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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

97-108(IT)I

ENTRE :

JAMES D. SMITH,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu le 10 décembre 1997 à Belleville (Ontario),

par l'honorable juge en chef adjoint Christie

Comparutions

Pour l'appelant :                         L'appelant lui-même

Avocate de l'intimée :                 Me Dona Gilbertson

JUGEMENT

          L'appel de la nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1994 est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 22e jour de décembre 1997.

« D. H. Christie »

J.C.A.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 31e jour de janvier 2003.

Isabelle Chénard, réviseure


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Date: 19971222

Dossier: 97-108(IT)I

ENTRE :

JAMES D. SMITH,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge en chef adjoint Christie, C.C.I.

[1]      Le présent appel est régi par la procédure informelle prévue par l'article 18 et les dispositions suivantes de la Loi sur la Cour canadienne de l'impôt. C'est l'année 1994 qui est en cause.

[2]      Dans le calcul de l'impôt payable pour l'année en cause, l'appelant a inclus dans le calcul de ses crédits d'impôt non remboursables la somme de 4 233 $ au titre du crédit d'impôt pour personnes handicapées non utilisé et transféré par son épouse, Lori Smith. L'avis d'appel est libellé comme suit :

                   [TRADUCTION]

Ainsi que je l'ai déjà mentionné au Centre fiscal de Revenu Canada à Sudbury, mon appel se rapporte à la discrimination dont je suis l'objet relativement à la déficience de mon épouse aux termes des lignes directrices sur le crédit d'impôt pour personnes handicapées et non pas à la question de savoir si mon épouse satisfait aux critères déjà établis.

Les lignes directrices sur le crédit d'impôt pour personnes handicapées n'indiquent pas qu'une limitation du mouvement des membres supérieurs ouvre droit au crédit d'impôt pour personnes handicapées. Pourquoi le fait de pouvoir tendre les bras, soulever des objets avec les bras et les mains, saisir des objets avec les mains, tirer avec les bras et les mains, ou d'exécuter tout autre mouvement à l'aide des membres supérieurs, n'est-il pas jugé aussi important que le fait de parler ou d'entendre?

J'ai donné suite aux conseils que m'a prodigués Revenu Canada et j'ai d'abord communiqué avec le bureau de mon député, qui a fait fi de mes doléances, puis avec les ministres compétents qui m'ont tenu des discours politiques pour me réconforter, mais mon problème n'est toujours pas réglé.

Mon épouse est véritablement handicapée comme en témoignent les documents médicaux dont je joins quelques exemples. Malheureusement, Revenu Canada ne trouve pas que ce handicap est suffisamment important pour l'inclure dans ses critères. Je ne suis absolument pas d'accord. Mes activités courantes de la vie quotidienne seraient grandement limitées si je ne pouvais pas utiliser mes bras et mes mains normalement.

Je ne crois pas que ma demande de crédit d'impôt pour personnes handicapées a été examinée de manière juste. Je demande respectueusement que soit reconsidérée la décision de refuser le crédit d'impôt pour personnes handicapées et aussi que les lignes directrices soient modifiées pour inclure la mobilité restreinte des membres supérieurs.

Ainsi que Wellness Works and Associative Rehabilitation Inc., des professionnels de la réhabilitation, l'ont fait observer, cette déficience a eu une incidence sur les activités courantes de la vie quotidienne.

[3]      Le paragraphe introductif et les paragraphes 1 à 8 inclusivement de la réponse à l'avis d'appel sont ainsi libellés :

          [TRADUCTION]

Dans la réponse à l'avis d'appel se rapportant à l'année d'imposition 1994, déposée le 14 janvier 1997, le sous-procureur général affirme ce qui suit :

A.         Exposé des faits

1.          Il affirme que les déclarations faites dans l'avis d'appel constituent principalement une plaidoirie et il n'admet pas les allégations de fait qui y figurent d'une manière accessoire.

2.          Il affirme que les documents annexés à l'avis d'appel se passent d'explications.

3.          Le ministre du Revenu national (le « ministre » ) a établi initialement une cotisation à l'égard de l'appelant pour l'année d'imposition 1994 au moyen d'un avis de cotisation daté du 6 mars 1995.

4.          Dans le calcul de l'impôt payable pour l'année d'imposition 1994, l'appelant a inclus dans le calcul de ses crédits d'impôt non remboursables la somme de 4 233 $ au titre du crédit pour déficience mentale ou physique non utilisé et transféré par son épouse.

