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Date: 20020723

Dossier: 2000-3753-IT-I

ENTRE :

JOHANNE R. GAGNON,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Bowman, J.C.A.

[1]            Le point en litige dans ces appels est de savoir si l'appelante est obligée d'inclure dans le calcul de son revenu pour les années 1996 et 1997 les montants de 18 078 $ et de 18 728 $ qu'elle a reçus pendant ces années, aux termes d'un accord de séparation, à titre de pension alimentaire pour subvenir aux besoins de ses enfants.

[2]            Le divorce de l'appelante et de son mari Thomas Alexander Crossgrove a été prononcé par la Cour de justice de l'Ontario le 16 janvier 1993. Ils sont les parents de deux enfants, Michel et Zakari. Ils ont signé un accord de séparation daté du 25 mai 1990, qui a été modifié par un accord daté du 20 août 1992. Le jugement de divorce, qui a été rendu après ces deux accords, était silencieux au sujet de l'obligation du mari de payer une pension alimentaire à son épouse.

[3]            Selon l'accord modifié, le mari de l'appelante était obligé de payer à son épouse mensuellement une pension alimentaire qui devait être augmentée annuellement selon l'indice des prix à la consommation.

[4]            L'accord n'a été modifié à nouveau qu'en 2000, soit après les années en cause.

[5]            Le 13 avril 2000, l'appelante et son ex-époux ont signé un choix conjoint (formule T1157) dans lequel ils ont convenu que les paiements prévus dans l'accord de séparation ne devaient être ni déductibles ni imposables après le 1er janvier 2000. Malheureusement, les années en cause sont 1996 et 1997.

[6]            L'appelante s'appuie sur la décision de la Cour suprême du Canada dans la cause Thibaudeau c. Canada, [1995] 2 R.C.S. 627. L'arrêt Thibaudeau est certainement une décision importante et il a probablement mené à la modification de la Loi de l'impôt sur le revenu, mais, à mon avis, il n'aide pas l'appelante. Avant les modifications de la Loi relatives aux pensions alimentaires reçues après 1996, les paiements de pension alimentaire étaient en général déductibles par le payeur et imposables entre les mains du bénéficiaire. Dans la cause Thibaudeau, on a prétendu que ce système d'inclusion/déduction portait atteinte au droit à l'égalité garanti par l'article 15 de la Charte. La Cour suprême du Canada a rejeté cet argument; néanmoins la cause a mené à des modifications de la Loi que j'essaierai de décrire brièvement.

[7]            En général les paiements de pension alimentaire effectués aux termes d'accords ou d'ordonnances établis avant mai 1997 sont déductibles par le payeur et imposables entre les mains du bénéficiaire, à moins qu'un événement ne soit survenu qui donne à l'accord ou à l'ordonnance une « date d'exécution » (en anglais « commencement date » ) qui est postérieure à avril 1997.

[8]            Les dispositions pertinentes de l'article 56 de la Loi qui étaient en vigueur en 1996 étaient les suivantes :

(1)            Sans préjudice de la portée générale de l'article 3, sont à inclure dans le calcul du revenu d'un contribuable pour une année d'imposition :

                ...

b)             un montant reçu par le contribuable au cours de l'année, en vertu d'une ordonnance ou d'un jugement rendus par un tribunal compétent ou en vertu d'un accord écrit, à titre de pension alimentaire ou autre allocation payable périodiquement pour subvenir aux besoins du contribuable ou d'enfants de celui-ci ou aux besoins à la fois du contribuable et de ces enfants, si le contribuable, pour cause d'échec de son mariage, vivait séparé de son conjoint ou ancien conjoint tenu d'effectuer le paiement, au moment de la réception du paiement et durant le reste de l'année.

[9]            Il est clair que l'appelante était imposable relativement aux montants reçus en 1996.

[10]          En 1997, les choses sont devenues beaucoup plus compliquées.

[11]          L'alinéa 56(1)b) a été modifié comme suit :

b)             le total des montants représentant chacun le résultat du calcul suivant :

A - (B + C)

où :

A              représente le total des montants représentant chacun une pension alimentaire que le contribuable a reçue après 1996 et avant la fin de l'année d'une personne donnée dont il vivait séparé au moment de la réception de la pension,

B              le total des montants représentant chacun une pension alimentaire pour enfants que la personne donnée était tenue de verser au contribuable aux termes d'un accord ou d'une ordonnance à la date d'exécution ou postérieurement et avant la fin de l'année relativement à une période ayant commencé à cette date ou postérieurement,

C              le total des montants représentant chacun une pension alimentaire que le contribuable a reçue de la personne donnée après 1996 et qu'il a incluse dans son revenu pour une année d'imposition antérieure.

