Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Date : 20001109

Dossier : 1999-3131(IT)I

ENTRE :

JOHN FRIESEN,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

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Avocat de l'appelant : Me Bruce D. Gregory

Représentante de l'intimée : Stacy Cawley (stagiaire)

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MOTIFS DU JUGEMENT

(Rendus oralement à l'audience

à Winnipeg (Manitoba), le 24 août 2000.)

Le juge McArthur C.C.I.

[1]      Il s'agit d'un appel d'une cotisation visant l'année d'imposition 1995. La question à trancher est celle de la déductibilité, en vertu du paragraphe 60.1(3) et de l'alinéa 60b) de la Loi de l'impôt sur le revenu, des sommes payées par l'appelant à son épouse, dont il était séparé, à titre de pension alimentaire pour elle-même et pour leurs trois enfants.

[2]      En 1995, l'alinéa 60b) permettait la déduction de montants payés à titre de pension alimentaire, de la manière suivante :

60     Dans le calcul du revenu du contribuable pour une année d'imposition, les sommes qui suivent qui sont appropriées peuvent être déduites :

            a)          [...]

b)          un montant payé par le contribuable au cours de l'année, en vertu d'une ordonnance ou d'un jugement rendus par un tribunal compétent ou en vertu d'un accord écrit, à titre de pension alimentaire ou autre allocation payable périodiquement pour subvenir aux besoins du bénéficiaire, d'enfants de celui-ci ou à la fois du bénéficiaire et de ces enfants, si le contribuable, pour cause d'échec de son mariage, vivait séparé de son conjoint ou ancien conjoint à qui il était tenu d'effectuer le paiement, au moment où le paiement a été effectué et durant le reste de l'année;

[3]      L'appelant et son épouse Catherine se sont séparés en janvier 1995. En février de cette année-là, l'appelant a convenu de payer à Catherine, à titre de pension alimentaire pour elle-même et pour leurs trois enfants, une somme de 1 500 $ par mois. Il a payé ce montant pendant 11 mois en 1995. En décembre 1995, Catherine lui a présenté une requête en divorce, proposant qu'il verse 1 500 $ par mois à titre de pension alimentaire pour elle-même et pour leurs enfants. Dans sa réponse à la requête en date de février 1996, l'appelant a mentionné qu'il ne contestait que le montant de la pension alimentaire pour les enfants. En mars ou avril 1996, Catherine a écrit à la main une note dans laquelle elle déclarait que l'appelant lui avait payé 750 $ en février 1995 et 1 500 $ pour les mois de mars à décembre 1995 inclusivement. Au-dessous de ces montants, Catherine a écrit ce qui suit :

         

          [TRADUCTION]

C'est ce que j'ai reçu de toi, et je ne réclamerai pas, dans ma déclaration de revenus, ta part des paiements de l'hypothèque et du camion comme pension alimentaire pour les enfants.

L'appelant a aussi signé la note.

[4]      En août 1996, par voie d'ordonnance provisoire de la Cour du Banc de la Reine, Division de la famille, l'appelant a été condamné à payer 900 $ par mois à Catherine et aux enfants. Le paragraphe 2 de l'ordonnance précise que l'appelant avait payé un montant de 5 100 $ par versements périodiques effectués entre janvier et août 1996. L'ordonnance ne précisait pas que les paiements de 1995 étaient considérés comme ayant été effectués.

[5]      L'appelant a fait valoir que l'ensemble constitué de la requête en divorce de Catherine, de sa réponse, de la note de Catherine ainsi que des chèques oblitérés suffit à établir qu'il n'y a aucun doute que les paiements ont été effectués en 1995. L'avocat de l'appelant estime que cela suffit pour établir que les paiements de 1995 ont été effectués aux termes d'un accord écrit. Seuls les paiements de 1996 ont été admis à titre de déductions par le ministre.

[6]      L'intimée a fait valoir que les paiements de 1995 n'ont pas été effectués aux termes d'une ordonnance ou d'un jugement rendus par un tribunal compétent en application des exigences prévues à l'alinéa 60b). L'ordonnance de la cour prononcée en août 1996 ne contenait aucune mesure rétroactive du genre de celle prévue au paragraphe 60.1(3), qui se lit comme suit :

60.1(3) Pour l'application du présent article et de l'article 60, lorsqu'une ordonnance ou un jugement d'un tribunal compétent ou un accord écrit, établi à un moment d'une année d'imposition, prévoit que tout montant payé avant ce moment et au cours de l'année ou de l'année d'imposition précédente est considéré comme payé et reçu au titre de l'ordonnance, du jugement ou de l'accord, le montant est réputé payé à ce titre.

La question que je dois trancher est donc de savoir si les paiements de 1995 ont été effectués aux termes d'un accord écrit. Malgré la prétention valable de l'avocat de l'appelant, il faut répondre par la négative.

[7]      Bien qu'il faille féliciter l'appelant pour avoir effectué les paiements, la Loi est claire. Les paiements déductibles doivent avoir été effectués aux termes d'une ordonnance d'un tribunal ou d'un accord écrit. Je ne peux conclure que la requête de décembre 1995, la réponse de février 1996 et la note de mars ou d'avril, ainsi que l'accord verbal et les chèques, forment un contrat ou un accord écrit visé à l'alinéa 60b). Cet alinéa prévoit que le contribuable doit avoir été tenu d'effectuer le paiement au moment où le paiement a été effectué et durant le reste de l'année aux termes d'une ordonnance ou d'un accord écrit. Ce n'était pas le cas. Ce serait déraisonnablement tourner le droit des contrats que d'admettre qu'il existait un accord en 1996, à plus forte raison en février 1995, au moment où les paiements ont commencé.

[8]      J'aurais beau tout essayer pour donner raison à l'appelant, les divers documents et accords verbaux ne peuvent pas être considérés comme un accord écrit. Dans Foley c. La Reine, [2000] A.C.I. no 485, le juge Bowman a fait référence à la décision de R. S. W. Fordham, de la Commission de révision de l'impôt, dans Kostiner v. M.N.R., 63 DTC 478, à la page 479, où il a déclaré :

            La Commission a conclu de façon constante que les documents écrits informels comme la correspondance et les notes échangées entre le conjoint et la conjointe et entre les avocats respectifs ne seront pas acceptables comme preuve du droit de déduire les paiements de la pension alimentaire du revenu imposable du contribuable. Le libellé de l'alinéa 11(1)l) est raisonnablement clair et signifie seulement ce qu'il veut dire. Il ne contient pas de référence à une quelconque correspondance ou à d'autres documents écrits informels.

En l'espèce, nous avons un accord verbal en février, une requête en divorce en 1995, une réponse à la requête en février 1996 qui semble contester le montant réclamé à titre de pension alimentaire ou d'allocation d'entretien, un accusé de réception en mars ou avril 1996 signé par Catherine pour les sommes, de même qu'une ordonnance du tribunal rendue en août 1996 qui ne tient pas compte des paiements de 1995. Tous ces documents décousus sont loin de rencontrer les exigences de l'alinéa 60b), et l'appel est donc rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 9e jour de novembre 2000.

« C. H. McArthur »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 17e jour d'octobre 2003.

Philippe Ducharme, réviseur

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