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Dossier : 2002‑1770(IT)I

ENTRE :

JOSEPH HANCOCK,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[traduction française officielle]

____________________________________________________________________

 

Appels entendus le 26 mai 2003, à Blanc‑Sablon (Québec)

 

Devant : L’honorable juge Alban Garon, juge en chef

 

Comparutions :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui‑même

 

Avocat de l’intimée :

Me Pierre‑Paul Trottier

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          Les appels interjetés à l’encontre des cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 1998 et 1999 sont accueillis et les cotisations sont renvoyées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation parce que l’appelant a droit à la déduction des pertes d’entreprise de 8 072,93 $ et de 6 840,22 $, respectivement.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 20e jour de novembre 2003.

 

« Alban Garon »

Juge en chef Garon

Traduction certifiée conforme

ce 26e jour de mars 2009.

 

David Aubry, LL.B.


 

 

 

 

 

 

Référence : 2003CCI850

Date : 20031120

Dossier : 2002‑1770(IT)I

ENTRE :

JOSEPH HANCOCK,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[traduction française officielle]

___________________________________________________________________

 

 

Motifs du jugement

 

 

Le juge en chef GARON

 

[1]     Il s’agit d’appels interjetés à l’encontre de cotisations d’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 1998 et 1999. En établissant de nouvelles cotisations, le ministre du Revenu national a refusé les pertes déduites par l’appelant au titre de pertes d’entreprise s’élevant à 8 072,93 $ et à 6 840,22 $ pour les années 1998 et 1999, respectivement.

 

[2]     Pour établir les nouvelles cotisations à l’égard de l’appelant pour les années d’imposition 1998 et 1999, le ministre du Revenu national a tenu pour acquis les faits énoncés au paragraphe 10 de la réponse à l’avis d’appel qui est rédigé comme suit :

 

                   [traduction]

 

10.       Pour établir les nouvelles cotisations à l’égard de l’appelant pour les années d’imposition 1998 et 1999, le ministre s’est appuyé sur les hypothèses de fait suivantes :

 

            a)         les hypothèses admises et énoncées ci‑dessus;

 

b)          l’appelant allègue avoir démarré Ptarmigan Adventures en mai 1995, afin d’offrir des excursions en motoneige (« l’activité ») du 25 décembre au 30 avril de chaque année;

 

c)          l’activité alléguée consistait à fournir des excursions guidées de la côte du Labrador en motoneige et devait inclure l’utilisation de chalets dont l’appelant était propriétaire;

 

d)          l’activité n’a produit ni vente ni revenu de quelque sorte depuis son démarrage allégué en 1995;

 

e)          l’appelant n’a fait aucune excursion depuis 1995;

 

f)           l’activité a enregistré des pertes depuis 1995, ventilées comme suit :

 

                                                Ventes              Pertes

 

             1995                           0 $                   (12 350 $)

             1996                           0 $                      (5 481)

             1997                           Non déclarées  Non déclarées

             1998                           0 $                      (8 072)

             1999                           0 $                      (6 840)

 

g)          l’appelant a déduit les pertes mentionnées ci‑dessus dans ses déclarations de revenus pour les années visées;

 

h)          l’appelant était propriétaire d’une motoneige avant 1995;

 

i)           l’appelant était propriétaire de trois chalets depuis au moins dix ans avant 1995;

 

j)           les chalets étaient situés à environ 80 km de la résidence de l’appelant;

 

k)          les chalets sont demeurés vides et inutilisés pendant au moins les dix années qui ont précédé 1995;

 

l)           l’appelant a commencé à déduire des dépenses, y compris la DPA, relativement à ses chalets et à sa motoneige en 1995;

 

m)         l’appelant a inscrit les chalets sur un tableau de DPA pour la somme de 17 200 $;

 

n)          l’appelant a déduit la DPA à l’égard des chalets et, au 31 décembre 1999, la fraction non amortie du coût en capital était réduite à 12 845,77 $;

 

o)          l’appelant n’a tiré aucun revenu des chalets depuis 1995;

 

p)          l’appelant n’a fait aucun effort pour tirer un revenu des chalets;

