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Dossier : 2000-4570(GST)I

ENTRE :

GESTION V.C.C.C.C. INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

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Appel entendu les 9 septembre et 5 décembre 2002 à Montréal (Québec)

Devant : L'honorable juge Louise Lamarre Proulx

Comparutions :

Avocat de l'appelante :

Me Philippe H. Trudel

Avocat de l'intimée :

Me Benoit Denis

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JUGEMENT

L'appel de la cotisation de la taxe sur les produits et services établie en vertu de la Loi sur la taxe d'accise, dont l'avis est daté du 25 novembre 1998 et qui porte le numéro 03402922, est rejeté, selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 23e jour de juin 2003.

« Louise Lamarre Proulx »

J.C.C.I.


Référence : 2003CCI432

Date : 20030623

Dossier : 2000-4570(GST)I

ENTRE :

GESTION V.C.C.C. C. INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

La juge Lamarre Proulx, C.C.I.

[1]      Il s'agit d'un appel par voie de la procédure informelle concernant une cotisation établie en vertu de la Loi sur la taxe d'accise (la « Loi » ), pour la période du 1er janvier 1991 au 31 juillet 1994.

[2]      La question en litige concerne la méthode utilisée par la vérificatrice de l'autorité fiscale pour déterminer la proportion des ventes taxables sur l'ensemble des ventes faites par l'appelante.

[3]      L'avis d'appel se réfère à l'avis d'opposition. Il s'agit d'un long exposé à savoir pourquoi la méthode utilisée par la vérificatrice du ministre du Revenu national (le « Ministre » ) est défectueuse.

[4]      La Réponse à l'avis d'appel (la « Réponse » ) fait d'abord noter qu'il n'y a pas de litige concernant le montant des ventes indiquées aux états financiers et que le seul litige concerne la méthode de la vérificatrice. La Réponse explique que la méthode fut basée sur une analyse des achats taxables et non taxables de l'appelante et que la proportion obtenue a été extrapolée à l'ensemble des ventes pour la période.

[5]      Monsieur Sylvain Camirand, le seul actionnaire et administrateur de l'appelante, a témoigné. L'appelante exerce une entreprise de dépanneur depuis 1990. Le témoin a produit comme pièce A-1 trois feuilles manuscrites indiquant de septembre 1994 à août 2000 la proportion des ventes non taxables. Ce qui est inscrit est la date de la semaine et à côté la proportion des ventes non taxables. Pour la période de septembre 1999 à août 2000, le pourcentage de ventes non taxables serait de 23,3 p. 100 alors que pour l'année de septembre 1994 à août 1995, ce pourcentage serait de 42,8 p. 100. Monsieur Camirand explique cette différence de proportion par le fait que dans les années antérieures, il y avait beaucoup de compétiteurs, que les heures d'ouverture étaient plus libérales et qu'alors c'était surtout les produits non taxables qui se vendaient comme par exemple le lait, le pain et autres produits de nourriture.

[6]      Madame Hélène Constantineau, vérificatrice à Revenu Québec a témoigné. Elle est vérificatrice depuis 1989 et a procédé à la vérification de plusieurs dépanneurs.

[7]      Elle a relaté qu'elle s'était rendue au dépanneur et qu'elle avait constaté que ce qui se vendait le plus était de la bière, cigarettes, confiseries, boissons gazeuses et croustilles, qui sont tous des produits taxables. Or, l'appelante rapportait un pourcentage très bas d'achats taxables soit environ 40 p. 100. Elle a décidé de faire un sondage. Un achat non taxable est revendu sans taxe. Un achat taxable devient une vente taxable.

[8]      Elle a choisi trois mois, soit septembre et octobre 1992 et août 1993. Selon elle, il s'agissait d'un petit, moyen et gros mois selon les ventes du dépanneur. Pour le mois de septembre, les ventes étaient de 80 000 $, en octobre, de 90 000 $ et en août 93, de 100 000 $.