5.          Dans un avis de nouvelle cotisation daté du 27 novembre 1995, le ministre a établi une nouvelle cotisation à l'égard de l'appelant pour l'année d'imposition 1994 et a refusé le crédit pour déficience mentale ou physique non utilisé par l'épouse, dont il est question au paragraphe 4 qui précède.

6.          L'appelant a signifié au ministre un avis d'opposition daté du 10 janvier 1996 relativement à l'année d'imposition 1994.

7.          Dans un avis de ratification daté du 16 octobre 1996, le ministre a confirmé que la nouvelle cotisation refusant le crédit pour déficience mentale et physique non utilisé et transféré par l'épouse relativement à l'année d'imposition 1994 avait été établie en conformité avec les dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ).

8.          En ratifiant de la sorte la nouvelle cotisation établie à l'égard de l'appelant pour l'année d'imposition 1994, le ministre s'est appuyé sur les hypothèses de fait suivantes :

a)          l'épouse de l'appelant a subi une fracture cervicale dans un accident de voitures en août 1991, ce qui a ultérieurement causé un syndrome de la traversée thoracobrachiale pour lequel elle a subi une intervention chirurgicale en février 1995;

b)                   le certificat pour le crédit d'impôt pour personnes handicapées signé par le médecin de l'épouse de l'appelant le 30 août 1995 n'attestait pas que l'épouse avait une déficience mentale ou physique grave et prolongée dont les effets étaient tels que la capacité d'accomplir une activité courante de la vie quotidienne était limitée de façon marquée, en tout temps ou presque, même en utilisant des appareils appropriés, des prothèses, en prenant des médicaments ou en suivant une thérapie;

c)                   l'épouse de l'appelant ne souffrait pas d'une déficience mentale ou physique grave et prolongée qui limitait de façon marquée sa capacité d'accomplir une activité courante de la vie quotidienne pendant l'année d'imposition 1994;

d)          l'épouse de l'appelant n'était pas admissible au crédit d'impôt pour déficience mentale ou physique sous le régime du paragraphe 118.3(1) de la Loi durant l'année d'imposition 1994 de sorte qu'aucun crédit inutilisé ne pouvait être transféré à l'appelant aux fins du calcul des crédits d'impôt non remboursables et de l'impôt payable pour l'année d'imposition 1994.

          Le paragraphe 118.3(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu ( « la Loi » ) prévoit ce qui suit :

            Le produit de la multiplication de 4 118 $ par le taux de base pour l'année est déductible dans le calcul de l'impôt payable par un particulier en vertu de la présente partie pour une année d'imposition, si les conditions suivantes sont réunies :

a)          le particulier a une déficience mentale ou physique grave et prolongée;

a.1)      les effets de la déficience sont tels que la capacité du particulier d'accomplir une activité courante de la vie quotidienne est limitée de façon marquée;

a.2)      un médecin en titre ou, s'il s'agit d'une déficience visuelle, un médecin en titre ou un optométriste atteste, sur formulaire prescrit, que le particulier a une déficience mentale ou physique grave et prolongée dont les effets sont tels que sa capacité d'accomplir une activité courante de la vie quotidienne est limitée de façon marquée;

b)          le particulier présente au ministre l'attestation visée à l'alinéa a.2) pour une année d'imposition;

c)         aucun montant représentant soit une rémunération versée à un préposé aux soins du particulier, soit des frais de séjour du particulier dans une maison de santé ou de repos, n'est inclus par le particulier ou par une autre personne dans le calcul d'une déduction en application de l'article 118.2 pour l'année (autrement que par application de l'alinéa 118.2(2)b.1)).

Le paragraphe 118.4(1) est libellé comme suit :

a)         une déficience est prolongée si elle dure au moins 12 mois d'affilée ou s'il est raisonnable de s'attendre à ce qu'elle dure au moins 12 mois d'affilée;

b)         la capacité d'un particulier d'accomplir une activité courante de la vie quotidienne est limitée de façon marquée seulement si, même avec des soins thérapeutiques et l'aide des appareils et des médicaments indiqués, il est toujours ou presque toujours aveugle ou incapable d'accomplir une activité courante de la vie quotidienne sans y consacrer un temps excessif;

c)          sont des activités courantes de la vie quotidienne pour un particulier:

(i)       la perception, la réflexion et la mémoire,

(ii)      le fait de s'alimenter et de s'habiller,

(iii)     le fait de parler de façon à se faire comprendre, dans un endroit calme, par une personne de sa connaissance,

(iv)     le fait d'entendre de façon à comprendre, dans un endroit calme, une personne de sa connaissance,

(v)      les fonctions d'évacuation intestinale ou vésicale,

(vi)     le fait de marcher,

d)          il est entendu qu'aucune autre activité, y compris le travail, les travaux ménagers et les activités sociales ou récréatives, n'est considérée comme une activité courante de la vie quotidienne.

