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Date: 20020820

Dossier: 2001-2207-GST-I

ENTRE :

LES IMMEUBLES LE SÉJOUR INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Angers, C.C.I.

[1]      Le présent appel a été interjeté à l'encontre d'une cotisation relative à la taxe sur les produits et services, aux intérêts et aux pénalités établie en vertu des dispositions applicables de la Loi sur la taxe d'accise ( « la Loi » ). Datée du 16 mars 2001 et visant la période du 1er janvier au 31 décembre 1998, la cotisation portée en appel concerne principalement l'application de la taxe à la suite du changement de l'usage d'un immeuble d'habitation qui a eu lieu le 1er septembre 1995.

[2]      L'appelante est une société dûment constituée. Le 12 mai 1995, elle a achevé la construction d'un bâtiment situé au 166, rue de l'Hôtel-de-Ville, à Rivière-du-Loup (Québec). Ce bâtiment était divisé en douze logements comprenant chacun cinq chambres à coucher, un salon, une cuisinette et deux salles de bain. Selon monsieur Edgar Fraser, qui est devenu l'actionnaire principal de l'appelante à la même date, le 12 mai 1995, la destination du bâtiment était la location des chambres : à des étudiants durant l'année scolaire, soit du 1er septembre au 31 mai, et aux touristes de juin à août.

[3]      Au moment de l'achat des actions par monsieur Fraser, l'appelante avait déjà en sa possession cinquante-huit baux qui avaient été signés par des étudiants pour la période allant du 1er septembre 1995 au 31 mai 1996 et qui portaient sur la location de chambres. Durant la période touristique, l'appelante engageait des employés pour assurer la réception et le service aux chambres. Ces mêmes employés étaient remerciés de leurs services à la fin du mois d'août.

[4]      Monsieur Fraser prétend que son bâtiment est occupé annuellement par des touristes dans une proportion de 25 % et par des étudiants, à des fins résidentielles, dans une proportion de 75 %.

[5]      En contre-interrogatoire, il a reconnu qu'en 1995 et en 1996 certains étudiants avaient pris possession de leur chambre jusqu'à deux semaines avant la date prévue au bail, soit le 1er septembre. Il a, par ailleurs, ajouté que ces mêmes étudiants quittaient souvent avant la date prévue au bail. Il a expliqué également que l'année scolaire au Cégep de Rivière-du-Loup commence le 21 août et se termine le 15 mai, alors qu'à l'école de métiers l'année commence le 2 ou le 3 septembre et s'étend jusqu'en juin.

[6]      Monsieur Fraser a reconnu que certaines chambres pouvaient être louées à des fins résidentielles durant l'été pour des courtes durées, soit d'une semaine, quoique quelques-unes se soient louées pour plus d'un mois. Le bâtiment est situé à proximité des établissements d'enseignement susmentionnés et de certains sites touristiques.

[7]      L'intimée a fait témoigner monsieur Jacques Cimon, vérificateur-évaluateur à l'Agence des douanes et du revenu du Canada, et madame Julie Bouchard, comptable et agente d'oppositions employée par le même organisme. Ces deux témoins ont fait état de leur rôle dans le dossier de l'appelante. Au début de l'année 2000, monsieur Cimon a rencontré monsieur Jean Beaumont, ancien actionnaire de l'appelante, pour se faire expliquer le fonctionnement de l'entreprise. Il a appris de monsieur Beaumont que, durant les mois d'été, l'immeuble de l'appelante sert à des fins touristiques et que, durant les trois autres saisons, il sert à des fins résidentielles. Il a examiné la comptabilité et les états financiers de l'appelante en remontant au début de ses opérations; il a examiné aussi ce que cette dernière avait fait en ce qui concerne la taxe sur les produits et services lors de l'acquisition de l'immeuble en 1995. Monsieur Cimon a constaté que l'achat de l'immeuble en mai 1995 avait été fait sans taxe sur les produits et services mais qu'en décembre 1995, lorsqu'elle a fait sa remise annuelle de ladite taxe, l'appelante en a versé 50 % sous prétexte que la moitié de ses opérations était taxable et l'autre moitié était exonérée.

