Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

1999-3014(IT)I

ENTRE :

ERNA JOSEFINE RAMSAY,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu le 8 mai 2000, à Toronto (Ontario), par

l'honorable juge A. A. Sarchuk

Comparutions

Avocat de l'appelante :               Me Marvin L. Ellison

Avocat de l'intimée :                   Me Michael Ezri

JUGEMENT

          L'appel de la cotisation d'impôt établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1995 est admis, et la cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant compte du fait que l'appelante a, dans le calcul de son revenu, le droit de déduire des frais d'utilisation d'une automobile et d'autres dépenses d'entreprise dont le montant totalise 1 500 $, et qu'elle a droit à un crédit d'un montant de 348 $ relativement à des cotisations au Régime de pensions du Canada.


Signé à Ottawa, Canada, ce 15e jour de septembre 2000.

« A. A. Sarchuk »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 10e jour d'octobre 2003.

Philippe Ducharme, réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Date: 20000915

Dossier: 1999-3014(IT)I

ENTRE :

ERNA JOSEFINE RAMSAY,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Sarchuk, C.C.I.

[1]      L'appelante, Erna Josefine Ramsay, interjette appel d'une cotisation d'impôt établie à son égard pour l'année d'imposition 1995. En remplissant sa déclaration de revenu T1 pour l'année 1995, l'appelante a déclaré un revenu d'emploi de 16 295 $. Des cotisations au Régime de pensions du Canada et à l'assurance-chômage de 348,17 $ et de 488,86 $ respectivement, ainsi que des déductions fiscales de 5 416,85 $, ont été réclamées à titre de crédits. Dans sa déclaration de revenu, l'appelante a également déclaré un montant de 5 031 $ à titre de revenu brut tiré d'une entreprise, des dépenses d'entreprise de 7 972 $ et une perte d'entreprise nette s'élevant à 2 941 $.

[2]      Dans le calcul du revenu de l'appelante pour l'année d'imposition 1995, le ministre a supprimé le montant de 16 295 $ que l'appelante a déclaré à titre de revenu d'emploi, et il a refusé les crédits d'impôt relatifs aux cotisations au RPC et à l'a.-c. Le ministre a ensuite ajouté les montants de 16 295 $ et de 5 031 $ à titre de « revenus annexes » pour l'année 1995. De plus, en calculant son solde dû pour l'année d'imposition 1995, le ministre n'a pas reconnu le montant de 5 416,85 $ qu'elle a déduit à titre d'impôt sur le revenu et qui, selon elle, avait été retenu par l'entreprise Economy Drain Services (Economy).

[3]      En établissant ainsi cette cotisation, le ministre s'est fondé sur les motifs suivants :

a)        les dépenses d'entreprise de 7 972 $ que l'appelante a déduites ont été refusées parce qu'aucune preuve n'a établi qu'elles avaient effectivement été engagées;

b)       la déduction par l'appelante d'un crédit à l'égard de cotisations au RPC et à l'a.-c. ainsi qu'à l'égard de l'impôt sur le revenu qui a été retenu a été refusée au motif que les montants qui avaient censément été retenus n'avaient jamais été déclarés ou versés par l'entreprise Economy et que l'appelante n'avait pas fourni de preuve établissant que l'entreprise Economy avait en fait déduit ces montants.

[4]      L'intimée a en outre fait valoir que, puisque l'appelante conteste le refus du ministre de reconnaître les montants retenus à titre d'impôt sur le revenu, celle-ci n'interjette pas appel d'une cotisation d'impôt et que, par conséquent, la Cour canadienne de l'impôt n'a pas compétence pour rendre une décision relativement à cette partie du présent appel. Je propose de traiter d'abord de cette question.

