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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Date: 20001030

Dossier: 1999-3477(IT)I

ENTRE :

VINCE CIRILLO,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

Représentant de l'appelant : Richard Adelman

Avocate de l'intimée : Me Sherry Darvish

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MOTIFS DU JUGEMENT

(Rendus oralement à l'audience

à Toronto (Ontario), le 5 septembre 2000.)

Le juge Mogan, C.C.I.

[1]      Il s'agit d'un appel concernant les années d'imposition 1993, 1994 et 1995. Au cours de chacune de ces années, le ministre du Revenu national a ajouté certains montants au revenu déclaré de l'appelant, montants qui correspondent à un avantage conféré à un actionnaire aux termes du paragraphe 15(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu. Cet avantage se présente sous la forme d'intérêts sur un prêt aux termes de l'article 80.4 de la Loi et de frais pour droit d'usage d'une automobile aux termes de l'article 6 de la Loi. L'appelant a interjeté appel de ces cotisations, contestant principalement la disposition portant sur le profit d'actionnaire. Son avis d'appel ne contestait pas précisément les frais pour droit d'usage de l'automobile, mais cette question a été soulevée lors de l'examen d'une question secondaire et devra être examinée. L'appelant a choisi la procédure informelle.

[2]      La pièce A-1 est une convention de rachat d'actions datée du 6 mai 1991, aux termes de laquelle l'appelant ainsi que Michele Miceli et Frank Talarico acceptaient de racheter la totalité des actions d'une société connue sous le nom de Pane Vittoria Bakery Limited pour une somme de 500 000 $. Les vendeurs, dont l'identité importe peu en l'espèce, étaient quatre particuliers que j'appellerai « les quatre actionnaires vendeurs » . La seule modalité de la convention de rachat qui nous importe en l'espèce est le paragraphe 1, qui décrit les modalités de paiement, soit un dépôt de 30 000 $, un paiement de 100 000 $ devant être garanti par une hypothèque mobilière sur certains biens, et le solde payable en espèces ou par chèque certifié le jour de clôture; il semble que le contrat a été conclu le 28 octobre 1991 ou vers cette date.

[3]      L'appelant et ses deux partenaires initiaux ont payé une somme d'argent considérable pour acquérir les actions de Pane Vittoria Bakery Limited. Aussitôt après avoir acquis ces actions, ils ont décidé qu'ils ne souhaitaient pas continuer à exploiter la boulangerie au sein de la société qu'ils venaient d'acquérir. Apparemment, il y avait un problème entre la Commission des accidents du travail et Pane Vittoria. Aucun détail n'a été fourni à cet égard, mais je ne mets pas en doute l'appréciation commerciale de l'appelant et de ses deux collègues, qui ont décidé de former leur propre société pour exploiter la boulangerie. Ils ont constitué en personne morale une compagnie appelée 961533 Ontario Limited ( « 533 » ) et, immédiatement après la clôture de la transaction avec les quatre actionnaires vendeurs, les actifs restants de Pane Vittoria (les « actifs d'exploitation » ) ont été transférés à 533.

[4]      La question en litige en l'espèce est celle de savoir si 533 a consenti un « prêt aux actionnaires » à l'appelant et aux autres actionnaires de 533. D'où la question suivante : comment les transactions ont-elles été consignées lorsque les actions de Pane Vittoria ont été acquises des quatre actionnaires vendeurs et lorsque les actifs d'exploitation ont par la suite été transférés de Pane Vittoria à 533? La pièce A-4 est une copie des écritures de journal manuscrites effectuées par le comptable de 533 après que l'appelant et ses deux partenaires ont acquis toutes les actions de cette société. Ce document comporte environ cinq pages, les trois premières indiquant les écritures de clôture au 30 juin 1992, et les deux dernières, les écritures de clôture au 30 juin 1993. Il semble que, pendant les périodes pertinentes, l'exercice de 533 et celui de Pane Vittoria se terminaient tous deux le 30 juin. Les écritures de journal telles qu'elles ont été photocopiées et qui ont été déposées sous la cote A-4 ne sont pas complètes, car, si les inscriptions au débit ont été effectuées, les inscriptions au crédit ont souvent été totalement ou partiellement éliminées dans le processus de photocopie. D'ailleurs, je remarque que, sur certaines pages, même les écritures de débit n'ont peut-être pas été effectuées complètement. La pièce A-5 est une copie imprimée de la première écriture de journal pour le 30 juin 1992 et de la première écriture de journal pour le 30 juin 1993. Ces écritures ont dû être dactylographiées, car les écritures de journal de la pièce A-4 ne figurent pas en totalité sur les photocopies. Les parties conviennent que les écritures de journal imprimées se trouvant à la pièce A-5 sont une copie exacte des écritures de journal telles qu'elles figuraient dans la version originale de la pièce A-4.