[8]      Monsieur Cimon a donc fait l'analyse de l'exploitation de l'immeuble de l'appelante. Il a consulté l'énoncé de politique P-099 de son ministère pour trouver le sens des mots hôtel, motel et auberge; il a consulté aussi la Loi sur la taxe d'accise et ses définitions et les arrêtés municipaux de la ville de Rivière-du-Loup en vigueur au moment de la construction et au moment de son enquête. De plus, il a examiné la demande de permis de construction et les services offerts par l'appelante aux touristes et à ses locataires. Le permis de construction a été demandé pour faire la construction de douze logements résidentiels dans un endroit où le zonage, à l'époque, permettait un usage commercial. Selon le témoin, un tel usage ne serait plus permis aujourd'hui. Il pouvait difficilement conclure que l'entreprise de l'appelante était du type hôtel-motel puisque cette vocation n'était pas respectée durant toute l'année. Selon lui, il s'agissait d'un immeuble d'habitation, quoique les opérations de l'appelante ne correspondent pas à proprement parler à la définition de ce terme donnée dans la Loi. Le témoin a finalement conclu que l'immeuble de l'appelante devait être considéré comme un hôtel-motel pour une partie de l'année, soit l'été.

[9]      Monsieur Cimon a relaté qu'en ce qui concerne l'assujettissement à la taxe sur les produits et services, il a examiné un bilan pro forma en plus des états financiers de l'appelante afin de trouver une méthode juste et raisonnable de déterminer la proportion des opérations qui est taxable et celle qui est exonérée. La première méthode qu'il a utilisée consistait à comparer le nombre de nuits pour lesquelles les chambres étaient louées à des touristes et le nombre de nuits pour lesquelles elles étaient louées à des locataires. La proportion était de 3 % pour les touristes et de 97 % pour les locataires. La deuxième méthode consistait à comparer les revenus tirés de chaque type d'exploitation et la proportion était de 15 % provenant des touristes et de 85 % provenant des locataires.

[10]     La troisième méthode, et celle que monsieur Cimon a retenue, était basée sur le nombre de jours que l'appelante rendait les chambres disponibles à sa clientèle touristique, soit du 20 juin au 31 août de chaque année, par rapport au nombre de jours qu'il les rendait disponibles à sa clientèle de locataires, soit du 1er septembre au 19 juin. Cette proportion était de l'ordre de 19 % quant à l'utilisation aux fins touristiques et de 81 % pour l'utilisation aux fins résidentielles. L'intimée a donc établi une cotisation reflétant le fait que l'immeuble était exonéré dans une proportion de 81 % selon les dispositions du paragraphe 206(5) de la Loi.

[11]     L'appelante a adressée au ministre une opposition à cette nouvelle cotisation. Elle invoquait comme motifs, en premier lieu, que la valeur marchande de l'immeuble utilisée aux fins du calcul de la taxe sur les produits et services était trop élevée, et, en deuxième lieu, que le pourcentage de l'usage à des fins touristiques était erroné. L'appelante proposait plutôt une proportion de 75-25. Finalement, elle demandait que le terrain soit considéré séparément de l'immeuble, car une partie du terrain servant au stationnement n'était pas utilisée durant les mois d'hiver. Madame Julie Bouchard, comptable et agente d'oppositions à l'Agence des douanes et du revenu du Canada, n'a pas retenu ce dernier motif en raison du fait que le bâtiment est attaché au terrain et qu'on doit considérer la propriété dans son ensemble.

[12]     Quant au premier motif, madame Bouchard a dit que l'appelante demandait qu'on retienne comme valeur marchande l'évaluation municipale de la ville de Rivière-du-Loup, qui était de 678 800 $. La valeur marchande utilisée par le ministre était basée sur le prix d'achat payé par l'appelante lors de l'acquisition en mai 1995, soit 838 000 $. L'appelante avait fourni aux autorités fiscales le rapport d'un évaluateur en date du 1er septembre 1995 qui donnait à l'immeuble de l'appelante une valeur marchande de 730 000 $, incluant les taxes. Madame Bouchard trouvait étrange une telle évaluation alors que le prix d'achat quelques mois auparavant avait été de 838 000 $. Afin de régler cette question, elle a décidé de faire le calcul pour la cotisation en se basant sur la valeur marchande fournie de 730 000 $, incluant les taxes.