                       

Nous verrons que, aux termes de l'alinéa 118.3(1)a.2), un médecin en titre doit attester que le particulier est atteint d'une déficience grave et prolongée dont les effets sont tels que sa capacité d'accomplir une activité courante de la vie quotidienne est limitée de façon marquée. En vertu de l'alinéa 118.3(1)b), l'attestation doit être présentée au ministre du Revenu national.

[4]      La seule attestation remise au ministre relativement à l'affaire en cause en l'espèce est la pièce R-1 reproduite ci-après :

Patient :                                                                                          Numéro d'assurance sociale

                Lori Smith                                                                       477-136-609

Date du début de la limitation est : La limitation de l'activité essentielle de la vie quotidienne du patient est :

08-1991                                          Permanente           Année            Veuillez indiquer l'année où la                                                        Temporaire ou permanente           limitation a cessé de façon                                                                                                                     permanente ou devrait être                                                                                                                     réévaluée

Indiquez le diagnostic médical relatif à la déficience et décrivez les appareils utilisés :

[TRADUCTION]

La patiente a été victime d'un accident de voitures en août 91 - Problèmes cervicaux ayant nécessité de multiples interventions chirurgicales. Elle souffre du syndrome de la douleur chronique ainsi que d'un désordre post-traumatisme. Elle prend des médicaments analgésiques de manière continue. Elle est également atteinte du syndrome de la traversée thoracobrachiale bilatérale.

Cocher les cases appropriées.

                                                                                                                                Oui            Non

Vision

Votre patient peut-il voir, à l'aide de lentilles correctives si nécessaire?

(Acuité visuelle de 20/200 ou plus dans un des yeux, et champ visuel de 20 degrés ou

plus dans le meilleur oeil, après correction) INCA no _________                                         X

Marche

Votre patient peut-il marcher, à l'aide d'un appareil si nécessaire?

(Par exemple, au moins 50 mètres sur un terrain plat.)                                                        X

Élocution

Votre patient peut-il parler de manière à se faire comprendre dans un environnement calme, à l'aide d'un appareil si nécessaire?                                                                                                    X

Facultés mentales

Votre patient est-il capable de réfléchir, de percevoir et de se souvenir,

à l'aide de médicaments ou d'une thérapie si nécessaire? (Par exemple,

il peut gérer ses affaires personnelles ou s'occuper de ses soins personnels

sans supervision.)                                                                                                           X

Ouïe

Votre patient peut-il entendre de manière à comprendre une conversation

orale dans un environnement calme, à l'aide d'un appareil si nécessaire?

(Excluez les différences entre les langues.)                                                                          X

Se nourrir et s'habiller

a) Votre patient peut-il se nourrir lui-même, à l'aide d'un appareil si nécessaire?                 X

b) Votre patient peut-il s'habiller lui-même, à l'aide d'un appareil si nécessaire?                   X

Élimination

Votre patient peut-il contrôler et s'occuper lui-même de ses fonctions intestinales

et urinaires, à l'aide d'un appareil si nécessaire?                                                                   X

(Par exemple, il a une stomie simple ou utilise un cathéter.)

La déficience a-t-elle duré ou devrait-elle durer au moins 12 mois consécutifs?                     X

                                                                                                                              Oui           Non

La déficience est-elle suffisamment grave pour limiter, en tout temps ou presque,

l'activité essentielle de la vie quotidienne même en utilisant des appareils

appropriés, des prothèses, en prenant des médicaments ou en suivant une thérapie?                              X

Ayant lu la feuille de renseignements et les renseignements contenus dans ce formulaire, j'atteste qu'au meilleur de ma connaissance, ceux-ci sont vrais et complets.

Signature du médecin ou de l'optométriste                        Date                                       Numéro de téléphone

     « Ronald Sears »                                                   30 août 1995                             705-324-9111

86, rue Angeline S., Lindsay (Ontario) K9V 6C5

Les réponses à la question portant sur la capacité de s'habiller et à la dernière question sont en gras. Cette attestation n'est d'aucune utilité à l'appelant relativement à son appel. En réalité, elle a l'effet contraire.

