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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

Date : 20030123

Dossier : 2002‑1673(IT)I

ENTRE :

JAMES E. YOUNG,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

_______________________________________________________________

 

Appel entendu le 18 décembre 2002 à Ottawa (Ontario)

 

Devant : L'honorable juge A. A. Sarchuk

 

 

Comparutions 

 

 

 

Pour l'appelant :

L'appelant lui‑même

 

 

 

Avocat de l'intimée :

Me Tony Chambers

_______________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L'appel interjeté à l'encontre de la cotisation d'impôt établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 2000 est rejeté.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 23e jour de janvier 2003.

 

 

« A. A. Sarchuk »

J.C.C.I.

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 23e jour de février 2004.

 

 

 

 

Liette Girard, traductrice

 

 


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Date : 20030123

Dossier : 2002‑1673(IT)I

ENTRE :

JAMES E. YOUNG,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Sarchuk

 

[1]     Dans le calcul de son impôt payable pour l’année d’imposition 2000, l’appelant a réclamé notamment un crédit équivalent pour personne entièrement à charge de 6 140 $. Au moyen d’un avis de nouvelle cotisation, le ministre du Revenu national, se fondant sur l’alinéa 118(1)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu, a rejeté la demande.

 

[2]     Les faits ne sont pas contestés. L’appelant et son ancienne conjointe, Laurie Ruth Young, se sont mariés le 9 août 1980 et se sont séparés le 7 novembre 1994. Il y a eu trois enfants, Christopher, James et Jenna. Un accord de séparation daté du 24 septembre 1997 prévoyait que l’appelant et son ancienne conjointe auraient la garde conjointe des enfants et que ces derniers [TRADUCTION] « auraient leur résidence principale chez l’épouse ». L’accord de séparation prévoyait en outre ce qui suit :

 

          [traduction]

 

6.         À compter du 1er jour d’octobre 1997, et chaque mois par la suite, l’époux paiera à l’épouse pour l’entretien des trois enfants, le montant de 1 814 $ (payable en deux versements, le montant de 907 $ le 15e jour de chaque mois et le montant de 907 $ payable le dernier jour de chaque mois) jusqu’à l’un des événements suivants :

 

a)         un enfant cesse d’habiter à plein temps avec l’épouse; l’expression « habiter à plein temps » comprend le fait pour un enfant de vivre à l’extérieur de la maison pour fréquenter un établissement d’enseignement, occuper un emploi d’été, suivre un traitement médical ou prendre des vacances, dans la mesure où un enfant continue par ailleurs de résider avec l’épouse;[1]

                                                                                        (Je souligne.)

 

Les conditions qui précèdent ont été ajoutées dans un jugement de divorce daté du 5 janvier 1998[2].

 

[3]     En avril 2000, l’un des enfants, James, est déménagé chez l’appelant et a cessé d’« habiter à plein temps avec l’épouse ». Il n’est pas contesté que l’appelant a continué de verser le montant total de 1 814 $ par mois pour le reste de l’année d’imposition en litige. Il a indiqué dans son témoignage qu’il l’a fait parce qu’il croyait à tort que le jugement de divorce daté du 5 janvier 1998 demeurait en vigueur jusqu’à ce que la Cour rende une ordonnance différente. Il a en outre déclaré que puisqu’un certain nombre d’autres questions devaient être déterminées, cela ne s’est produit que lorsque la Cour supérieure de justice de l’Ontario a rendu une ordonnance temporaire le 10 juillet 2001, ordonnant que la pension alimentaire pour enfants que l’appelant versait à l’ancienne épouse pour James était annulée[3]. Cette ordonnance a été suivi par une ordonnance définitive datée du 5 octobre 2001 précisant la même chose[4].

 

Position de l'intimée

 

[4]     L'avocat de l'intimée a reconnu que pour l’année d’imposition en litige, l’appelant respectait toutes les conditions stipulées à l’alinéa 118(1)b) de la Loi. Plus particulièrement, l’appelant n’avait pas droit à un crédit d’impôt, qu’il n’a pas demandé, pour conjoint à charge, il n’était pas marié et, au mois d’avril 2000, il habitait dans une maison où il subvenait totalement aux besoins de son fils James. Néanmoins, selon l'intimée, l’appelant n’a pas le droit de recevoir le crédit équivalent pour personne entièrement à charge pour l’année d’imposition 2000 parce qu’il était tenu de verser, et qu’il a versé, une pension alimentaire au cours de cette année au sens du paragraphe 118(5) de la Loi.

