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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Date: 20030403

Dossier: 1999-601(IT)G

ENTRE :

INDRA DINDIAL,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

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Avocat de l'appelante : Me Patrick Schindler

Avocat de l'intimée : Me Shatru Ghan

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MOTIFS DU JUGEMENT

 

(Rendus oralement à l’audience

le 18 décembre 2001, à Toronto (Ontario))

 

Le juge McArthur

 

[1]         L’appelante interjette appel de la cotisation établie par le ministre du Revenu national qui rejette la demande de déduction pour une perte autre qu’une perte en capital qu’elle a formulée en 1993 en vertu de l’alinéa 20(1)j) de la Loi de l’impôt sur le revenu. Elle est l’unique actionnaire de Globe Insulation Company Limited. En 1989, l’appelante et Satnarine Bhansingh, son conjoint de fait depuis 15 ans, ont utilisé les fonds de la société pour acheter leur résidence principale sise rue Bancroft à Mississauga. L’acte de transfert de propriété a été enregistré uniquement au nom de M. Bhansingh. En vertu du paragraphe 15(2) de la Loi, le ministre a ajouté au revenu de l’appelante pour l’année d’imposition 1990 la                 somme de 105 613 $.

 

[2]     Il convient d’énoncer et de commenter les hypothèses de fait qui figurent au paragraphe 9 de la réponse du ministre à l’avis d’appel :

 

          [TRADUCTION]

 

a)         Durant toutes les périodes pertinentes, l’appelante était actionnaire de Globe Insulation Company Limited (« Globe »);

b)         Pour l’année d’imposition 1993, l’appelante n’a déclaré aucun revenu d’aucune source;

 

c)         Satnarine Bhansingh (« M. Bhansingh ») était le conjoint de fait de l’appelante durant toutes les périodes pertinentes;

 

d)         Durant l’année d’imposition 1993, l’appelante résidait au 1219, rue Bancroft, à Mississauga;

 

e)         M. Bhansingh est le propriétaire enregistré de l’immeuble situé au 1219, rue Bancroft;

 

f)          Le 15 octobre 1993, M. Bhansingh a acquis un immeuble situé au 2850, rue Keele, à Willowdale, en Ontario, pour 555 000 $;

 

g)         Le prix d’achat a été payé au comptant;

 

h)         L'immeuble situé au 2850, rue Keele n'est grevé d'aucune hypothèque;

 

i)          En tout temps, M. Bhansingh détenait l’intérêt en common law et le droit de bénéficiaire de l'immeuble situé au 2850, rue Keele;

 

j)          Durant l’année 1993, l’appelante n’a contracté aucun prêt auprès de la Banque Royale du Canada;

 

k)         Durant l’année d’imposition 1993, l’appelante n’a remboursé aucune fraction du prêt à un actionnaire qui avait été inclus dans le calcul de son revenu pour l’année d’imposition 1990, conformément au paragraphe 15(2) de la Loi;

 

l)          Durant l’année 1993, l’appelante n’a transféré à Globe aucuns fonds, qui auraient été empruntés à la Banque Royale du Canada, de façon à lui permettre d’acheter quelque immeuble que ce soit.

 

Les paragraphes a) à f) inclusivement sont exacts. Quant au paragraphe g), rien ne permet de déterminer si le prix d’achat de l'immeuble de la rue Keele a été payé au comptant ou par chèque certifié. Les paragraphes h) et i) et le fait qu’aucune hypothèque n’ait été enregistrée contre l'immeuble de la rue Keele, laissent songeur quant à la raison pour laquelle la banque a insisté pour que l'immeuble soit enregistré au nom de M. Bhansingh et non pas au nom de la compagnie. Il n’est toutefois pas inhabituel que les banques agissent de la sorte. Je ne souscris pas au paragraphe j) et je référerai aux paragraphes k) et l) ultérieurement dans la présente décision.

 

[3]     Seul M. Bhansingh, l’époux de l’appelante, a témoigné. Cette dernière était présente durant toute l’audience, mais elle n’a pas témoigné. Je n’en tire aucune inférence défavorable. M. Bhansingh travaille dans le domaine de l’isolation depuis 1970. Il a fondé Globe vers 1982. Il est un fondé de pouvoir de Globe et il est très engagé dans l’exploitation au jour le jour de celle-ci.