[5]      L'avocat de l'intimée a soutenu que ni l'omission de déduire ou de retenir un montant ni l'omission de verser la totalité du montant retenu ne fait partie du processus de cotisation. Ainsi, même si l'appelante avait été en mesure d'établir que certains montants ont été retenus, mais qu'ils n'ont pas été versés, la présente cour n'a pas compétence parce que la question qu'a soulevée l'appelante est simplement une question de recouvrement. Cette position s'appuie sur l'assertion portant que le montant versé à titre d'impôt n'a aucune incidence sur l'obligation fiscale d'un contribuable et que, contrairement aux divers crédits d'impôt accordés aux termes de la Loi, le montant retenu n'est pas un « crédit » aux fins du calcul du montant d'impôt à payer. Par conséquent, le montant retenu n'est pas considéré comme un élément constitutif de la cotisation.

[6]      Dans l'affaire Ashby c. La Reine[1], la même question s'est posée. Voici ce que j'ai déclaré à cet égard :

Cette Cour a compétence exclusive pour connaître des appels ayant trait à des questions soulevées en vertu de la Loi (et d'autres lois). Je suis convaincu que la question dont je suis saisi constitue un appel d'une cotisation d'impôt au sens des dispositions du paragraphe 171(1) de la Loi. Je ne suis pas enclin à suivre la décision rendue dans l'affaire Brooks[2], précitée, et ce, pour deux raisons. Premièrement, selon la demande de redressement contenue dans l'avis d'appel de M. Brooks, celui-ci cherchait à obtenir une ordonnance déclaratoire de la part de cette cour. De toute évidence, un tel redressement n'est pas prévu au paragraphe 171(1) de la Loi. Deuxièmement, et ce point n'a pas été plaidé dans l'affaire Brooks, l'article 118.7 de la Loi prévoit que, aux fins du calcul de l'impôt payable par un particulier en vertu de la partie I de la Loi pour une année d'imposition, est déductible tout montant que le particulier doit payer pour l'année à titre de cotisation ouvrière en application de la Loi sur l'assurance-chômage, 1971 et de cotisation d'employé en application du Régime de pensions du Canada. Il s'agit de déductions prévues par la loi dont peut se prévaloir un contribuable. L'appelant prétend que les retenues donnant droit à ces déductions ont été effectuées, mais que ces dernières lui ont été refusées. Il n'existe aucun argument que l'intimée peut raisonnablement invoquer pour faire valoir que cette cour n'a pas le droit de trancher la question de savoir si les retenues ont, en fait, été effectuées et, si elles l'ont été, de donner instruction au ministre d'établir en conséquence une nouvelle cotisation. Un contribuable peut se prévaloir de toute exemption et déduction prévues par la Loi, qui s'appliquent dans son cas. Je ne vois aucune différence entre le droit qu'a un contribuable de déduire les cotisations en application de l'article 118.7 de la Loi et son droit de déduire des dépenses admissibles en vertu de l'article 18 de la Loi. Le rejet d'une déduction par le ministre fondé sur des hypothèses de fait inexactes constitue une erreur réversible. En outre, alors qu'on pourrait soutenir que, dans la Loi, l'impôt sur le revenu retenu à la source est traité différemment des cotisations d'A.-C. et des cotisations au titre du RPC, il ne me semble pas fondé, si je devais conclure que First Choice a effectué les retenues obligatoires sur le salaire de l'appelant, d'accorder un redressement à l'égard du RPC et de l'A.-C. et de ne pas le faire dans le cas d'une retenue à la source de l'impôt. Selon moi, le calcul de l'impôt à payer fait partie intégrante de toute cotisation établie par le ministre. Si le calcul du ministre est erroné, l'appelant a droit à un redressement. Il n'est pas justifié de rejeter son appel en invoquant l' « incompétence » de la Cour dans ces circonstances.