[13]     Madame Bouchard a témoigné s'être interrogée, tout comme l'avait fait le vérificateur, sur le deuxième motif, à savoir l'erreur quant au pourcentage de l'usage de l'immeuble aux fins touristiques. Elle a dit avoir examiné le rapport du vérificateur, les dépliants publicitaires distribués par l'appelante et les baux résidentiels, et avoir tenu compte de la longueur de la saison touristique. Son appréciation de tout cela l'a amenée à conclure que la proportion établie par le vérificateur était plus près de la réalité que celle proposée par l'appelante.

[14]     Tout comme le vérificateur, monsieur Cimon, madame Bouchard a témoigné qu'elle s'était interrogée sur la façon d'appliquer la taxe sur les produits et services à la suite du changement de l'utilisation en septembre 1995. Elle a dit avoir analysé les paragraphes 191(3), 206(5) et 206(4) de la Loi, de même que l'énoncé de politique P-099. Elle a conclu, contrairement au vérificateur, que, le 1er septembre 1995, l'utilisation de l'immeuble à des fins touristiques avait cessé complètement et qu'à ce moment donné il n'y avait plus de telle utilisation, ce qui avait comme conséquence qu'il n'était plus nécessaire d'attribuer un pourcentage à l'utilisation à cette fin. Il fallait donc, selon le paragraphe 206(4) de la Loi, payer la taxe sur les produits et services sur l'ensemble de l'immeuble, soit 100 %. La cotisation du 16 mars 2001 (pièce I-5) était donc basée sur cette conclusion.

[15]     L'intimée, dans ses actes de procédure, a également soutenu que la vocation prédominante de l'immeuble durant toute l'année en faisait un immeuble d'habitation et que la location des logements aux touristes durant quelques semaines en été n'était pas suffisante pour changer cette vocation. Cet usage n'était qu'accessoire à l'utilisation comme immeuble d'habitation et était nettement insuffisant pour faire perdre à l'immeuble ses attributs d'immeuble d'habitation. L'utilisation accessoire en question constituerait plutôt une fourniture à soi-même d'un immeuble d'habitation à logements multiples et la taxe serait perçue en vertu des dispositions du paragraphe 191(3) de la Loi. Le résultat, selon l'intimée, serait, pratiquement, le même que si l'on appliquait le paragraphe 206(4), comme l'a fait madame Bouchard.

[16]     L'appel, dans son aspect portant sur la valeur marchande, a été abandonné par l'appelante au début de l'audience. La valeur marchande utilisée en l'espèce sera donc de 730 000 $, incluant les taxes. En ce qui concerne la demande de l'appelante que, pour la détermination des activités taxables, l'utilisation du terrain et celle du bâtiment soient dissociées au motif que, durant les mois d'hiver, une partie du terrain n'est pas entretenue, je ne puis y acquiescer. Le terrain et l'immeuble ne font qu'un.

[17]     Il s'agit donc de déterminer la nature exacte de ce bâtiment au 1er septembre 1995 aux fins de l'application de la Loi. La Loi fournit certaines définitions qui aident dans cette détermination. Le mot « habitation » est défini comme suit au paragraphe 123(1) :

« habitation » Maison individuelle, jumelée ou en rangée, unité en copropriété, maison mobile, maison flottante, appartement, chambre d'hôtel, de motel, d'auberge ou de pension, chambre dans une résidence d'étudiants, d'aînés, de personnes handicapées ou d'autres particuliers ou tout gîte semblable, ou toute partie de ceux-ci, qui est, selon le cas :

             a) occupée à titre résidentiel ou d'hébergement;

       b) fournie par bail, licence ou accord semblable, pour être utilisée à titre résidentiel ou d'hébergement;

c) vacante et dont la dernière occupation ou fourniture était à titre résidentiel ou d'hébergement;

d) destinée à servir à titre résidentiel ou d'hébergement sans avoir servi à une fin quelconque.

Ce même paragraphe définit ce qu'est un immeuble d'habitation :

« immeuble d'habitation »

a) La partie constitutive d'un bâtiment qui comporte au moins une habitation, y compris :

(i) la fraction des parties communes et des dépendances et du fonds contigu au bâtiment qui est vraisemblablement nécessaire à l'usage résidentiel du bâtiment,

(ii) la proportion du fonds sous-jacent au bâtiment correspondant au rapport entre cette partie constitutive et l'ensemble du bâtiment;

[...]