 

q)          l’appelant a conduit une motoneige pendant environ 25 ans, y compris les années en cause, pour son usage personnel;

 

r)           l’utilisation de la motoneige n’a produit aucun revenu depuis 1995;

 

s)           il y a eu suffisamment de chutes de neige pendant les années en cause pour conduire une motoneige;

 

t)           à toutes les époques pertinentes, l’appelant exploitait une entreprise de services ambulanciers et était de garde 75 % du temps;

 

u)          pendant les périodes où l’appelant travaillait à son entreprise de services ambulanciers, il n’était pas libre pour exercer l’activité;

 

v)          l’appelant n’a pas tenu des livres ou des registres adéquats pour calculer l’impôt sur le revenu payable;

 

w)         l’activité n’était pas gérée d’une manière professionnelle;

 

x)          l’activité était une démarche personnelle de l’appelant et n’était pas exercée dans le but de réaliser un profit;

 

y)          les dépenses déduites par l’appelant n’ont pas été engagées en vue de gagner un revenu tiré d’une entreprise ou d’un bien;

 

z)           l’appelant n’avait pas une expectative raisonnable de profit pendant les années d’imposition pertinentes.

 

[3]     L’appelant et M. Dalton Earle, un ami de l’appelant, étaient les seuls témoins à l’audition des présents appels.

 

[4]     L’appelant a admis les alinéas b), c), d), e), g), i), l), m), n), o), q) et r) du paragraphe 10 de la réponse à l’avis d’appel et a nié tous les autres alinéas du paragraphe 10 à l’exception de l’alinéa a), auquel il n’a pas répondu de façon précise. Cette allégation renvoie aux autres paragraphes de la réponse à l’avis d’appel.

 

[5]     L’appelant est un ambulancier qui travaille à son compte.

 

[6]     Outre les faits énoncés dans la réponse à l’avis d’appel que l’appelant a admis, il est utile de souligner certains autres éléments de preuve.

 

[7]     Au début de son interrogatoire principal, l’appelant a déposé auprès de la Cour une déclaration rédigée à l’avance qui se lit en partie comme suit : (pièce A‑1, paragraphes 3, 4, 5 et 6)

 

                   [traduction]

 

   Monsieur le juge, je crois que la preuve montrera hors de tout doute raisonnable que tous les efforts ont été faits pour que Ptarmigan Adventures soit une entreprise commerciale rentable et connaisse du succès, mais celle‑ci a échoué en raison de circonstances indépendantes de ma volonté.

 

Monsieur le juge, en 1995, j’ai entrepris un projet pour lancer une entreprise de randonnées en motoneige. Le but était d’attirer de grands amateurs de motoneige qui souhaitaient se promener dans une des dernières régions sauvages du Canada, au cœur du Labrador. Il s’agissait d’avoir quatre à six clients à la fois pour vivre de grandes aventures en motoneige, et voir des animaux sauvages et de superbes paysages. Pour les amateurs de chasse, nous offrions des voyages de chasse guidés pour le caribou et le lagopède.

 

Ensuite, la chose la plus inhabituelle s’est produite et au cours des trois années qui ont suivi nous avons eu très peu de neige, des températures douces et de longues périodes de pluie. Juste au moment où je commençais à recevoir de la correspondance par téléphone et par le courrier, j’ai dû retarder les réservations parce que la température et les conditions de neige ne permettaient pas de recevoir des clients pour des circuits en motoneige. Cette situation s’est poursuivie au cours des trois années qui ont suivi, avec un intérêt de moins en moins grand avec chaque année qui s’écoulait.

 

Je crois que la preuve montrera que j’ai travaillé très fort pour rendre cette entreprise rentable et que j’avais pleinement l’expectative de réaliser un profit. J’étais uniquement disposé à investir en publicité, monsieur le juge, dans la mesure de mes moyens à ce moment‑là. J’ai engagé des dépenses de publicité modérées, Monsieur le juge, parce que je voulais éviter que ces dépenses m’acculent à la faillite. Certaines personnes peuvent considérer que je suis un homme d’affaires médiocre, mais ça ne me rend pas coupable de fraude fiscale.

