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Date: 20020819

Dossier: 2001-1450-GST-I

ENTRE :

LUCILLE DION,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

P.R. Dussault, J.C.C.I.

[1]      Il s'agit d'un appel d'une cotisation établie en vertu de la Partie IX de la Loi sur la taxe d'accise, (la « Loi » ) concernant la taxe sur les produits et services ( « TPS » ) pour la période du 1er janvier 1991 au 30 septembre 1998. L'avis de cotisation daté du 18 avril 2000, à l'égard du compte 114706351, porte le numéro 19981207-01 et contient la mention qu'il annule et remplace l'avis numéro 19981207 émis le 7 décembre 1998 pour la période du 1er janvier 1991 au 30 septembre 1998. Bien que la période mentionnée sur le nouvel avis de cotisation émis le 18 avril 2000 s'étende aussi jusqu'au 30 septembre 1998, il appert que le 30 avril 1999 l'inscription de l'appelante a été annulée rétroactivement au 31 décembre 1995 de sorte que la taxe réclamée au montant de 5 040,24 $ plus les intérêts et la pénalité ne couvrirait que la période du 1er janvier 1991 au 31 décembre 1995, (pièce I-3).

[2]      L'appelante exploite un salon de coiffure depuis 1973. De 1977 à 1990, elle a exploité son commerce sur la rue Principale à Lachute (Québec). Elle avait alors de 3 à 5 employé(e)s et son chiffre d'affaires excédait 30 000 $ par année. Vers le milieu de l'année 1990, elle a fermé son salon de coiffure situé sur la rue Principale et a continué l'exploitation seule dans sa résidence au 490, rue Meikle à Lachute.

[3]      Bien qu'elle estimait ne pas tirer plus de 30 000 $ par année de son commerce, désormais exploité par elle seule et sans employé(e), l'appelante demanda son inscription aux fins de la TPS en date du 13 décembre 1990, (pièce I-2).

[4]      La demande d'inscription de l'appelante fut traitée le 11 janvier 1991 pour valoir en date du 1er janvier 1991 et le numéro de compte 114706351 lui fut attribué (pièce I-3). Toutefois, dès le 8 janvier 1991, l'appelante avait déjà été inscrite et le numéro de compte 125262428 lui avait été attribué. Cette inscription a été annulée en date du 17 mai 1991 et seule l'inscription sous le numéro 114706351 fut conservée, comme le démontrent les relevés informatiques du ministère du Revenu du Québec (le « Ministère » ) soumis en preuve (pièces I-5 et I-6). D'ailleurs, ces documents n'indiquent aucune activité au compte numéro 125262428 au nom de l'appelante. Par ailleurs, les relevés informatiques sous le numéro de compte 114706351 indiquent quelques 22 lettres ou avis envoyés à l'appelante, laquelle aurait dû normalement faire des déclarations trimestrielles, et ce, entre le 22 novembre 1991 et le 1er novembre 1995. Une quinzaine de lettres ou d'avis lui furent envoyés par la suite, et ce, jusqu'au 27 octobre 1998.

[5]      Lors de son témoignage, l'appelante a reconnu avoir reçu ces multiples avis et ne pas y avoir donné suite puisqu'elle était persuadée qu'elle n'était plus inscrite depuis janvier 1991 et que son compte avait été fermé. L'appelante prétend en effet que dès le début de janvier 1991, elle aurait demandé l'annulation de son inscription et que les numéros de compte pour les taxes auraient effectivement été cancellés au cours de l'année 1991 suite à cette demande. Selon elle, on lui aurait aussi confirmé que son compte était fermé lors d'une conversation téléphonique. L'appelante a affirmé ne plus posséder de documents à cet égard puisqu'ils auraient été jetés à la suite de dommages causés par l'eau au sous-sol de sa résidence.

[6]      L'appelante a affirmé n'avoir jamais perçu les taxes depuis janvier 1991, malgré le fait qu'un fonctionnaire du Ministère a prétendu qu'elle aurait dit le contraire lors d'une conversation téléphonique tenue le 19 octobre 1995. Selon l'appelante, c'est à compter de ce moment-là que son numéro de taxe aurait été réactivé.

[7]      Le 18 novembre 1998, un avis final de non-production fut envoyé à l'appelante la sommant de produire les déclarations requises pour la période du 1er janvier 1991 au 30 septembre 1998 et de payer les taxes s'y rapportant, (pièce I-4).

[8]      Le 27 novembre 1998, l'appelante répondait par lettre qu'elle avait annulé son numéro de taxe en 1991, vu que ses revenus étaient inférieurs à 30 000 $ et qu'elle n'avait pas fait suite immédiatement au courrier envoyé par le Ministère parce qu'elle était convaincue que le dossier était fermé depuis 1991, (pièce I-4).

