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Date: 20030128

Dossier: 2000-1317(IT)G

ENTRE :

LORENZO CARON,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

(prononcés oralement à l'audience

le 6 septembre 2002, à Québec (Québec),

et modifiés par la suite pour plus de clarté)

Le juge Archambault, C.C.I.

[1]      Le docteurLorenzo Caron interjette appel de nouvelles cotisations établies par le ministre du Revenu national (ministre) à l'égard des années d'imposition 1992 à 1995. Tout d'abord, il conteste l'imposition de pénalités à l'égard des revenus sous forme d'honoraires non déclarés pour les années d'imposition 1992 à 1995. De plus, il soulève à l'égard des années d'imposition 1992 et 1993 la prescription de nouvelles cotisations établies hors du délai normal de nouvelle cotisation. Finalement, il soutient qu'il a le droit de déduire un montant de 182 365 $ comme perte déductible au titre d'un placement d'entreprise.


Faits

[2]      Pour établir ses nouvelles cotisations, le ministre s'est fondé sur les faits qu'il a énoncés au paragraphe 17 de sa Réponse amendée à l'avis d'appel et que je reproduis ici :

a.     Au cours des années en litige, l'appelant exerçait la profession de médecin;

b.    Il travaillait au Centre local des services communautaires (CLSC) des Blés d'Or et il était rémunéré pour ce travail par la Régie de l'assurance-maladie du Québec;

c.    La Régie de l'assurance-maladie du Québec a émis à l'appelant, pour chacune des années en litige, un relevé 1 (provincial) faisant état de la rémunération reçue annuellement pour les services rendus auprès du CLSC des Blés d'Or;

d.    De plus, la RAMQ a versé à l'appelant à titre de travailleur autonome les sommes additionnelles suivantes : 15 040 $ en 1992, 15 079 $ en 1993, 26 122 $ en 1994 et 38 256 $ en 1995;

e.     Ces sommes ont été versées à l'appelant par chèque;

f.      Ces sommes n'apparaissent pas sur les relevés 1 émis au nom de l'appelant annuellement;

g.    Une vérification du ministère du Revenu du Québec, en 1997, auprès des fichiers de renseignements de la RAMQ, a permis de constater que l'appelant avait omis de déclarer l'ensemble de ses revenus;

h.    Dès l'année 1997, l'appelant savait qu'il avait omis de déclarer l'ensemble de ses revenus auprès du ministre du Revenu national;

i.     L'appelant en omettant de déclarer l'ensemble de ses revenus a fait une présentation erronée des faits, par négligence, inattention ou omission volontaire, ou a commis quelque fraude, justifiant l'établissement de nouvelles cotisations après l'expiration de la période normale de nouvelle cotisation prévue à l'alinéa 152(4)a)(i) de la Loi;

j.     L'appelant, sciemment ou dans des circonstances équivalant à une faute lourde, a omis de déclarer ces revenus additionnels, justifiant l'application de la pénalité prévue au paragraphe 163(2) de la Loi;

k.    L'appelant a réclamé, pour l'année d'imposition 1995, une perte au titre d'une perte [sic] d'entreprise;

l.     Au stade de la vérification, bien que dûment requis de la [sic] faire, l'appelant n'a produit aucune pièce justificative justifiant sa réclamation; par conséquent, sa perte lui a été refusée.

[3]      Au début de l'audience, le docteur Caron a admis les faits énoncés aux alinéas 17 a), b), c), d), f), h), k) et l) de la Réponse amendée à l'avis d'appel. Quant à la procureure de l'intimée, elle a admis qu'une somme de 1 875 $ sur les 182 365 $ en litige était déductible en 1995 comme perte déductible au titre d'un placement d'entreprise. Quant au reste, il ne serait pas déductible en 1995 parce que le docteur Caron n'aurait effectué le paiement des sommes dues en vertu de sa caution qu'en 1996. Donc, comme les biens ayant servi au paiement effectué en 1996 ont fait l'objet d'une disposition en 1996 - et non en 1995 -, le montant du gain en capital imposable et celui de la récupération d'amortissement nette découlant de cette disposition n'auraient pas dû être ajoutés au revenu de 1995, mais auraient plutôt dû être inclus dans celui de 1996. Par conséquent, la procureure de l'intimée consent à ce que ces montants soient exclus du revenu de 1995.