[9]      Elle a analysé l'intégralité des factures pour ces mois. Le grand livre indiquait les factures et les montants payés mais sans autre description. Les rubans de caisse n'avaient pas été conservés. La vérificatrice a révisé chaque facture et a fait le relevé des achats non taxables pour ces trois mois et les a décrits. Elle est arrivée à un pourcentage d'achats non taxables de 16,76 p. 100, alors que selon l'appelante, il était de 59 p. 100. Elle a un pourcentage d'achats taxables de 83,24 p. 100 alors que l'appelante rapportait la taxe perçue sur une proportion de 41 p. 100. Ce rapport a été produit comme pièce I-4.

[10]     Selon son expérience en tant que vérificatrice, elle indique qu'elle n'a pas constaté de différence dans le pourcentage des ventes taxables ou non de 1989 à aujourd'hui chez les dépanneurs.

[11]     En contre-interrogatoire, le témoin affirme avoir pris en considération toutes les factures d'achats des mois du sondage. Les achats totaux des trois mois sont d'un montant de 237 620,50 $. Ces achats ne comprennent pas les billets d'autobus ni ceux de loterie. Monsieur Camirand ne lui a jamais parlé de vols importants ou de pertes importantes.

[12]     De janvier 1991 au 31 août 1991, les ventes totales sont au montant de 894 306,11 $; de septembre 1991 au 31 août 1992, 1 153 101,36 $; de septembre 1992 à août 1993, 1 189 615,08 $; septembre 93 à juillet 1994, 1 231 315 $. Ces montants n'incluent pas les ventes des billets d'autobus ni ceux de loterie.

[13]     Monsieur Yves Lepage est professeur au département de mathématiques et de statistiques de l'Université de Montréal. Il a agi comme témoin expert pour l'appelante.

[14]     Il affirme qu'il n'est pas correct selon les règles de la statistique d'appliquer un sondage fait sur trois mois à une période de 43 mois. Il a quand même fait une analyse des trois mois concernés. Malheureusement, il a fait son analyse sur des achats totaux de 111 827,84 $ plutôt que sur la somme de 237 000 $. Il n'a donc pas pris en considération toutes les factures des trois mois concernés.

[15]     L'avocat de l'appelante a alors insisté fortement pour obtenir une remise de l'audience pour permettre au témoin expert de procéder à une analyse de toutes les factures relatives aux trois mois pris comme échantillonnage. L'avocat de l'intimée mentionne qu'il a informé son collègue immédiatement sur réception du rapport d'expert que le montant total des achats était erroné. Le témoin expert indique que les factures sur lesquelles il a travaillé lui ont été remises par le client et l'avocat. L'avocat obtient la remise en disant que toutes les factures ont été conservées et de permettre au témoin expert de faire une analyse correcte. Des délais sont alors fixés.

[16]     L'avocat de l'appelante ne s'est pas conformé aux délais. C'est à la fin de la journée précédant l'audition qu'il a fait parvenir le rapport modifié de l'expert. Il n'avait d'aucune façon communiqué avec la Cour antérieurement. L'avocat de l'intimée s'est opposé à la production et au dépôt de ce rapport en s'appuyant sur l'article 7 des Règles de la Cour canadienne de l'impôt (procédure informelle) (les « Règles » ). La production du rapport modifié n'a pas été permise.

[17]     Monsieur Lepage a quand même continué son témoignage sur son premier rapport. Il a expliqué en quoi il considérait que les trois mois pris en considération par la vérificatrice n'étaient pas représentatifs. La période de cotisation va du 1er janvier 1991 au 31 juillet 1994. Entre le 1er janvier 1991 à septembre 1992, il y a 18 mois sans observation. Ensuite, entre octobre 1992 et août 1993, il n'y a rien mais aussi, la dernière année, entre août 1993 et à juillet 1994, il n'y a aucun mois sous observation. Il y a donc de grands espaces de temps sans aucune observation.

