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[traduction française officielle]

97-2894(IT)I

ENTRE :

PATRICK RICHER,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appels entendus le 30 septembre 1998 à Ottawa (Ontario) par

l'honorable juge en chef adjoint Christie

Comparutions

Pour l'appelant :                         l'appelant lui-même

Avocate de l'intimée :                 Me Shalene Curtis-Micallef

JUGEMENT

          Les appels des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1993, 1994 et 1995 sont rejetés.

Signé à Ottawa, Canada, ce 26e jour d'octobre 1998.

« D. H. Christie »

J.C.A.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 13e jour de novembre 2002.

Philippe Ducharme, réviseur


[traduction française officielle]

Date: 19981026

Dossier: 97-2894(IT)I

ENTRE :

PATRICK RICHER,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge en chef adjoint Christie, C.C.I.

[1]      Les présents appels sont régis par la procédure informelle prévue aux articles 18 et suivants de la Loi sur la Cour canadienne de l'impôt. Les années en cause sont les années 1993, 1994 et 1995.

[2]      Les présents appels portent sur l'imposition de pénalités. L'avis d'appel se lit en partie comme suit :

[TRADUCTION]

Le ministre a imposé, en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu (Canada), les pénalités suivantes :

Année d'imposition        1993 - 643,85 $

                                    1994 - 751,45 $

                                    1995 - 568,96 $


Il a également imposé, en vertu du paragraphe 19(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu (Ontario), les pénalités suivantes :

Année d'imposition        1993 - 451,53 $

                                    1994 - 423,15 $

                                    1995 - 385,34 $

[3]      Le passage introductif et les paragraphes 1 à 8 de la réponse à l'avis d'appel se lisent comme suit :

[TRADUCTION]

           

En réponse à l'avis d'appel visant les années d'imposition 1993, 1994 et 1995, déposé le 29 août 1997, le sous-procureur général du Canada déclare ce qui suit :

A.         EXPOSÉ DES FAITS

1.          En ce qui concerne la rubrique intitulée « Exposé des faits » de l'avis d'appel :

a)          il admet les fait énoncés aux paragraphes numérotés 1 et 2;

b)          il nie les faits énoncés au paragraphe 3 non numéroté.

2.          L'appelant a produit des déclarations de revenus pour les années d'imposition 1993, 1994 et 1995 et il a déclaré des revenus d'entreprise nets de 6 148 $, de 8 201 $ et de 7 328 $ pour chacune des années respectivement.

3.          Par voie d'avis de cotisation datés du 30 juin 1994, du 7 juillet 1995 et du 21 mai 1996, le ministre du Revenu national (le « ministre » ) a établi des cotisations à l'égard des déclarations de revenus de l'appelant, telles qu'elles ont été produites pour les années d'imposition 1993, 1994 et 1995 respectivement.

4.          Le ministre a établi de nouvelles cotisations à l'égard des déclarations de revenus de l'appelant des années d'imposition 1993, 1994 et 1995 par voie d'avis de nouvelle cotisation datés du 23 décembre 1996, et il a ajouté les montants de 8 897 $, de 8 583 $ et de 6 496 $ respectivement au revenu d'entreprise.

5.          De plus, en établissant les nouvelles cotisations susmentionnées, le ministre a imposé, en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ), des pénalités de 643,85 $, de 751,45 $ et de 568,96 $ pour les années d'imposition 1993, 1994 et 1995 respectivement.

6.          Le 21 mars 1997, l'appelant a signifié au ministre un avis d'opposition à ces nouvelles cotisations visant les années d'imposition 1993, 1994 et 1995.

7.          Un avis de ratification en date du 3 juin 1997 a été délivré en réponse à l'avis d'opposition pour les années d'imposition 1993, 1994 et 1995.

8.          En établissant ces nouvelles cotisations à l'égard de l'appelant, le ministre s'est fondé sur les hypothèses de fait suivantes :

a)          les faits ci-devant énoncés et admis;

b)          durant les années d'imposition 1993, 1994 et 1995, l'appelant était l'unique propriétaire d'une entreprise de services de taxis;

c)          l'exercice de l'entreprise se terminait le 31 décembre de chaque année;

d)          le ministre a établi de nouvelles cotisations à l'égard des déclarations de revenus des années d'imposition 1993, 1994 et 1995 en raison de revenus sous-estimés aux montants de 8 897 $, de 8 583 $ et de 6 496 $ respectivement;

e)          les revenus non déclarés équivalaient à 145 p. 100, 105 p. 100 et 89 p. 100 du revenu d'entreprise net pour les années d'imposition 1993, 1994 et 1995 respectivement;

f)           en raison de cette sous-estimation du revenu, le ministre a imposé des pénalités, que l'appelant est tenu de payer, de 643,85 $, de 751,45 $ et de 568,96 $ pour les années d'imposition 1993, 1994 et 1995 respectivement, conformément au paragraphe 163(2) de la Loi;