[4]      La Cour constate, de façon générale, que la preuve présentée par le docteur Caron était vague, imprécise et incomplète. Cette preuve a quand même révélé les faits suivants. Le docteur Caron est un médecin qui a pratiqué de 1957 à 1988 à Sayabec, dans la vallée de la Matapédia. Après trente et un ans de pratique médicale, il a pris sa retraite et a déménagé à Montréal. C'est à cet endroit qu'il a investi, sur les recommandations de son avocat, dans deux sociétés : tout d'abord, dans une société connue sous la dénomination de Docteur Océan, qui exploitait une poissonnerie, et aussi dans la société à dénomination numérique 2628-5296 Québec inc. (5296) qui, selon le docteur Caron, devait détenir l'équipement utilisé dans l'entreprise de Docteur Océan. Le docteur Caron détenait entre 30 % et 33 1/3 % des actions de Docteur Océan et quatre des six actions du capital-actions de 5296. Pour que ces deux sociétés obtiennent du financement, le docteur Caron a dû fournir des lettres de cautionnement (cautions) : une en février 1989, à hauteur de 150 000 $, pour des dettes de 5296, et une en novembre 1989, à hauteur de 175 000 $, pour des dettes de Docteur Océan. Docteur Océan n'aurait été exploitée que pendant un an, entre mars 1989 et avril 1990, date à laquelle elle aurait vendu son fonds de commerce. Je présume que 5296 a aussi vendu son équipement à ce moment-là.

[5]      À la suite de cette mauvaise expérience, le docteur Caron a décidé de retourner à la pratique de la médecine à Fortierville, municipalité située au sud du fleuve Saint-Laurent, entre Trois-Rivières et Québec, comme employé d'un CLSC. Son salaire annuel de base était de 76 000 $. Sa semaine normale de travail était de trente-cinq heures. Il y avait possibilité de travail supplémentaire, ce qui aurait donné en tout une semaine de quarante-sept heures. En plus de son travail comme employé du CLSC, le docteur Caron pouvait rendre des services professionnels à des personnes âgées chez eux, d'abord à Fortierville et, par la suite, à Deschaillons et à Saint-Pierre-les-Becquets. Pour ces services, il avait droit à des honoraires.

[6]      En 1992, les revenus d'emploi déclarés par le docteur Caron s'élevaient à 103 874 $. Ce montant correspond à celui indiqué aux feuillets T4 établis par la Régie de l'assurance maladie du Québec (RAMQ). En plus de ce revenu d'emploi, le docteur Caron a gagné des honoraires de 15 040 $ pour des consultations à domicile. Comme ces honoraires n'apparaissaient pas au T4, le docteur Caron ne les a pas déclarés.

[7]      Le docteur Caron a adopté la même conduite en 1993, en 1994 et en 1995. Son revenu d'emploi était de 110 328 $ en 1993, de 110 263 $ en 1994 et de 105 352 $ en 1995. Ses revenus sous forme d'honoraires s'élevaient à 15 079 $ en 1993, à 26 122 $ en 1994 et à 38 256 $ en 1995. À la suite d'un appel d'un fonctionnaire du ministère du Revenu du Québec, qui l'avait informé qu'il omettait de déclarer les honoraires qu'il touchait. Le docteur Caron a déclaré des honoraires d'un montant de 26 959 $ pour l'année 1996. Son revenu d'emploi pour 1996 s'élevait à 101 624 $.

[8]      Le docteur Caron a expliqué qu'il n'avait pas modifié son revenu des années antérieures en raison de ses difficultés financières et de problèmes de santé qu'il éprouvait. Il a notamment eu, en décembre 1994, des problèmes de coeur qui ont été suivis d'une convalescence qui a duré jusqu'à la fin de mai 1996. Par contre, le docteur Caron dit avoir changé sa façon de calculer ses honoraires, notamment en additionnant les dépôts effectués par la Régie dans son compte bancaire.