[7]      Le juge McArthur, de la C.C.I., traite également de cette question dans l'affaire Manke c. La Reine[3], dans laquelle il déclare ce qui suit :

[15]       La question de compétence posée par l'intimée soulève deux questions que la Cour doit trancher. La première est de savoir si l'appelant a interjeté appel d'une cotisation d'impôt. Dans l'affirmative, l'appel est régulièrement soumis à la Cour et la compétence de la Cour pour entendre l'appel ne soulève aucun doute. Il est indubitable que l'appelant a suivi la procédure requise sous le régime de la Loi en interjetant appel des cotisations d'impôt à la Cour. La deuxième question est de savoir si l'appelant demande à la Cour de rendre un jugement déclaratoire ou s'il demande que la cotisation soit annulée, modifiée ou déférée pour nouvel examen. S'il demande un jugement déclaratoire, il est clair que la loi ne confère pas à la Cour le pouvoir d'accorder à l'appelant la mesure de redressement qu'il demande.

[16]       Dans l'affaire Aallcann Wood Suppliers Inc. v. The Queen, 94 DTC 1475 (C.C.I.), le juge Bowman, de la Cour canadienne de l'impôt, a dit ceci à la page 1476 :

En contestant la cotisation portant sur une année pour laquelle de l'impôt est payable au motif que le ministre a incorrectement calculé le montant d'une perte relative à une année antérieure ou subséquente qui peut être déduite en vertu de l'article 111 dans le calcul du revenu imposable du contribuable pour l'année en question dans l'appel, le contribuable demande à la Cour de faire précisément ce que prévoient les dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu en matière d'appel : déterminer l'exactitude d'une cotisation d'impôt en examinant la justesse d'un ou de plusieurs de ses éléments constituants, soit en l'espèce le montant d'une perte d'une autre année pouvant être déduite.

[17]       Cette logique devrait s'appliquer en l'espèce[4]. La question fondamentale dont la Cour est saisie est de savoir si la cotisation d'impôt établie par le ministre est juste. L'un des éléments constituants de la cotisation est le montant des crédits auxquels le contribuable a droit. L'appelant a interjeté appel de la cotisation d'impôt à la Cour pour le motif que le ministre n'a pas régulièrement tenu compte des crédits auxquels il avait droit. La Cour est autorisée à rendre une décision sur cette question de façon à déterminer si la cotisation d'impôt établie par le ministre était juste. La Cour ne rend pas une ordonnance déclaratoire selon laquelle le ministre doit accorder à l'appelant un crédit d'impôt; elle défère plutôt l'affaire à l'intimée pour qu'une nouvelle cotisation soit établie à l'égard de l'appelant selon les motifs, comme le prévoit l'article 169 de la Loi.

[8]      Pour les motifs qui précèdent, je ne peux adopter la position de l'intimée selon laquelle la présente cour n'a pas compétence pour accorder à l'appelante la mesure de redressement demandée.

Question à trancher relativement aux retenues à la source -

Preuve produite

[9]      En 1990 ou vers cette année, l'appelante s'est mariée avec Edward J. Ramsay (M. Ramsay). Durant la période pertinente, celui-ci était propriétaire des entreprises E. J. Ramsay Contractors Ltd. et Economy. Cette dernière était exploitée comme entreprise de plomberie, de location de toilettes portatives et de transport de déchets industriels. En 1994, le bureau de l'entreprise Economy était situé à leur domicile, à Millbrook, en Ontario. À un moment donné au cours de l'année, l'appelante a commencé à exercer un emploi pour le compte d'Economy, accomplissant du travail général de bureau. Elle a mentionné que, au départ, elle recevait un salaire horaire de 10 à 12 $, mais que ce salaire avait subséquemment été porté à 1 300 $ par mois, quoiqu'elle ne se rappelait pas exactement à quel moment. À l'appui de cette allégation, elle a déposé en preuve les documents suivants :

a)        Un relevé d'emploi visant la période du 1er mai au 26 juillet 1995 et faisant état de gains assurables de 1 307,28 $ pour 15 semaines et de 608,40 $ au cours de la dernière semaine[5].

b)       Un feuillet T4 visant l'année d'imposition 1995 et faisant état d'un revenu d'emploi de 16 295,40 $, de déductions de cotisations de 394,14 $ et de 488,89 $ au titre du RPC et de l'a.-c. respectivement, ainsi que de déductions d'impôt sur le revenu de 5 416,85 $[6].

c)        Un relevé d'emploi visant la période du 15 octobre 1994 au 31 janvier 1995 et faisant état de gains assurables de 921,73 $ pour chacune des 20 semaines, pour un total de 18 434 $[7].