[5]      Je vais énumérer les écritures de journal effectuées au 30 juin 1992 à la pièce A-5. Le but n'est pas indiqué, mais on trouve un certain nombre d'inscriptions au débit et au crédit qui, bien sûr, atteignent un total de 500 000 $ :

Débit

Crédit

Camion

24 071 $

Équipement

11 565

Enseigne

355

Stocks

32 186

Frais d'avocat

4 761

Coûts organiques

1 132

Fonds commercial

425 927

            Hypothèque payable

132 186

            Capital

150

            Actionnaire

                   ________

367 663

500 000 $

500 000 $

La pièce ci-dessus a été commentée par un représentant de l'appelant et par les deux témoins de l'intimée. En me fondant sur ces preuves, je dois conclure que les écritures sont exactes du point de vue comptable en ce qu'elles s'équilibrent. Cependant, cela représente un mélange de deux concepts différents.

[6]      Ce qui s'est vraiment passé lors de la transaction, c'est que l'appelant et ses partenaires ont acheté des actions pour une somme de 500 000 $. L'alinéa 1b) de la pièce A-1 prévoyait un rajustement des stocks. Le rajustement des stocks (évaluation des stocks) qui a été effectué à la date de clôture a entraîné un rajustement de 32 186 $ en faveur des vendeurs. Par conséquent, le prix d'achat est passé de 500 000 $ à 532 186 $ et, conformément à la convention, ce rajustement des stocks a été ajouté à la somme de 100 000 $ et garanti, grâce à l'hypothèque mobilière sur certains éléments d'actif, comme étant payable aux quatre actionnaires vendeurs.

[7]      La pièce A-1 (la convention de rachat) n'est pas complète, car elle contient un renvoi aux éléments d'actif de l'annexe C, annexe qui ne se trouve pas dans la pièce. Par conséquent, je ne peux déterminer quels éléments d'actif particuliers devaient être grevés par l'hypothèque mobilière. En examinant toutes les circonstances connexes en l'espèce, je conclus que le solde de 132 186 $ devait être garanti par une hypothèque mobilière sur la totalité des biens de Pane Vittoria, car ce sont logiquement ces biens qui serviraient à garantir le solde du prix d'achat. Il n'y a aucune preuve que d'autres éléments d'actif pouvaient servir à garantir le prix d'achat.

[8]      Je me penche maintenant sur le second volet de l'opération, soit la décision de l'appelant et de ses partenaires de transférer les actifs d'exploitation de Pane Vittoria à la société d'exploitation 533. C'était l'objectif premier de la première écriture de journal au 30 juin 1992, car celle-ci fait état du transfert de l'actif commercial dont la valeur est approximativement de 74 000 $, soit la totalité des éléments d'actif à l'exception de l'achalandage. J'ai conclu que la personne qui a effectué ces écritures de journal a commis une erreur, car deux opérations totalement différentes y sont mélangées. Cette personne a commencé par inscrire dans les livres de 533 l'achat des actifs d'exploitation de Pane Vittoria, c'est-à-dire la totalité des éléments d'actif énumérés avant l'achalandage. Si la personne qui a effectué les écritures de journal s'était alors arrêtée, elle aurait ensuite effectué un enregistrement créditeur de 74 000 $ au poste « prêt entre sociétés » , soit le montant que 533 devait à Pane Vittoria. Cela aurait très bien pu être la fin de l'opération. Pourtant, ce n'est pas ce qu'indiquent les écritures de journal. Pour une raison ou pour une autre, la personne a mélangé l'achat des actifs de Pane Vittoria par 533 avec l'achat, par l'appelant et ses deux partenaires, des actions des actionnaires vendeurs. Cette personne semble également s'être cru obligée de faire en sorte que le montant total des écritures de journal s'élève à 500 000 $. Par conséquent, cette personne a consigné ce que j'appellerais un montant « bouche-trou » au titre de l'achalandage, lui assignant une valeur de 425 927 $, pour s'assurer que le total s'élèverait à 500 000 $.