[9]      Pour la préparation de ses déclarations de revenus, le docteur Caron dit avoir toujours remis tous ses documents à son comptable du cabinet Raymond Chabot Martin Paré, de Matane. Il aurait ainsi remis non seulement les T4, mais aussi les relevés bimensuels de la RAMQ, ainsi que toutes les factures reçues, et ce, afin de permettre au comptable de dresser ses états de revenus et dépenses. Ce comptable s'était occupé des affaires fiscales du docteur Caron depuis 1965. Il a continué à le faire même après que le docteur Caron s'est établi dans la région de Fortierville. Lorsque venait le temps de communiquer ses renseignements fiscaux à son comptable, le docteur Caron en profitait pour se rendre à Matane et visiter les membres de sa famille résidant dans cette région.

[10]     C'est le comptable du docteur Caron qui signait les déclarations de revenus et il le faisait sans que son client les ait révisées auparavant. Par la suite, ce comptable envoyait au docteur Caron son rapport dans lequel il l'incitait à vérifier attentivement ses déclarations afin de s'assurer de leur exactitude. Le docteur Caron semble avoir changé de comptable vers 1995 ou 1996 : il a retenu alors les services d'un fiscaliste de la ville de Québec.

[11]     Après plusieurs poursuites - au moins quatre - intentées par la banque contre lui à partir de novembre 1990 pour le paiement des sommes dues notamment en vertu des cautions et à la suite de longues négociations entre son avocat et les avocats de la banque, le docteur Caron a convenu en septembre 1995 de payer 10 000 $ en douze mensualités de 833,37 $, commençant le 11 octobre 1995. Il a aussi convenu de laisser la banque exercer des recours hypothécaires en prise en paiement en vertu de l'article 2778 du Code civil du Québec (C.c.Q.), à l'expiration du délai de soixante jours des préavis donnés en décembre 1995. Les préavis ne font état - de façon implicite[1] - que de la caution de 150 000 $ donnée pour des dettes de 5296. Le solde impayé de la créance de la banque s'élève alors à 137 000 $ et les intérêts accumulés se chiffrent à 81 184 $ pour un total de 218 184 $.

[12]     Un jugement de la Cour supérieure prononcé en avril 1996 donnait effet aux transferts de certains immeubles (les immeubles) survenus les 3 et 8 janvier 1996. Ces transferts ont donné lieu à un gain en capital imposable de 57 150 $ et à une récupération d'amortissement de 31 041 $ pour le docteur Caron.


Analyse

Revenus non déclarés et pénalités

[13]     Il incombait à l'intimée de faire la preuve nécessaire des faits permettant au ministre d'établir de nouvelles cotisations hors du délai normal de nouvelle cotisation. En effet, l'intimée devait prouver que le docteur Caron avait fait une présentation erronée des faits par négligence, inattention ou omission volontaire. Il en est de même, d'ailleurs, quant à l'imposition de la pénalité, sauf que, dans ce dernier cas, il fallait établir qu'il avait fait un faux énoncé sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde. Le fardeau de la preuve revenait au docteur Caron en ce qui a trait à la déduction de la perte déductible au titre d'un placement d'entreprise.

[14]     Sur la question du fardeau de la preuve de l'intimée à l'égard des années d'imposition prescrites et sur l'imposition de pénalités, la décision classique est celle rendue par le juge Strayer dans l'affaire Venne c. Canada, [1984] A.C.F. no 314 (QL). Dans cette décision, le juge Strayer fait les commentaires suivants relativement au degré de négligence nécessaire pour permettre au ministre d'établir une cotisation au-delà de la période normale de cotisation prévue à l'alinéa 152(4)(a) de la Loi de l'impôt sur le revenu (Loi) :

Je suis convaincu qu'il suffit au Ministre, pour invoquer son pouvoir en vertu de l'alinéa 152(4)(a)(i) de la Loi, de démontrer la négligence du contribuable, à l'égard d'un ou plusieurs éléments de sa déclaration de revenus au titre d'une année donnée. Cette négligence est établie s'il est démontré que le contribuable n'a pas fait preuve de diligence raisonnable. C'est sûrement là le sens des termes « présentation erronée des faits, par négligence » , en particulier avec d'autres motifs comme l'inattention ou l'omission volontaire qui font référence à un degré de négligence plus élevé ou à une mauvaise conduite délibérée.