 

[4]     En 1989, l’appelante a retiré la somme de 105 613 $ de Globe pour acheter l'immeuble de la rue Bancroft. Ce montant a été ajouté à son revenu de 1990 conformément au paragraphe 15(2). En 1993, Globe a conclu une convention d’achat-vente pour la somme de 555 000 $ d’un immeuble à revenu d’appartements résidentiels situé sur la rue Keele à Toronto (l'« immeuble »). Bien que Globe ait fourni 300 000 $ qui ont servi à défrayer une partie du prix d’achat, elle n’était pas en mesure d’obtenir seule du financement. Malheureusement, la situation financière de l’entreprise n’a fait l’objet d’aucune preuve. M. Bhansingh a emprunté 258 000 $. Ce prêt était garanti par l’hypothèque qui grevait sa maison de la rue Bancroft. L’appelante a cautionné le prêt. Elle était et est responsable solidairement pour la totalité du montant. À ce jour, il reste une créance d'environ 240 000 $ garantie par hypothèque. Selon le témoignage de M. Bhansingh, ils avaient l’intention d’acheter l'immeuble au nom de la compagnie. Cependant, suite à l’insistance de la banque, il a acquis l'immeuble en son seul nom. L’acte de transfert de propriété fait en son nom ne suggère d’aucune façon qu’il était détenteur en fiducie.

 

[5]     En avril 1994,  M. Bhansingh a signé une déclaration de fiducie    (Pièce A-1, onglet 5) dans laquelle il affirme qu’il détient l'immeuble en fiducie pour Globe, et ce, rétroactivement au 15 octobre 1993. Il n’a pas cédé l'immeuble à la compagnie, parce qu’il a été informé qu’advenant une telle cession, il y aurait des droits de cession immobilière à payer. Cela est compréhensible. En avril 1995, suivant les recommandations de son comptable, il a cédé l'immeuble à Globe sans contre-partie. Dans l’affidavit relatif aux droits de cession immobilière joint à l’acte de transfert de propriété (pièce A-1, onglet 6, page 3), il a affirmé sous serment que l’acte translatif de propriété transférait l'immeuble du [TRADUCTION] « fiduciaire au propriétaire bénéficiaire ». De même, à la question [TRADUCTION] « si la contre-partie est symbolique, l'immeuble est-il grevé d’une sûreté? », M. Bhansingh a répondu [TRADUCTION] « oui ». Cela me déconcerte quelque peu puisque l'immeuble de la rue Keele n'était grevé d'aucune hypothèque et l'immeuble de la rue Bancroft, lui, était grevé d'une hypothèque. M. Bhansingh a également affirmé dans son affidavit que : [TRADUCTION] « aucun droit n’est payable en vertu d’un contrat de fiducie. L'immeuble est transféré du fiduciaire au       propriétaire bénéficiaire ».

 

[6]     L’appelante affirme que Globe était le propriétaire bénéficiaire de l'immeuble. Elle a remboursé son prêt à un actionnaire en 1993 en empruntant à la banque au-delà des 105 000 $ exigibles et a fourni cette somme à Globe pour qu’elle acquière l'immeuble. L’appelante soutient qu’elle a remboursé le montant de 105 000 $ en 1993, ce qui a créé une perte autre qu’une perte en capital au sens de l’alinéa 20(1)j). Elle soutient également que l’alinéa 111(1)a) de la Loi l’autorise à reporter la perte à l’exercice de 1990. 

 

[7]     Selon l’intimée, l’appelante n’a remboursé aucun montant de la dette à un actionnaire qu’elle devait à Globe; elle n’a pas le droit de déduire quelque montant que ce soit en vertu de l’alinéa 20(1)j) et elle n’a pas subi de pertes autres que des pertes en capital en 1993. Ainsi, l’appelante ne dispose d’aucun montant susceptible d’être reporté à l’année d’imposition 1990 comme l'autorise l’art. 111. L’intimée soutient en outre que les éléments de preuve ne permettent pas de conclure que l’appelante a emprunté 258 000 $ ou quelque portion de ce montant à la banque. Il n’existe pas de preuve selon laquelle M. Bhansingh détenait l’intérêt bénéficiaire de l'immeuble en fiducie pour Globe. Aucun élément de preuve n’établit que Globe ait pris possession de l'immeuble en 1993 et rien ne prouve que Globe ait payé 300 000 $ pour acquérir l'immeuble.

 

[8]     Les dispositions législatives pertinentes, soit le paragraphe 15(2), l’alinéa 20(1)j) et l’article 111, se lisent comme suit :

 

15(2)    La personne ou la société de personnes — actionnaire d'une société donnée, personne ou société de personnes rattachée à un tel actionnaire ou associé d'une société de personnes, ou bénéficiaire d'une fiducie, qui est un tel actionnaire — qui, au cours d'une année d'imposition, obtient un prêt ou contracte une dette auprès de la société donnée, d'une autre société liée à celle-ci ou d'une société de personnes dont la société donnée ou une société liée à celle-ci est un associé est tenue d'inclure le montant du prêt ou de la dette dans le calcul de son revenu pour l'année.  Le présent paragraphe ne s'applique pas aux sociétés résidant au Canada ni aux sociétés de personnes dont chacun des associés est une société résidant au Canada.