g)          en établissant ainsi de nouvelles cotisations à l'égard de l'appelant, le ministre a formulé, en ce qui concerne les pénalités imposées en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi, l'hypothèse de fait suivante : l'appelant a, sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde dans l'exercice d'une obligation prévue à la Loi, fait un faux énoncé ou une omission dans ses déclarations de revenus des années d'imposition 1993, 1994 et 1995 ou y a participé, y a consenti ou y a acquiescé, relativement à des revenus d'entreprise non déclarés de 8 897 $, de 8 583 $ et de 6 496 $ respectivement et, par conséquent, les impôts établis qui auraient été payables d'après les renseignements fournis dans les déclarations de revenus que l'appelant a produites pour les années d'imposition 1993, 1994 et 1995 étaient inférieurs de 1 286 $, de 1 503 $ et de 1 137 $ respectivement aux impôts réels qui auraient été payables n'eût été le faux énoncé ou l'omission.

[4]      Le paragraphe 163(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ) est ainsi formulé :

163. (2) Toute personne qui, sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde dans l'exercice d'une obligation prévue à la présente loi ou à son règlement, fait un faux énoncé ou une omission dans une déclaration, un formulaire, un certificat, un état ou une réponse - appelé « déclaration » au présent article - rempli, produit ou présenté, selon le cas, pour une année d'imposition conformément à la présente loi ou à son règlement, ou y participe, y consent, ou y acquiesce est passible d'une pénalité [...] (Le reste du paragraphe indique comment les pénalités sont calculées.)

Le paragraphe 163(3) de la Loi se lit comme suit :

163. (3) Dans tout appel interjeté, en vertu de la présente loi, au sujet d'une pénalité imposée par le ministre en vertu du présent article, le ministre a la charge d'établir les faits qui justifient l'imposition de la pénalité.

[5]      La présente Cour n'a pas la compétence voulue pour traiter des pénalités imposées en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu de l'Ontario : Andrew Paving & Engineering Ltd. et al. v. M.N.R., 84 DTC 1157, aux pages 1160 et 1161 (C.C.I.). La même remarque s'applique à l'égard d'une cotisation d'impôt provincial : La Reine c. Bowater Mersey Paper Company Limited, C.A.F., no A-320-86, 8 mai 1987 (87 DTC 5382) à la page 5384.

[6]      La question à trancher est celle de savoir si les faits ont établi que l'appelant, sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde, avait fait un faux énoncé ou une omission dans ses déclarations de revenus des années en cause.

[7]      Faisant valoir ses droits[1], l'avocate de l'intimée a appelé l'appelant à la barre des témoins afin qu'il aide l'intimée à s'acquitter de l'obligation prévue au paragraphe 163(3) de la Loi.

[8]      En résumé, selon son témoignage, l'appelant conduisait un taxi de l'entreprise Blue Line au cours des années en cause. Il n'était pas un employé. Il possédait une « plaque » qui, je présume, était une plaque d'immatriculation. Sa relation avec l'entreprise Blue Line était la suivante : celle-ci procédait à la répartition des appels pour le compte de l'appelant et lui versait une rémunération pour le temps d'attente aux hôtels. En contrepartie, il versait à l'entreprise une certaine somme d'argent par mois. Il faisait le taxi du lundi au vendredi, de 7 h à 18 h. S'il avait besoin d'argent supplémentaire, il travaillait pendant les week-ends.

[9]      L'appelant payait d'abord l'entreprise Blue Line avec les bons de taxi du gouvernement et les bordereaux de cartes de crédit. Si la somme dépassait ce que Blue Line lui devait, il recevait alors la différence en espèces. Cependant, si les bons et les bordereaux étaient insuffisants, il versait alors la différence à l'entreprise en espèces. Outre cette somme qu'il devait verser, il gardait tout l'argent versé par les clients.

[10]     Des cotisations ont été établies à l'égard de l'appelant pour les années en cause suivant la méthode de cotisation selon l'écart de l'avoir net. Pendant les années en cause, il demeurait dans une unité d'habitation familiale située à Orleans avec son épouse et leur fille. Ils avaient une piscine dans l'arrière-cour de leur résidence. Sa fille est d'âge adulte. La résidence était grevée d'une hypothèque. Il payait l'hypothèque et les autres dépenses d'entretien de la résidence avec le revenu qu'il gagnait à titre de chauffeur de taxi.

[11]     Dans sa déclaration de revenus de l'année d'imposition 1993, il a déclaré un revenu total de 8 957 $. Ce revenu était composé d'un revenu de location au montant de 2 809 $ et d'un revenu d'entreprise, tiré de son emploi de chauffeur de taxi, au montant de 6 408 $. Pour l'année d'imposition 1994, ces mêmes montants totalisent 13 412 $, 5 211 $ et 8 201 $ respectivement, et, pour l'année d'imposition 1995, ils totalisent 12 927 $, 5 599 $ et 7 328 $ respectivement.