Nul ne conteste que, durant la période qui figure sur le relevé d'emploi de l'année 1995, l'appelante vivait séparée de M. Ramsay, puisqu'ils s'étaient séparés vers la fin de 1994.

Conclusion -

Retenues à la source

[10]     Selon l'appelante, la preuve, tant orale que documentaire, qui a été produite établit clairement que les retenues à la source obligatoires avaient en fait été prélevées par l'entreprise Economy selon les montants qui figurent sur le feuillet T4 pour l'année 1995 (pièce A-2). Cette partie du présent appel comporte deux aspects. D'abord, il faut déterminer si les retenues ont réellement été prélevées et, ensuite, si tel est le cas, déterminer si les montants censément prélevés ont été prélevés en tout ou en partie.   

[11]     En ce qui concerne la question des retenues, les témoignages de l'appelante et de M. Ramsay sont, au mieux, insatisfaisants, et, particulièrement celui de M. Ramsay, non crédibles. L'appelante a indiqué que le bureau d'Economy était situé à leur domicile. Les tâches qu'elle a décrites semblent être similaires à celles d'un commis de bureau. En effet, elle devait notamment répondre au téléphone, réserver des toilettes portatives aux fins de location, établir les factures, ouvrir le courrier, effectuer du classement et dresser des listes à l'intention des autres employés. Bien qu'elle soutienne avoir passé beaucoup de temps au bureau d'Economy, elle ignorait qui tenait à jour les feuilles de paye et ne savait pas si les retenues étaient prélevées, mais elle avait simplement supposé qu'elles l'étaient. Par conséquent, sa réclamation repose sur le témoignage de M. Ramsay, qui a affirmé qu'il avait prélevé les retenues salariales ainsi qu'il l'avait indiqué dans les relevés d'emploi et sur le feuillet T4 supplémentaire pour l'année 1995[8].

[12]     M. Ramsay a témoigné qu'il avait calculé correctement les retenues qu'il devait prélever sur les salaires de ses employés, y compris l'appelante. Il a indiqué qu'il avait l'habitude de les payer en argent comptant, qu'il insérait dans une enveloppe sur laquelle étaient inscrites les retenues appropriées qui avaient été prélevées. Il a reconnu qu'aucune des sommes qu'il prétend avoir prélevées n'a été remise en 1994 ou en 1995. Les feuilles de paye qui, selon ses dires, étaient conservées au bureau situé à son domicile, ne sont plus disponibles, étant donné qu'il aurait [TRADUCTION] « eu un problème de refoulement d'eau au sous-sol et que beaucoup de choses avaient été endommagées » . Il a ajouté que, un peu plus tard, il avait récupéré [TRADUCTION] « le reste des choses pour que personne ne puisse y jeter un coup d'oeil et [...] les avai[t] brûlées » . Il aurait agi ainsi afin d'éviter que ces documents ne tombent entre les mains de ses créanciers, dont, selon un témoignage ultérieur, Revenu Canada.

