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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

1999-3155(IT)I

ENTRE :

RICHARD A. TURRIFF,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appels entendus le 1er juin 2000, à Regina (Saskatchewan), par

l'honorable juge D. W. Beaubier

Comparutions

Avocate de l'appelant :                         Me Kim Ford

Avocat de l'intimée :                            Me Perry Derkson

JUGEMENT

          Les appels des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1995 et 1996 sont rejetés selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Vancouver (Colombie-Britannique), ce 14e jour de juin 2000.

« D. W. Beaubier »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 20e jour d'octobre 2003.

Philippe Ducharme, réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Date: 20000614

Dossier: 1999-3155(IT)I

ENTRE :

RICHARD A. TURRIFF,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Beaubier, C.C.I.

[1]      Ces appels, formés sous le régime de la procédure informelle, ont été entendus à Regina (Saskatchewan), le 1er juin 2000. L'appelant était le seul témoin. Il a interjeté appel des nouvelles cotisations restreignant les pertes agricoles qu'il a réclamées en 1995 et en 1996 en vertu du paragraphe 31(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu. À l'ouverture de l'audience, les parties ont convenu des modifications apportées à la réponse à l'avis d'appel, et l'appelant a abandonné un moyen d'appel fondé sur la Charte canadienne des droits et libertés.

[2]      Voici le libellé du paragraphe 5 de la réponse :

                        [TRADUCTION]

5.          En établissant ainsi de nouvelles cotisations à l'égard de l'appelant pour les années d'imposition 1995 et 1996, le ministre s'est appuyé sur les hypothèses de fait suivantes :

a)          les faits admis ci-devant;

b)          tout au long de la période pertinente, l'appelant exerçait la profession d'optométriste dans la ville d'Assiniboia, dans la province de la Saskatchewan;

c)          l'appelant, à titre d'optométriste, a gagné les revenus suivants pendant les années d'imposition 1989 à 1996 respectivement :

ANNÉE D'IMPOSITION

REVENU BRUT

REVENU NET

1998

360 452,00 $

99 267,00 $

1997

381 969,00

127 783,60

1996

354 399,00

117 343,00

1995

347 972,00

112 068,26

1994

349 439,00

105 229,00

1993

313 046,00

90 242,40

1992

332 891,00

96 341,00

1991

343 073,00

93 228,00

1990

348 292,00

105 646,00

1989 avant faillite

215 462,00

76 785,00

1989 après faillite

95 051,00

11 823,00

d)          l'appelant a déclaré les revenus agricoles (pertes) qui suivent relativement aux années d'imposition 1989 à 1996 :



ANNÉE D'IMPOSITION

REVENU BRUT

REVENU NET (PERTE)

1998

23 593,01 $

(29 774,22 $)

1997

32 551,49

(24 317,67)

1996

7 648,09

(30 515,24)

1995

8 388,05

(10 935,52)

1994

22 161,00

5 023,00

1993

8 060,30

(19 536,56)

1992

7 792,85

(33 116,67)

1991

7 271,00

(40 128,00)

1990

5 658,00

(38 754,00)

1989 avant faillite

2 137,00

(5 873,00)

(Les passages soulignés des alinéas c) et d) ont été modifiés à l'ouverture de l'audience en vue d'y intégrer des faits convenus plutôt que des hypothèses.)

e)          le ministre avait préalablement vérifié les déclarations de l'appelant des années d'imposition 1992 et 1993 et avait établi de nouvelles cotisations à son égard en vue de réduire les pertes agricoles déclarées telles qu'elles figurent à l'alinéa d) ci-dessus;

f)           l'appelant a, devant la Cour canadienne de l'impôt, interjeté appel des nouvelles cotisations restreignant ses pertes agricoles pour les années d'imposition 1992 et 1993;

g)          l'appelant a subséquemment signé un consentement à jugement selon lequel il acceptait que les pertes agricoles soient réduites pour les années d'imposition 1992 et 1993;