 

[5]     L'avocat de l'intimée a en outre soutenu que même si la Cour devait conclure que l’appelant n’était plus tenu de verser une pension alimentaire à l’égard de James pour la période du 1er avril 2000 jusqu’à la fin de l’année, l’appel devait être rejeté au motif que pendant les trois premiers mois de l’année d’imposition en litige où James vivait avec sa mère, l’appelant a versé une pension alimentaire au sens du paragraphe 118(5) de la Loi.

 

[6]     L’avocat a cité les affaires Barthels c. Canada[5] et Biggs c. Canada[6]. Dans chacune de ces affaires, a) l’ordonnance en vigueur contenait un libellé stipulant que les paiements de pension alimentaire versés à la conjointe cessaient lorsque l’enfant commençait à vivre avec l’appelant à plein temps, b) cet événement est survenu avant l’année d’imposition en litige et c) les appelants avaient cessé immédiatement d’effectuer les paiements à l’égard de l’enfant. L’avocat de l'intimée, à juste titre, a établi une distinction avec ces affaires parce que, contrairement au présent appel, aucun montant de pension alimentaire n’avait été versé dans les affaires Barthels ou Biggs au cours de l’année d’imposition en litige.

 

[7]     L’avocat a en outre cité les affaires Spirig c. Canada[7], Sherrer c. Canada[8] et Canada c. Marshall[9] et a soutenu que ces décisions appuyaient la proposition selon laquelle lorsqu’un appelant est tenu de verser une pension alimentaire et qu’il le fait au cours d’une année donnée, que ce soit pour un, cinq ou dix mois, cet appelant n’a pas le droit de réclamer le crédit équivalent pour personne entièrement à charge en vertu du paragraphe 118(5).

 

 

Position de l'appelant

 

[8]     L’appelant affirme que le ministre a commis une erreur en refusant le crédit équivalent pour personne entièrement à charge au motif que :

 

a)       l’ordonnance de la Cour n’a pas tenu compte du fait qu’il a subvenu aux besoins de son fils en tant que personne à charge vivant avec lui dans sa maison;

 

b)      l’ordonnance n’a pas abordé la question de la pension alimentaire rétroactive de sorte qu’elle n’a pas tenu compte non plus du fait que [TRADUCTION] « la pension alimentaire pour enfants versée (c.‑à‑d. du 1er avril 2000 au 30 juin 2001) était en fait une pension alimentaire entre époux ».

 

Aucun des arguments précités n’accorde à l’appelant un fondement pour le redressement demandé.

 

[9]     L’appelant demande également à la Cour d’adopter les commentaires suivants du juge de première instance dans l’affaire Barthels :

 

[11]      Deuxièmement, je remarque que le paragraphe 118(5) peut soulever une ambiguïté, en ce sens qu’on pourrait se demander quelle est la pertinence du fait qu’il n’indique pas expressément quand l’obligation de payer une pension alimentaire doit exister. Il est quelque peu inusité que cette disposition annule le droit au crédit d’impôt « pour une année d’imposition » lorsque le contribuable est « tenu de payer une pension alimentaire », mais qu’elle ne mentionne pas quand cette obligation doit avoir commencé à exister ou doit avoir été éteinte. Normalement, compte tenu du style formaliste de la rédaction de la Loi, on aurait dit que le crédit d’impôt est refusé lorsque « dans l’année », ou « à tout moment de l’année », ou encore « à l’égard de l’année ou de toute partie de l’année », il y a obligation de payer une pension alimentaire. Bien que j’hésite à laisser entendre que ces dispositions, qui sont déjà suffisamment alambiquées, devraient l’être davantage par l’insertion de nouveaux mots, je suis dans ce cas‑ci porté à croire que, parce que la disposition ne précise pas quand doit exister l’obligation de payer une pension alimentaire, l’annulation à tout moment de cette obligation « à l’égard de l’année » pourrait bien être suffisante pour que la restriction prévue par cette disposition ne puisse s’appliquer. À coup sûr, je ne vois dans ce cas‑ci rien d’incorrect à retenir une telle interprétation légale.                                                                                                             (Je souligne.)