Ne sont pas des immeubles d'habitation tout ou partie d'un bâtiment qui est un hôtel, un motel, une auberge, une pension ou un gîte semblable, ni le fonds et les dépendances qui y sont attribuables, si le bâtiment n'est pas visé à l'alinéa c) et si la totalité ou la presque totalité des baux, licences ou accords semblables, aux termes desquels les habitations dans le bâtiment ou dans la partie de bâtiment sont fournies, prévoient, ou sont censés prévoir, des périodes de possession ou d'utilisation continues de moins de 60 jours.

Finalement, immeuble d'habitation à logements multiples est défini comme suit :

« immeuble d'habitation à logements multiples » Immeuble d'habitation, à l'exclusion d'un immeuble d'habitation en copropriété, qui contient au moins deux habitations.

[18]     Il est donc évident qu'il s'agit ici d'un immeuble d'habitation à logements multiples nouvellement construit par l'appelante, dont l'intention principale était de faire la location de ces logements à des fins résidentielles. Le permis de construction délivré indiquait qu'il s'agissait bel et bien de la construction de douze logements résidentiels, et l'appelante avait déjà en sa possession, au moment de la vente de ses actions, cinquante-huit baux dûment signés pour une période allant du 1er septembre au 31 mai, soit, dans chaque cas, une période de plus de soixante jours. Faisait donc l'objet d'un bail chacune des chambres dans les douze logements.

[19]     Le paragraphe 191(3) de la Loi prévoit l'autocotisation par un constructeur d'un immeuble d'habitation à logements multiples lorsque certaines conditions sont réunies :

191(3) Fourniture à soi-même d'un immeuble d'habitation à logements multiples - Pour l'application de la présente partie, lorsque les conditions suivantes sont réunies :

a)     la construction ou les rénovations majeures d'un immeuble d'habitation à logements multiples sont achevées en grande partie,

b)    le constructeur, selon le cas :

   (i) transfère à une personne, qui n'est pas l'acheteur en vertu du contrat de vente visant l'immeuble, la possession d'une habitation de celui-ci aux termes d'un bail, d'une licence ou d'un accord semblable conclu en vue de l'occupation de l'habitation à titre résidentiel,

(i.1) transfère à une personne la possession d'une habitation de l'immeuble aux termes d'une convention prévoyant :

(A) d'une part, la fourniture par vente de tout ou partie du bâtiment faisant partie de l'immeuble,

(B) d'autre part, la fourniture par bail du fonds faisant partie de l'immeuble ou la fourniture d'un tel bail par cession,

(ii) étant un particulier, occupe lui-même à titre résidentiel une habitation de l'immeuble,

c)     le constructeur, la personne ou un particulier locataire de celle-ci ou titulaire d'un permis de celle-ci est le premier à occuper à titre résidentiel une habitation de l'immeuble après que les travaux sont achevés en grande partie,

le constructeur et réputé :

d) avoir effectué et reçu, par vente, la fourniture taxable de l'immeuble le jour où les travaux sont achevés en grande partie ou, s'il est postérieur, le jour où la possession de l'habitation est transférée à la personne ou l'habitation est occupée par lui;

e) avoir payé à titre d'acquéreur et perçu à titre de fournisseur, au dernier en date de ces jours, la taxe relative à la fourniture, calculée sur la juste valeur marchande de l'immeuble ce jour-là.

[20]     Pour que cette règle soit applicable, il faut que l'appelante soit le constructeur selon la définition de ce terme figurant au paragraphe 123(1).

« constructeur » Est constructeur d'un immeuble d'habitation ou d'une adjonction à un immeuble d'habitation à logements multiples la personne qui, selon le cas :

a) réalise, elle-même ou par un intermédiaire, à un moment où elle a un droit sur l'immeuble sur lequel l'immeuble d'habitation est situé :

(i) dans le cas d'une adjonction à un immeuble d'habitation à logements multiples, la construction de l'adjonction,

(ii) dans le cas d'un logement en copropriété, la construction de l'immeuble d'habitation en copropriété dans lequel ce logement est situé,

(iii) dans les autres cas, la construction ou des rénovations majeures de l'immeuble d'habitation;

b) acquiert un droit sur l'immeuble à un moment où :