[9]      En ce qui concerne les crédits, la comptabilité était étonnamment inventive et erronée. Ainsi, la première écriture est une hypothèque payable d'une valeur de 132 186 $. C'est, de toute évidence, l'hypothèque mobilière mentionnée à l'alinéa 1b) de la convention de rachat d'actions. La pièce R-1 constitue l'hypothèque mobilière de 132 186 $ accordée par Pane Vittoria aux quatre actionnaires vendeurs en date du 28 octobre 1991. Le premier enregistrement créditeur est payable par hypothèque et vise clairement l'hypothèque mobilière accordée par Pane Vittoria aux actionnaires vendeurs pour garantir les sommes dues pour leurs actions, laquelle grevait les éléments d'actif de Pane Vittoria. La personne qui a effectué les écritures de journal a probablement conclu que, puisque les actifs d'exploitation de Pane Vittoria étaient transférés à 533 et puisque ces actifs étaient grevés d'une hypothèque, l'obligation découlant de l'hypothèque devrait également être transférée à 533. Cela explique, à mon avis, pourquoi le premier enregistrement créditeur s'élève à 132 186 $. La personne qui effectuait les écritures de journal était de toute évidence embrouillée à cette époque (vers le mois de juin 1992) : elle savait que les 32 186 $ supplémentaires représentaient le rajustement des stocks en faveur des actionnaires vendeurs. Si elle devait consigner la transaction selon la totalité du prix d'achat, elle aurait dû viser un montant final de 532 186 $ et non le montant de 500 000 $ prévu dans la convention initiale. C'est une indication de plus démontrant à quel point cette écriture de journal était inopportune. Je crois cependant que la personne qui a effectué les écritures avait raison de penser que, puisque 533 reprenait les éléments d'actif de Pane Vittoria et que ceux-ci étaient grevés d'une hypothèque, alors 533 devrait en assumer la responsabilité. Voilà donc pour le premier enregistrement créditeur figurant aux écritures de journal.

[10]     L'écriture de journal fait état d'un capital de 150 $, quelle qu'en soit la raison. Il y a une autre preuve indiquant que le capital versé de 533 n'était que de 3 $ pour trois actions. Je ne sais pas si le terme « capital » représentait dans l'esprit de cette personne, l'aide-comptable, le capital versé, mais, pour une raison ou pour une autre, il a été consigné. Je pourrais ajouter qu'aucun état financier de 533 n'a été déposé par l'une ou l'autre des parties au cours de la présente audience. Je n'ai jamais vu de bilan de la société pour les années visées par l'appel; je ne sais donc pas si le capital versé était de 3 $ ou de 150 $ dans l'esprit de la personne qui a effectué l'écriture de journal. C'est l'une des nombreuses choses que j'aurais aimé voir si j'avais eu l'occasion d'examiner le bilan de 533.    

[11]     La personne qui a effectué cette écriture de journal doit trouver un autre enregistrement créditeur pour équilibrer les écritures de journal. Le troisième enregistrement créditeur, s'élevant à 367 663 $, est consigné à titre d'avance faite par un actionnaire à la société, même si, autant que je sache, l'appelant et ses collègues n'ont jamais avancé une telle somme à la société. Par contre, si ces derniers n'avaient pas convenu que l'achalandage valait environ 426 000 $ (500 000 $ moins 74 000 $), les deux éléments sembleraient un peu fantaisistes.

[12]     Un an plus tard, la même personne effectuait apparemment la comptabilité de la société puisque, à la deuxième partie de la pièce A-5, on trouve une autre écriture de journal en date du 30 juin 1993. L'objet de cette écriture de journal est le suivant : [TRADUCTION] « Consigner l'achalandage inscrit par erreur au début » . Cette écriture de journal est très simple. Elle débite le compte de prêt des actionnaires d'un montant de 425 928 $ et crédite l'achalandage de 425 928 $. Bien sûr, l'effet de cette écriture est de satisfaire l'objectif tel qu'il est énoncé par l'aide-comptable et d'éliminer l'achalandage, et de permettre d'avoir, au compte de prêt des actionnaires (ou compte d'avance des actionnaires), un solde débiteur d'environ 58 000 $ en faveur de la société au lieu d'un solde créditeur en faveur des actionnaires. D'après la deuxième écriture de journal en date du 30 juin 1993, hormis toute transaction effectuée au cours de l'année écoulée, le compte des actionnaires serait passé, dans les registres de la société, d'un solde créditeur de 367 663 $ (qui, bien sûr, est en faveur des actionnaires) à un solde débiteur de 58 000 $, de sorte que les actionnaires devaient censément ce montant à leur société.