h)          l'appelant a démarré son exploitation agricole au cours de l'année d'imposition 1971;

i)           l'appelant a, au cours de l'année d'imposition 1971, acheté les trois quarts d'un terrain, qu'il possédait encore durant les années d'imposition 1995 et 1996;

j)           pendant les années d'imposition 1995 et 1996, l'appelant a en outre loué 200 acres destinés au pâturage;

k)          l'appelant exploite une ferme mixte qui consiste en l'élevage du bétail et de quelques chevaux ainsi qu'en la culture céréalière;

l)           l'appelant demeure sur son exploitation agricole;

m)         l'appelant déclare des revenus provenant de son exploitation agricole, lesquels ont été calculés selon la méthode de comptabilité de caisse;

n)          la profitabilité éventuelle de l'exploitation agricole de l'appelant pendant les années d'imposition 1995 et 1996 n'était pas significative comparativement à ses revenus tirés de sa profession d'optométriste;

o)          l'appelant a consacré davantage de temps à sa profession d'optométriste qu'à son exploitation agricole pendant les années d'imposition 1995 et 1996;

p)          l'appelant n'a pas changé d'orientation professionnelle pendant les années d'imposition 1995 et 1996;

q)          la principale source de revenu de l'appelant pour les années d'imposition 1995 et 1996 n'était ni un revenu agricole, ni un revenu agricole combiné à une autre source de revenu.

[3]      Les hypothèses énoncées aux alinéas a), b), c), d), e), f), g), h), i), j), k), l), m) et p) sont établies ou n'ont pas été réfutées.

[4]      En 1989, après son divorce, l'appelant a fait faillite. Il a alors racheté les trois quarts de terrain à la banque qui les avaient saisis. Pour ce faire, il a dû contracter des dettes importantes. En conséquence, en 1989, l'appelant a de nouveau entrepris l'exploitation agricole mixte, soit l'élevage du bétail et la culture céréalière. Cependant, de 1990 à 1996 inclusivement, il a déboursé environ 6 500 $ pour acheter des bovins et 20 000 $ pour acheter des chevaux. Il avait un intérêt personnel en ce qui concerne les chevaux et la chasse ainsi que l'occupation de sa maison située sur son exploitation agricole, ce qui, de toute évidence, a eu des répercussions sur son exploitation agricole et sur les aspects financiers qui s'y rattachent.

[5]      L'appelant a continué à subir des pertes agricoles en 1997 et en 1998. Les profits qu'il a générés en 1994 sont dû, d'une part, à un rajustement des stocks et, d'autre part, à une réclamation d'assurance-récolte. Il a témoigné que, en 1989, il avait acquis environ dix bovins et qu'il avait laissé croître son troupeau sans faire aucune vente puisqu'il s'attendait à faire des profits au moment opportun sur le marché des bestiaux. Au début de l'année 2000, il a vendu environ 20 bovins.

[6]      L'appelant a témoigné que, après avoir engagé des dépenses importantes aux fins de la culture du blé dur en 1997 et en 1998, il avait changé d'orientation en vue de faire des profits grâce à l'élevage de bovins et de réduire les dépenses engagées aux fins de production du blé dur.

[7]      En 1989, l'appelant était un agriculteur expérimenté qui, selon ses dires, aurait tiré certains profits de l'exploitation agricole au cours d'une partie des années 1980. Il n'avait pas prévu de modifier ses pratiques agricoles antérieures. Tout l'argent qu'il a emprunté a servi à racheter l'exploitation agricole (qui comprend sa résidence) de la CIBC, qui avait procédé à une saisie au titre de la garantie. Toutefois, en 1995, en raison de ses 18 années d'expérience en matière d'exploitation agricole, en raison du fait qu'il a grandi sur une ferme et en raison de ses activités agricoles de 1990 à 1994, toute période de démarrage était terminée. On peut estimer que l'exploitation agricole, rentable ou non, était en 1995 et 1996 une entité en cours.

