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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

97-3397(IT)I

ENTRE :

STANLEY GODZISZ,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu le 20 octobre 1998 à Toronto (Ontario) par

l'honorable juge suppléant J. F. Somers

Comparutions

Pour l'appelant :                         l'appelant lui-même

Avocat de l'intimée :                   Me B. Sood

JUGEMENT

          L'appel des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1993, 1994 et 1995 est rejeté selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 27e jour de novembre 1998.

« J. F. Somers »

J.S.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 4e jour d'avril 2003.

Philippe Ducharme, réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]      

Date: 19981127

Dossier: 97-3397(IT)I

ENTRE :

STANLEY GODZISZ,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge suppléant Somers, C.C.I.

[1]      Le présent appel a été entendu à Toronto, en Ontario, le 20 octobre 1998.

[2]      L'appelant interjette appel des cotisations d'impôt visant les années d'imposition 1993, 1994 et 1995. Pour chaque année d'imposition, le ministre du Revenu national (le « ministre » ) a refusé la déduction des pertes locatives en se fondant sur le fait qu'il s'agissait de frais personnels ou de frais de subsistance ou, subsidiairement, sur le fait que les dépenses n'étaient pas raisonnables dans les circonstances.

[3]      Le ministre s'est fondé sur les articles 3, 9, 54 et 67, sur le paragraphe 248(1) ainsi que sur les alinéas 18(1)a) et h), 38b), 39(1)b), 40(2)g) et 111(1)b) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ).

[4]      Pour établir ces nouvelles cotisations à l'égard de l'appelant, le ministre s'est fondé sur les hypothèses de fait suivantes (qui ont été admises ou niées par l'appelant) :

          [TRADUCTION]

a)          les faits précédemment admis dans les présentes;

b)          en décembre 1985, l'appelant et sa conjointe ont fait l'achat d'un terrain non bâti situé au 18 701, avenue Countryman, à Port Charlotte, en Floride (le « terrain » ), et, en décembre 1986, ils y ont fait construire une maison de deux chambres à coucher d'environ 1 900 pi2, avec garage, piscine et véranda, au coût de 100 000 $; (admis)

c)          l'achat de la propriété ainsi que l'ameublement ont été financés par un prêt hypothécaire de 109 000 $ consenti par Canada Trust; (admis)

d)          durant la période en cause, Port Charlotte Home Builders R.D. Ltd. ( « Port Charlotte » ) était responsable de la gestion de la propriété, établissait les taux de location et s'occupait de tous les autres détails touchant la location de la propriété; (admis)

e)          en plus des frais de gestion, Port Charlotte exigeait de l'appelant 25 p. 100 du loyer brut lorsque la propriété était louée à un tiers, et 15 p. 100 du loyer brut lorsque la propriété était occupée par l'appelant; (admis)

f)           de 1987 à 1995, l'appelant a déclaré les revenus de location et les pertes locatives qui suivent relativement à la propriété : (admis)

                                                Revenu brut                   Perte nette

            1987                                          11 369 $                      (6 075 $)

            1988                                           8 396 $                      (8 769 $)

            1989                                          11 200 $                      (8 005 $)

            1990                                           9 350 $                    (11 018 $)

            1991                                           9 065 $                      (9 107 $)

            1992                                           6 925 $                      (8 522 $)

            1993                                           4 715 $                      (9 708 $)

            1994                                           7 512 $                    (10 352 $)

            1992 (sic)                                   6 195 $                    (12 112 $);

g)          l'appelant a déclaré les revenus de location, les frais de location et les pertes locatives figurant à l'annexe A ci-jointe; (admis)

h)          au cours des années d'imposition 1993, 1994 et 1995, l'appelant a inclus dans les frais de location des frais personnels et des dépenses en capital, soit des montants de 2 500 $, de 2 165 $ et de 3 343 $, respectivement; (nié)

i)           au cours des années d'imposition 1993, 1994 et 1995, la maison a respectivement été louée pendant 78 jours, 71 jours et 82 jours, et elle a au cours de ces périodes également été occupée par l'appelant pendant 24 jours, 8 jours et 30 jours, respectivement; (nié)

j)           l'appelant n'avait aucune attente raisonnable de tirer un profit de la location de la propriété au cours des années d'imposition 1993, 1994 et 1995; (nié)

k)          les frais de location étaient des frais personnels ou des frais de subsistance de l'appelant; (nié)

l)           durant la période en cause, la propriété a principalement été affectée à l'utilisation personnelle ou à la jouissance personnelle de l'appelant. (nié)

[5]      Dans son témoignage, l'appelant a indiqué qu'il avait acheté une propriété en Floride à titre d'investissement et qu'il avait l'intention d'y passer plusieurs mois chaque année lorsqu'il prendrait sa retraite. Depuis l'acquisition de la propriété en 1985, il y a pris des vacances chaque année. Le total des coûts de construction s'élevait à 100 000 $. Le financement de la propriété s'élevait à 109 000 $, soit les frais de construction et une somme de 8 000 $ pour l'achat de meubles.

[6]      La propriété a été achetée par suite d'une vente promotionnelle de Port Charlotte Home Builders R.D. Ltd. La documentation fournie à l'appelant indiquait qu'il pouvait déclarer les frais de construction à titre d'abri fiscal. C'est la section de la brochure portant sur l'investissement qui a influencé l'appelant dans sa décision d'acheter, et non la section « vacances » . Toutefois, il reconnaît que le plan d'achat convenait à des gens en âge de prendre leur retraite, et que c'était un endroit où il pourrait se reposer pendant plusieurs mois.