(i) dans le cas d'une adjonction à un immeuble d'habitation à logements multiples, cette adjonction est en construction,

(ii) dans les autres cas, l'immeuble d'habitation est en construction ou fait l'objet de rénovations majeures;

c) dans le cas d'une maison mobile ou d'une maison flottante, fournit la maison avant qu'elle soit utilisée ou occupée à titre résidentiel;

d) acquiert un droit sur l'immeuble d'habitation au moment suivant, en vue principalement soit d'effectuer par vente des fournitures de tout ou partie de l'immeuble, ou de droits sur celui-ci, soit d'effectuer des fournitures de tout ou partie de l'immeuble par bail, licence ou accord semblable au profit de personnes autres que des particuliers qui acquièrent l'immeuble ou la partie d'immeuble autrement que dans le cadre d'une entreprise, d'un projet à risques ou d'une affaire de caractère commercial :

(i) dans le cas d'un immeuble d'habitation en copropriété ou d'un logement en copropriété, soit à un moment où l'immeuble n'est pas enregistré à titre d'immeuble d'habitation en copropriété, soit avant qu'il soit occupé à titre résidentiel ou d'hébergement,

(ii) dans les autres cas, avant qu'il soit occupé à titre résidentiel ou d'hébergement;

e) dans tous les cas, est réputée par le paragraphe 190(1) être le constructeur de l'immeuble.

N'est pas un constructeur :

f) le particulier visé aux alinéas a), b) ou d) qui, en dehors du cadre d'une entreprise, d'un projet à risques ou d'une affaire de caractère commercial,

(i) soit construit ou fait construire l'immeuble d'habitation ou l'adjonction, ou y fait ou fait faire des rénovations majeures,

(ii) soit acquiert l'immeuble ou un droit afférent;

g) le particulier visé à l'alinéa c) qui fournit la maison mobile ou la maison flottante autrement que dans le cadre d'une entreprise, d'un projet à risques ou d'une affaire de caractère commercial;

h) la personne visée aux alinéas a) à c) dont le seul droit sur l'immeuble est celui d'acheter du constructeur l'immeuble ou un droit afférent.

[21]     En l'espèce, et ce, nonobstant le transfert d'actions, l'appelante a elle-même construit son immeuble d'habitation à logements multiples. La construction était achevée et ses premiers locataires ont pris possession de leurs chambres le 1er septembre 1995. L'appelante avait ainsi réalisé son projet tel qu'il avait été conçu au départ. Toutes les conditions requises pour que s'applique le paragraphe 191(3) sont dès lors réunies. L'appelante est alors réputée avoir effectué et reçu par vente la fourniture taxable de l'immeuble le 1er septembre 1995. Il faut se rappeler que les dispositions prévoyant l'autocotisation sont là pour éviter tout avantage que pourrait avoir la personne qui réalise elle-même son projet de construction sur celle qui acquiert d'un constructeur un immeuble résidentiel et qui doit payer la taxe sur l'achat.

[22]     L'application du paragraphe 191(3) dans le cas d'une fourniture à soi-même n'est pas la même que celle de l'article 206. Le seul point commun est la présomption du transfert d'une fourniture taxable. La taxe payée en vertu du paragraphe 191(3) se rapporte à une fourniture exonérée et l'appelante ne saurait en conséquence réclamer à son égard un crédit de taxe sur les intrants puisque pareil crédit n'est accordé que lorsque les intrants sont nécessaires aux fins d'activités commerciales. La Cour d'appel fédérale dans 398722 Alberta Ltd. c. Canada, [2000] G.T.C. 4091, [2000] A.C.F. no 644, a dit, dans les termes suivants, que les fournitures exonérées doivent être considérées séparément des fournitures faites dans le cadre d'activités commerciales :

22. Toute entreprise peut consister en plusieurs éléments, dont chacun fait partie intégrante de l'ensemble. La définition d'"activité commerciale" prend en compte cette possibilité mais pose, aux fins de la TPS, que tout élément de l'entreprise qui consiste dans la réalisation de fournitures exonérées soit considéré à part.

[23]     Les règles énoncées à l'article 206 ne s'appliquent qu'à l'égard d'un immeuble qui est une immobilisation. Le paragraphe 195.1(1) de la Loi détermine quand un immeuble d'habitation est réputé être une immobilisation.

