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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

96-4684(IT)I

ENTRE :

DAVID SACKETT,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu sur preuve commune avec l'appel de John Maika (96-4692(IT)I), le 23 septembre 1997, à Toronto (Ontario), par

l'honorable juge Louise Lamarre Proulx

Comparutions

Pour l'appelant :                                                 l'appelant lui-même

Avocate de l'intimée :                                         Me Sanjana Bhatia

JUGEMENT

          L'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu, dont l'avis est daté du 26 septembre 1996 et porte le numéro 01129, est rejeté selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 14e jour de janvier 1998.

« Louise Lamarre Proulx »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 11e jour de février 2003.

Philippe Ducharme, réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

96-4692(IT)I

ENTRE :

JOHN MAIKA,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu sur preuve commune avec l'appel de David Sackett (96-4684(IT)I), le 23 septembre 1997, à Toronto (Ontario), par

l'honorable juge Louise Lamarre Proulx

Comparutions

Pour l'appelant :                                                 l'appelant lui-même

Avocate de l'intimée :                                         Me Sanjana Bhatia

JUGEMENT

          L'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu, dont l'avis est daté du 26 septembre 1996 et porte le numéro 01128, est rejeté selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 14e jour de janvier 1998.

« Louise Lamarre Proulx »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 11e jour de février 2003.

Philippe Ducharme, réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Date: 19980114

Dossier: 96-4684(IT)I

ENTRE :

DAVID SACKETT,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée,

et

96-4692(IT)I

ENTRE :

JOHN MAIKA,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Lamarre Proulx, C.C.I.

[1]      Les présents appels ont été entendus sur preuve commune. Des cotisations ont été établies à l'égard des appelants en vertu de l'article 227.1 de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ) au titre de retenues à la source non remises par Uni-Therm Limited (la « société » ), pour les mois d'octobre à décembre 1992 (la « période pertinente » ). Les appelants soutiennent qu'ils n'ont jamais été administrateurs de la société. Le ministre du Revenu national (le « ministre » ) est d'avis qu'ils sont devenus administrateurs le 21 octobre 1992.

[2]      Les deux appelants ont témoigné. Personne n'a témoigné pour le compte de l'intimée.

[3]      La société, constituée sous le régime de la Loi sur les sociétés par action de l'Ontario, exploitait une entreprise qui concluait des contrats pour faire des installations mécaniques relativement à des systèmes de conditionnement de l'air. L'appelant, M. Maika, est tôlier, et il a commencé à travailler pour la société en 1982. Au fil des ans, M. Maika a gagné la confiance de son patron, le président de la société, M. Raymond Reed. M. Maika a pris une part de plus en plus active dans la gestion des activités quotidiennes de la société.

[4]      Le second appelant, M. Sackett, qui travaille actuellement comme représentant de commerce, a commencé à travailler pour la société en 1992 à titre d'aide-soudeur. Il a occupé ce poste pendant 18 mois.

[5]      Les deux appelants étaient rémunérés à l'heure quand ils ont commencé à travailler pour la société. Au cours de la période pertinente, ils touchaient un salaire hebdomadaire.

[6]      Au début des années 1990, M. Reed a exprimé le désir de quitter la société, dont les affaires, semble-t-il, commençaient à péricliter. Il a offert aux appelants d'acheter l'entreprise. Après avoir discuté entre eux de la possibilité de prendre les rênes de l'entreprise, M. Sackett et M. Maika ont décidé d'accepter d'aller de l'avant car il n'y avait pas d'autre possibilité d'emploi pour eux à ce moment-là. Les appelants ont cependant affirmé qu'ils n'avaient jamais eu, selon eux, le pouvoir de gérer l'entreprise de la société, puisqu'ils n'avaient jamais versé aucun montant à M. Reed en vue d'acquérir des actions. Ils ont insisté sur le fait qu'ils exerçaient uniquement des fonctions de gestion et qu'ils avaient fait de leur mieux pour s'assurer que les fournisseurs étaient payés.

[7]      La pièce A-1 comprend un avis de modification adressé à la Direction des compagnies du ministère de la Consommation et du Commerce (formule 1, Loi sur les renseignements exigés des personnes morales). La formule est datée du 21 octobre 1992 et porte la signature de M. John Maika. Y sont annexées des résolutions signées indiquant que, le 21 octobre 1992, les appelants sont devenus les seuls administrateurs de la société et que M. Raymond S. Reed a cessé d'exercer cette fonction. M. David Sackett devenait président et administrateur, et M. John Maika, secrétaire-trésorier, vice-président et administrateur. La pièce A-1 fait aussi état du transfert d'une action ordinaire à chacun des appelants pour la somme de 1 $ et de la démission de M. Reed à titre de dirigeant et d'administrateur de la société.