[5]      Dans l'affaire Cusson v. M.N.R., [1993] 1 C.T.C. 2471 (C.C.I. no 90-3519(IT), 11 mars 1992), la note liminaire dit ceci :

                  

                   [TRADUCTION]

L'appelante demande un crédit d'impôt en vertu de l'article 118.3. Elle a subi une mastectomie qui, soutient-elle, lui a causé beaucoup d'inconfort. Le certificat médical que l'appelante a présenté attestait de l'existence d'une déficience prolongée mais faible. La question en litige était de savoir si l'appelante avait souffert d'une déficience physique grave et prolongée au sens des paragraphes 118.3(1) et 118.4(1).

Arrêt :

Il s'agit d'une condition essentielle à l'application des dispositions pertinentes qu'il y ait une attestation du médecin en titre stipulant que le particulier souffre d'une déficience grave. Le médecin en titre n'a attesté que d'une déficience faible. L'appel est rejeté.

La juge Lamarre Proulx, C.C.I., a déclaré à la page 2 (C.T.C. : à la page 2472) :

Il s'agit donc d'une condition essentielle à l'application de ces dispositions [paragraphes 118.3(1) et 118.4(1)] qu'il y ait une attestation du médecin en titre stipulant que le particulier souffre d'une déficience grave.

[6]      L'affirmation qui précède est suffisante pour trancher l'appel en faveur de l'intimée.

[7]      J'ajouterais qu'à l'audience l'appelant a prétendu que le texte législatif était discriminatoire à son endroit sans préciser de quelle manière, et il a décrit les efforts qu'il avait déployés en vain auprès des membres la classe politique pour faire apporter des changements. Cependant, ces considérations ne peuvent être prises en compte par la Cour aux fins d'interpréter le texte législatif comme il se doit.

[8]      Une lettre datée du 23 mai 1996 portant la signature du Dr R.S.R. Sears et adressée à Revenu Canada a été produite en preuve par l'appelant. Elle est reproduite ci-après :

                   [TRADUCTION]

Objet : James D. Smith, numéro de compte 460 318 199

            60, promenade Victoria, RR 2

            Cameron (Ontario) K0M 1G0

Jim Smith m'a demandé de vous écrire afin de vous aider à déterminer l'admissibilité de l'épouse de Jim Smith, Laurie Smith, au crédit d'impôt pour personnes handicapées.

            Laurie a subi une fracture cervicale dans un accident de voitures en août 1991. Elle a ultérieurement été atteinte du syndrome de la traversée thoracobrachéale du côté droit et a subi une intervention chirurgicale le 1er février 1995. Elle souffre de douleurs chroniques et d'une déficience dans la partie supérieure du dos, aux épaules, dans les deux bras, surtout dans le bras droit. Cela lui prend dès lors plus de temps pour s'habiller. Quand son époux ou sa fille sont à la maison, ils l'aident à s'habiller.

            Dans la lettre datée du 6 mai 1996 que vous avez adressée à M. Smith, vous utilisez l'expression un « temps excessif » . Je m'interroge sur le sens que vous attribuez au mot « excessif » , mais il faut certainement beaucoup plus de temps à Laurie pour s'habiller qu'il en faut à la moyenne des gens.

           

            J'espère vous avoir fourni les renseignements dont vous avez besoin. N'hésitez pas à communiquer avec moi si je puis encore vous être utile.

En vertu de l'alinéa 118.4c)(ii) de la Loi, l'une des activités courantes de la vie quotidienne est le fait de se nourrir et de s'habiller. Même si cette disposition était interprétée séparément, la lettre du Dr Sears ne permettrait pas d'établir l'admissibilité de l'appelant au crédit d'impôt en cause. Il a été dit, relativement aux paragraphes 118.3(1) et 118.4(1), que, « pour être admissible à un crédit pour personnes handicapées, le contribuable devait satisfaire à des critères rigoureux. Le législateur souhaitait que seules les personnes dans un état extrêmement invalidant puissent se prévaloir de la déduction » : Luxton c. La Reine, C.C.I. no 95-2322(IT)I, 2 août 1996 ([1996] T.C.J. No. 848).

[9]      L'appel est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 22e jour de décembre 1997.

« D. H. Christie »

J.C.A.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 31e jour de janvier 2003.

Isabelle Chénard, réviseure

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