[9]      Ce n'est finalement que le 30 avril 1999, suite à la lettre et aux explications reçues de l'appelante que son compte TPS numéro 114706351 fut annulé rétroactivement au 31 décembre 1995, (pièce I-3).

[10]     Madame Alberte Théoret, qui s'est décrite comme teneur de livres, a aussi témoigné pour l'appelante. C'est elle qui a complété la demande d'inscription aux fins de la TPS datée du 13 décembre 1990, demande qui a été signée par l'appelante elle-même. Madame Théoret a affirmé qu'à la toute fin de décembre 1990, elle a réalisé que les revenus de l'appelante pour les six derniers mois de l'année, étaient inférieurs à 15 000 $ et qu'ainsi, au tout début de 1991, « on a annulé le numéro de taxe et on a reçu un papier » . Quelques mois plus tard, un nouveau numéro aurait été émis et madame Théoret qui a dit avoir alors eu « les papiers » aurait téléphoné et on lui aurait dit que c'était « annulé » .

[11]     Monsieur Jean-Marc Beaudoin, chef de service à l'inscription et au soutien, a témoigné pour l'intimée. À l'aide des relevés informatiques (pièces I-3, I-5, et I-6), il a relaté l'historique du dossier de l'appelante. Sous réserve de l'émission par erreur de deux numéros d'inscription de l'appelante aux fins de la TPS en janvier 1991, et de l'annulation de l'un des numéros, (le numéro 125262428, le 17 mai 1991), soit plusieurs mois avant que le premier avis de produire une déclaration soit envoyé à l'appelante, en date du 22 novembre 1991, le dossier ne contient aucun indice permettant de penser que l'inscription de l'appelante ait pu être annulée au cours de l'année 1991. Au contraire, la pièce I-3 indique qu'à l'égard du compte portant le numéro 114706351, plus de 35 lettres ou avis lui demandant de produire ses déclarations ont été envoyés à l'appelante entre 1991 et 1998; le premier avis étant en date du 22 novembre 1991. Il est assez étonnant de constater que l'appelante n'ait pas cru opportun de clarifier la situation de façon non équivoque dès la réception des premiers avis.

[12]     L'appelante étant un inscrit jusqu'au 31 décembre 1995, l'avocat de l'intimée soutient qu'elle aurait dû percevoir et remettre la TPS en rapport avec ses activités commerciales, et ce, même si elle aurait pu être considérée comme un petit fournisseur, vu ses revenus inférieurs à 30 000 $ au cours de la période du 1er janvier 1991 au 31 décembre 1995. Selon l'avocat de l'intimée, l'obligation de percevoir et de remettre la TPS découle du texte même de l'article 166 de la Loi qui prévoit une exception uniquement si la personne qui effectue la fourniture est un petit fournisseur qui n'est pas un inscrit.

[13]     L'avocat de l'intimée s'appuie également sur la décision dans l'affaire The Hamilton Hunt Company Ltd. et Sa Majesté la Reine [1999] G.S.T.C. 112 (version française [1999] A.C.I. no 860 (Q.L)). Il se réfère, par ailleurs, à la décision de la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Hegerat v. R., [2000] G.S.T.C. 48 (version française [2000] A.C.F. no 1062 (Q.L.)) bien qu'il se dise en désaccord avec la conclusion de la Cour que l'appelant n'était pas obligé de percevoir et de verser la TPS dans les circonstances de cette affaire. En effet, dans cette affaire, la Cour a décidé de retenir l'argument de l'appelant selon lequel il n'était pas tenu de percevoir et de verser la TPS son revenu étant très inférieur à 30 000 $, « ... du fait que le Ministre du Revenu national n'a pas été en mesure de donner une réponse valable à cet argument... » , et ce, en dépit du fait que l'appelant était un inscrit aux fins de la TPS. D'abord, il est important de noter que l'appelant n'avait pas fait valoir cet argument devant la Cour canadienne de l'impôt dont la décision est rapportée à [1999] G.S.T.C. 95 (version française [1997] A.C.I. no 1400 (Q.L.)). De plus, la Cour d'appel fédérale semble reconnaître, au paragraphe 3 de sa décision, que l'appelant était un inscrit. Or, il est surprenant que l'avocat de l'intimée n'ait pas fait valoir, à ce moment là, que l'exception de l'article 166 de la Loi ne pouvait s'appliquer puisque l'appelant était un inscrit et qu'en conséquence, il devait percevoir et verser la TPS.

[14]     L'avocat de l'intimée estime donc que le jugement de la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Hegerat, précitée a été rendu « per incuriam » et qu'il ne doit pas être suivi.