[13]     Il est difficile de spéculer sur ce que pouvait penser la personne qui effectuait les écritures de journal, mais le prix payé pour les actions, soit environ 500 000 $, m'indique que la valeur de l'achalandage devait être importante. Ce prix est tellement plus élevé que la valeur comptable apparente des actifs d'exploitation lorsqu'ils ont été transférés de Pane Vittoria à 533 que la valeur de l'achalandage devait être d'environ 400 000 $. Je ne suis pas à même de le savoir, mais, lorsqu'un groupe de personnes accepte d'acquérir les actions d'une société pour 500 000 $ alors que la valeur comptable sous-jacente des éléments d'actif de la société est considérablement inférieure à 500 000 $, l'achalandage de la société peut très bien représenter au moins une partie du prix d'achat. Dans le cas d'une transaction d'achat d'actions, par opposition à une transaction portant sur les éléments d'actif, l'achalandage est généralement un élément non consigné. C'était le résultat en l'espèce après les écritures de correction en date du 30 juin 1993. L'achalandage était éliminé, mais je me demande si le débit aurait totalement dû être imputé au compte de prêt des actionnaires.

[14]     En ce qui concerne les deux écritures de journal se trouvant à la pièce A-5, si la correction du 30 juin 1993 avait été effectuée une ou deux minutes après l'écriture de journal du 30 juin 1992, l'achalandage aurait disparu; il y aurait eu un enregistrement débiteur de 58 000 $ au compte de prêt aux actionnaires, et l'enregistrement créditeur aurait été presque exactement de 132 000 $. Cela aurait expliqué l'hypothèque mobilière prise par 533, mais cela n'aurait toujours pas été très logique, puisqu'il n'existe aucune preuve établissant que les actionnaires avaient emprunté 58 000 $ de 533 à ce moment-là. Ce qui s'est passé lors de l'établissement des cotisations faisant l'objet de l'appel découle de ces deux écritures de journal que je viens de décrire.

[15]     Je reviens maintenant à la pièce R-1, qui est la première page de l'hypothèque mobilière. Elle indique que Pane Vittoria est le débiteur hypothécaire et que les quatre actionnaires vendeurs sont les créanciers hypothécaires. L'hypothèque mobilière s'élève à 132 186 $, avec des intérêts de 10 p. 100 par an, et prévoit des paiements mensuels de 1 385,82 $ pendant 5 ans et une période d'amortissement de 15 ans. La pièce R-2 consiste en une feuille de grand livre de 533 intitulée [TRADUCTION] « emprunt hypothécaire » ; elle indique exactement les mêmes paiements mensuels que l'hypothèque mobilière, soit 1 385,82 $. Elle indique que les paiements mensuels seront effectués tout au long des années civiles 1992, 1993, 1994 et 1995 ainsi que pendant les 10 premiers mois de 1996, ce qui fait cinq années complètes de paiements mensuels puisque l'hypothèque mobilière a été accordée en octobre 1991. Apparemment, tous les paiements relatifs à cette hypothèque mobilière ont été effectués par 533. Je conclus que 533 a assumé le fardeau de l'hypothèque lorsque les actifs d'exploitation de Pane Vittoria lui ont été transférés, lesquels constituaient les actifs sous-jacents à l'hypothèque mobilière et garantissaient le remboursement de la dette hypothécaire.

[16]     Au cours de sa plaidoirie, le représentant de l'appelant a posé la question suivante : l'appelant avait-il transféré une dette à la société? Je pense que l'appelant lui-même n'a pas transféré de dette à la société, mais je conclus que l'appelant et les deux autres actionnaires fondateurs de 533 ont fait en sorte que 533 assume une partie de leur obligation envers les quatre actionnaires vendeurs. La société 533 a effectué la totalité des paiements relatifs à cette hypothèque mobilière de 132 186 $.

