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Dossier : 2002-76(IT)I

ENTRE :

ALEXANDER AKIWENZIE,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

_______________________________________________________________

Appels entendus le 17 décembre 2002 à Ottawa (Ontario), par

l'honorable juge Campbell J. Miller

Comparutions

Avocat de l'appelant :

Me Stephen G. Reynolds

Avocate de l'intimée :

Me Justine Malone

_______________________________________________________________

JUGEMENT

          Les appels des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1997 et 1998 sont admis avec dépens de 200 $, et les cotisations sont renvoyées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations, au motif que le revenu d'emploi de l'appelant pour les deux années en question est un bien meuble situé sur une réserve et exempté de taxation.


Signé à Ottawa, Canada, ce 25e jour de février 2003.

« Campbell J. Miller »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 7e jour de janvier 2004.

Mario Lagacé, réviseur


Référence : 2003CCI68

Date : 20030225

Dossier : 2002-76(IT)I

ENTRE :

ALEXANDER AKIWENZIE,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Miller, C.C.I.

[1]      À titre d'Indien inscrit, M. Akiwenzie a demandé que les sommes de 26 397,88 $ et de 29 007 $ soient déduites de son revenu pour les années 1997 et 1998 respectivement. Selon M. Akiwenzie, ces sommes correspondent à 45 p. 100 de son revenu d'emploi qui est un bien meuble d'un Indien situé sur une réserve au sens de la Loi sur les Indiens. Le ministre a refusé d'accorder ces déductions au motif que ces montants faisaient partie du revenu que M. Akiwenzie avait tiré de son emploi au sein du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien (MAINC), et qu'aucune fraction de ce revenu ne constituait un bien meuble d'un Indien situé sur une réserve. M. Akiwenzie interjette appel, sous le régime de la procédure informelle, des cotisations établies par le ministre.

[2]      La question consiste à se demander si la totalité ou une partie du revenu que M. Akiwenzie a tiré de son emploi au sein du MAINC est exemptée d'impôt en vertu du paragraphe 87(1) de la Loi sur les Indiens, qui prévoit l'exemption des biens meubles d'un Indien qui sont situés sur une réserve. Bien que la présente affaire ne corresponde pas en tous points à ces quelques causes dans lesquelles le tribunal a conclu que le revenu d'emploi des appelants était situé dans une réserve, l'analyse des facteurs rattachant le revenu d'emploi de M. Akiwenzie aux réserves m'amène à la même conclusion. Son revenu d'emploi est un bien meuble situé sur une réserve.

Les faits

[3]      M. Akiwenzie est un Anishinabe et il est né dans la réserve de Cape Croker. Dès le début, il a indiqué très clairement que tout ce qu'il a fait au cours de sa vie visait à servir les intérêts des Indiens dans une réserve. Dans son exposé d'ouverture, il s'est exprimé comme suit :

          [TRADUCTION]

Tout ce que j'ai fait à ce jour, même au sein du ministère des Affaires indiennes, concernait directement tous les Indiens. Tous les Indiens, pas seulement les Chippewas, et non pas pour ma famille en tant que Quazies ni pour moi-même en tant qu'individu.

Tout ce que j'ai fait entre 15 et 53 ans a été fait pour les Indiens à l'échelle nationale, d'un océan à l'autre.

Vous pouvez constater également dans mon curriculum vitae que je suis un chef de guerre de la Société des guerriers partout au Canada, et je le demeure même en travaillant au ministère des Affaires indiennes.

[Transcription, page 13, lignes 9 à 20]

[4]      Sa façon de voir la vie était aussi claire que passionnée : [TRADUCTION] « Je suis membre de la Première nation » , « Je vis en Indien » , « Je n'ai pas renoncé à mes droits même si je travaille pour les Affaires indiennes » .

[5]      M. Akiwenzie a obtenu nombre de distinctions honorifiques pour s'être fait le porte-parole des Indiens de toutes les régions du pays. Il est un chef spirituel dans sa collectivité. Il ressortait clairement de son témoignage qu'il craint que les Chippewas, les Cris et toutes les nations se fondent dans un melting-pot nord-américain et que, ce faisant, ils finissent par disparaître. Il a consacré sa vie à rendre leur fierté aux Indiens et aux réserves. Il a joué un rôle à Wounded Knee, à Gustafson Lake, à Ipperwash. Il est marié à une Mohawk d'Akwasasne. Pendant les années en cause, il vivait dans une réserve Mohawk. Ses enfants vont à l'école de la réserve d'Akwasasne. Je décrirais M. Akiwenzie comme un leader actif et ayant d'excellentes relations dans le milieu des affaires indiennes à la grandeur du pays. Tout ce que je viens de dire vise à établir le contexte de l'emploi de M. Akiwenzie.

[6]      M. Akiwenzie a travaillé pour le gouvernement canadien pendant 20 ans. Il a fait ses débuts comme conseiller social en milieu scolaire au sein du MAINC. Son rôle consistait à mener une action éducative auprès des élèves autochtones, lesquels ont depuis été nombreux à devenir des chefs dans leurs collectivités. Il a ensuite agi comme conseiller du directeur général de la Coordination des politiques au MAINC. En cette qualité, sa principale fonction a consisté à se rendre au Yukon et à mener une enquête afin de savoir pourquoi il était si difficile de déménager les Indiens d'une certaine collectivité. Avant de se rendre au Yukon, il a pris une part active aux pourparlers constitutionnels à titre de conseiller politique pour le Conseil national des autochtones du Canada.

[7]      Il est demeuré sept ans au Yukon et, au cours de ces années, il a été nommé directeur associé du secteur des Terres, des revenus et de la fiducie. Il a indiqué qu'à son retour à Ottawa, sa seule responsabilité avait été d'amener les Indiens à la table des négociations. Ces négociations concernaient avant tout un projet environnemental appelé [TRADUCTION] « Initiative de la pointe Buffalo » . En fait, il a amené à la table des négociations l'ancien chef de l'Assemblée des Premières nations, Phil Fontaine. Pour reprendre les mots de M. Akiwenzie, [TRADUCTION] « les peuples indiens auraient enfin voix au chapitre au ministère des Affaires indiennes » .

[8]      Dans tous les postes qu'il a occupés jusque-là, M. Akiwenzie a confirmé qu'il travaillait dans les réserves; par contre, on ne sait pas au juste quel est le pourcentage de temps où il était présent physiquement dans les réserves. Il a toutefois maintenu catégoriquement que tout son travail requérait qu'il traite avec les Autochtones dans les réserves :

          [TRADUCTION]

Dans mon esprit, tout mon temps a été passé dans ma réserve, parce que je consacre tout mon temps à traiter avec les Indiens vivant dans les réserves.

[9]      À un moment donné au cours de cette période, soit de 1996 à 1997, M. Akiwenzie a commencé à travailler également sur ce qu'il a appelé les CET : les connaissances écologiques traditionnelles des Autochtones. M. Akiwenzie a décrit les CET comme la manière de penser des Indiens, et c'est ce que le gouvernement voulait connaître. Il devait amener des Autochtones, les personnes influentes, à la table des négociations; ce sont ces personnes ensuite qui décidaient si elles allaient communiquer leurs CET au gouvernement. Selon M. Akiwenzie, il ne lui appartenait pas de décider d'écrire son propre rapport sur la signification des CET.