195.1 (1) Immeuble d'habitation réputé immobilisation - Pour l'application de la présente partie, sauf les articles 148 et 249, un immeuble d'habitation est réputé être l'immobilisation de son constructeur à un moment donné si les conditions suivantes sont réunies :

a) la construction ou les rénovations majeures de l'immeuble étaient achevées en grande partie au moment donné;

b) au cours de la période allant du moment où les travaux sont achevés en grande partie jusqu'au moment donné, le constructeur a reçu une fourniture exonérée de l'immeuble ou est réputé par l'article 191 en avoir reçu une fourniture taxable.

[24]     Si l'on tient pour acquis qu'en l'espèce la construction était achevée en mai 1995 et que l'immeuble a été acquis comme une fourniture exonérée, il était une immobilisation dès le début de la location aux fins touristiques en mai 1995 et les règles de l'article 206 s'appliqueraient alors à la cessation de l'utilisation de l'immeuble dans le cadre d'activités commerciales au 1er septembre 1995, et par la suite, à partir de la reprise de la location aux fins touristiques au 1er juin 1996.

[25]     En l'espèce, il s'agit d'un changement d'usage important, contrairement au cas envisagé à l'article 197.

197. Changement d'utilisation négligeable - Pour l'application des paragraphes 206(2), (3) et (5), 207(2) et 208(2) et (3), lorsqu'un bien à utiliser dans le cadre des activités commerciales d'un inscrit a fait l'objet, au cours de la période commençant au dernier en date des jours suivants et se terminant après ce jour, d'un changement d'utilisation qui représente un changement de moins de 10 % par rapport à son utilisation totale, l'inscrit est réputé avoir utilisé le bien durant cette période dans la même mesure et à la même fin qu'il l'utilisait au début de cette période :

a) le jour où l'inscrit a acquis ou importé le bien la dernière fois pour l'utiliser comme immobilisation;

b) le jour où les paragraphes 206(3) ou (5), 207(2) ou 208(3) se sont appliqués au bien pour la dernière fois.

Le présent paragraphe ne s'applique pas si l'inscrit est un particulier qui a commencé, au cours de la période en question, à utiliser le bien principalement pour son usage personnel ou celui d'un particulier qui lui est lié.

[26]     L'application de l'article 206 permet donc à l'appelante de réclamer, relativement à l'acquisition de l'immeuble, le crédit de taxe sur les intrants dans une proportion correspondant à la partie de l'exploitation de l'immeuble qui est comprise dans ses activités commerciales.

[27]     La cotisation établie par le ministre reflète la totalité de la taxe due par l'appelante et cette taxe devrait être calculée en vertu de l'article 191(3) de la Loi. Pour ces motifs, l'appel est rejeté.

Signé à Edmundston (Nouveau-Brunswick), ce 20e jour d'août 2002.

« François Angers »

J.C.C.I.


No DU DOSSIER DE LA COUR :                2001-2207(GST)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :                         LES IMMEUBLES LE SÉJOUR INC.

                                                                   et Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :                             Québec (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                            12 mars 2002

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :                  L'honorable juge François Angers

DATE DU JUGEMENT :                              20 août 2002

COMPARUTIONS :

Pour l'appelante :                                Me Jean-Paul Boucher

Pour l'intimée :                                    Me Ghislaine Thériault

AVOCAT(E) INSCRIT(E) AU DOSSIER :

Pour l'appelante :

                   Nom :                     Me Jean-Paul Boucher

                   Étude :                             Rivière-du-Loup (Québec)

Pour l'intimée :                                    Morris Rosenberg

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

2001-2207(GST)I

ENTRE :

LES IMMEUBLES LE SÉJOUR INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu le 12 mars 2002, à Québec (Québec), par

l'honorable juge François Angers

Comparutions

Avocat de l'appelante :                                  Me Jean-Paul Boucher

Avocate de l'intimée :                                    Me Ghislaine Thériault

JUGEMENT

          L'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi sur la taxe d'accise dont l'avis porte le numéro 0220448 en date du 16 mars 2001, pour la période du 1er janvier 1998 au 31 décembre 1998, est rejeté.

Signé à Edmundston (Nouveau-Brunswick), ce 20e jour d'août 2002.

« François Angers »

J.C.C.I.


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