[17]     Les écritures de journal comportaient-elles une erreur de comptabilité et, si tel était le cas, l'appelant est-il responsable de cette erreur de comptabilité? Qu'un actionnaire d'une société soit responsable d'une erreur de comptabilité dépend des circonstances de l'erreur. Dans la décision que j'ai rendue dans l'affaire Chopp v. The Queen, 95 DTC 527, j'ai conclu qu'une erreur de comptabilité avait été commise sans que l'actionnaire principal ne le sache ou n'ait l'intention de la commettre. J'ai été en mesure de prendre cette décision après avoir entendu les témoignages détaillés de quatre témoins importants : l'actionnaire principal, sa fille, qui était commis comptable amateur, le comptable agréé externe qui avait effectué une vérification de la société en raison de sa taille et des sociétés avec lesquelles elle faisait affaire, et un comptable agréé interne qui avait été engagé par la société après la découverte de l'erreur de comptabilité et après que l'actionnaire principal se fût rendu compte qu'il devait améliorer la tenue de livres. Il m'avait été prouvé, dans l'affaire Chopp, que l'erreur avait été commise de bonne foi et que, aussitôt découverte, elle avait été corrigée.

[18]     Je serais le premier à reconnaître qu'un actionnaire n'est pas nécessairement lié par les erreurs de comptabilité d'une personne qui tient les livres de sa société. Si l'enregistrement de l'hypothèque mobilière dans les registres de 533 était une erreur de comptabilité, et si cette erreur avait été corrigée par la suite, je serais en mesure de conclure que l'appelant, qui est boulanger et non comptable, n'était pas lié par cette erreur. Je présume, d'après le témoignage de l'appelant, qu'il n'a jamais examiné les états financiers. Il est peut-être mal à l'aise lorsqu'il tente de comprendre les états financiers d'une société. Si la société avait cessé de rembourser la dette hypothécaire et s'était fiée aux actionnaires pour la rembourser, et si ces derniers avaient corrigé l'erreur de comptabilité lorsqu'ils l'ont constatée, j'aurais pu accorder une mesure de redressement.

[19]     Lorsque le représentant de l'appelant a demandé si ce dernier était lié par les erreurs du comptable, je n'ai pas hésité à déclarer qu'un actionnaire n'est pas en tant que tel lié par les erreurs de son aide-comptable ou de son comptable, mais je dois ajouter que les actionnaires sont liés par la conduite de la société qu'ils contrôlent. Lorsque la conduite de la société montre que, mois après mois, année après année, pendant plus de quatre ans, cette dernière continue à faire des paiements au titre d'une hypothèque comme si elle était le débiteur hypothécaire, je dis alors que l'actionnaire est lié non pas par l'erreur commise par l'aide-comptable, mais par ce que sa société a fait mois après mois et année après année dans le cadre de l'exploitation de son entreprise et de l'exécution des obligations, fussent-elles ses obligations particulières ou celles d'un actionnaire. Si l'obligation d'un actionnaire était exécutée sur une longue période par sa société sous forme de paiements mensuels réguliers, n'importe quel tiers objectif pourrait facilement en conclure que la société avait assumé l'obligation de l'actionnaire.

[20]     En ce qui concerne la question principale, si je devais rendre une décision défavorable à l'appelant, deux autres arguments ont été présentés. La totalité de la dette devrait-elle être ajoutée dès le début, ou le profit de l'actionnaire devrait-il être calculé sur une base mensuelle au fur et à mesure que les paiements sont effectués? S'il avait été prouvé que, au cours de la durée du prêt hypothécaire (soit cinq ans ou 60 mois), les actionnaires s'étaient rendu compte que leur société s'acquittait de leur dette et que ces derniers avaient mis fin à ces paiements pour s'acquitter eux-mêmes de la dette, je conclurais volontiers que le profit de l'actionnaire devrait être calculé mois par mois uniquement, étant donné que la société effectuait chaque paiement au profit de ses actionnaires. Cependant, lorsqu'il n'y a aucune indication du fait que la transaction a été décelée ou que l'erreur, si erreur il y a, a été corrigée pendant la durée de la dette, je pense alors qu'il est raisonnable de conclure qu'il y avait entre les actionnaires de 533 et 533 elle-même un arrangement implicite selon lequel cette dernière se chargerait de cette dette à partir du mois d'octobre 1991 et s'en acquitterait. C'est ce qui s'est passé.