 

Bien que les arguments de l’appelant manquent de clarté, je l’ai entendu dire que les dispositions pertinentes, c’est‑à‑dire les paragraphes 118(1) et 118(5), pouvaient être interprétées de façon à autoriser sa demande de crédits d'impôt, dans leur totalité ou de façon proportionnelle, pour la période commençant le 1er avril 2000.

 

Analyse

 

[10]    L’examen d’un certain nombre d’articles de la Loi indique qu’il est raisonnable de conclure que dans certains cas, le législateur avait l’intention qu’un crédit d’impôt ou une obligation s’appliquent pendant une période précise peu importe si le contribuable avait eu le comportement requis pendant toute la période. Un exemple de cette situation figure dans l’article traitant du crédit équivalent pour personne entièrement à charge, dont l’application est en litige en l’espèce. Cela est rendu évident par l’utilisation des mots « à un moment de l'année » au paragraphe 118(1)a) :

 

118(1)  Le produit de la multiplication du total des montants visés aux alinéas a) à e) par le taux de base pour l'année est déductible dans le calcul de l'impôt payable par un particulier en vertu de la présente partie pour une année d'imposition;

 

a)         si, à un moment de l'année, le particulier est marié ou vit en union de fait et subvient aux besoins de son époux ou conjoint de fait dont il ne vit pas séparé pour cause d'échec de leur mariage ou de leur union de fait, la somme de [...] et du résultat du calcul suivant :

 

L’article visant le crédit équivalent pour personne entièrement à charge est le paragraphe 118(1)b). Il prévoit ce qui suit :

 

b)         [...] si le particulier ne demande pas de déduction pour l'année par l'effet de l'alinéa a) et si, à un moment de l'année :

 

À la lecture du paragraphe 118(1)b), il est évident que si l’ensemble des critères qui y sont établis sont respectés « à un moment de l'année », le crédit semblerait être possible. Malheureusement pour l'appelant, le législateur a également adopté le paragraphe 118(5) qui est ainsi rédigé :

 

118(5)  Aucun montant n'est déductible en application du paragraphe (1) relativement à une personne dans le calcul de l'impôt payable par un particulier en vertu de la présente partie pour une année d'imposition si le particulier, d'une part, est tenu de payer une pension alimentaire au sens du paragraphe 56.1(4) à son époux ou conjoint de fait ou ex‑époux ou ancien conjoint de fait pour la personne et, d'autre part, selon le cas :

 

a)         vit séparé de son époux ou conjoint de fait ou ex‑époux ou ancien conjoint de fait tout au long de l'année pour cause d'échec de leur mariage ou union de fait;

b)         demande une déduction pour l'année par l'effet de l'article 60 au titre de la pension alimentaire versée à son époux ou conjoint de fait ou ex‑époux ou ancien conjoint de fait.

 

En lisant les deux paragraphes ensemble, il semble clair que si le législateur avait eu l’intention de permettre une extinction, à un moment donné, de l’exigence de payer une pension alimentaire « à l’égard de l’année » ou, subsidiairement, de créer le crédit équivalent pour personne entièrement à charge en permettant que la partie renvoie à la période où aucune pension alimentaire n’avait à être payée, il l’aurait fait d’une manière claire et non équivoque.

 

[11]    En outre, il est également évident que le concept ou la répartition n’est pas inconnu du législateur. L’indication la plus fréquente de la répartition est l’utilisation fréquente des mots « proportionnellement » ou « partie de ». Cela indique qu’un calcul doit être effectué pour que l’on puisse déterminer le montant du crédit d’impôt ou de l’obligation. Un tel exemple figure au paragraphe 18(2.5), qui traite des règles spéciales applicables aux déductions de base dans l’article visant les déductions légitimes d’une entreprise ou d’un bien. Le paragraphe 18(2.5) de la Loi s’applique lorsqu’une société a deux ou plusieurs années d’imposition qui se terminent pendant la même année civile où elle est associée avec une autre société. L’alinéa 18(2.5)b) prévoit ce qui suit :

 

18(2.5) Malgré les autres dispositions du présent article :

 

            a)         […]

 

b)         la déduction de base d'une société qui a une année d'imposition de moins de 51 semaines est, pour cette année, calculée proportionnellement au nombre de jours de l'année par rapport à 365.

