant s'attribue la paternité. La preuve n'a pas fait la démonstration de la cohérence indispensable à l'existence du projet que l'appelant voulait voir accepter par l'intimée. Je ne crois pas qu'il y aurait eu de litige si l'appelant avait pu vendre son immeuble rapidement et obtenir un juste prix.

[15]     Bien que difficile, la qualité d'une opération doit s'apprécier à partir des intentions véritables existant à la création du projet qui doit être suivi de manifestations concrètes, cohérentes et soutenues vers un objectif réel également bien établi. En l'espèce, le projet fut manifestement créé pour contrer des résultats financiers désastreux. La preuve a essentiellement démontré que les faits étaient interprétés de manière à soutenir une planification beaucoup plus théorique que pratique. La théorie retenue n'était pas supportée ni appuyée par des faits objectifs et vraisemblables.

[16]     La prépondérance de la preuve a essentiellement démontré que le projet de l'appelant manquait de réalisme; ce dernier a tout mis en oeuvre pour réduire au maximum ses pertes, ce qui n'est pas suffisant pour lui donner raison.

[17]     Pour ces motifs, l'appel est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 20e jour de mars 1998.

« Alain Tardif »

J.C.C.I.


No DU DOSSIER DE LA COUR :       97-2333(IT)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :               Entre Jacques Gaouette

                                                          et Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :                    Sherbrooke (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                  le 10 mars 1998

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :        l'honorable juge Alain Tardif

DATE DU JUGEMENT :                    le 20 mars 1998

COMPARUTIONS :

Pour l'appelant(e) :                    Me Bertrand Lussier

Pour l'intimé(e) :                        Me Michel Lamarre

AVOCAT(E) INSCRIT(E) AU DOSSIER :

Pour l'appelant(e) :                   

                   Nom :          

                   Étude :                  

Pour l'intimé(e) :                        George Thomson

                                                Sous-procureur général du Canada

                                                Ottawa, Canada

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