[7]      Le plan avait été préparé par le vendeur. L'appelant souhaitait surtout effectuer un investissement, et il n'avait pas tenu compte des pertes éventuelles. Il n'avait pas de plan d'investissement personnel, vu qu'il comptait sur celui du vendeur. C'était la première fois qu'il entreprenait un projet de ce genre.

[8]      Comme l'indique l'alinéa 11f) de la réponse à l'avis d'appel, de 1987 à 1992, l'appelant a subi des pertes annuelles allant de 6 075 $ à 12 112 $. L'annexe A, jointe à la réponse à l'avis d'appel, indique les revenus et frais de location suivants pour les années 1993, 1994 et 1995 :

[traduction]

Revenus et frais de location

                                                            1993                        1994                 1995

Revenu de location                                      4 715,00 $            7 513,30 $          6 195 $

Impôt foncier                                              1 569,35               1 628,23             1 154,23

Entretien et réparations                       536,09                           3 930,69             6 281,52

Intérêt                                                         5 466,79               4 976,36             4 360,85

Assurance                                          288,60                  332,31                253,34

Électricité, chauffage et eau                          2 374,34               1 795,66             1 913,72

Publicité                                             780,00                  940,00                   néant

Autres dépenses                                          3 407,91               4 262,03             4 343,85

Total des frais de location                          14 423,08 $          17 864,78 $        18 307,51 $

Revenu (perte) locatif net                           (9 708,08 $)        (10 352,48 $)     (12 112,51 $)

[9]      Les intérêts seuls représentaient une dépense annuelle importante; les notes d'électricité, de chauffage et d'eau constituaient d'autres dépenses importantes. Il y avait d'autres dépenses, telles que la commission payée à Port Charlotte Home Builders R.D. Ltd., soit 25 p. 100 du loyer brut lorsque la propriété était louée à des vacanciers pendant quelques semaines consécutives. On exigeait de l'appelant une commission de 15 p. 100 du loyer brut lorsque ce dernier ou des membres de sa famille occupaient les lieux.

[10]     Les dépenses déduites comprenaient les frais de déplacement aller-retour, soit les frais d'essence, d'hébergement et de repas, ainsi que le coût de l'épicerie et de certains autres articles de luxe tels que du mascara, etc. L'appelant a affirmé qu'il se rendait annuellement en Floride pour s'occuper de la gestion de la propriété et des réparations, au besoin.

[11]     Dans l'arrêt Tonn c. Canada, C.A.F., no A-652-94, le 11 décembre 1995 (96 DTC 6001), le juge Linden, de la Cour d'appel fédérale, a affirmé ce qui suit :

Il appert d'un examen plus approfondi de la jurisprudence que cette interprétation est maintenant celle qui est retenue dans la plupart des cas. Les litiges dans lesquels le critère de « l'attente raisonnable de profit » est appliqué appartiennent à deux catégories. La première se compose des cas où l'activité reprochée se caractérise en grande partie par un élément personnel. Il s'agit de situations dans lesquelles le contribuable a investi de l'argent pour poursuivre une activité qui lui procure une satisfaction ou des avantages personnels, notamment sur le plan psychologique. L'exploitation de fermes d'élevage pour chevaux, la location d'unités en copropriété à Hawaï et en Floride ou de chalets de ski, l'affrètement de yachts, l'exploitation de chenils et ainsi de suite ont été considérés comme des activités de cette nature. Même si ces activités peuvent parfois être poursuivies comme s'il s'agissait d'une entreprise, les tribunaux ont généralement décidé qu'elles visaient avant tout des fins personnelles. Le désir de réaliser un bénéfice dans ce genre de situation n'est rien de plus qu'un voeu pieux ou un rêve impraticable et ne constitue qu'une intention secondaire liée à l'activité. En réalité, le contribuable cherche à subventionner le coût de ces activités en déduisant de son revenu ce qui constitue effectivement une dépense personnelle.

[12]     Dans l'affaire Cheesmond c. Canada, C.C.I., [1995] A.C.I. no 775, dans lequel cette cour a examiné un ensemble de faits semblables à ceux qui nous occupent, une propriété avait été achetée en Floride à la même entreprise, Port Charlotte Home Builders R.D. Ltd. Le juge Bowman a conclu en ces termes :

      Bien sûr, cette conclusion ne justifie pas automatiquement le rejet de la déduction de toutes les pertes subies au cours des premières années d'une opération de location viable et véritable. On devrait accorder au projet une période raisonnable pour qu'il couvre ses propres frais. Toutefois, au cours des années visées par l'appel, je ne crois pas que le projet ait atteint le stade où il serait possible de le qualifier d'entreprise ou d'opération de location viable.

[13]     En l'espèce, un élément personnel était associé à l'acquisition de la propriété : l'appelant était motivé en partie par son éventuelle retraite. Sa famille et lui avaient utilisé la propriété de 1987 à 1995. L'appelant n'avait aucun plan d'affaires, il se fiait uniquement sur la documentation de promotion fournie par le vendeur. Il a financé en totalité la construction et l'ameublement de la maison. De plus, une partie des dépenses déduites correspondait à des frais de subsistance et à des frais de déplacement aller-retour.

[14]     Je ne peux conclure que la location de la maison située en Floride constituait un commerce viable.


[15]     L'appel est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 27e jour de novembre 1998.

« J. F. Somers »

J.S.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 4e jour d'avril 2003.

Philippe Ducharme, réviseur

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