 

[8]     Dans son témoignage, l’appelant a indiqué qu’il s’est lancé en 1995 dans une entreprise, qu’il a appelé [traduction] « une entreprise de randonnées en motoneige ». Il voulait attirer de grands amateurs de motoneige dans une des dernières régions sauvages du Canada, au cœur du Labrador. Il a mentionné qu’il prévoyait [traduction] avoir quatre à six clients à la fois pour vivre de grandes aventures en motoneige, et voir des animaux sauvages et de superbes paysages. La pêche blanche et la chasse au lagopède, un gibier à plume, étaient aussi des activités envisagées. Pour les grands amateurs de chasse, il [traduction] « offr[ait] des voyages de chasse guidés pour le lagopède ». Ces randonnées devaient inclure l’utilisation de chalets dont l’appelant était propriétaire.

 

[9]     Avant de lancer son entreprise, il avait préparé un plan d’affaires qu’il avait présenté à l’Agence de promotion économique du Canada atlantique (« APECA »), un organisme gouvernemental fédéral, afin d’obtenir un prêt. Sa demande de prêt, dont la date n’a pas été mentionnée, a été refusée mais il a reçu un prêt de l’APECA pour de la [traduction] « publicité faite en 1995 ».

 

[10]    Dans son témoignage, l’appelant a indiqué qu’il était propriétaire de deux motoneiges jusqu’en 1997 environ et que seulement une d’entre elles était utilisée à des fins personnelles. Il a mentionné que les trois chalets étaient situés à des endroits différents, soit à 238 kilomètres, à 138 kilomètres et à 78 kilomètres de sa résidence, respectivement. L’appelant a été propriétaire de deux chalets pendant environ dix ans. Le chalet de la rivière Eagle a été construit en 1997. Avant 1995, les deux chalets étaient utilisés à des fins personnelles.

 

[11]    En ce qui a trait à la publicité, l’appelant a affirmé qu’il avait fait de la publicité. Il a participé à une foire commerciale sur la motoneige à Syracuse (New York) en 1995. Il s’y est rendu en voiture parce qu’il devait apporter de grandes affiches, quelques oiseaux empaillés et beaucoup de photographies. Il n’aurait pas été commode d’utiliser l’avion. Pour lui, aller à Syracuse pour la foire commerciale était un inconvénient. Environ 6 000 dépliants intitulés Ptarmigan Adventures in Labrador ont été publiés. Ces dépliants ont été distribués à différents endroits touristiques au Canada, y compris les aéroports. Sa participation seule à la foire commerciale lui a coûté entre 13 000 $ et 15 000 $, y compris les dépenses d’hébergement. Les dépenses qui s’y rapportent sont ventilées dans la pièce A‑2. De plus, il a annoncé partout dans le monde au moyen d’Internet, de revues de voyages et de Newfoundland Sports pendant la période pertinente. À ce sujet, il a mentionné trois pays en particulier : les États‑Unis, l’Allemagne et la Suisse. Les dépenses de publicité ont été de 1 200 $ à 1 500 $. Il a participé à un colloque sur le tourisme à Cornerbrook. Il a également ajouté ce qui suit : [traduction] « ... J’ai en effet obtenu beaucoup de renseignements de Newfoundland Tours et d’une partie du gouvernement. J’ai communiqué avec Frank Phillips, spécialiste du développement de produits de plein air, qui m’a donné des indications pour communiquer avec différents pourvoyeurs qui me donneraient de bons conseils sur la manière d’aller de l’avant avec l’entreprise et le projet. »

 

[12]    Voici les commentaires de l’appelant concernant les conditions climatiques qui avaient cours aux époques pertinentes :

 

                   [traduction]

 

[...]

 

... en 1996, nous avons eu une période de température rare, des conditions climatiques douces et ce genre de choses, mais dans l’intervalle, les trois années étaient la période pendant laquelle la température ne convenait pas et dans l’intervalle je préparais l’itinéraire, les chalets et les rénovations.

 

[Transcription, de la page 22, ligne 24 à la page 23, ligne 3.]

 

[....]