[15]     Le juge Strayer s'est fondé sur les faits suivants pour conclure qu'il y avait eu présentation erronée des faits faite par négligence :

Tout d'abord, il est largement prouvé que le contribuable ne lisait pas ses déclarations avant de les signer. [...] En second lieu, les erreurs faites dans les déclarations de revenus auraient dû être assez évidentes pour qu'une personne raisonnable, même avec une instruction et une expérience limitées, surtout si elle était apparemment très habile en affaires et en placement, les ait remarquées.

                                                                                       [Je souligne.]

[16]     Quant à l'élément de faute lourde, qui doit être présent lorsqu'il y a imposition d'une pénalité en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi, voici ce que le juge Strayer disait :

[...] La « faute lourde » doit être interprétée comme un cas de négligence plus grave qu'un simple défaut de prudence raisonnable. Il doit y avoir un degré important de négligence qui corresponde à une action délibérée, une indifférence au respect de la loi.

[17]     Cette interprétation du juge Strayer, alors juge à la Cour fédérale, Division de première instance, a été adoptée par la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Findlay c. Canada, [2000] A.C.F. no 731 (QL), 2000 DTC 6345 (angl.).

[18]     Il faut aussi mentionner deux décisions citées par le procureur du docteur Caron, soit les décisions Johnson c. Canada, [1993] A.C.I. no 787 (QL), 94 DTC 1009 (angl.) et Glass c. Canada, [1993] A.C.I. no 892 (QL), 94 DTC 1091 (angl.). Dans Johnson, un dentiste a retiré de sa société professionnelle un montant de 181 211 $ qui a été comptabilisé comme un dividende mais qui n'a pas été inclus comme un revenu dans la déclaration de revenus du dentiste préparée par son comptable. Dans cette affaire, le contribuable avait dit qu'il s'était entièrement fié au comptable. Le juge Beaubier de cette cour a conclu qu'il y avait eu négligence de la part de monsieur Johnson, mais qu'il ne s'agissait pas d'une négligence équivalant à faute lourde.

[19]     De façon analogue, dans l'affaire Glass, le juge McArthur a conclu qu'un fermier, qui avait oublié d'inclure dans sa déclaration de revenus une somme de 124 500 $ provenant de la vente d'animaux et qui s'était fié à son comptable, avait été négligent, mais que cette négligence n'équivalait pas à faute lourde.

[20]     Ici, j'en viens aussi à la conclusion qu'il y a eu clairement négligence de la part du docteur Caron dans la préparation de ses déclarations de revenus. Le fait qu'il n'ait pas vérifié ces déclarations avant qu'elles ne soient envoyées au ministre et qu'il ne l'ait pas fait non plus par la suite, même quand son propre comptable lui avait enjoint de le faire, dénote certainement un manque de diligence raisonnable de la part du docteur Caron.

[21]     Par contre, même si c'est avec beaucoup d'hésitation que j'en viens à cette conclusion, on ne m'a pas convaincu selon la prépondérance des probabilités que le docteur Caron avait commis une faute lourde selon la définition de cette notion donnée dans l'affaire Venne.

[22]     Quoique le docteur Caron soit médecin et qu'on s'attende à ce qu'une personne ayant terminé des études aussi exigeantes ait une attitude plus respectueuse relativement à ses obligations fiscales, je crois qu'il y a ici des circonstances atténuantes justifiant que je lui accorde le bénéfice du doute. Tout d'abord, le docteur Caron a eu à vivre de graves difficultés financières et il semble qu'il ait presque tout perdu dans l'aventure qu'était Docteur Océan. De plus, à l'égard de l'année 1995, qui est l'année pour laquelle le montant des revenus non déclarés est le plus élevé, soit environ 38 256 $, le docteur Caron était, au moment de la production de sa déclaration de revenus, en convalescence à la suite de ses problèmes de coeur. Le docteur Caron a affirmé n'avoir jamais constaté l'omission des revenus non déclarés et a dit avoir une assez mauvaise compréhension des chiffres. Sa mésaventure dans le domaine des affaires m'amène à croire qu'il manque certainement de capacité de ce côté-là.