[15]     Je suis d'accord. L'article 166 de la Loi n'établit une exception qu'en faveur d'un petit fournisseur qui n'est pas un inscrit. En effet, cette disposition se lit comme suit :

Petit fournisseur

166.     La contrepartie ou la partie de contrepartie d'une fourniture taxable, sauf la fourniture d'un immeuble par vente, effectuée par un petit fournisseur, qui devient due, ou qui est payée avant qu'elle devienne due, à un moment où le petit fournisseur n'est pas un inscrit, n'est pas à inclure dans le calcul de la taxe payable relativement à la fourniture.

[16]     La preuve présentée dans la présente affaire établit que l'appelante était un inscrit à compter du 1er janvier 1991, et ce, suite à la demande d'inscription signée par elle, le 13 décembre 1990. Bien que l'un des deux numéros de compte sous lequel elle avait été inscrite aux fins de la TPS ait été annulé le 17 mai 1991, son inscription sous le numéro 114706351 a toujours été maintenue. Les dizaines et dizaines d'avis de produire ses déclarations trimestrielles qui lui ont été envoyés à compter du 22 novembre 1991 ne laissent, à mon avis, planer aucun doute à cet égard. L'inscription de l'appelante a finalement été annulée le 30 avril 1999, suite à sa lettre du 27 novembre 1998 et ce, rétroactivement au 31 décembre 1995. La cotisation en litige concerne un montant de taxe pour la période du 1er janvier 1991 au 31 décembre 1995 alors qu'elle était un inscrit. Au cours de cette période, l'appelante se devait, à ce titre, de percevoir et de verser la TPS en rapport avec ses activités commerciales, ce qu'elle n'a pas fait. La cotisation établissant le montant de taxe impayé pour cette période ainsi que des intérêts et une pénalité est donc bien fondée.

[17]     En terminant, il me paraît important de rappeler les conditions énoncées au paragraphe 242(2) de la Loi concernant l'annulation d'une inscription par le Ministre à la demande d'un petit fournisseur. Cette disposition se lit :

Demande d'annulation

242(2) Le petit fournisseur qui n'exploite pas d'entreprise de taxis a droit à l'annulation de son inscription, qui prend effet le lendemain du dernier jour de son exercice, s'il remplit les conditions suivantes :

a)          il a présenté au Ministre une demande à cette fin en la forme, selon les modalités et avec les renseignements déterminés par celui-ci;

b)          ce jour-là, il était inscrit depuis au moins un an.

[18]     Ainsi, malgré l'affirmation de l'appelante et de madame Théoret, rien ne permet d'établir qu'il y a effectivement eu une demande d'annulation de l'inscription par l'appelante au début de janvier 1991. Rien non plus ne permet d'affirmer que l'inscription sous le numéro 114706351 ait pu être annulée suite à une telle demande et subséquemment réactivée. Les documents soumis en preuve établissent que cette inscription a toujours été maintenue jusqu'au 30 avril 1999 et qu'elle a alors été annulée rétroactivement au 31 décembre 1995. Seule l'inscription sous le numéro 125262428 a été annulée tôt dans le processus et n'a jamais fait l'objet d'avis de produire les déclarations trimestrielles contrairement à l'inscription sous le numéro 114706351.

[19]     En tout état de cause, je signale qu'il est évident que l'appelante ne pouvait remplir la condition énoncée à l'alinéa 242(2)a) de la Loi, au début de janvier 1991, puisqu'elle venait tout juste d'être inscrite. Le ministre du Revenu national n'aurait pas pu annuler son inscription dès ce moment.

[20]     En conséquence de ce qui précède, l'appel est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 19e jour d'août 2002.

« P. R. Dussault »

J.C.C.I.


No DU DOSSIER DE LA COUR :                2001-1450(GST)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :                         Lucille Dion et Sa Majesté La Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :                             Montréal (Québec)

DATES DE L'AUDIENCE :                         le 31 juillet 2002

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :                  l'honorable juge P.R. Dussault

DATE DU JUGEMENT :                              le 19 août 2002

COMPARUTIONS :

Pour l'appelante :                                L'appelante elle-même

Pour l'intimée :                                    Me Alain-François Meunier

                                                         

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

Pour l'appelante :

Pour l'intimée :                                    Morris Rosenberg

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

2001-1450(GST)I

ENTRE :

LUCILLE DION,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu le 31 juillet 2002 à Montréal (Québec) par

l'honorable juge P.R. Dussault

Comparutions

Pour l'appelant :                                  L'appelante elle-même

Avocat de l'intimée :                            Me Alain-François Meunier

JUGEMENT

          L'appel d'une cotisation établie en vertu de la Partie IX de la Loi sur la taxe d'accise, concernant la taxe sur les produits et services pour la période du 1er janvier 1991 au 30 septembre 1998, dont l'avis de cotisation daté du 18 avril 2000 à l'égard du compte 114706351 et qui porte le numéro 19981207-01, est rejeté, selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 19 jour d'août 2002.

« P. R. Dussault »

J.C.C.I.


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