[10]     Le sous-ministre délégué était intéressé par les opinions de M. Akiwenzie. Un gestionnaire du Ministère a préparé une nouvelle description d'emploi pour M. Akiwenzie - consultant en matière de relations et de partenariats avec les Premières nations. Cette description permettait à M. Akiwenzie d'obtenir un poste de niveau PM-6 et un salaire correspondant. Aux dires de M. Akiwenzie, lesquels ont été confirmés par son gestionnaire, M. Ryan, la description d'emploi était rédigée pour lui permettre d'accéder au niveau PM-6, même si elle ressemblait bien peu aux fonctions que M. Akiwenzie exerçait en réalité. Par exemple, il y était question de rédaction de rapports, une tâche que M. Akiwenzie n'a jamais accomplie.

[11]     Cela se passait en 1998. M. Akiwenzie devait se rendre dans les collectivités indiennes et nouer des liens avec elles - 634 d'entre elles. Il a souligné qu'à cette époque, il a rencontré des personnes issues de 480 de ces réserves. En sa qualité de chef national de guerre au Canada, il aurait des liens avec chacune de ces réserves. Il a amené des personnes qui, auparavant, n'auraient pas traité avec le MAINC, à participer à des réunions. C'est également vers cette époque, fin de l'année 1997 et début de l'année 1998, qu'on est passé à l'action pour mettre en place l'Initiative conjointe. L'objectif du Ministère dans le cadre de l'Initiative conjointe était d'élaborer un plan visant à transférer aux Premières nations un contrôle accru à l'égard des responsabilités courantes des services fonciers et fiduciaires. L'objectif des Premières nations était de protéger et de promouvoir leurs propres intérêts. M. Akiwenzie a décrit l'Initiative conjointe comme une [TRADUCTION] « sorte de retour à la table des négociations des traités » [1]. Vingt et un secteurs d'activités, comme les a désignés M. Akiwenzie, ont été déterminés dans le cadre de l'Initiative conjointe en vue d'orienter la révision de la Loi sur les Indiens. L'Initiative conjointe a fait l'objet de travaux préliminaires dès 1997, mais ce n'est qu'en 1998 qu'elle a été formellement créée. Dans son témoignage, M. Akiwenzie a indiqué que le gouvernement avait ensuite déclaré que les travaux effectués dans le cadre de l'Initiative conjointe n'avançaient pas assez rapidement; des modifications ont donc été imposées par l'adoption de la Loi sur la gouvernance des Premières nations. M. Akiwenzie a nettement regretté cette mesure, estimant que l'Initiative conjointe était prête pour les changements à apporter à la Loi sur les Indiens.

[12]     M. Akiwenzie a estimé que le temps où il avait été présent physiquement dans les réserves au cours de la période en question, à l'exclusion des activités se rapportant à sa vie personnelle dans une réserve, correspondait à environ 20 p. 100 de son temps de travail. Ses autres fonctions, exercées principalement à partir de son bureau situé à Hull, concernaient directement les collectivités autochtones et leurs chefs. Il faisait la navette entre sa réserve et son lieu de travail, mais il a reconnu qu'il était requis de passer la nuit à l'extérieur de sa réserve une quinzaine de fois par année.

[13]     M. Akiwenzie a produit des documents décrivant l'historique du MAINC de même que son mandat, ses règles et ses responsabilités. M. Akiwenzie s'est dit d'avis que le MAINC ne remplissait pas ses obligations envers les peuples des Premières nations. Il a conclu son interrogatoire principal en faisant le commentaire suivant :

[TRADUCTION]

Or, je voulais seulement dire que j'espère que vous comprenez que je suis d'abord un Indien, et qu'en tout temps je suis un Indien. [...] Je suis un Indien, et, traditionnellement, je n'ai jamais cessé de travailler pour les Autochtones, que vous appelez « Indiens inscrits dans les réserves » .

(Transcription, page 106, lignes 9 à 14.)

[14]     M. Hugh Ryan a témoigné pour la Couronne. Il a été le superviseur immédiat de M. Akiwenzie durant les années 1997 et 1998. Il a indiqué que le rôle de M. Akiwenzie qui consistait à créer des partenariats avec le MAINC lui avait été confié en raison de son habileté à communiquer avec les collectivités autochtones. Il a souligné qu'un non-Indien n'aurait pas pu fournir les services que M. Akiwenzie fournissait - [TRADUCTION] « Ça n'aurait jamais marché » [2]. Il considérait l'apport de M. Akiwenzie comme [TRADUCTION] « tout à fait unique » [3].

[15]     M. Ryan a également confirmé que la description d'emploi écrite de M. Akiwenzie visait plus à lui permettre d'atteindre un certain niveau au sein du gouvernement qu'à décrire son emploi avec précision. Il a en outre confirmé que M. Akiwenzie était fréquemment sur la route pour rencontrer des chefs autochtones[4].

Les arguments de l'appelant

[16]     L'appelant a commencé son argumentation en décrivant les grandes lignes de ce qu'il a appelé le critère à trois volets que la Cour suprême du Canada a énoncé dans l'arrêt Williams c. Canada[5] pour déterminer si un bien meuble est situé sur une réserve. Il est nécessaire de soupeser les facteurs de rattachement et de les analyser en fonction des éléments suivants :

          (i)       l'objet de l'exemption prévue à la Loi sur les Indiens;

          (ii)       le genre de bien;

          (iii)      l'incidence fiscale sur le bien.

[17]     Il a fait remarquer que l'arrêt Williams concernait des prestations d'assurance-chômage et non un revenu d'emploi; par conséquent, des facteurs différents pourraient être pertinents pour déterminer si l'imposition d'un revenu d'emploi représenterait une atteinte aux droits d'un Indien à titre d'Indien dans une réserve. Me Reynolds a décrit M. Akiwenzie comme ayant, en sa qualité de représentant de la Couronne, une obligation fiduciaire envers les peuples des Premières nations; cette obligation fiduciaire déguise la relation et distingue la présente affaire d'autres affaires telles que Stacey-Diabo[6] et Monias[7]. De plus, Me Reynolds soutient que le poste qu'occupait M. Akiwenzie ne faisait pas partie du marché, contrairement à ce qui a été conclu dans d'autres affaires. Le poste de M. Akiwenzie était unique.

[18]     Me Reynolds s'est penché sur le sens de l'expression « Indien à titre d'Indien » . Il a affirmé que M. Akiwenzie crée effectivement des liens comme Indien à titre d'Indien, peu importe où il se rend, que ce soit dans sa propre réserve ou dans toute autre réserve ailleurs au pays. Le sens de l'expression « Indien à titre d'Indien » ne doit pas être limité à l'Indien qui gagne un revenu dans la réserve, qui pratique un mode de vie et qui exerce ses droits en tant qu'Indien dans cette réserve en particulier. Dans le cadre de ses fonctions au MAINC, M. Akiwenzie fait bel et bien jouer, sur le terrain, la composante indienne. Il préserve, défend et essaie de protéger l'intégrité des réserves en tant qu'unités économiques, sociales et politiques et en tant que Premières nations. Me Reynolds a cité les commentaires du juge Linden dans l'affaire Folster[8] et les a présentés comme un bon résumé du droit dans ce domaine :

Au cours des ans, les tribunaux ont tenté d'énoncer une règle simple et limpide pour déterminer si les biens meubles d'un Indien sont « situés sur une réserve » . Ces efforts se sont révélés peu concluants. Bien que cette condition paraisse assez simple à appliquer, il n'en est rien dans le contexte de biens immatériels comme des salaires et d'autres formes de revenus. La raison est que l'application d'une règle du situs à un bien qui n'a aucune existence matérielle ou locale est forcément théorique et risque d'être arbitraire. [...][9]

L'historique et l'objet de l'article 87 ont fait l'objet d'un examen complet dans l'arrêt Mitchell c. Bande indienne Peguis. Dans cette décision, le juge La Forest a fait remonter l'article 87 à une loi de 1850 qui disposait, pour l'essentiel, qu'aucune taxe ne devait être prélevée sur un Indien résidant sur des terres non cédées ou faisant partie d'une réserve. Ce n'est toutefois pas avant l'adoption de l'Acte des Sauvages, 1876 que cette exemption a pris la forme de la disposition actuelle. L'article 64 de ce texte est ainsi libellé[10] :

64. Nul Sauvage ou Sauvage sans traités ne pourra être taxé pour aucune propriété mobilière ou immobilière, à moins qu'il ne possède une terre à bail ou en pleine propriété, ou des biens-meubles en dehors de la réserve ou réserve spéciale, auquel cas il pourra être taxé pour ces biens meubles ou immeubles, au même taux que les autres personnes de la localité où ils sont situés.

