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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

2002-787(EI)

ENTRE :

RON THOMPSON,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Appels entendus sur preuve commune avec les appels de Robert Boose (2002-788(EI)) et de Michael Young (2002-789(EI)) le 13 juin 2002

à Kamloops (Colombie-Britannique) par

l'honorable juge L. M. Little

Comparutions

Avocat de l'appelant :                 Me Kenneth R. Hauser

Avocate de l'intimé :                   Me Jasmine Sidhu


JUGEMENT

L'appel est accueilli et la décision du ministre est infirmée selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Vancouver (Colombie-Britannique), ce 7e jour d'août 2002.

« L. M. Little »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 27e jour d'octobre 2003.

Yves Bellefeuille, réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

2002-788(EI)

ENTRE :

ROBERT BOOSE,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Appels entendus sur preuve commune avec les appels de Ron Thompson (2002-787(EI)) et de Michael Young (2002-789(EI)) le 13 juin 2002

à Kamloops (Colombie-Britannique) par

l'honorable juge L. M. Little

Comparutions

Avocat de l'appelant :                 Me Kenneth R. Hauser

Avocate de l'intimé :                   Me Jasmine Sidhu


JUGEMENT

L'appel est accueilli et la décision du ministre est infirmée selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Vancouver (Colombie-Britannique), ce 7e jour d'août 2002.

« L. M. Little »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 27e jour d'octobre 2003.

Yves Bellefeuille, réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

2002-789(EI)

ENTRE :

MICHAEL YOUNG,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Appels entendus sur preuve commune avec les appels de Ron Thompson (2002-787(EI)) et de Robert Boose (2002-788(EI)) le 13 juin 2002

à Kamloops (Colombie-Britannique) par

l'honorable juge L. M. Little

Comparutions

Avocat de l'appelant :                 Me Kenneth R. Hauser

Avocate de l'intimé :                   Me Jasmine Sidhu


JUGEMENT

          L'appel est accueilli et la décision du ministre est infirmée selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Vancouver (Colombie-Britannique), ce 7e jour d'août 2002.

« L. M. Little »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 27e jour d'octobre 2003.

Yves Bellefeuille, réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Date: 20020807

Dossiers: 2002-787(EI)

2002-788(EI)

2002-789(EI)

ENTRE :

RON THOMPSON,

ROBERT BOOSE,

MICHAEL YOUNG,

appelants,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Little, C.C.I.

LES FAITS

[1]      Les affaires Ron Thompson c. La Reine, Robert Boose c. La Reine et Michael Young c. La Reine ont été entendues ensemble sur preuve commune.

[2]      Okanagan Truck Centres Inc. ( « Okanagan » ) est une société constituée en vertu de la loi intitulée British Columbia Company Act ( « Loi sur les sociétés de la Colombie-Britannique » ). Au cours de la période pertinente, les actions d'Okanagan étaient réparties de la façon suivante :

                   Mactom Investments Ltd. ( « Mactom » )                  1/3

                   Runciman Enterprises Ltd. ( « Runciman » )              1/3

                   KMA Ventures Ltd. ( « KMA » )                     1/3

[3]      Les actions de Mactom étaient réparties comme suit :

                   Ron Thompson                         51 %

                   Sa conjointe                               49 %

[4]      Les actions de Runciman étaient réparties comme suit :

                   Robert Boose                            51 %

                   Sa conjointe                               49 %

[5]      Les actions de KMA étaient réparties comme suit :

                   Michael Young                         51 %

                   Sa conjointe                               49 %

[6]      Okanagan est une société de portefeuille qui possède toutes les actions en circulation de Kamloops Freightliner Ltd. et de Kelowna Freightliner Ltd. Ces deux sociétés distribuent des camions fabriqués par Freightliner Inc.

[7]      M. Thompson était le directeur des finances d'Okanagan.

[8]      M. Boose était le directeur du service d'Okanagan.

[9]      M. Young était le directeur des ventes d'Okanagan.

[10]     Chacun des appelants a adressé une demande de décision à l'Agence des douanes et du revenu du Canada ( « ADRC » ) en faisant valoir que les montants que leur versait Okanagan n'avaient pas valeur de rémunération assurable au sens de l'alinéa 5(1)a) de la Loi sur l'assurance-emploi (la « Loi » ).

[11]     Au moyen d'une lettre du 16 novembre 2001, un représentant de l'ADRC a indiqué que l'emploi était assurable en vertu de la Loi.

[12]     Chacun des appelants a contesté la décision de l'ADRC en interjetant appel à la Cour canadienne de l'impôt.

LA QUESTION À TRANCHER

[13]     La question à trancher est de savoir si chacun des appelants exerçait un emploi assurable pour Okanagan en 1999 et 2000. S'ils sont dispensés du paiement des cotisations d'assurance-emploi, l'appelant, M. Boose et M. Young demandent le remboursement de toutes les cotisations versées par eux et par Okanagan en 1999 et 2000 en application de la Loi.