 

            R.         Monsieur le juge, 1995 était une année où nous avons eu beaucoup de neige et habituellement, vous pouvez vous fier sur les hivers du Labrador pour avoir beaucoup de neige. Je veux dire que le Labrador est synonyme de neige. Pour une raison inconnue, les conditions climatiques en 1996, 1997 et 1998 étaient telles que nous avons eu beaucoup de pluie, des périodes douces, des périodes où il gelait et ensuite, c’était encore la pluie et la neige. Les conditions climatiques étaient tout à fait déréglées.

 

[Transcription, de la page 48, ligne 24 à la page 49, ligne 6].

 

[13]    L’appelant a décrit comme suit le travail qu’il a accompli concernant les chalets et les pistes afin que son entreprise soit rentable :

 

                   [traduction]

 

[...]

 

Jusqu’à ce moment‑là, les chalets étaient essentiellement en mauvais état et ainsi de suite, et j’ai donc fait beaucoup de rénovations, j’ai dépensé beaucoup d’argent pendant ces trois années à préparer les itinéraires pour les circuits en motoneige.

 

            J’ai ouvert beaucoup de pistes à ce moment‑là pour rendre les paysages plus accessibles et rendre cela plus facile pour – parce que, M. le juge, il s’agissait d’un endroit très sauvage et il y avait peu de gens, probablement une ou deux autres personnes en plus de nous dans cette région en raison de son aspect sauvage, si vous pouvez comprendre le concept d’une région sauvage comme cela, et il y a beaucoup de beaux paysages dans cette région, alors nous avons ouvert des pistes pour rendre ces endroits plus accessibles aux clients.

 

                                      [Transcription, à la page 23, les lignes 3 à 16].

 

[14]    En ce qui a trait à sa disponibilité pour diriger cette entreprise, l’appelant a déclaré que, même s’il est vrai qu’il était de garde 75 % du temps pour son entreprise de services ambulanciers, il avait formé quatre ou cinq personnes pour conduire l’ambulance et, à ce sujet, il a déclaré ce qui suit : [traduction] « Je suis tout à fait en mesure de payer des employés pour faire fonctionner cela pour moi ou travailler pour moi. »

 

[15]    Au cours de l’époque en cause, en 1998 et 1999 de même qu’au cours des années 1996 et 1997, il n’y a pas eu un seul circuit guidé. Il a expliqué comme suit la raison pour laquelle aucun circuit n’avait été réservé :

 

                   [traduction]

 

            Ensuite, la chose la plus inhabituelle s’est produite : au cours des trois années qui ont suivi, nous avons eu très peu de neige, des températures douces et de longues périodes de pluie. Juste au moment où je commençais à recevoir de la correspondance par téléphone et par le courrier, j’ai dû retarder de nouveau les réservations parce que la température et les conditions de neige ne permettaient pas de recevoir des clients pour des circuits en motoneige.

 

[Transcription, de la page 13, ligne 21 à la page 14, ligne 2.]

 

Il a également dit ceci :

 

                   [traduction]

 

            Q.        Et lorsque vous parliez des conditions climatiques, vous parliez des conditions climatiques au cours de ces deux années, 1998 et 1999?

 

            R.         Non, Monsieur le juge, je parlais de 1996, 1997 et 1998. L’année 1999 était une bonne année, mais au moment où cette année est arrivée, l’intérêt que j’avais suscité depuis la foire commerciale et la distribution des dépliants, et cette sorte de choses, l’intérêt a comme diminué et les gens ont comme perdu intérêt.

 

                        J’ai reçu des appels téléphoniques et une télécopie dans différents contextes de différents clients qui auraient fait le voyage et les circuits au cours des trois premières années, mais une fois 1999 arrivé, c’était comme si l’intérêt avait diminué et je n’avais pas beaucoup d’argent à mettre là‑dedans et je courais le risque de perdre encore de l’argent et de faire lever cette entreprise.

 

[Transcription, de la page 23, ligne 21 à la page 24, ligne 13.]