[23]     Un autre motif pour lui donner le bénéfice du doute est le fait qu'il s'en soit remis à son comptable, à qui il avait remis tous les documents pertinents, lesquels auraient dû permettre au comptable de découvrir les revenus non déclarés. Il faut rappeler le principe adopté par les tribunaux selon lequel on ne peut attribuer au contribuable la négligence de son comptable. Ici, il est possible que le comptable du docteur Caron n'ait pas fait toutes les vérifications nécessaires pour analyser les relevés qu'on lui a transmis. Voir notamment les décisions Venne, Findlay ainsi que Udell c. Ministre du Revenu National, [1970] R.C. de l'É. 127, 70 DTC 6019 (angl.).

[24]     Encore un autre motif est le fait que le docteur Caron ne se soit pas dérobé à ses obligations envers ses créanciers, y compris les autorités fiscales, alors qu'il aurait pu faire comme certaines personnes qui, dans des circonstances analogues, se déclarent en faillite. De plus, aucune preuve n'a été présentée pour établir que le docteur Caron avait fait de l'évasion fiscale dans le passé. Le fait que le docteur Caron ait changé sa façon de déclarer ses revenus et qu'il déclare maintenant tous les revenus qu'il tire de l'exercice de sa profession constitue un facteur favorable à sa position.

[25]     Finalement, il y a les décisions rendues dans Glass et Johnson qui m'ont influencé. Dans les circonstances de la présente espèce, il serait difficile d'être moins généreux que l'ont été mes collègues. Il y aurait injustice à ne pas traiter de façon analogue les appels du docteur Caron.

Perte déductible au titre d'un placement d'entreprise

[26]     Traitons maintenant de la question de la perte déductible au titre d'un placement d'entreprise. Les dispositions pertinentes sont celles de l'article 38, de l'alinéa 39(1)(c) et du paragraphe 50(1) de la Loi. Pour qu'on puisse réclamer une perte au titre d'un placement d'entreprise ici, il faut qu'il y ait eu disposition d'une créance. La créance dont il est question existe non pas du fait d'avoir été responsable en vertu des cautions, mais plutôt du fait d'avoir payé des sommes en vertu de ces cautions. Ce n'est qu'après avoir payé les sommes dues par Docteur Océan et 5296, à l'égard desquelles il s'était porté caution, que le docteur Caron pouvait exercer son droit de recours contre ces sociétés en vertu des articles 2356 et 1656 C.c.Q.. Les passages les plus pertinents de ces deux articles sont :

2356.    La caution qui s'est obligée avec le consentement du débiteur peut lui réclamer ce qu'elle a payé en capital, intérêts et frais [...]

1656.    La subrogation s'opère par le seul effet de la loi :

            [...]

3o     Au profit de celui qui paie une dette à laquelle il est tenu avec d'autres [...]

                                                                                      [Je souligne.]

[27]     Le procureur du docteur Caron a soutenu que la créance est née au moment où la banque a signifié les préavis de soixante jours au cours du mois de décembre 1995. Je crois que cette interprétation est mal fondée. Tant que le docteur Caron n'avait pas payé les sommes dues à la banque et tant que le délai de soixante jours ne s'était pas écoulé, toute personne ayant un intérêt pouvait verser les sommes dues à la banque. Dans un tel cas, le recours hypothécaire n'aurait pu s'exercer puisque la banque aurait été payée. Donc, il est clair que le docteur Caron ne pouvait avoir de créance sur 5296 qu'à partir du moment où il aurait effectivement payé la banque.

[28]     Par conséquent, au cours de l'année 1995, le docteur Caron n'a pas d'autre créance sur Docteur Océan et 5296 que celle de 2 500 $ représentant le total des mensualités de 833 $ versées à compter du mois d'octobre 1995. C'est le montant que la procureure de l'intimée a consenti à admettre comme perte au titre d'un placement d'entreprise; le montant déductible est de 1 875 $, représentant 75 % de 2 500 $.