[12]     Les avis de nouvelle cotisation ont été déposés en preuve par l'entremise de ce témoin, et ils indiquent que ces montants ont été ajoutés à son revenu d'entreprise à titre de revenus non déclarés. Ainsi, ces montants totalisent 8 897 $ pour l'année d'imposition 1993, 8 583 $ pour l'année d'imposition 1994 et 6 496 $ pour l'année d'imposition 1995, comme l'indique le paragraphe 4 de la réponse à l'avis d'appel.

[13]     Pendant les années en cause, l'appelant avait un compte bancaire, mais les seuls dépôts qui y ont été faits permettaient tout juste de payer l'hypothèque de sa maison, ses prêts personnels et ses assurances. L'appelant n'a conservé aucun registre des revenus qu'il a tirés de son emploi de chauffeur de taxi.

[14]     Par contre, le revenu de location était tiré de deux condominiums. Un compte bancaire distinct avait été ouvert à l'égard de chacun d'eux. Le revenu de location était déposé dans chaque compte. De même, les dépenses étaient payées sur ces deux comptes.

[15]     L'état de l'avoir net a été produit en preuve. À la page 4 figure un « état des dépenses personnelles » . À la rubrique 2, appelée « abri » , on trouve les frais d'entretien et de réparation, les impôts fonciers, les primes d'assurance, les intérêts hypothécaires ainsi que les frais des services publics (eau, combustible et électricité). Ces montants totalisent 6 585 $ pour l'année d'imposition 1993, 6 322 $ pour l'année d'imposition 1994 et 6 637 $ pour l'année d'imposition 1995. L'appelant a admis que ces chiffres étaient exacts. De plus, de nombreux autres éléments figurent dans l'état des dépenses personnelles, tels que l'entretien de l'habitation, les loisirs, les produits du tabac et l'alcool, les cadeaux et les contributions. Ces éléments totalisent 13 185 $ pour l'année 1993, 14 711 $ pour l'année d'imposition 1994 et 12 643 $ pour l'année d'imposition 1995.

[16]     Mme Sheryl Glynn a également témoigné au nom de l'intimée. Elle est employée de Revenu Canada. Elle a préparé la cotisation de valeur nette. Lorsqu'on lui a demandé pourquoi des pénalités avaient été imposées, elle a répondu ceci :

[TRADUCTION]

Des pénalités ont été imposées au motif que le contribuable devait être au courant des revenus non déclarés.

Il était la seule personne engagée dans l'entreprise. Il s'occupait de toutes les sommes qui lui étaient versées en espèces. Il ne les déposait pas toutes dans le compte bancaire. Il était également tout à fait au courant de sa situation pour ce qui est de ses dépenses personnelles et, lorsque nous avons procédé à l'examen du dossier, il est devenu évident que les montants des revenus déclarés étaient insuffisants pour payer tous les montants qu'il a payés.

[17]     Elle a témoigné que l'état des dépenses personnelles avait été négocié avec le représentant de l'appelant, M. Calvin Baptiste, un comptable, et que ce dernier l'avait accepté tel qu'il lui avait été soumis.

[18]     Les montants d'impôts figurant aux nouvelles cotisations ne sont pas contestés. Le paragraphe 163(3) exige que l'avocate de l'intimée établisse les faits qui justifient l'imposition de pénalités. Le revenu d'entreprise non déclaré qui figure dans les avis de nouvelle cotisation, sous la forme d'un pourcentage du revenu d'entreprise déclaré dans les déclarations de revenus de l'appelant, est de 139 p. 100[2], de 105 p. 100 et de 89 p. 100 pour les années d'imposition 1993, 1994 et 1995 respectivement. J'accorde une importance considérable à ces chiffres. En effet, selon l'ensemble de la preuve, et en raison d'un manque d'explications raisonnables de la part de l'appelant à l'égard des écarts entre le revenu tiré de son emploi de chauffeur de taxi qu'il l'a déclaré et le revenu qu'il a admis avoir tiré de cette source, je conclus que l'appelant a, sciemment, fait de faux énoncés dans ses déclarations de revenus des années d'imposition 1993, 1994 et 1995.

[19]     Dans l'arrêt  souvent cité  Venne c. La Reine, C.A.F., no T-815-82, 9 avril 1984 (84 DTC 6247) (C.F. 1re inst.), le juge Strayer fait remarquer, à la page 6256, au sujet de l'expression « faute lourde » qui figure au paragraphe 163(2) de la Loi, que celle-ci implique « une indifférence au respect de la Loi » . À tout le moins, une telle indifférence de la part de l'appelant doit être inférée dans la présente affaire.


[20]     Les appels sont rejetés.

Signé à Ottawa, Canada, ce 26e jour d'octobre 1998.

« D. H. Christie »

J.C.A.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 13e jour de novembre 2002.

Philippe Ducharme, réviseur



[1] Voir la Loi sur la preuve, L.R.O. 1990, chap. E-23, par. 8(1) ainsi que la Loi sur la preuve au Canada, L.R. 1985, ch. E-10, art. 40.

[2] Il semble que le pourcentage de 145 p. 100 qui figure à l'alinéa 8e) de la réponse à l'avis d'appel soit une erreur.

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