[8]      Outre le problème d'intérêt personnel soulevé dans le présent appel, l'appelant doit composer avec les critères établis par Cour d'appel fédérale dans l'arrêt La Reine c. Andrew Donnelly, C.A.F., no A-604-93, le 15 octobre 1997 (97 DTC 5499). Selon la preuve, le temps consacré annuellement à l'exploitation agricole équivalait à celui qu'il consacrait à l'optométrie. Le capital engagé semble équivalent pour chaque activité. Cependant, l'appelant n'a présenté aucun élément de preuve relativement au montant des bénéfices auquel il aurait pu s'attendre de l'exploitation agricole comparativement à l'optométrie. Par ailleurs, il n'a fourni aucune preuve quant au moment précis où cela aurait pu se produire ni n'a démontré quel était le montant des bénéfices attendus ou si ces bénéfices auraient été considérables.

[9]      De même, l'appelant n'a présenté aucune preuve relativement à de quelconques revers imprévus qui ont empêché la réalisation de bénéfices pour les années 1995 et 1996. L'économie agricole, en général, semble être demeurée la même au cours de ces années que lorsqu'il a fait faillite. La preuve a permis d'établir que d'importantes dépenses en capital avaient été engagées aux fins de l'acquisition de camionnettes et d'un VTT, soit l'équipement normalement utilisé dans le cadre d'une exploitation agricole. Elle a également permis d'établir que plusieurs chevaux avaient été achetés comparativement au nombre de bovins achetés. Elle a établi que des ventes assez considérables de grain avaient été effectuées, lesquelles, selon l'appelant, n'avaient pas été rentables. Il a également été démontré que l'appelant était un amateur de chasse. Ce dernier a par ailleurs témoigné que, comme il était le seul homme à travailler sur une petite exploitation agricole de l'Ouest, il utilisait une jeep, des chevaux et un VTT pour nourrir son bétail, lequel est passé de 10 bovins en 1989 à 80 bovins au début de l'année 2000.

[10]     Dans l'arrêt Donnelly, précité, à la page 5501, le juge Robertson a déclaré ce qui suit :

L'analyse du facteur de la rentabilité permet de dissiper les doutes qui subsistent quant à savoir si la principale source de revenu d'un contribuable est l'agriculture. Il existe une différence entre le genre de preuve qu'un contribuable doit produire concernant la rentabilité en vertu de l'article 31 de la Loi et le genre de preuve applicable à l'expectative raisonnable de profit. Dans ce dernier cas, le contribuable n'a qu'à démontrer qu'il a ou avait une expectative de profit, que ce soit un dollar ou un million de dollars. Il est bien établi en droit fiscal que les termes « expectative raisonnable de profit » et « expectative de bénéfices raisonnables » ne sont pas synonymes. En ce qui concerne la rentabilité prévue à l'article 31, toutefois, le montant est pertinent parce qu'il permet de comparer un revenu agricole potentiel avec le revenu que le contribuable a effectivement tiré de l'autre occupation. Autrement dit, nous cherchons des éléments de preuve de nature à appuyer une conclusion d'expectative raisonnable de bénéfices « considérables » en provenance de l'agriculture.

L'appelant a omis de présenter une preuve qu'il avait une attente raisonnable de tirer un profit important de l'exploitation agricole. Selon un autre critère établi par la Cour d'appel fédérale, l'appelant avait un intérêt personnel pour ce qui est d'obtenir du financement pour sa maison, de posséder des chevaux et d'utiliser certains des véhicules pour aller à la chasse. De plus, toute période de démarrage a pris fin en 1995.


[11]     Pour ces motifs, les appels sont rejetés.

Signé à Vancouver (Colombie-Britannique), ce 14e jour de juin 2000.

« D. W. Beaubier »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 20e jour d'octobre 2003.

Philippe Ducharme, réviseur

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