[29]     Les paiements effectués les 3 et 8 janvier 1996 par le transfert des immeubles n'ont donc pas eu lieu en 1995 mais plutôt en 1996 et la créance du docteur Caron sur 5296 n'a pris naissance qu'à ce moment-là. Il ne pouvait donc y avoir créance irrécouvrable en 1995 à l'égard de ces paiements.

[30]     Quant aux autres créances, deux montants auraient pu être traités comme des pertes. Il y a le montant de 15 709 $ mentionné dans l'avis d'appel du docteur Caron. La preuve faite à l'égard de ce montant est trop vague et imprécise pour me permettre de conclure qu'il y a eu versement d'une telle somme en 1995. Le seul élément de preuve déposé en Cour est une lettre du comptable du docteur Caron énumérant les différents montants dont le docteur Caron pouvait réclamer la déduction comme pertes. Même cette lettre est silencieuse quant au moment où il y aurait eu saisie, par la Banque Nationale, du produit de la vente d'un terrain « en règlement partiel d'un endossement » . La preuve ne révèle pas de quel endossement il s'agit ni n'indique quand la saisie a été effectuée. On aurait pu, par exemple, obtenir du bureau de la publicité des droits une date quelconque relativement à cette saisie. Vu le défaut de preuve, la Cour est incapable de conclure, en ce qui concerne cette créance, à une perte représentant une perte au titre d'un placement d'entreprise.

[31]     Quant à la somme de 10 000 $ pour laquelle on a produit une quittance de la Banque de Montréal, cette quittance est en date du 11 novembre 1994. Par conséquent, le paiement aurait été effectué en 1994 alors que la déduction de la perte n'a été réclamée qu'en 1995. De toute façon, je ne suis pas convaincu qu'il s'agissait d'une somme due par Docteur Océan, puisque le défendeur dans l'action entamée par la Banque de Montréal était le docteur Caron et qu'on indique dans la déclaration que c'est ce dernier qui a acheté par contrat de vente à tempérament le véhicule relativement auquel cette somme de 10 000 $ a été versée. Il aurait pu être utile de produire la défense à cette action pour appuyer les assertions du docteur Caron dans son témoignage selon lesquelles la propriété du véhicule avait été acquise par Docteur Océan. Il m'apparaît assez surprenant que le docteur Caron ait consenti à payer une somme de 10 000 $ si le contrat indiquait, comme il le prétendait, que l'acheteur était Docteur Océan. Je ne suis pas convaincu selon la prépondérance des probabilités que c'était Docteur Océan qui était le propriétaire de ce véhicule. D'ailleurs, il n'a pas été question des deux sommes susmentionnées dans la plaidoirie du procureur du docteur Caron.

[32]     En conclusion, les appels du docteur Caron sont accueillis à l'égard des années 1992 à 1995 et les nouvelles cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations en tenant pour acquis que toutes les pénalités doivent être annulées et, à l'égard de l'année 1995, en tenant pour acquis que : i) le gain en capital imposable de 57 150 $ et la récupération d'amortissement nette de 31 041 $ doivent être exclus du revenu et ii) que la somme de 1 875 $ doit être déduite du revenu à titre de perte déductible au titre d'un placement d'entreprise. Compte tenu des résultats obtenus, la Cour accorde à l'intimée 25 % de ses dépens.

Signé à Ottawa, Canada, ce 28e jour de janvier 2003.

« Pierre Archambault »

J.C.C.I.


No DU DOSSIER DE LA COUR :       2000-1317(IT)G

INTITULÉ DE LA CAUSE :               LORENZO CARON

                                                          et Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :                    Québec (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                  le 6 septembre 2002

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :        L'honorable juge Pierre Archambault

DATE DU JUGEMENT :                    le 27 novembre 2002

COMPARUTIONS :

Pour l'appelant :                        Me Jules Turcotte

Pour l'intimée :                          Me Janie Payette

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

Pour l'appelant :                       

                   Nom :           Me Jules Turcotte

                   Étude :                   BEAUVAIS, TRUCHON & ASSOCIÉS

                                                Québec (Québec)

Pour l'intimée :                          Morris Rosenberg

                                                Sous-procureur général du Canada

                                                Ottawa, Canada



[1] Voir les pièces A-12, A-13 et I-3 (onglets E et F).

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