[18]     Est-ce la seule raison pourquoi ils ne sont pas représentatifs? Bien, il y aurait peut-être eu lieu de regarder l'historique du dépanneur, mais il ne l'a pas fait. Non, il ne l'a pas fait car il n'avait en sa possession que les documents fournis par le Ministre.

[19]     À une question de la Cour lui demandant combien de mois il aurait fallu, il a répondu : « Peut-être pas nécessairement plus de mois, mais les choisir plus adéquatement, en observant par exemple le mode de fonctionnement de l'entreprise, il y a sûrement des mois où il y a plus d'achats, moins d'achats, donc de tenir compte de ça dans l'échantillonnage. » À une question supplémentaire de son procureur, il mentionne que peut-être une période de cinq mois aurait été meilleure.

[20]     En contre-interrogatoire, il a admis qu'il ne connaissait absolument pas les pourcentages taxables dans l'industrie des dépanneurs.

[21]     Monsieur Camirand a mentionné que dans le secteur de l'alimentation, on calcule environ entre 1 p. 100 et 4 p. 100 de vol et perte qui puisse exister dans un commerce. Il mentionne aussi que la marge bénéficiaire est plus élevée pour les produits non taxables que pour les produits taxables.

[22]     Monsieur Daniel Le Hesran, junior, a témoigné pour la partie intimée. Un rapport de monsieur Le Hesran avait été produit le 23 août 2002 pour valoir comme rapport d'un expert à l'audience du 9 septembre 2002. Toutefois, à l'audience du 5 décembre 2002, monsieur Le Hesran a été présenté comme un témoin ordinaire. Monsieur Le Hesran est vérificateur et personne ressource dans les dossiers de dépanneurs au ministère du Revenu du Québec. Le but de son témoignage était de corroborer par une autre preuve, soit celle des crédits sur intrants ( « CTIs » ), les conclusions de la vérificatrice. Ses constatations ont été faites en totalité à partir de données émanant de l'appelante.

[23]     Les états financiers de l'appelante ont été déposés comme pièces I-5 à I-8. L'avocat de l'appelante s'est opposé au dépôt de ces états financiers parce qu'ils auraient été utilisés par un vérificateur subséquent à la vérificatrice pour corroborer les résultats arrivés par la vérificatrice. Le dépôt a été permis comme étant des documents pertinents au litige. De plus, la vérificatrice les avait utilisés pour déterminer les montants des ventes totales mentionnés au paragraphe 12 de ces motifs.

[24]     Les données provenant des déclarations de taxe de l'appelante pour les années en cause ont été produites comme pièce I-9. L'avocat de l'appelante s'est opposé également à ce dépôt. Le dépôt a été permis. Il s'agit de documents pertinents. Le témoignage de monsieur Le Hesran ne modifie pas la base de la cotisation de l'appelante. Il n'a pour but que de l'affermir. De plus, les conclusions du témoin ne prennent pas la partie appelante par surprise puisque le rapport du témoin avait été signifié à la partie appelante bien avant la présente audition.

[25]     On voit à la pièce I-9 que pour l'année 1994, le montant de CTI réclamé est de 65 239 $ alors que la TPS perçue serait au montant de 34 072,92 $. Pour l'année 1993, les CTIs réclamés sont au montant de 65 547,84 $ alors que la TPS est au montant de 34 144,60 $. Pour l'année 1992, les CTIs réclamés sont au montant de 66 417,37 $ et la TPS au montant de 51 067,25 $. Pour l'année 1991, les CTIs réclamés sont au montant de 48 318,77 $ et la TPS est de 47 914,56 $.

[26]     Monsieur Le Hesran explique qu'en divisant la TPS remise par le taux de 7 p. 100, on obtient des ventes taxables de 486 756 $ pour l'année 1994, 487 780 $ pour l'année 1993, 729 532,14 $ pour l'année 1992 et 684 493,71 $ pour l'année 1991.