Le juge La Forest a mis en lumière le fait que, dans cette disposition, « les Indiens qui possèdent des terres ou des biens personnels à titre de propriétaire à l'extérieur de la réserve possèdent ces biens comme tout autre possesseur de biens situés au même endroit » . Même si cette condition précise ne figure pas à l'article 87, elle donne un aperçu historique du but que l'exemption d'impôt visait initialement à atteindre et, par conséquent, des contours de son application actuelle, qui sera traitée plus longuement ci-dessous.

Le juge La Forest a justifié l'évolution historique de cette mesure législative en disant qu'il s'agissait d'une mesure de protection conçue pour neutraliser les effets négatifs sur nos peuples autochtones de l'affirmation de la souveraineté britannique sur le territoire qu'est maintenant le Canada. [...]

[19]     En examinant les circonstances de la présente affaire, Me Reynolds fait remarquer que M. Akiwenzie vit dans une réserve Mohawk, celle de sa conjointe et non la sienne. Son employeur a son bureau principal à Hull, au Québec. Vingt et un pour cent du travail de M. Akiwenzie était accompli dans les réserves, mais 100 p. 100 de son travail était axé sur les réserves. Me Reynolds ne tient pas compte des principes selon lesquels le revenu doit être lié à une réserve en particulier, affirmant que c'est à la nature du travail qu'il faut donner plus de poids.

[20]     Me Reynolds conclut son argumentation en traitant de la nature de l'employeur, le MAINC. Il avance que ce ministère se distingue par son mandat qui consiste à remplir les obligations légales du gouvernement envers les Autochtones, lesquelles obligations sont issues des traités. Le MAINC ne s'occupe pas de relations avec le consommateur ni de relations commerciales. Il n'est pas le Conseil du Trésor. Il n'est pas le ministère du Travail. Il s'occupe de remplir les obligations fiduciaires envers les peuples des Premières nations, et c'était là le rôle essentiel de M. Akiwenzie au sein du gouvernement.

La position de l'intimée

[21]     Me Malone a indiqué au départ que c'est la politique de l'Agence canadienne des douanes et du revenu d'accorder une exemption d'impôt au prorata du nombre de jours qu'une personne a été réellement présente physiquement dans une réserve pour y travailler. Dans le cas de M. Akiwenzie, la Couronne a estimé ce prorata à 15 p. 100; ainsi, selon Me Malone, seulement 85 p. 100 de son salaire fait l'objet du présent litige. L'intimée convient que la seule question en l'espèce consiste à se demander si le revenu d'emploi de M. Akiwenzie était situé dans une réserve.

[22]     Me Malone invoque également les commentaires émis dans l'arrêt Mitchell c. Bande indienne Peguis[11] pour établir le contexte de son argumentation. Elle cite, plus précisément, la déclaration suivante du juge La Forest :

[...] Mais je répéterais qu'en l'absence d'un lien discernable entre le bien en question et l'occupation des terres réservées par le propriétaire de ce bien, les protections et privilèges des art. 87 et 89 ne s'appliquent pas.

J'attire l'attention sur ces décisions pour souligner encore une fois qu'il faut éviter d'accorder une portée trop large aux art. 87 et 89.    Ces dispositions n'ont pas pour but d'accorder des privilèges aux Indiens à l'égard de tous les biens qu'ils peuvent acquérir et posséder, peu importe l'endroit où ils sont situés.    Leur but est plutôt simplement de protéger des ingérences et des entraves de la société en général les droits de propriété des Indiens sur leurs terres réservées pour veiller à ce que ceux-ci ne soient pas dépouillés de leurs droits. [...]

Lorsque les bandes indiennes s'engagent dans le marché commercial, il faut s'attendre à ce qu'elles puissent parfois conclure des accords purement commerciaux avec les Couronnes provinciales de la même façon qu'avec des parties privées.    Après tout, les Couronnes provinciales sont des acteurs importants sur le marché.    Donc, si une bande indienne conclut une opération commerciale ordinaire, que ce soit avec une Couronne provinciale ou une société privée, et acquiert des biens personnels, que ce soit sous forme de chatels ou de titres de créances, comment doit-on qualifier les biens en question?    À mon avis, il est illogique de les comparer aux biens qui échoient aux Indiens conformément aux traités et à leurs accords accessoires.    Les Indiens ont un droit absolu à ces biens; ils leur sont dus en tant qu'Indiens.    La situation des biens personnels acquis par des Indiens au cours d'opérations commerciales ordinaires est nettement différente; il s'agit simplement de biens que toute autre personne aurait pu acquérir et je ne vois aucune raison pour laquelle dans ces circonstances les Indiens ne devraient pas être traités de la même façon que toute autre personne.

[23]     L'intimée soutient que le travail de M. Akiwenzie faisait vraisemblablement partie du marché, comme l'a également stipulé la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Shilling c. M.R.N.[12].

Toutefois, dans le contexte de la détermination de l'emplacement de biens incorporels pour l'application de l'article 87, il faut mettre en contraste les expressions « sur le marché » et « partie intégrante d'une réserve » :    Folster, précité, au paragraphe 14. Si Mme Shilling avait été une employée d'AHT, son revenu d'emploi n'aurait sans aucun doute pas été exempt d'impôt. L'exemption d'impôt prévue à l'alinéa 87(1)b) ne vise pas à remédier à la situation généralement défavorable des Indiens au Canada sur le plan économique.

[24]     Me Malone a poursuivi en suggérant que l'arrêt Shilling défend la proposition selon laquelle le travail doit être lié à une réserve en particulier, et qu'un tel lien n'existait pas dans le cas de M. Akiwenzie. Son travail sert les intérêts des Indiens en général, mais il ne fait pas partie intégrante d'une réserve en particulier. La présente affaire est différente de l'arrêt Folster dans lequel le travail était accompli dans un hôpital situé à proximité d'une réserve et visait à soigner les personnes habitant cette réserve en particulier. Le fait que le travail de M. Akiwenzie profite aux Indiens ne suffit pas à situer ce travail en dehors du marché.

[25]     L'intimée affirme qu'il n'y a pas de lien discernable entre le revenu d'emploi et l'occupation des terres réservées par l'appelant, comme le requiert le juge La Forest J. dans l'arrêt Mitchell c. Bande indienne Peguis. Bien qu'il habite la réserve, il n'accomplit pas de travail dans cette réserve en particulier. Il passe la plus grande partie de son temps à son bureau, à Hull, et même si ses fonctions sont axées sur les affaires indiennes, elles ne bénéficient pas à des Indiens qui résident dans quelque réserve que ce soit à laquelle peut être rattaché le revenu de l'appelant.