ANALYSE

[14]     L'alinéa 5(1)a) de la Loi est libellé dans les termes suivants :

5. (1)     Sens de « emploi assurable »

Sous réserve du paragraphe (2), est un emploi assurable :

a) l'emploi exercé au Canada pour un ou plusieurs employeurs, aux termes d'un contrat de louage de services ou d'apprentissage exprès ou tacite, écrit ou verbal, que l'employé reçoive sa rémunération de l'employeur ou d'une autre personne et que la rémunération soit calculée soit au temps ou aux pièces, soit en partie au temps et en partie aux pièces, soit de toute autre manière;

[15]     Les paragraphes 5(2) et (3) de la Loi sont reproduits en partie ci-après :

5. (2)     Restriction

N'est pas un emploi assurable :

[...]

i)           l'emploi dans le cadre duquel l'employeur et l'employé ont entre eux un lien de dépendance.

(3)         Pour l'application de l'alinéa (2)i) :

            a)          la question de savoir si des personnes ont entre elles un lien de dépendance est déterminée conformément à la Loi de l'impôt sur le revenu;

[16]     L'alinéa 5(3)b) de la Loi traite des parties liées. Cette disposition ne s'applique pas en l'espèce étant donné que MM. Thompson, Boose et Young n'étaient pas des parties liées au sens de la définition de ces termes.

[17]     L'alinéa 251(1)b) de la Loi de l'impôt sur le revenu se lit comme suit :

[...] la question de savoir si des personnes non liées entre elles n'avaient aucun lien de dépendance à un moment donné est une question de fait.

[18]     Essentiellement, la Loi semble être structurée de cette façon pour que le ministre puisse être persuadé que le particulier traite avec l'employeur à la manière d'un employé externe ou n'ayant aucun lien de dépendance.

[19]     Pour examiner le sens à attribuer à l'expression « lien de dépendance » que l'on trouve à l'article 251 de la Loi de l'impôt sur le revenu, j'ai pris en considération les observations formulées par l'honorable juge Bonner dans l'affaire William J. McNichol c. Sa Majesté la Reine, C.C.I., no 94-1577(IT)G, 17 janvier 1997, 97 D.T.C. 111. Dans cette affaire, le juge Bonner a déclaré, aux pages 13 et 14 (D.T.C. : page 117) :

On utilise communément trois critères pour déterminer si les parties à une opération ont entre elles un lien de dépendance. Il s'agit des critères suivants :

a)          l'existence d'une même personne qui dirige les négociations de deux parties à une transaction,

b)          les parties à une transaction agissent de concert et n'ont pas d'intérêts distincts, et

c)          le contrôle « de facto » (réel).

[20]     Après avoir examiné le témoignage de M. Thompson, j'ai conclu que MM. Thompson, Boose et Young étaient une « même personne » lors des négociations avec Okanagan. Je suis également arrivé à la conclusion que le témoignage de M. Thompson indique que lui-même et ses associés « agissaient de concert et n'avaient pas d'intérêts distincts » dans leurs négociations commerciales avec Okanagan. Il est également manifeste que MM. Thompson, Boose et Young exerçaient le « contrôle de facto » d'Okanagan.

[21]     J'ai aussi comparé les faits pertinents de l'appel en l'instance à ceux de la décision rendue par la Cour canadienne de l'impôt dans l'affaire Crawford and Co. c. Canada (ministre du Revenu national), C.C.I., no 98-407(UI), 8 décembre 1999, [1999] A.C.I. no 850. J'ai relevé les similitudes de fait suivantes :

a)        Les salaires

Dans l'affaire Crawford, la Cour a tenu compte des salaires que les parties en cause recevaient de même que du rapport entre ces salaires et ceux qui seraient versés sur le marché à d'autres employés.

          M. Thompson a témoigné que MM. Boose et Young et lui-même fixaient leurs propres salaires. L'honorable juge Porter a dit, relativement à l'établissement des salaires par les employés dans l'affaire Crawford, que : « ce [...] n'est pas la caractéristique de parties ayant des intérêts économiques distincts » .

b)       Les salaires versés aux employés par rapport aux salaires ayant cours sur le marché

M. Thompson a témoigné que les salaires que lui-même et MM. Boose et Young recevaient d'Okanagan étaient bien inférieurs au salaire qu'une personne employée par un concessionnaire de camions semblable pourrait s'attendre de recevoir.

          Dans l'affaire Crawford, le juge Porter a dit, concernant le fait que les employés recevaient des salaires inférieurs à ceux versés à des employés exerçant des fonctions semblables sur le marché, que c'était un autre critère qui établissait l'existence d'un lien de dépendance entre les employés et l'employeur.

c)        Le désir d'être en affaires à son compte

          M. Thompson a indiqué que, si lui-même et MM. Boose et Young travaillaient pour Okanagan pour les salaires qui leur étaient versés, c'est parce qu'ils avaient la possibilité d'exploiter leur propre entreprise.

          M. Thompson a déclaré dans le cadre de son témoignage :

          [TRADUCTION]

Nous voulions être les seuls maîtres à bord. Nous voulions exercer nous-mêmes le contrôle. (Transcription, p. 24, lignes 12-13.)