[13]     Outre le fait qu'aucun document commercial n'existe, les témoignages de l'appelante et de M. Ramsay relativement à la façon dont les heures de travail étaient consignées au sein d'Economy étaient contradictoires. L'appelante a indiqué qu'elle consignait ses heures de travail sur une feuille de présence en notant l'heure à laquelle elle commençait et celle à laquelle elle terminait. Cette feuille de présence était laissée au bureau, où une autre personne, non identifiée, transcrivait les données dans un livret des heures de travail. Quant à M. Ramsay, il a témoigné que tous les employés, y compris l'appelante, consignaient eux-mêmes leurs heures de travail dans le livret. Aucun livret semblable n'a été produit en preuve. Par ailleurs, l'affirmation de l'appelante selon laquelle elle travaillait de 8 h à 19 h, sept jours sur sept, n'est appuyée par aucun fait substantiel et, de plus, ne correspond pas à ce qu'elle a indiqué dans sa demande de prestations d'assurance-chômage[9], dans laquelle elle a précisé que, au cours de la période du 15 octobre 1993 au 31 janvier 1995, elle travaillait normalement 44 heures par semaine, six jours par semaine et gagnait un salaire hebdomadaire de 921 $.

[14]     Le fait que l'appelante se fiait aux relevés d'emploi et au feuillet T4 pour l'année 1995 (pièce A-2) est également douteux, et la Cour doit en tenir compte à la lumière d'autres documents produits en preuve par l'avocat de l'intimée. Ces documents comprennent deux autres feuillets T4 pour l'année d'imposition 1995 (onglets 12 et 13 de la pièce R-1). L'onglet 12 semble être une photocopie de la pièce A-2, les deux documents ayant le même contenu et portant le même numéro de série. Cependant, l'onglet 12 correspond au feuillet T4 supplémentaire pour l'année 1993, tandis que dans la pièce A-2, l'année qui y figure a été modifiée pour indiquer l'année 1995. L'onglet 13 correspond à un feuillet T4 pour l'année 1995, mais porte un numéro de série différent. L'appelante n'a pas été en mesure d'expliquer ces différences, elle ignorait qui avait produit ces documents et quand ils l'avaient été, et elle a indiqué qu'elle n'avait pas envoyé le document figurant à l'onglet 13 à Revenu Canada, et ce, même s'il était joint à une lettre portant sa signature.

[15]    Trois autres feuillets T4 visant l'année d'imposition 1994 (onglets 9, 10 et 11 de la pièce R-1) ont été produits en preuve par l'avocat de l'intimée. Les deux premiers feuillets indiquent un revenu d'emploi s'élevant à 37 662 $ et des retenues d'impôt de 17 980 $. Sur chacun d'eux, le NAS original a été remplacé par celui de l'appelante. Quant au troisième feuillet T4, il indique un revenu d'emploi s'élevant à 47 929 $ et des retenues d'impôt de 13 561 $. Dans ce document, le NAS original a également été biffé et remplacé par celui de l'appelante. Le témoignage de l'appelante relativement à ces documents n'est pas crédible. Elle a expliqué qu'elle n'avait pas envoyé le feuillet T4 qui figure à l'onglet 9 à Revenu Canada et qu'elle n'avait pas fait affaire avec le bureau de la compagnie H & R Block Canada situé à Oshawa, bien que la lettre d'accompagnement s'adresse précisément à Erna Ramsay et qu'elle renvoie à son numéro de dossier[10]. De plus, l'appelante a d'abord témoigné qu'elle ne se rappelait pas si elle avait envoyé l'un ou l'autre des deux autres feuillets T4, mais elle a affirmé plus tard que l'un d'entre eux avait été remis à Revenu Canada à la suite d'une discussion avec l'un de ses représentants. Elle n'a pas été en mesure d'expliquer pourquoi l'impôt qui aurait été retenu selon les onglets 10 et 11 était nettement différent, pas plus qu'elle n'a été en mesure d'expliquer pourquoi le revenu déclaré qui figure aux onglets 9 et 10 s'élevait à 37 662 $ tandis que celui qui figure à l'onglet 11 s'élevait à 47 929 $.