[8]      Les appelants ont témoigné qu'ils avaient signé les documents qui font partie de la pièce A-1, mais qu'ils en avaient demandé l'entiercement jusqu'à ce qu'ils soient prêts à procéder à l'achat de la société. Les appelants ont affirmé que ces documents avaient été envoyés sans leur permission, soit par M. Reed, soit par l'avocat de la société, à la demande de M. Reed. Ils ont soutenu qu'ils n'avaient jamais eu les registres de la société en leur possession car M. Reed les avait conservés, et qu'ils n'avaient été conviés à aucune réunion du conseil d'administration de la société.

[9]      La pièce R-2 est un document bancaire daté du 20 octobre 1992, soit le jour précédant la date indiquée sur la pièce A-1 mentionnée précédemment. Ce document indique que trois personnes étaient des signataires autorisés à titre particulier, à savoir M. Raymond S. Reed, le président, M. David Sackett, le vice-président, et M. John Maika, le secrétaire. N'importe laquelle de ces personnes avait le droit de signer des chèques. Les appelants n'ont pas contesté ce document. Ils ont convenu qu'ils avaient le pouvoir de signer des chèques. En fait, l'un des fournisseurs avait été payé au moyen d'un chèque signé par l'un des appelants, comme en fait foi la pièce R-3, qui est datée du 2 novembre 1992 et qui porte la signature de M. Sackett seulement. M. Maika était déjà fondé de pouvoir depuis un certain temps, vu qu'il avait commencé, après quelques années de service, à prendre part à la gestion de l'entreprise, ainsi qu'il a été mentionné précédemment. Ainsi, il trouvait des clients, recouvrait les comptes débiteurs et payait les fournisseurs. Selon lui, il ne faisait que continuer le travail qu'il accomplissait déjà depuis un certain nombre d'années, c'est-à-dire obtenir les contrats et faire tout ce qu'il y avait à faire, pour reprendre ses propres termes.

[10]     La pièce R-4 constate une revendication de privilège formulée après le 7 janvier 1993 par la société. Il y est indiqué que les propriétaires sont David Sackett et John Maika. Le document porte la signature de M. Sackett. Il y est précisé que des services ou du matériel avaient été fournis pendant la période du 31 octobre 1991 au 7 janvier 1993. Le prix du contrat était de 96 000 $, auquel s'ajoutait la TPS. On a demandé à M. Sackett pourquoi il avait formulé la revendication de cette manière, puisque c'était vrai, ainsi qu'il le soutenait, qu'il ne dirigeait pas l'entreprise. Il a répondu que les deux appelants s'intéressaient de très près à la gestion des activités de l'entreprise et qu'ils voulaient maintenir celle-ci à flot, vu que M. Reed ne s'y intéressait plus et qu'ils se devaient donc d'agir rapidement.

[11]     La pièce A-2 est une lettre datée du 12 janvier 1994, que l'avocat de M. Maika à l'époque avait adressée à un autre avocat. Cette lettre a été produite en preuve pour étayer la thèse des appelants selon laquelle les documents signés auraient dû être entiercés :

          [TRADUCTION]

Maître,

Objet : Uni-Therm Ltd.

            Pour faire suite à la lettre que vous m'avez récemment envoyée, je vous fournis les renseignements suivants.

Mes clients ont eu, au bureau de [...], des discussions concernant la possibilité de se porter acquéreurs de l'entreprise Uni-Therm. J'ai cru comprendre, d'après la dernière conversation que j'ai eue avec [...], que certains documents ont été préparés en prévision de cette transaction. Il se peut qu'un certain nombre de documents aient été signés par mes clients au bureau de [...], mais ils se rapportaient à la transaction envisagée, qu'ils n'ont pas conclue puisqu'ils n'ont pas obtenu les renseignements sur les dettes de la société. Selon mes clients, les documents qui ont été signés étaient censés être conservés dans le bureau de [...] et ne devaient pas être divulgués. Ce point de vue concorde avec la conversation que j'ai eue précédemment avec [...], qui m'a informé que, si la transaction avait été conclue, il aurait conseillé à mes clients de se trouver un représentant indépendant.

            Mes clients sont par conséquent d'avis que tout document signé par eux devait être entiercé et que la divulgation de ces documents, notamment le dépôt de l'avis de changement au ministère de la Consommation et du Commerce, équivaut à une violation d'entiercement. Tout consentement signé par mes clients n'a donc pas pour effet de faire de ceux-ci des administrateurs de la société.

            Je vous prie d'agréer, Maître, mes salutations distinguées.

Les lettres échangées avant et après cette lettre n'ont pas été produites en preuve.

[12]     La pièce R-7 est un projet de convention d'achat, daté du 21 octobre 1992, qui indique que M. Raymond S. Reed est propriétaire de la société. Les actions et le fonds commercial auraient été vendus pour un montant de 55 000 $, dont 30 625 $ représentaient le prix du fonds commercial et de la raison sociale de la société. La pièce R-8 est un projet d'entente, daté du 29 octobre 1992, qui indique que M. Reed est l'unique propriétaire de la société et que les appelants, à titre d'administrateurs et d'actionnaires de la société, conviennent d'embaucher M. Reed pour une période de cinq ans, au salaire annuel de 52 000 $, et de lui accorder toute latitude pour ce qui est de définir ses fonctions et de déterminer la manière dont il s'en acquittera ainsi que le temps qu'il consacrera à l'entreprise. Ces documents n'ont jamais été signés, de sorte que les appelants ne sont jamais devenus propriétaires de l'entreprise.