[26]     L'intimée poursuit en examinant les facteurs de rattachement qui doivent être évalués :

(i)       la résidence de l'appelant : l'intimée reconnaît qu'elle était située dans une réserve;

(ii)       la résidence de l'employeur : l'intimée la situe à Hull;

(iii)      le lieu où le travail est accompli : l'intimée affirme qu'il est principalement accompli à Hull;

(iv)      la nature de l'emploi et les circonstances qui l'entourent.

Pour ce qui est de ce dernier facteur, l'intimée soutient que le bénéfice pour la collectivité autochtone n'est pas un facteur de rattachement indépendant et autonome, mais plutôt une norme permettant d'évaluer la nature de l'emploi. Le bénéfice pour les Indiens n'est tout simplement pas une considération suffisante. Il doit être rattaché à une réserve en particulier. L'intimée s'appuie sur le passage suivant de la décision de la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Monias[13]:

Le fait que le travail qui donne lieu au revenu d'emploi soit au bénéfice des Indiens dans les réserves et qu'il puisse être essentiel au maintien des réserves comme groupes sociaux viables, n'est pas en soi suffisant pour situer le revenu d'emploi dans les réserves. La politique qui sous-tend l'alinéa 87(1)b) n'a pas pour but d'offrir une subvention fiscale aux services fournis aux réserves. Il s'agit plutôt de protéger la propriété que les Indiens peuvent acquérir, conserver et utiliser dans une réserve, de toute atteinte par le biais de l'impôt, bien que dans le cas d'un bien incorporel, comme le revenu d'emploi, c'est le situs de son acquisition qui est particulièrement important.

En édictant l'alinéa 87(1)b), le législateur a créé une exception importante au principe qui veut que les personnes qui sont dans des situations semblables doivent être traitées de la même façon aux fins de l'impôt. Toutefois, cette disposition ne peut être interprétée comme exemptant de l'impôt sur le revenu le revenu d'emploi des Indiens qui n'a pas clairement été gagné dans des circonstances qui lient son acquisition à une réserve en tant qu'unité économique.

[27]     La réserve doit être considérée comme l'unité économique d'où provient le revenu d'emploi. En outre, si le travail n'est pas lié à une réserve en particulier, il ne devrait pas lui être accordé tant d'importance.

[28]     Me Malone conclut que M. Akiwenzie a gagné son revenu sur le marché et non à titre d'Indien dans une réserve et que, par conséquent, il ne devrait pas bénéficier de la protection que la Loi sur les Indiens confère aux réserves.

Analyse

[29]     La seule question en l'espèce est le situs du revenu d'emploi de M. Akiwenzie. Si je conclus qu'il est situé dans une réserve, l'action conjuguée de l'article 87 de la Loi sur les Indiens et de l'alinéa 8(1)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu opère alors pour exonérer de l'impôt sur le revenu ce revenu d'emploi, étant donné que M. Akiwenzie satisfait à tous les autres critères énoncés par ces dispositions, qui se lisent comme suit :

Loi sur les Indiens

87(1)     Nonobstant toute autre loi fédérale ou provinciale, mais sous réserve de l'article 83, les biens suivants sont exemptés de taxation :

a)          le droit d'un Indien ou d'une bande sur une réserve ou des terres cédées;

b)          les biens meubles d'un Indien ou d'une bande situés sur une réserve.

87(2)     Nul Indien ou bande n'est assujetti à une taxation concernant la propriété, l'occupation, la possession ou l'usage d'un bien mentionné aux alinéas (1)a) ou b) ni autrement soumis à une taxation quant à l'un de ces biens.

Loi de l'impôt sur le revenu

81.(1)    Ne sont pas inclus dans le calcul du revenu d'un contribuable pour une année d'imposition :

a)          une somme exonérée de l'impôt sur le revenu par toute autre loi fédérale, autre qu'un montant reçu ou à recevoir par un particulier qui est exonéré en vertu d'une disposition d'une convention ou d'un accord fiscal conclu avec un autre pays et qui a force de loi au Canada;

[30]     Ce n'est certainement pas la jurisprudence qui manque en ce qui concerne la question du situs du revenu d'emploi aux fins de la demande d'exemption prévue à l'article 87. Le critère des facteurs de rattachement a été appliqué à plusieurs occasions par la Cour d'appel fédérale et des moyens d'analyse uniformes semblent s'être dégagés de ces décisions. Je n'ai pas l'intention de faire un examen détaillé des précédents auxquels je suis lié. Je souhaite toutefois mettre en lumière la façon dont je perçois l'évolution des principes depuis l'établissement par la Cour suprême du Canada du critère des facteurs de rattachement dans l'arrêt Williams, jusqu'aux quelques décisions de la Cour d'appel fédérale traitant plus précisément du revenu d'emploi par opposition aux prestations d'assurance-chômage.

[31]     Dans l'arrêt Williams, le critère des facteurs de rattachement a été établi pour offrir une méthode rationnelle permettant de déterminer le situs des biens meubles aux fins de l'application de l'article 87. Bien sûr, la difficulté réside dans les nombreux lieux à prendre en compte, à savoir le lieu de l'employeur, le lieu de l'employé, le lieu où le paiement a été effectué, le lieu où le travail a été accompli et le lieu où le revenu d'emploi a été utilisé, pour ne nommer que ceux-là. Il est nécessaire d'établir les facteurs de rattachement pertinents en fonction de l'objet de l'exemption prévue à l'article 87, du genre de bien et de la nature de l'impôt. Il est ensuite nécessaire de déterminer si l'imposition du bien en question représente une atteinte aux droits d'un Indien à titre d'Indien dans une réserve. Dans l'arrêt Williams, la Cour a souligné que le critère tel qu'il est résumé se rapporte aux prestations d'assurance-chômage. Il appartenait aux tribunaux, dans leurs décisions à venir, d'appliquer ces principes à des causes portant sur le revenu d'emploi. De telles causes n'ont pas encore été entendues par la Cour suprême du Canada, qui a refusé d'autoriser le pourvoi concernant trois des décisions de la Cour d'appel fédérale que je m'apprête à examiner.

[32]     J'examinerai l'affaire Folster, soit la première décision de la Cour d'appel fédérale qui a suivi l'arrêt Williams. Reconnaissant l'exigence posée par l'arrêt Williams d'examiner les facteurs de rattachement dans le contexte de l'objet de l'exemption, le juge Linden a fait sienne l'explication du juge La Forest relative à l'objet (telle qu'elle a été énoncée dans l'arrêt Mitchell), le décrivant comme un effort pour préserver le mode de vie traditionnel des collectivités indiennes en protégeant les biens que les Indiens détiennent en tant qu'Indiens dans une réserve. Il a poursuivi en résumant comme suit sa compréhension du critère :

[...] On ne doit pas oublier que ce critère est simplement un moyen dont disposent les tribunaux pour appliquer le principe du situs d'une manière rationnelle, en donnant une certaine armature à l'analyse. Et la question fondamentale de cette analyse est la suivante: eu égard au but poursuivi par le législateur en adoptant l'exemption d'impôt créée par l'article 87, où est-il le plus logique de situer le situs du bien meuble en cause? Ce critère n'est pas plus magique que cela.