 

[12]    Un exemple semblable figure au paragraphe 32(1) de la Loi. Ce paragraphe prévoit une provision à l’égard des « commissions non gagnées » d’agents ou de courtiers d’assurance et stipule que le montant de la provision est limité au moins élevé soit du montant basé sur une répartition des commissions du contribuable pendant la partie de la durée de chaque contrat d’assurance qui entre dans le cadre d’années d’imposition postérieures ou du montant qui aurait été déductible en vertu de l’alinéa 20(1)m), qui ne s’applique pas aux agents ou aux courtiers d’assurance.

 

[13]    Des dispositions de la Loi prévoient également qu’un montant précis est réduit proportionnellement. C’est le cas à l’alinéa 122.3(1)c), qui prévoit le calcul du crédit d’impôt pour emploi à l’étranger. Cela est déterminé par la multiplication de l’impôt par ailleurs payable au cours de l’année par une fraction : le numérateur qui est le moindre de 80 000 $ ou 80 p. 100 du revenu d’emploi à l’étranger de la personne pour l’année; le dénominateur est le revenu de la personne pour l’année, moins certaines déductions. Le chiffre de 80 000 $ établi à l’alinéa 122.3(1)c) est réduit, proportionnellement, si le nombre de jours pendant la « période admissible » est inférieur à 365.

 

[14]    Ce que l’appelant semble suggérer selon la décision Barthels est qu’il faut voir dans le libellé de l’article le concept « à un moment de l'année » ou, comme il l’a suggéré, le droit à la répartition. Je ne peux accepter l’une de ces propositions. Comme je l’ai mentionné, lorsque le législateur a l’intention de faire appliquer un crédit d’impôt ou une obligation pour une période précise, peu importe si le contribuable a eu le comportement requis pour l’ensemble de la période, cette intention était clairement exprimée par la loi. La même chose s’applique au concept de la répartition.

 

[15]    Dans ce contexte, dans l’affaire Canada c. Marshall[10], la Cour d'appel fédérale s’est penchée sur une demande de la Couronne en vue de déterminer la question de savoir si les deux parents pouvaient être considérés assumer principalement la responsabilité pour le soin et l'éducation des enfants à charge. On contestait la question de savoir si le droit à des avantages liés à la garde d’enfants en vertu de la Loi pouvait être réparti entre les deux parents qui se prétendaient tous les deux des particuliers admissibles. En concluant le contraire, le juge Stone a fait observer ce qui suit :

 

Cet article de la Loi prévoit qu'un seul des deux parents est un « particulier admissible » aux fins d'admissibilité aux avantages. L'article ne prévoit aucun partage proportionnel entre deux parents qui prétendent être des parents admissibles. Seul, le Parlement peut prévoir le partage proportionnel des avantages, mais il ne l'a pas fait.

 

[16]    Pour ces motifs, l'appel est rejeté.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 23e jour de janvier 2003.

 

 

 

« A. A. Sarchuk »

J.C.C.I.

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 23jour de février 2004.

 

 

 

 

Liette Girard, traductrice



[1]           Pièce R‑2 – Accord de séparation.

[2]           Pièce A‑1.

[3]           Pièce R‑4

            [traduction]

1.         La pension alimentaire pour enfants que versait le requérant à l’intimée pour l’enfant à charge, à savoir, James Michael Young, né le 20 avril 1984, est par la présente annulée, à compter du 1er juillet 2001, de sorte que le requérant versera à l’intimée le montant de pension alimentaire de 1 396 $ prévu dans la table applicable pour deux enfants, à savoir Kristopher James Young, né le 24 avril 1982, et Jenna O'Neil Young, née le 15 mars 1988, en fonction du revenu annuel de 115 000 $ du requérant. […]

[4]           Pièce R‑6.

[5]           [2002] A.C.I. no 256.

[6]           [2001] A.C.I. no 768.

[7]           [2001] A.C.I. n270.

[8]           [1998] A.C.I. no 62.

[9]           [1996] A.C.F. no 431.

[10]          Précité, note 9.

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