[27]     Pour calculer les achats taxables en fonction des CTIs réclamés, le témoin a pris comme exemple l'année 1994. Il a d'abord, selon les données des états financiers, fait le calcul des dépenses donnant droit à des CTIs et qui ne sont pas des achats pour revente. Le total de ces dépenses est de 89 586 $ pour l'année 1994. Ce montant multiplié par 7 p. 100 donne un montant de CTI de 5 748,44 $ ajusté pour la période de onze mois. Il a soustrait ces CTIs du total des CTIs réclamés pour 1994 au montant de 65 239 $, il faut soustraire les CTIs payés sur les dépenses qui ne sont pas destinées à la vente au susdit montant de 5 748,44 $ et des ajustements au bilan de 357 $ pour un résultat de 59 133,57 $. Ce montant divisé par 7 p. 100, permet de trouver des achats taxables au montant de 844 765,21 $.

[28]     Donc, selon les remises de l'inscrit, ses achats taxables sont nettement supérieurs à ses ventes taxables soit près du double.

Conclusion

[29]     Le paragraphe 165(1) de la Loi prévoit que l'acquéreur d'une fourniture taxable effectuée au Canada est tenu de payer sa Majesté du Chef du Canada une taxe calculée au taux de 7 p. 100 sur la valeur de la contrepartie de la fourniture. Le paragraphe 221(1) de la Loi prévoit que la personne qui effectue une fourniture taxable doit, à titre de mandataire de sa Majesté du Chef du Canada, percevoir la taxe payable par l'acquéreur en vertu de la section II. Le paragraphe 225(1) prévoit que la taxe nette pour une période de déclaration donnée d'une personne correspond au montant positif ou négatif obtenu par la formule suivante : A - B, où A représente le total des montants devenus percevables et les autres montants perçus par la personne au cours de la période donnée au titre de la taxe prévue à la section II, et B le total des montants dont l'ensemble représente un crédit de taxe sur les intrants pour la même période donnée.

[30]     Dans l'affaire en litige, l'avocat de l'appelante a souvent répété que l'appelante avait en sa possession toutes les factures de cette période. L'appelante avait donc la possibilité de faire une analyse similaire à celle faite par la vérificatrice en prenant, selon ses prétentions, des mois plus représentatifs et plus nombreux. L'appelante ne l'a pas fait. Cela révèle clairement qu'elle ne pouvait pas à partir des factures d'achats démolir la cotisation.

[31]     L'appelante pouvait aussi faire une analyse de ses ventes. Elle connaît le prix de revente des articles achetés. Elle ne l'a pas fait non plus. Elle ne s'en est prise qu'à la méthode du sondage.

[32]     À cet égard, la preuve du témoin expert ne peut non plus être considérée puisqu'elle a été établie à partir de données erronées.

[33]     De plus, en prenant les données mêmes de l'appelante, telles qu'analysées par le vérificateur du Ministre, on se rend compte qu'elles conduisent à des résultats illogiques.

[34]     Il me faut donc conclure, selon la prépondérance de la preuve, que la cotisation a été établie en conformité avec les faits et le droit. L'appel est en conséquence rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 23e jour de juin 2003.

« Louise Lamarre Proulx »

J.C.C.I.


RÉFÉRENCE :

2003CCI432

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2000-4570(GST)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Gestion V.C.C.C. C. Inc.

et Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :

Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :

les 9 septembre 2002 et

5 décembre 2002

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

l'hon. juge Louise Lamarre Proulx

DATE DU JUGEMENT :

le 23 juin 2003

COMPARUTIONS :

Pour l'appelante :

Me Philippe H. Trudel

Pour l'intimée :

Me Benoit Denis

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER:

Pour l'appelante :

Nom :

Me Philippe H. Trudel

Étude :

Trudel & Johnston,

société en nom collectif

Montréal (Québec)

Pour l'intimé(e) :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

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