[33]     Il est intéressant de remarquer qu'il a mis l'accent sur la nature même de l'emploi dans les décisions concernant le revenu d'emploi :

[...] À mon avis, étant donné le but poursuivi par le législateur en créant l'exemption d'impôt et le genre de bien meuble en cause, l'analyse doit porter sur la nature de l'emploi de l'appelante et les circonstances qui s'y rapportent. Le genre de bien meuble en cause, c'est-à-dire le revenu d'emploi, est tel qu'on ne peut juger de sa nature sans se référer aux circonstances dans lesquelles il a été gagné. De même que le situs des prestations d'assurance-chômage doit être déterminé par rapport à l'emploi ouvrant droit aux prestations, de même l'analyse de l'emplacement du revenu d'emploi est subordonnée à un examen de toutes les circonstances qui ont donné lieu à l'emploi.

[...] À mon sens, quand le bien meuble en cause est un revenu d'emploi, il est logique de tenir compte du but principal et des fonctions de l'emploi sous-jacent dans le but précis de déterminer si l'emploi était exercé au profit des Indiens sur des réserves.

[34]     Dans l'affaire Desnomie c. Canada[14], la Cour d'appel fédérale a établi une distinction entre les faits de cette affaire et ceux de l'arrêt Folster. Dans l'affaire Desnomie, la Cour a limité la portée de la nature de l'emploi en exigeant un certain rattachement à une réserve en particulier. La Cour a fait la déclaration suivante :

[...] Il n'y a aucun doute quant au fait que le travail de l'appelant consiste à aider des Indiens venant des réserves quand ils en déménagent.    Il n'y a aucun doute non plus quant au fait que son employeur est un organisme indien.    Le problème est que ces éléments ne rattachent pas le revenu d'emploi de l'appelant à une réserve déterminée.    Même s'il peut être soutenu que l'exonération de l'article 87 s'applique quand les biens d'un Indien sont situés dans une autre réserve que la sienne, dans la présente affaire, la nature de l'employeur et l'emploi ne permettent pas, à eux seuls, de déterminer une réserve donnée à laquelle les biens de l'appelant peuvent être rattachés.    Par conséquent, ces éléments n'aident pas à déterminer le lieu de son revenu d'emploi.

[35]     Or, plus loin, la décision de la Cour a été quelque peu précisée par la déclaration suivante :

Dans les affaires ambigües comme Folster, les circonstances particulières liées à l'emploi peuvent aider à déterminer le situs du revenu d'emploi.    Cependant, lorsque tous les autres facteurs de rattachement possibles ne permettent pas de situer le revenu d'emploi dans une réserve, il est alors très peu probable que les circonstances particulières liées à l'emploi suffisent à elles seules pour faire pencher la balance de l'autre côté. [...]

[36]     La Cour d'appel fédérale a eu une autre occasion d'examiner cette question dans l'affaire Shilling. Il semble que la Cour soit d'avis que l'existence d'un lien entre le bien et une réserve est nécessaire. Elle affirme ainsi :

[...] la question de savoir si un bien incorporel est situé dans une réserve dépend de l'examen de facteurs créant un lien entre le bien et une réserve. [...]

[37]     Cependant, cette affirmation ne confirme pas que le bien doit être lié à la réserve de l'appelant, ni ne suggère qu'il ne peut être rattaché à plus d'une réserve. De fait, la Cour poursuit en s'exprimant comme suit sur ce point :

[42] Nous tenons également à faire remarquer que le bureau principal de NLS était situé dans la réserve des Six nations. Rien ne montre que NLS ait eu un lien avec la bande de Rama dont Mme Shilling était membre. Nous reconnaissons que l'alinéa 87(1)b) traite des biens personnels d'un Indien qui sont situés dans « une réserve » plutôt que dans « la réserve » de l'Indien en question. Le juge de première instance a inféré (au paragraphe 73) que les biens d'un Indien, dans quelque réserve qu'ils soient situés, sont visés par l'exemption d'impôt prévue à l'alinéa 87(1)b). Toutefois, nous ne sommes pas convaincus que le libellé de l'alinéa 87(1)b) doive être ainsi interprété, bien que nous reconnaissions que les biens personnels d'un Indien peuvent entraîner les avantages prévus à l'article 87, et ce, même si le propriétaire de ces biens ne réside pas dans une réserve, comme c'est le cas pour Mme Shilling.

[43] Dans l'arrêt Desnomie c. Canada (2000), 186 D.L.R. (4th) 718 (C.A.F.), au paragraphe 21, la Cour a exprimé des doutes au sujet de la question de savoir si l'article 87 s'applique aux biens personnels situés dans une autre réserve que celle du contribuable. Ces doutes sont renforcés par un passage de l'arrêt Leonard v. R. in Right of British Columbia (1984), 52 B.C.L.R. 389 (C.A.), à la page 395, où le juge Macfarlane semble avoir adopté l'approche plus restrictive en ce qui concerne la portée de l'article 87 :

[TRADUCTION] Il est raisonnable d'interpréter l'article en disant qu'une exemption de taxe sur un bien personnel d'un Indien sera restreinte à l'endroit où le possesseur de ce bien est censé l'avoir en sa possession, c'est-à-dire sur les terres qu'un Indien occupe en tant qu'Indien, la réserve. [ « La » non souligné dans l'original.]

Le juge La Forest a cité ce passage en l'approuvant dans l'arrêt Mitchell, précité, à la page 132.

[44] Il s'agit d'une question importante, mais étant donné que les éléments factuels qui ne figurent pas dans le dossier mis à notre disposition nous empêchent de considérer l'emplacement de l'employeur comme un facteur important, il n'est pas nécessaire de statuer sur l'interprétation à donner aux mots « une réserve » .

[38]     Cette décision semble laisser le champ libre, mais seulement en ce qui concerne la détermination de la présente question.

[39]     L'affaire Shilling confirme également l'importance donnée par l'affaire Folster à la nature du travail accompli par l'employé et aux circonstances qui s'y rapportent; de plus, elle adopte les propos de l'affaire Folster cités plus tôt dans ma décision au paragraphe 33. Le jugement Shilling conclut avec un commentaire concernant le sens de l'expression « sur le marché » et énonce ce qui suit : « dans le contexte de la détermination de l'emplacement de biens incorporels pour l'application de l'article 87, il faut mettre en contraste les expressions "sur le marché" et "partie intégrante d'une réserve" » .

[40]     La décision la plus récente de la Cour d'appel fédérale en cette matière se trouve dans l'affaire Monias. Dans cette affaire, les observations préliminaires du juge Evans font la lumière sur la portée limitée de l'article 87 à l'égard du revenu d'emploi. Il y a déclaré ce qui suit[15]:

[...] l'objectif spécifique et plus limité de l'article 87 est de protéger de toute atteinte les terres de la réserve, ainsi que les biens personnels des Indiens situés sur la réserve, afin que les bandes puissent assurer leur subsistance dans les unités économiques et sociales que sont les réserves. Par conséquent, il est tout à fait correct au vu de la politique législative d'appliquer l'article 87 aux revenus gagnés par les Indiens qui résident dans la réserve, dans le cadre d'un travail accompli dans la réserve.

[...] le fait de porter les limites du bénéfice accordé par l'alinéa 87(1)b) au-delà du principe limité qui le sous-tend occasionnerait probablement la prise de décisions incohérentes et ad hoc.