[21]     En ce qui concerne le calcul du profit de l'actionnaire, je conclus qu'il est raisonnable de calculer le profit comme si 533 s'était chargée de la dette vers le mois d'octobre, novembre ou décembre 1991. Le profit correspondant à la valeur nominale de la dette ou à un montant inférieur a été attribué à ce moment-là. Toute avance consentie par l'appelant à la société au cours des années en litige doit être considérée comme des remboursements, par l'actionnaire, visant à réduire ce qui aurait par ailleurs constitué le profit de l'actionnaire aux termes du paragraphe 15(2). Par conséquent, tout paiement fait par l'appelant à 533 devrait réduire le profit de l'actionnaire qui a été calculé aux termes de la cotisation établie à l'égard de ce dernier. Je conclus, d'après les témoignages du vérificateur et de l'évaluateur des appels et après examen des pièces A-8 et R-5, que les avances faites par l'appelant à 533 correspondaient, en fait, à une réduction du montant par ailleurs inclus dans son revenu à titre de profit de l'actionnaire.

[22]     La question de savoir si le montant exact au titre du profit de l'actionnaire a été imputé au contribuable en cause, M. Cirillo, constituait une autre question accessoire. À cet égard, je me fonde sur le témoignage du répartiteur local, M. Nefsky, qui a déclaré qu'il avait trouvé le registre de la société et que, en mars 1993, l'appelant et M. Miceli avaient racheté la participation d'un tiers qu'avait le troisième actionnaire, M. Talarico. Par conséquent, au mois de mars 1993, l'appelant et M. Miceli étaient devenus actionnaires à parts égales. Puis, en juillet 1994, l'appelant a racheté les 50 p. 100 de M. Miceli et, plus tard au cours de cette même année, il a vendu la moitié de sa participation dans 533 à deux autres personnes.

[23]     Le 30 juin 1993, l'appelant possédait la moitié des actions de 533. Par conséquent, je conclus que la répartition du profit de l'actionnaire à l'appelant fondée sur une participation de 50 p. 100 était appropriée pour 1993, 1994 et 1995 puisque, lorsqu'il a racheté les actions de M. Miceli en juillet 1994, il a revendu la moitié aux deux autres. La moitié ne constitue pas une répartition déraisonnable en ce qui concerne l'appelant.

[24]     Le dernier élément est un droit d'usage d'une automobile dont les parties n'ont pas directement fait mention en l'espèce mais dont il est question dans la pièce A-7, soit l'annexe préparée par l'évaluateur des appels pour expliquer comment les montants ont été calculés en vue de l'établissement de la cotisation. La pièce A-8, qui est également une annexe préparée par l'évaluateur des appels, indique les rajustements effectués après la vérification lors des appels. En quelques mots, il s'avère que, pour 1993, le droit d'usage d'une automobile a fait l'objet d'une double imposition. Il s'est trouvé dans le compte de prêt de l'actionnaire, comme le montre la pièce A-8, sous la rubrique [TRADUCTION] « écriture d'ajustement pour les voitures - 30 juin 1993 » , et il figure précisément sous une rubrique distincte pour 1993 à la pièce A-7, le montant étant de 6 143 $. Par conséquent, j'admets l'appel visant l'année 1993 afin de soustraire du revenu de l'appelant le montant de 6 143 $ tel qu'il figure à la pièce A-7. Je ne suis pas convaincu qu'un redressement similaire existe pour les années 1994 et 1995 car, si j'examine la pièce A-8, qui est le rapprochement du compte de prêt de l'actionnaire préparé par le vérificateur des appels, aucune autre rubrique appelée « voitures » - comme celle du 30 juin 1993 - ne s'y trouve. Étant donné que ni le représentant de l'appelant ni l'avocat de l'intimée n'a présenté d'argument, j'ai conclu, compte tenu de la preuve dont je dispose, que ce n'est qu'en 1993 que l'appelant a fait l'objet d'une double imposition pour l'automobile. Pour ces motifs, l'appel visant l'année 1993 est admis seulement afin de supprimer un montant de 6 143 $ au titre du droit d'usage d'une automobile. Les appels visant les 1994 et 1995 sont rejetés.

Signé à Ottawa, Canada, ce 30e jour d'octobre 2000.

« M. A. Mogan »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 23e jour d'octobre 2003.

Philippe Ducharme, réviseur

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