[16]     Dans son témoignage, M. Ramsay a non seulement omis d'expliquer les incohérences contenues dans les documents susmentionnés, mais il a également entretenu la confusion. En ce qui concerne le feuillet T4 déposé sous l'onglet 9, il a indiqué que ce n'était pas lui qui l'avait préparé, ajoutant qu'il avait peut-être préparé celui déposé en preuve sous l'onglet 10 et laissant entendre que l'aide-comptable engagé à temps partiel avait peut-être rempli le feuillet qui figure à l'onglet 11. Il a également nié qu'il avait rempli le feuillet T4 visant l'année d'imposition 1995 (pièce A-2), qu'il ignorait qui l'avait fait et qu'il ne savait pas si le montant d'impôt qui y figure correspondait au montant qui avait été prélevé.

[17]     Selon la preuve déposée devant la Cour, il est impossible de conclure que l'un ou l'autre de ces montants a été prélevé sur les salaires de l'appelante, tel que l'exige la Loi. Outre le fait qu'aucune feuille de paye n'a été produite, le témoignage de M. Ramsay relativement à ses méthodes administratives et aux paiements versés en espèces à des employés dont les noms n'ont pas été divulgués et, plus particulièrement, son témoignage contradictoire et déroutant concernant l'entente qu'il avait conclue avec l'appelante, soulèvent de sérieux doutes. Normalement, un T4 sommaire indique et fait concorder les versements aux percepteurs. M. Ramsay a admis qu'ils n'avaient pas été conservés. Habituellement, le feuillet T4 supplémentaire établi aux fins de la déclaration de revenu fournit, dans une certaine mesure, une preuve que l'impôt sur le revenu qui était dû pour une période donnée a été déduit et retenu pour être payé au ministre. Cependant, en raison de la nature des documents présentés en l'espèce et des témoignages de l'appelante et de M. Ramsay, il est impossible de s'y fier pour obtenir une telle preuve. Selon la preuve qui m'a été présentée, la seule conclusion à laquelle je puisse parvenir est que l'appelante a omis d'établir, selon la prépondérance des probabilités, que les retenues à la source obligatoires ont été prélevées par l'employeur, Economy. Si j'étais parvenu à une toute autre conclusion, la preuve fournie par l'appelante n'aurait également pas permis d'établir quels montants ont en fait été prélevés.

Question à trancher relativement aux dépenses d'entreprise -

Témoignage de l'appelante

[18]     Après avoir cessé de travailler pour Economy en juillet 1995, l'appelante a travaillé à titre de travailleuse autonome en fournissant des services de nettoyage à l'entreprise J & A Building Services Ltd. (J & A). Les services comprenaient le nettoyage d'une bibliothèque à Oshawa et, autant qu'elle s'en souvienne, de plusieurs autres édifices. Elle fournissait toujours son propre matériel, que ce soit pour passer la balayeuse, épousseter, nettoyer les salles de bain, etc., et elle utilisait son propre véhicule pour transporter ce matériel. Elle a déclaré un revenu d'entreprise brut de 5 031,09 $, et elle a déduit des dépenses d'entreprise de 7 972 $ à l'égard de cet emploi pour la période allant du 1er septembre 1995 à la fin de cette même année.   

[19]     L'appelante a témoigné qu'elle avait loué un véhicule de marque GM, un Tracker, en décembre 1994, pour 230 ou 250 $ par mois. Dans sa déclaration de revenu de l'année d'imposition 1995, elle a déduit des frais d'utilisation d'un véhicule d'un montant de 6 111 $, lequel, selon elle, correspond à la totalité des frais de location qu'elle a engagés cette année-là. Lorsqu'on lui a demandé d'expliquer pourquoi elle avait déduit la totalité du montant, elle a répondu qu'elle [TRADUCTION] « ne comprenai[t] pas ce qu'avaient fait les comptables » . Bien que les paiements relatifs à la location aient été effectués, par débit automatique, sur son compte bancaire, elle a indiqué qu'elle ne pouvait fournir aucune copie de son carnet de banque ou de ses relevés bancaires. Afin de prouver le solde des frais d'utilisation du véhicule qui ont été déduits, l'appelante a produit en preuve des reçus d'achat d'essence et d'huile, pour cette période de quatre mois, totalisant 550,26 $. Toutefois, elle reconnaît que ce montant correspond à toutes ses dépenses et non seulement à celles engagées dans le cadre de son emploi auprès de J & A. L'assurance automobile et le droit de permis de conduire, qui s'élèvent à 300 $ et à 90 $ respectivement, ont également été déduits, mais, là encore, ils semblent correspondre à la cotisation et au droit de permis annuels.