Selon moi, c'est pour cette raison que notre Cour semble n'avoir accepté une réclamation portant sur un revenu d'emploi en vertu de l'article 87 lorsque son situs était contesté que dans deux arrêts, Canada c. Folster, [1997] 3 C.F. 269 (C.A.); et Amos c. Canada, [2000] 3 C.N.L.R. 1 (C.A.F.). Dans l'arrêt Folster, précité, le seul facteur qui ne rattachait pas le revenu d'emploi à la réserve était le lieu où l'employé travaillait, qui se trouvait par hasard être à proximité de la réserve. De la même façon, dans l'arrêt Amos, précité, bien que les employés ne travaillaient pas dans la réserve, une partie des affaires de l'employeur se traitait sur des terres de la réserve qui lui étaient cédées en location par la bande, l'objectif étant de voir se créer des emplois dans l'entreprise pour les membres de la bande. Dans ces deux arrêts, Folster, précité, et Amos, précité, les employés vivaient dans la réserve contiguë à leur lieu d'emploi.

[...]

De plus, selon moi, la protection des terres de la réserve de toute atteinte par le biais de l'impôt est plus directement visée par l'article 87 que la protection des biens personnels situés sur la réserve.

[...]

En édictant l'alinéa 87(1)b), le législateur a créé une exception importante au principe qui veut que les personnes qui sont dans des situations semblables doivent être traitées de la même façon aux fins de l'impôt. Toutefois, cette disposition ne peut être interprétée comme exemptant de l'impôt sur le revenu le revenu d'emploi des Indiens qui n'a pas clairement été gagné dans des circonstances qui lient son acquisition à une réserve en tant qu'unité économique.

[41]     Ces principes établissent un cadre plus restreint que large pour l'application du critère des facteurs de rattachement, mais, à mon avis, ils ne vont pas jusqu'à suggérer que les Indiens qui ne vivent pas dans une réserve ou les Indiens qui n'accomplissent pas tout leur travail en étant présent physiquement dans la réserve même où ils vivent ne devraient pas demander l'exemption. Cette interprétation rendrait le critère des facteurs de rattachement quelque peu redondant. Le juge Evans introduit toutefois le concept d'un lien nécessaire entre le revenu d'emploi et une réserve en tant qu'unité économique. Le critère des facteurs de rattachement devrait être examiné sous cet éclairage.

[42]     Est-ce qu'un revenu d'emploi versé par le gouvernement du Canada peut être lié à une réserve en tant qu'unité économique? Il s'agit d'une question très difficile et peut-être complexe compte tenu de la source de financement des réserves. Que signifie exactement l'expression « réserve en tant qu'unité économique » ? Dans l'affaire Folster, la Cour d'appel fédérale a conclu qu'une Indienne travaillant à un hôpital, lequel offrait des services aux Indiens inscrits dont les soins étaient financés par Santé et Bien-être social Canada, était exonérée de l'impôt sur le revenu. Ce revenu d'emploi, qui provenait indirectement du gouvernement du Canada, devait être lié à la réserve en tant qu'unité économique. Je traiterai plus loin de cette question précise en examinant le facteur de rattachement relatif à la nature de l'emploi.

[43]     Je suis lié par ces principes qui, dans les décisions en matière de revenus d'emploi, limitent l'application de l'article 87 au revenu d'emploi des Indiens résidant dans une réserve qui a été gagné dans des circonstances liant son acquisition à une réserve en tant qu'unité économique. M. Akiwenzie réside dans une réserve et travaille une partie du temps dans des réserves. Comme il ne passe pas tout son temps à travailler dans la réserve dans laquelle il réside, doit-on considérer que son travail fait partie du marché et ne fait pas partie intégrante d'une réserve? Pour répondre à cette question, je dois soigneusement soupeser tous les facteurs de rattachement. Étant donné la tendance qui suit la Cour d'appel fédérale, M. Akiwenzie ne peut avoir gain de cause que si j'ai une preuve solide que les facteurs de rattachement établissent de façon convaincante que son revenu d'emploi est situé dans une réserve en tant qu'unité économique.

[44]     Les facteurs de rattachement à examiner sont les suivants :

          (i)       la résidence de l'appelant;

          (ii)       le lieu et la nature de l'employeur;

(iii)      la nature de l'emploi et les circonstances particulières qui l'entourent.

La résidence

[45]     M. Akiwenzie vivait dans une réserve Mohawk, Akwasasne, bien qu'il soit Chippewa. Ses enfants fréquentent l'école de la réserve. Bien qu'il ait passé plus que quelques nuits à Ottawa, je suis convaincu qu'il vivait sa vie personnelle dans la réserve. Mieux encore, sa vie était indienne. Cet homme était reconnu par les collectivités indiennes de toutes les régions du Canada; il serait le bienvenu dans toutes les réserves du pays, et il l'a été effectivement. En réalité, c'est la raison pour laquelle il occupait l'emploi qu'il occupait au MAINC. Le fait est que, effectivement, il vivait dans une réserve, mais, en bout de ligne, sa vie n'était pas liée à cette réserve en particulier. Sa vie a commencé dans une autre réserve et


son emploi l'a fait connaître à des centaines de réserves, ou serait-il préférable de dire qu'il a fait connaître son emploi à des centaines de réserves.

[46]     J'accorde beaucoup d'importance à son lieu de résidence, et je reconnais également que le rattachement aux réserves en général est plus étendu en comparaison d'une personne qui, tout simplement, « vit dans une réserve » . Ainsi, ce que l'examen de ce facteur permet de comprendre, c'est que la vie de M. Akiwenzie est indienne. Il réside avec sa famille dans une réserve. Le bien meuble, soit le revenu d'emploi, est, à mon avis, comme pour toute autre famille, dépensé pour la famille dans la réserve. Ce facteur ne peut être déterminant, mais il peut fournir et il fournit effectivement une toile de fond significative pour l'évaluation des autres facteurs qui permettront de déterminer si la vie de M. Akiwenzie fait partie du marché ou si elle est surtout centrée sur les réserves.

Le lieu et la nature de l'employeur

[47]     L'employeur est le gouvernement du Canada, plus précisément le MAINC. Dans l'affaire Monias, la Cour d'appel fédérale a fait la déclaration suivante au sujet de ce facteur[16]:

L'emplacement de l'employeur est considéré comme un facteur de rattachement dans l'analyse prévue par l'arrêt Williams, précité. Toutefois, en l'absence d'une preuve au sujet de l'importance des activités de l'employeur dans la réserve, ou d'un bénéfice pour la réserve du fait de la présence de l'employeur, il n'y a pas lieu d'accorder beaucoup de poids à ce facteur : Shilling, précité, au paragraphe 35. [...]

Avons-nous quelque preuve que ce soit concernant l'envergure des activités de l'employeur dans la réserve? Nous avons certainement la preuve que M. Akiwenzie - et on ne parle ici que d'un seul employé de ce ministère - a été présent physiquement dans les réserves de 15 à 20 p. 100 de son temps. Dans son témoignage, il a également déclaré que la présence de représentants indiens du gouvernement dans les réserves était très courante et avait du poids. De plus, l'appelant a produit un document volumineux décrivant les obligations fiduciaires du Ministère envers les Indiens des réserves. Il ne s'agit pas en l'espèce d'un employeur qui se livre à des activités commerciales ou qui dirige un hôpital public dans une réserve ou à proximité de celle-ci. Il s'agit d'un employeur dont le mandat est aussi large qu'il nous est permis d'imaginer et qui consiste à traiter avec les Indiens dans les réserves.