 

20(1)    Malgré les alinéas 18(1)a), b) et h), sont déductibles dans le calcul du revenu tiré par un contribuable d'une entreprise ou d'un bien pour une année d'imposition celles des sommes suivantes qui se rapportent entièrement à cette source de revenus ou la partie des sommes suivantes qu'il est raisonnable de considérer comme s'y rapportant :

 

            a)         […]

 

j)          la partie remboursée, au cours de l'année, par le contribuable, de quelque emprunt ou dette et incluse, en vertu du paragraphe 15(2), dans le calcul de son revenu pour une année d'imposition antérieure (sauf dans la mesure où le montant de l'emprunt ou de la dette était déductible du revenu du contribuable pour le calcul de son revenu imposable pour cette année d'imposition antérieure) s'il est établi par des événements postérieurs ou d'une autre façon que le remboursement n'a pas été effectué comme partie d'une série d'emprunts ou d'autres opérations et de remboursements;

 

111(1)  Pour le calcul du revenu imposable d'un contribuable pour une année d'imposition, peuvent être déduites les sommes appropriées suivantes :

 

a)         ses pertes autres que des pertes en capital subies au cours des 7 années d'imposition précédentes et des 3 années d'imposition qui suivent l'année;

 

[9]     La question à trancher se résume donc à savoir si, le 15 octobre 1993, Globe a acquis l'immeuble et, le cas échéant, si elle a utilisé au moins 105 000 $ de l’argent de l’appelante pour ce faire? Bien que je considère que cette cause soit exceptionnelle, je souscris à la position de l’appelante que son avocat a fait valoir fort habilement. Je crois le témoignage non contredit de M. Bhansingh, bien qu’en grande partie il ne soit pas fondé sur des documents et n’a pas été corroboré.

 

[10]    Voici ce dont nous disposons : i) une copie de la première page d’une convention d'achat-vente par laquelle Globe consent à acheter l'immeuble pour une somme de 550 000 $. Ceci corrobore la preuve de l’appelante, ou à tout le moins, le témoignage de M. Bhansingh selon lequel Globe était l’acquéreur; ii) le témoignage de M. Bhansingh selon lequel la banque ne voulait pas prêter de l’argent à Globe et a insisté pour que le titre soit enregistré uniquement à son nom à lui. À nouveau, bien que cela n’ait pas beaucoup de sens, il n’est pas inhabituel que les banques fassent une telle demande et j'accepte que c’est ce qui s’est produit en l’espèce; iii) l’appelante cautionne solidairement un prêt de 258 000 $ avec M. Bhansingh et, en conséquence, elle est également tenue de payer la somme de 258 000 $; iv) un chèque certifié de ce montant a été libellé au nom des procureurs de l’acquéreur de l'immeuble. Je n’ai aucun doute que ces 258 000 $ ont servi à payer le prix d’achat; v) Globe a fourni 300 000 $ en argent comptant ou par chèque certifié aux fins de l’achat de l'immeuble; vi) j’accepte le témoignage de M. Bhansingh selon lequel Globe a pris possession de l'immeuble et en a assumé la gestion; vii) une déclaration de fiducie datée d’avril 1994 et je reconnais l’exactitude de son contenu; et viii) un acte de transfert de propriété consenti en avril 1995 par M. Bhansingh à Globe, assorti d’un affidavit de M. Bhansingh selon lequel, en tout temps, il détenait l'immeuble en fiducie pour Globe. Ne pas croire tout cela m’obligerait à conclure que M. Bhansingh a créé un stratagème frauduleux afin de tromper l’Agence des douanes et du Revenu du Canada. La preuve ne soutient pas cette hypothèse.

 

[11]    Je conclus que Globe détenait l’intérêt bénéficiaire de l'immeuble à compter du 15 octobre 1993. Pour quelle autre raison Globe avancerait-elle 300 000 $ pour payer le prix d’achat? Quoiqu'une documentation claire m’aurait facilité la tâche, il n’en demeure pas moins que j’estime que l’appelante a remboursé la somme de 105 000 $. Si on tient pour acquis qu’elle a emprunté cette somme de Globe pour acheter la maison située sur la rue Bancroft en 1989, en cautionnant le prêt hypothécaire, et ensuite en autorisant que cet argent soit avancé pour que Globe achète l'immeuble, je reconnais qu’elle a remboursé       le prêt.

 

[12]    Par le truchement du paragraphe 15(2), la somme de 105 000 $ a été incluse dans le revenu de l’appelante de 1990 et l’alinéa 20(1)j) crée une perte autre qu’une perte en capital en 1993 lorsqu’elle a avancé la somme de 105 000 $ à Globe. Les intérêts courus sur l’impôt dû par l’appelante en application du paragraphe 15(2) cessent de s’accumuler à compter du moment où elle a remboursé le prêt le 15 octobre 1993. L’alinéa 111(1)a) autorise l’appelante à reporter les pertes autres que les pertes en capital à l'année 1990. Pour ces motifs, l’appel est admis, avec dépens.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 3e jour d'avril 2003.

 

 

 

« C. H. McArthur »

J.C.C.I.

 

Traduction certifiée conforme

ce 4e jour d'avril 2005.

 

 

 

 

Sophie Debbané, réviseure

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