[20]     Toute personne qui déduit des dépenses d'entreprise doit tenir à jour des registres de manière suffisamment convenable pour justifier les montants qu'elle souhaite déduire. Les documents que l'appelante a soumis appuient, dans une certaine mesure, sa position à l'égard des dépenses engagées, mais ils n'établissent de toute évidence pas son droit de déduire la totalité des coûts. Lorsque l'avocat de l'intimée a fait part de ses observations à la Cour, il a dit estimer qu'un montant de 500 $ au titre des frais de location et un montant de 500 $ au titre des autres dépenses engagées pour cette période seraient appropriés. Cette proposition est bien fondée, dans une certaine mesure, et a reçu l'approbation mitigée de l'avocat de l'appelante. Je suis convaincu que la preuve, telle qu'elle a été présentée, appuie les déductions de l'appelante relativement aux frais d'utilisation d'une automobile et aux autres dépenses d'entreprise, mais, à mon avis, un montant de 1 500 $ serait plus approprié.

[21]     Pour les motifs qui précèdent, je conclus que le ministre a également eu raison de refuser la déduction par l'appelante d'un crédit à l'égard des cotisations d'a.-c. De même, est bien fondée la position de l'intimée selon laquelle l'appelante n'était pas admissible à un crédit à l'égard des cotisations d'a.-c. parce que ce crédit ne lui serait accordé que si elle avait versé une somme quelconque à titre de cotisation salariale. Dans le cas qui nous occupe, le ministre a présumé qu'elle ne devait verser aucune cotisation puisqu'elle n'occupait pas un emploi assurable. C'est à l'encontre de cette décision que l'appelante a interjeté appel et, le 21 septembre 1995, le ministre du Revenu national a déterminé qu'elle exerçait un emploi exclu. L'appelante était en droit d'en appeler de cette décision devant la Cour canadienne de l'impôt, mais elle ne s'est pas prévalue de ce droit.

[22]     En ce qui concerne les cotisations au RPC, l'intimée soutient entre autres que, compte tenu du revenu tiré par l'appelante du travail fait pour son propre compte au cours de l'année d'imposition en cause, elle devrait avoir droit à un crédit jusqu'à concurrence de 348 $.


[23]     L'appel est admis et la cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant compte du fait que l'appelante a le droit de déduire des frais d'utilisation d'une automobile et d'autres dépenses d'entreprise dont le montant totalise 1 500 $, et qu'elle a droit à un crédit d'un montant de 348 $ relativement à des cotisations au Régime de pensions du Canada.

Signé à Ottawa, Canada, ce 15e jour de septembre 2000.

« A. A. Sarchuk »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 10e jour d'octobre 2003.

Philippe Ducharme, réviseur



[1]           C.C.I., no 94-2286(IT)I, 30 octobre 1995 ([1996] 1 C.T.C. 2464).

[2]           94-1726(IT)G, C.C.I., 3 octobre 1994, jugement non publié.

[3]           C.C.I., no 96-2537(IT)I, 19 octobre 1998 (98 DTC 1969).

[4]           Les motifs du jugement ont été modifiés, le 8 septembre 2000, par le remplacement de « ne devrait pas » par « devrait » dans la première phrase du paragraphe 17.

[5]           Pièce A-1.

[6]           Pièce A-2.

[7]           Pièce A-5.

[8]           Pièce A-2.

[9]           Onglet 15 de la pièce R-1.

[10]          L'appelante reconnaît qu'elle a fait appel aux services de la firme H & R Block pour remplir sa déclaration de revenu.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.