[48]     Aussi difficile qu'il soit de tenter de déterminer le situs d'un ministère du gouvernement, je ne suis pas prêt à rejeter ce facteur comme n'étant pas pertinent. En fait, j'estime que ce facteur est crucial. Cet employeur travaillait avec les réserves, dans les réserves et pour les réserves. La raison d'être des services fonciers et fiduciaires était la vie des Indiens dans les réserves. Ses activités s'étendaient à la grandeur du pays, du Yukon à Terre-Neuve. Pour l'application de ce facteur de rattachement, il ne convient pas et il est incorrect d'établir le seul situs de cet employeur dans un immeuble à bureaux à Hull.

[49]     Dans son témoignage, M. Ryan a indiqué que le coeur et l'âme du Ministère était le secteur dans lequel M. Akiwenzie travaillait, à savoir les services fonciers et fiduciaires. Sa clientèle était les réserves. À titre d'exemple, un document rendu public par Affaires indiennes et du Nord Canada, décrivant l'Initiative conjointe à laquelle M. Akiwenzie a contribué, énumérait les objectifs qui suivent concernant le volet « Gestion foncière » de l'Initiative :

(i)       gérer les obligations légales se rapportant aux terres en vertu de la

         Loi sur les Indiens;

          (ii)       transférer aux Premières nations les services de gestion des terres;

          (iii)      accroître les capacités de gestion des terres des Premières nations.

Ces objectifs mettent en évidence le lien étroit entre l'employeur et les réserves. La suggestion selon laquelle les réserves ne peuvent pas, du moins en partie, être considérées comme le situs d'un tel ministère, restreint beaucoup trop la définition du situs à cette fin. À mon avis, ce facteur, ajouté au lieu de résidence de M. Akiwenzie, favorise l'établissement du lien nécessaire entre le revenu d'emploi et les réserves. Ces deux facteurs ne sont toutefois pas suffisants, étant donné que l'utilisation de ces deux seuls facteurs donnerait le droit à tous les Indiens qui travaillent au MAINC et qui vivent dans une réserve de bénéficier de l'exemption en question. Le droit à l'exemption n'est pas si large et une telle interprétation ne serait pas conforme à l'objet sous-jacent à l'exemption, qui est de protéger les Indiens contre les efforts des non-Indiens de les déposséder de leurs biens, c'est-à-dire les terres et les biens meubles, qu'ils détiennent à titre d'Indiens; autrement dit, pour reprendre les propos de l'affaire Folster, de « préserver le mode de vie traditionnel des collectivités indiennes en protégeant les biens que les Indiens possèdent en tant qu'Indiens sur une réserve » .

La nature de l'emploi et les circonstances particulières

[50]     Ce qui distinguera un Indien d'un autre au MAINC sera la nature de ce sur quoi porte son travail. Dans l'affaire Barry Ace, le juge Lamarre a conclu que les Indiens employés par le MAINC, qui ne résidaient pas dans les réserves, gagnaient leur revenu d'emploi sur le marché. Il n'était pas logique de penser qu'ils puissent être admissibles.

[51]     Étant donné que le genre de bien en cause, à savoir le revenu d'emploi, ne peut être facilement rattaché à un situs en particulier; étant donné que M. Akiwenzie vit dans une réserve; étant donné que le situs du MAINC inclut les réserves, c'est la nature de l'emploi de M. Akiwenzie et les circonstances qui s'y rapportent qui feront pencher la balance d'un côté ou de l'autre. Cela va dans le sens de la suggestion formulée dans les affaires Shilling et Folster selon laquelle ce facteur est certainement le plus déterminant de l'analyse. À quoi était étroitement rattaché l'emploi de M. Akiwenzie? Comme l'a indiqué la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Shilling, les services fournis par l'employé créent le droit à l'exemption; s'il est employé dans une réserve, ce fait suggère qu'il gagne son revenu comme un Indien en tant qu'Indien; s'il est employé à l'extérieur d'une réserve, ce fait suggère qu'il gagne son revenu d'emploi sur le marché. Toutefois, nous avons en l'espèce une personne qui a gagné une partie de son revenu pendant qu'il était présent physiquement dans les réserves - revenu pour lequel la Couronne accepte d'accorder l'exemption - et une autre partie pendant qu'il était physiquement à l'extérieur des réserves, bien que travaillant pour un employeur ayant les caractéristiques que j'ai décrites précédemment. Alors, quelle règle s'applique? Est-ce que j'adopte l'approche de la Couronne et que je conclus que le travail de M. Akiwenzie faisait partiellement partie du marché et partiellement partie de la vie dans une réserve? Je ne suis pas convaincu que cette conclusion a vraiment du sens, compte tenu de l'examen complet de la nature de l'emploi de M. Akiwenzie et des circonstances particulières qui s'y rapportent.

[52]     Dans l'affaire Brant c. M.R.N.[17], le juge Sobier a déclaré ce qui suit :

[...] Si un Indien choisit de travailler pour un employeur situé à l'extérieur d'une réserve, alors le revenu gagné sur le marché normal du travail, dans le cours des « choses de la vie » courantes à l'extérieur de la réserve, n'est pas un bien meuble exempté de taxation conformément à l'article 87 de la Loi sur les Indiens. [...]

Cette affaire concernait aussi un employé du gouvernement. Sa référence à un Indien choisissant de travailler pour un employeur situé à l'extérieur d'une réserve doit être examinée plus en détail, du moins dans le cas de M. Akiwenzie. M. Akiwenzie a choisi de consacrer sa vie à améliorer le sort des Indiens dans les réserves - à leur rendre leur fierté. Il a fait ce choix en travaillant pour un employeur qui avait une obligation fiduciaire envers les Indiens. Je dirais qu'il ne faisait pas le choix d'entrer sur le marché. Il faisait le choix mûrement réfléchi de suivre la voie la plus susceptible d'entraîner des conséquences positives pour les Indiens; travailler au Ministère, tout en ne se considérant pas comme en faisant véritablement partie. Il ne s'agissait tout simplement pas d'un genre d'emploi faisant partie du marché.

[53]     En dépit de sa description d'emploi écrite, qui a été conçue uniquement pour hausser son niveau d'emploi, M. Akiwenzie n'a pas rédigé de rapports. Au cours des années en cause, ses fonctions consistaient à amener les chefs des collectivités indiennes à la table des négociations. M. Ryan a confirmé que seul M. Akiwenzie pouvait exercer ces fonctions. En tant qu'Indien, non seulement il avait des relations avec les personnes influentes de ces collectivités, mais il avait également les habiletés nécessaires en communication pour réunir les conditions voulues pour réussir. Et pourquoi le MAINC recherchait-il de telles entrées auprès des chefs indiens? Tout d'abord, pour la question de l'environnement dans le cadre du projet de la pointe Buffalo; plus récemment, pour répondre à son besoin d'en savoir plus sur les CET - les connaissances écologiques traditionnelles, un euphémisme, à mon sens, pour savoir ce qui se passe dans la tête des Indiens. Comme l'a dit M. Akiwenzie, il ne lui appartenait pas de révéler au MAINC le mode de pensée des Indiens, mais s'il rassemblait les chefs et, qu'ensemble, ils déterminaient qu'il était dans l'intérêt des Indiens de communiquer ce genre d'information, alors, il fallait que cela fût. Et il les a effectivement rassemblés.

[54]     Après s'être occupé des CET, M. Akiwenzie a travaillé à l'Initiative conjointe. Voici comment le gouvernement a décrit cette initiative :

          [TRADUCTION]

Le temps semblait propice à l'adoption d'une nouvelle approche. Dans sa réponse au rapport de la CRPA - Rassembler nos forces - le gouvernement fédéral s'est engagé à renouveler les partenariats entre le Canada et les Premières nations. Il est certain que les Premières nations savent depuis longtemps que le statu quo ne donne pas de résultats. Tous ces facteurs ont créé un climat de changement. Comme le secteur des services fonciers et fiduciaires touche l'ensemble des Premières nations, il semble que ce secteur constitue un point de départ logique.