[12]          Cela veut dire (et je reconnais que je cours le risque d'une simplification excessive) que les montants de pension alimentaire pour enfants reçus aux termes d'un accord ou d'une ordonnance après la « date d'exécution » ne devraient pas être inclus dans le revenu du bénéficiaire.

[13]          Quelle était la date d'exécution de l'accord ici?

[14]          La définition de « date d'exécution » se lit comme suit (paragraphe 56.1(4)) :

Quant à un accord ou une ordonnance :

a)             si l'accord ou l'ordonnance est établi après avril 1997, la date de son établissement;

b)             si l'accord ou l'ordonnance est établi avant mai 1997, le premier en date des jours suivants, postérieur à avril 1997 :

(i)             le jour précisé par le payeur et le bénéficiaire aux termes de l'accord ou de l'ordonnance dans un choix conjoint présenté au ministre sur le formulaire et selon les modalités prescrits,

(ii)            si l'accord ou l'ordonnance fait l'objet d'une modification après avril 1997 touchant le montant de la pension alimentaire pour enfants qui est payable au bénéficiaire, le jour où le montant modifié est à verser pour la première fois,

(iii)           si un accord ou une ordonnance subséquent est établi après avril 1997 et a pour effet de changer le total des montants de pension alimentaire pour enfants qui sont payables au bénéficiaire par le payeur, la date d'exécution du premier semblable accord ou de la première semblable ordonnance,

(iv)           le jour précisé dans l'accord ou l'ordonnance, ou dans toute modification s'y rapportant, pour l'application de la présente loi.

[15]          Évidemment, l'alinéa a) ne s'applique pas en l'espèce parce que l'accord a été établi avant avril 1997. Quant à l'alinéa b), ses sous-alinéas (ii) et (iii) ne peuvent pas s'appliquer parce que l'accord n'a pas fait l'objet d'une modification touchant le montant de la pension alimentaire et qu'il n'y a pas eu d'accord subséquent ayant pour effet de changer le montant de la pension alimentaire. Le sous-alinéa (iv) ne s'applique pas parce qu'aucun jour n'était précisé dans l'accord, pour l'application de la Loi.

[16]          Le seul sous-alinéa qui peut s'appliquer est le sous-alinéa (i). Mme Gagnon et son ex-époux ont précisé un jour dans le choix conjoint (formule T1157). Le jour précisé est le 1er janvier 2000. Donc, cette date est la date d'exécution.

[17]          Il y a deux autres points qui doivent être mentionnés. L'accord de séparation et sa modification ont été signés avant le divorce. À mon avis, ce fait n'a pas eu pour effet d'annuler l'accord parce qu'un accord de séparation précédent survit à un divorce à moins que le jugement de divorce ne contienne une disposition contraire. L'autre point est que l'augmentation annuelle des paiements selon l'indice des prix à la consommation ne constitue pas une modification de l'accord au sens où l'entend le sous-alinéa 56.1(4)b)(ii). Ces augmentations sont conformes à l'accord; elles ne le changent pas.

[18]          J'ai beaucoup de sympathie pour l'appelante. Il me paraît qu'elle n'a pas reçu de bons conseils au sujet de l'effet de l'arrêt Thibaudeau. Néanmoins, je suis obligé de rejeter les appels.

Signé à Ottawa, Canada, ce 23e jour de juillet 2002.

« D.G.H. Bowman »

J.C.A.

No DU DOSSIER DE LA COUR :        2000-3753(IT)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :                                 Entre Johanne R. Gagnon et

                                                                                                Sa Majesté La Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :                      Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                    4 juin 2002

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :         l'honorable D.G.H. Bowman

                                                                                                Juge en chef adjoint

DATE DU JUGEMENT :                      23 juillet 2002

COMPARUTIONS :

Pour l'appelante :                                  l'appelante elle-même

Pour l'intimée :                                       Me Arnold Bornstein

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

Pour l'appelante :

                                Nom :                       --

                                Étude :                     --

Pour l'intimée :                                       Morris Rosenberg

                                                                                Sous-procureur général du Canada

                                                                                Ottawa, Canada

2000-3753(IT)I

ENTRE :

JOHANNE R. GAGNON,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appels entendus le 4 juin 2002, à Toronto (Ontario), par

l'honorable juge en chef adjoint D.G.H. Bowman

Comparutions

Pour l'appelante :                  L'appelante elle-même

Avocat de l'intimée :           Me Arnold Bornstein

JUGEMENT

                Il est ordonné que les appels des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1996 et 1997 soient rejetés.

Signé à Ottawa, Canada, ce 23e jour de juillet 2002.

« D.G.H. Bowman »

J.C.A.

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