 

[16]    L’appelant soutient qu’il a investi environ 30 000 $ à 35 000 $ de 1995 à 1999. En 1999, il a fermé l’entreprise lorsqu’il [traduction] « a été frappé par un impôt sur le revenu de 4 000 $ à 5 000 $, une chose que je ne pouvais pas me permettre. J’aurais probablement utilisé cet argent supplémentaire pour la publicité. » Tout au long de son témoignage, l’appelant a insisté sur le fait que, si les circonstances avaient été favorables, l’entreprise aurait été rentable.

 

Analyse

 

[17]    La principale prétention de l’appelant est énoncée comme suit dans le deuxième paragraphe de l’avis d’appel : [traduction] « J’ai fait beaucoup d’efforts pour que Ptarmigan Adventures devienne une entreprise rentable, mais en raison de circonstances qui échappaient à ma volonté, j’ai perdu beaucoup d’argent que j’avais durement gagné. »

 

[18]    Comme il ressort du paragraphe 13 de la réponse à l’avis d’appel, la principale prétention de l’intimée que [traduction] « l’activité était une démarche personnelle de l’appelant et ne constituait pas une source de revenu conformément à l’article 9 de la Loi ».

 

[19]    La question en litige est celle de savoir si l’appelant a exploité ou non une entreprise relativement à son activité appelée Ptarmigan Adventures. L’arrêt de la Cour suprême dans Stewart c. Canada, [2002] A.C.S. no 46, au paragraphe 50, énonce le critère suivant en termes généraux :

 

(i) L’activité du contribuable est‑elle exercée en vue de réaliser un profit, ou s’agit‑il d’une démarche personnelle?

 

[20]    Je dois tout d’abord déterminer si l’activité du contribuable était exercée en vue de réaliser un profit, ou s’il s’agissait plutôt d’une démarche personnelle.

 

[21]    En l’espèce, il ne fait aucun doute que son activité comportait des éléments personnels. Avant les années en cause, plus précisément en 1995, 1996 et 1997, l’appelant a conduit une motoneige dans la région en question et a utilisé ses chalets d’une à cinq fois par année. Des amis et un membre de sa famille l’ont aidé à rénover les chalets avant 1995. L’appelant a été assez honnête pour admettre qu’une des raisons pour lesquelles il a démarré son entreprise était qu’il adorait conduire sa motoneige à la campagne et dans les régions sauvages.

 

[22]    Des aspects de son entreprise avaient une composante commerciale. L’appelant a investi 30 000 $ à 35 000 $ de son propre argent. Il a fait quelques rénovations à ses chalets après avoir commencé cette activité. Il a assisté à une foire commerciale à Syracuse, dans l’État de New York, en 1995. Avant ce moment, il n’avait jamais assisté à une foire commerciale. Pour la foire commerciale, l’appelant avait apporté environ 6 000 dépliants. Il a fait de la publicité dans Internet, des guides de voyage et par l’entremise de Newfoundland Sports. Il a acheté des sacs de couchage, des vêtements d’hiver et des génératrices pour les chalets. L’appelant a sollicité les conseils d’un spécialiste du plein air nommé Frank Phillips.

 

[23]    L’appelant avait également préparé un plan d’affaires qu’il avait présenté à l’APECA. Cette dernière agence lui avait accordé un prêt à des fins de publicité. De plus, en 1995, l’appelant a dressé des états des résultats prévisionnels pour trois ans. Ces états non datés ont été dressés par l’entreprise Labrador Enterprises en collaboration avec la Southern Labrador Development Association.

 

[24]    Dans l’arrêt Stewart mentionné ci‑dessus, la Cour suprême a indiqué au paragraphe 60 que, lorsque l’activité peut être qualifiée de personnelle, il faut déterminer si cette activité est ou non exercée d’une manière suffisamment commerciale pour constituer une source de revenu. Dans un autre passage, au paragraphe 54, la Cour a déclaré que le contribuable est tenu dans ces cas d’établir que son intention prédominante est de tirer profit de l’activité et que cette activité a été exercée conformément à des normes objectives de comportement d’homme d’affaires sérieux. La Cour s’est reportée aux quatre facteurs énoncés dans l’arrêt Moldowan c. La Reine, [1978] 1 R.C.S. 480, à la page 486, pour déterminer si le contribuable avait une expectative raisonnable de profit d’une activité particulière. La Cour a indiqué clairement que la liste des critères n’était pas exhaustive. Ces critères sont les suivants :

 

l’état des profits et pertes pour les années antérieures;

la formation du contribuable;

la voie sur laquelle il entend s’engager;

la capacité de l’entreprise de réaliser un profit.