          Dans l'affaire Crawford, le juge Porter a déclaré que le désir d'être en affaires à son compte était une indication qu'il existait un lien de dépendance entre l'employeur et les employés.

d)       Les salaires étaient fonction de la rentabilité de l'entreprise

          M. Thompson a témoigné que, pour établir leurs salaires, ses associés et lui-même tenaient compte de la rentabilité d'Okanagan.

          Dans l'affaire Crawford, le juge Porter a dit, concernant la situation où le salaire des employés est fonction de la rentabilité de l'entreprise, que ce facteur indiquait l'existence d'un lien de dépendance entre l'employeur et les employés.

e)        Les vacances

          M. Thompson a témoigné que MM. Boose et Young et lui-même pouvaient prendre des vacances quand bon leur semblait mais qu'ils étaient trop occupés pour le faire. Il a déclaré que les autres employés d'Okanagan prenaient leurs vacances de façon régulière.

          M. Thompson a témoigné qu'il a travaillé pour Okanagan pendant 339 jours en 2000 et pendant un nombre semblable de jours en 1999. (Transcription, p. 35, lignes 6-11.)

          Le juge Porter a fait observer dans l'affaire Crawford que les habitudes de travail des employés ne correspondaient pas à celles de personnes n'ayant pas de lien de dépendance. Je crois qu'on pourrait tirer une conclusion semblable en ce qui concerne les habitudes de travail de MM. Thompson, Boose et Young.

f)        Pouvoir de signature

          Dans l'affaire qui nous occupe, MM. Thompson, Boose et Young détenaient chacun un pouvoir de signature sur les divers comptes de banque d'Okanagan et pouvaient retirer les montants qu'ils voulaient quand ils le souhaitaient.

          Dans l'affaire Crawford, le juge Porter a dit, concernant le fait que les employés détenaient un pouvoir de signature sur le compte de l'employeur, que les personnes n'ayant pas de lien de dépendance ne sont généralement pas capables d'agir de la sorte.

g)        Les garanties

          M. Thompson a témoigné que lui-même et MM. Boose et Young avaient offert des garanties personnelles pour toutes les opérations financières de Freightliner. M. Thompson a également déclaré que les garanties offertes en 1999 représentaient entre trois et cinq millions de dollars.

          Dans l'affaire Crawford, le juge Porter a déclaré, concernant les garanties offertes par les employés, au paragraphe 51 :

Je doute que des employés sans lien de dépendance avec la société signeraient des garanties de cette importance ou, à vrai dire, quelque garantie que ce soit.

          Au paragraphe 57 du jugement rendu dans l'affaire Crawford, le juge Porter a fait observer ce qui suit :

Lorsque j'examine la preuve se rapportant à Leslie Anderson, je constate qu'il n'existe certainement pas entre lui et l'appelante le genre d'intérêt économique contraire qui m'amènerait à conclure qu'ils n'avaient pas entre eux de lien de dépendance. Il y avait une interdépendance économique entre lui (et ses « associés » , les frères Sharp) et la société. [...]

          Dans l'affaire Crawford, le juge Porter a conclu sa décision dans les termes suivants :

À mon avis, il n'existait pas entre chacun des travailleurs en cause dans ces appels et la société appelante le degré d'intérêt économique contraire qui permettrait d'affirmer qu'il s'agissait d'intérêts distincts. Sans contredit, leurs intérêts économiques étaient liés si étroitement à ceux de la société qu'on ne pouvait dire de cette dernière qu'elle agissait de manière indépendante. Il n'y avait pas dans ces arrangements le genre de négociation véritable qu'il y aurait entre des personnes, des étrangers sur le marché et dont j'ai parlé précédemment. Il n'y avait pas le genre d'indépendance d'esprit ou d'indépendance quant aux objectifs entre la société et les trois particuliers qui permettrait d'affirmer qu'ils traitaient entre eux sans lien de dépendance. En conséquence, je conclus qu'aucun d'eux n'exerçait un emploi assurable.

[22]     À mon sens, les faits de l'affaire Crawford sont presque identiques aux faits de l'espèce.

[23]     J'ai examiné attentivement le témoignage sous serment de M. Thompson et les documents pertinents. Selon moi, il est manifeste qu'il existait une interdépendance si étroite entre les appelants et Okanagan qu'on ne peut affirmer que les intéressés n'avaient pas de lien de dépendance pendant les années 1999 et 2000. Il s'ensuit dès lors que, pendant les années 1999 et 2000 (les années visées par la décision de l'ADRC), l'arrangement entre les appelants et Okanagan n'était pas un emploi assurable au sens de l'alinéa 5(1)a) de la Loi sur l'assurance-emploi parce que leur emploi était exclu en vertu du libellé de l'alinéa 5(2)i) de la Loi.

[24]     Les appels sont accueillis et la décision du ministre relativement à Ron Thompson, Robert Boose et Michael Young est annulée.

Signé à Vancouver (Colombie-Britannique), ce 7e jour d'août 2002.

« L. M. Little »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 27e jour d'octobre 2003.

Yves Bellefeuille, réviseur

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