[13]     Une certaine Mme Margaret Peacock s'occupait de la tenue des livres de la société. Elle avait d'abord travaillé à temps plein, mais, vers la fin, elle ne travaillait plus que deux jours par semaine environ. Durant la période pertinente, selon les appelants, elle aurait reçu des consignes d'eux ainsi que de M. Reed, puisqu'il était encore son patron. Les appelants ont témoigné qu'ils n'avaient jamais vérifié si les retenues à la source avaient été versées, et ils ne se souvenaient pas que Mme Peacock avait abordé la question avec eux. Il leur importait de payer les fournisseurs et de recouvrer les comptes débiteurs.

[14]     Ils ont affirmé qu'il n'y avait plus d'employés à partir d'octobre 1992, à part eux peut-être, et que, depuis qu'ils étaient censément devenus administrateurs, ils étaient rarement rémunérés, bien que leur salaire ait pu été consigné dans les registres de la société. Il semblerait donc que les retenues à la source en cause en l'espèce soient celles des appelants, bien qu'aucune preuve particulière n'ait été produite à cet égard.

Analyse

[15]     Les appelants ont donné des réponses évasives pour ce qui est des modalités de la tenue de livres, n'ayant pas invoqué la défense basée sur la diligence raisonnable. Ils ont fait valoir qu'ils n'étaient pas devenus administrateurs de la société, étant donné qu'ils n'avaient pas d'argent pour acheter l'entreprise et que les documents signés les désignant comme administrateurs étaient censés être entiercés. Pour étayer encore le fait qu'ils n'étaient pas devenus administrateurs, ils ont affirmé qu'ils n'avaient pas pris connaissance des registres de la société et qu'aucune réunion du conseil d'administration de la société n'avait été tenue. Cela ne prouve pas qu'ils n'avaient pas accepté d'être administrateurs de la société. C'est simplement une indication qu'ils n'ont peut-être pas exercé tous les pouvoirs qu'ils possédaient probablement comme administrateurs. En ce qui concerne l'argument établissant un lien entre l'acceptation de la charge d'administrateur et l'achat d'actions de la société, il convient de faire observer que les conventions d'achat, produites sous les cotes R-7 et R-8, n'étaient pas signées, contrairement aux documents désignant les appelants comme administrateurs. Aucune raison n'a été fournie pour expliquer cette différence. Il convient aussi d'attirer l'attention sur le fait que, sauf si les statuts de la société prévoient le contraire, nul administrateur n'est tenu de posséder une action de la société (paragraphe 118(2) de la Loi sur les sociétés par action de l'Ontario).

[16]     Selon la pièce R-2, les appelants étaient, le 20 octobre 1992, des dirigeants de la société; ils n'avaient donc pas les obligations légales auxquelles sont assujettis les administrateurs. Le 21 octobre 1992, M. Reed a remis sa démission et les appelants sont devenus administrateurs de la société.

[17]     Les appelants n'ont pas produit en preuve de document stipulant que les documents les désignant comme administrateurs étaient censés être entiercés jusqu'à ce qu'ils aient donné un quelconque accord officiel, et aucun témoin n'a été appelé à la barre pour corroborer une telle affirmation. En fait, il y a contradiction entre cette affirmation et la manière dont ils ont géré l'entreprise de la société et aussi leur témoignage selon lequel l'ancien président de la société avait décidé qu'il se départirait de l'entreprise s'ils n'en prenaient pas les rênes. La pièce R-4, faisant état de la revendication de privilège, indique aussi que les appelants s'estimaient être les seuls administrateurs de la société à ce moment-là.

[18]     Si les appelants ont accepté de devenir administrateurs, c'est probablement parce qu'ils voulaient, d'abord et avant tout, continuer d'exploiter une entreprise à laquelle ils avaient consacré beaucoup d'énergie et se réserver une source de revenu à une époque où les emplois étaient rares, mais ils ne voulaient probablement pas assumer les obligations prévues par la loi qui se rattachent à la charge d'administrateur. Je ne peux faire autrement que conclure que la preuve établit que les appelants sont devenus, en fait et en droit, administrateurs de la société et qu'ils doivent par conséquent assumer les obligations se rattachant à cette fonction. Étant donné qu'aucun moyen de défense autre que celui selon lequel ils n'avaient pas accepté de devenir administrateurs n'a été invoqué, les appels sont rejetés.

Signé à Ottawa, Canada, ce 14e jour de janvier 1998.

« Louise Lamarre Proulx »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 11e jour de février 2003.

Philippe Ducharme, réviseur

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