 

[25]    En ce qui a trait au premier facteur, l’appelant a subi des pertes importantes pendant les deux années en cause et les trois années qui précèdent, soit les années 1995, 1996, 1997[1]. Les trois premières années ont été principalement consacrées à la mise sur pied de l’infrastructure pour l’exploitation de cette activité. L’activité n’a jamais généré de profit pendant ses années d’exploitation. La période de démarrage ne semble pas avoir été indûment longue.

 

[26]    En ce qui concerne la formation du contribuable, l’appelant exploitait déjà une entreprise dans un domaine distinct, à savoir l’entreprise de services ambulanciers. Mais il ne savait pas ce qui était requis pour exploiter une nouvelle entreprise avec succès, même s’il possédait une assez bonne connaissance de certains aspects liés à l’exploitation de cette activité. Il a certainement pris plusieurs mesures concrètes pour se familiariser avec ce type d’entreprise.

 

[27]    En ce qui a trait à la voie sur laquelle le contribuable entendait s’engager, je suis enclin à penser que l’appelant a clairement montré qu’il avait l’intention d’exercer cette activité en vue de réaliser un profit en prenant les mesures suivantes : a) engager d’importantes dépenses relativement à la publication de 6 000 dépliants, à la publicité, à l’ouverture de pistes (qui comportait l’abattage d’arbres et de troncs), à la préparation de l’itinéraire pour les touristes et aux travaux de rénovation des chalets; b) solliciter des conseils auprès de fonctionnaires du gouvernement et participer à un colloque sur le tourisme; c) obtenir un prêt de l’APECA.

 

[28]    Pour ce qui est de la capacité de l’entreprise de réaliser un profit, l’appelant a réussi à convaincre l’APECA de lui consentir un prêt à une occasion. Objectivement, il est difficile de tirer une conclusion négative concernant ce facteur, vu qu’au cours des années pertinentes, les conditions climatiques étaient nettement exceptionnelles, une affirmation que l’intimée n’a pas contestée à l’audience de ces appels et qui a été corroborée par un témoin, M. Dalton Earle.

 

[29]    Après avoir examiné tous les faits, je suis enclin à penser que l’activité était exercée de façon suffisamment commerciale. Dans les années pertinentes, l’appelant avait une expectative raisonnable de profit de cette activité et l’activité était exercée conformément à des normes objectives de comportement d’un homme d’affaires sérieux.

 

[30]    Pour ces motifs, je suis d’avis d’accueillir les appels interjetés à l’encontre des cotisations pour les années d’imposition 1998 et 1999 et de renvoyer l’affaire au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation parce que l’appelant a le droit de déduire les pertes en cause à l’égard des deux années.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 20e jour de novembre 2003.

 

 

« Alban Garon »

Juge en chef Garon

 

Traduction certifiée conforme

ce 26e jour de mars 2009.

 

David Aubry, LL.B.

Réviseur

 


 

 

 

 

RÉFÉRENCE :

2003CCI850

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2002‑1770(IT)I

INTITULÉ :

Joseph Hancock

et Sa Majesté la Reine

 

Lieu de l’audience :

Blanc‑Sablon (Québec)

 

DATE de l’audience :

Le 26 mai 2003

 

Motifs du jugement :

L’honorable juge Alban Garon,

juge en chef

 

DATE du jugement :

Le 20 novembre 2003

 

Comparutions :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui‑même

Avocat de l’intimée :

Me Pierre‑Paul Trottier

 

Avocats inscrits au dossier :

 

Pour l’appelant :

 

Nom :

 

Cabinet :

 

 

Pour l’intimée :

Morris Rosenberg

Sous‑procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 



[1] Selon le témoignage de l’appelant, malgré l’hypothèse du ministre à l’alinéa 10f) de la réponse à l’avis d’appel, des pertes avaient été déclarées en 1997.

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