Grâce à cette initiative, l'APN espère élaborer un processus qui favorise l'inclusion des Premières nations et l'évolution des politiques et des programmes de manière qu'ils répondent davantage aux besoins et aux priorités des Premières nations.

[55]     M. Akiwenzie fondait beaucoup d'espoir sur l'Initiative conjointe; malheureusement, il n'y a pas eu de suite à cette initiative. Pour M. Akiwenzie cependant, elle offrait une chance aux Indiens d'être entendus sur ce qu'ils souhaitaient pour leur avenir. Elle concernait leur avenir dans les réserves. M. Akiwenzie occupait un poste unique; il était la seule personne à pouvoir faire ce qu'il a fait. Ce qu'il a fait concernait le coeur même de la vie indienne - le partenariat entre les Premières nations et le gouvernement canadien. Il est probable qu'il est le seul employé indien du MAINC à l'égard de qui ces propos peuvent être tenus.

[56]     Ce que cet emploi a de particulier, c'est que son titulaire a été le seul à rapprocher à ce point le MAINC des décideurs des collectivités indiennes pour leur permettre de réaliser leur objectif commun qui consistait à aborder la question des changements.

[57]     Ce qui ressort avant tout à l'examen de ce facteur de rattachement c'est que M. Akiwenzie a établi un lien solide entre son revenu d'emploi et les réserves. Son emploi était tout sauf un emploi faisant partie du marché : ses fonctions faisaient partie intégrante de l'avenir des réserves. Tout ce qu'il a fait, il l'a fait comme un Indien en tant qu'Indien, qu'il s'agisse de se battre pour les droits des Indiens, d'élever une famille dans la réserve, de redonner fierté aux Indiens vivant dans les réserves ou de travailler pour le seul organisme au Canada au sein duquel il serait véritablement en position de changer complètement la vie des Indiens dans les réserves. Son bureau aurait tout aussi bien pu être situé dans une réserve qu'à Hull : il existait un « marché » , et ce marché exigeait que ses fonctions soient exercées depuis un bureau installé à Hull.

[58]     Pour ce qui est des principes énoncés dans l'affaire Monias, je dois décider si ce facteur de rattachement établit bel et bien un lien nécessaire avec la réserve en tant qu'unité économique. C'est possible si je peux justifier une interprétation de l'article 87 de la Loi sur les Indiens et des décisions récentes de la Cour d'appel fédérale comme comprenant un lien entre le revenu d'emploi et les réserves en général, car, même si M. Akiwenzie résidait dans une réserve, seules ses dépenses personnelles lient son revenu d'emploi à cette réserve. En ce qui concerne la détermination du situs de son revenu d'emploi, celui-ci est, en fait, rattaché à chacune des réserves au Canada.

[59]     D'un point de vue politique, je crois qu'il ne serait pas contraire à l'objet de l'article 87, tel que le définit le juge La Forest, de permettre à M. Akiwenzie, étant donné les circonstances exceptionnelles liées à son emploi, de bénéficier de cette exemption. Il n'est pas nécessaire d'interpréter l'utilisation de l'expression « biens meubles situés sur une réserve » à l'article 87 comme signifiant que ces biens sont situés sur plus d'une réserve. Je peux facilement imaginer la situation où un Indien est présent physiquement dans trois ou quatre réserves pour y travailler, et réside possiblement dans une cinquième. Est-ce qu'il n'a pas droit à l'exemption parce qu'il a un lien avec plus d'une réserve? Je ne le crois pas. Il n'est pas moins rattaché à une réserve simplement parce qu'il avait des liens avec 480 réserves. Le rattachement doit être établi avec chacune des réserves, mais il n'est pas nécessaire qu'il soit limité à une seule. Il est certain que M. Akiwenzie a probablement un rattachement un peu plus fort à la réserve dans laquelle il réside, car on suppose qu'une plus grande partie de ses biens meubles - son revenu d'emploi - serait dépensé dans cette réserve; cependant, cette situation n'empêche pas son lien avec toutes les autres réserves. Ce n'est que considérées ensemble qu'elles ont constitué l'unité économique requise par la décision de la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Monias. Le gouvernement du Canada paie M. Akiwenzie pour avoir accès aux collectivités indiennes, à leurs connaissances et à leurs points de vue et, en bout de ligne, afin d'obtenir leur consensus sur ce que les réserves sont maintenant et devraient être dans l'avenir. À cet égard, les réserves en général servent effectivement d'unités économiques pour le revenu d'emploi de M. Akiwenzie. Cette situation n'est pas si différente de celle de l'employée d'hôpital qui est payée sur les fonds du gouvernement attribués pour les soins des Indiens.

[60]     Même si le lieu de résidence de M. Akiwenzie et celui des services fonciers et fiduciaires des Affaires indiennes et du Nord sont des facteurs pertinents, c'est la nature de l'emploi de M. Akiwenzie et les circonstances particulières qui s'y rapportent qui m'amènent à conclure qu'il a gagné son revenu d'emploi comme un Indien en tant qu'Indien. Ce revenu est un bien meuble situé sur une réserve. Par conséquent, il a droit à ce que son revenu d'emploi soit protégé par l'entité même qui le lui a versé - le gouvernement du Canada.

[61]     Pour les motifs qui précèdent, j'admets l'appel et je renvoie l'affaire au ministre pour nouvel examen et nouvelles cotisations, au motif que le revenu d'emploi de M. Akiwenzie est un bien meuble situé sur une réserve et exempté de taxation. M. Akiwenzie a droit à des dépens de 200 $.

Signé à Ottawa (Ontario), ce 25e jour de février 2003.

« Campbell J. Miller »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 7e jour de janvier 2004.

Mario Lagacé, réviseur



[1]           Transcription, page 86.

[2]           Transcription, page 147, lignes 1 et 2.

[3]           Transcription, page 147, ligne 11.

[4]           Transcription, page 153, ligne 22.

[5]           [1992] 1 R.C.S. 877.

[6]           Barry Ace c. La Reine, C.C.I., no 2000-4318(IT)G, le 12 décembre 2002 (preuve commune avec Stacey-Diabo c. La Reine, no 2000-2046(IT)G).

[7]           Canada c. Monias, [2002] 1 C.F. 51 (C.A.F.); autorisation de pourvoi à la CSC refusée [2001] S.C.C.A. No. 482.

[8]           Canada c. Folster, [1997] 3 C.F. 269 (C.A.F.).

[9]           Précité, note 8, au paragraphe 7.

[10]          Précité, note 8, aux paragraphes 13 et 14.

[11]          [1990] 2 R.C.S. 85.

[12]          [2001] 4 C.F. 364 (C.A.F.), aux pages 385 et 386.

[13]          Précité, note 7, à la page 74.

[14]          C.A.F., no A-533-98, le 19 avril 2000 (186 D.L.R. (4th) 718); autorisation de pourvoi à la C.S.C. refusée, [2000] S.C.C.A. No. 297.

[15]          Précité, note 7, aux pages 63, 64 et 74.

[16]          Précité, note 7, à la page 70.

[17]          C.C.I., no 89-8(IT), le 30 septembre 1992, à la page 10 (92 DTC 2274 : à la page 2279).

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