Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

1999-5132(IT)I

ENTRE :

HALINA JURALOWICZ,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu le 2 juin 2000, à Vancouver (Colombie-Britannique), par

l'honorable juge R. D. Bell

Comparutions

Pour l'appelante :                                 l'appelante elle-même

Avocate de l'intimée :                          Me Johanna Russell

JUGEMENT

          Les appels des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1994, 1995 et 1996 sont admis, et les nouvelles cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation.

Signé à Ottawa, Canada, ce 1er jour d'août 2000.

« R. D. Bell »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 17e jour d'octobre 2003.

Philippe Ducharme, réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Date: 20000802

Dossier: 1999-5132(IT)I

ENTRE :

HALINA JURALOWICZ,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Bell, C.C.I.

QUESTION EN LITIGE :

[1]      La question que la Cour est appelée à trancher est celle de savoir si l'appelante avait le droit, pour ses années d'imposition 1994, 1995 et 1996, de déduire des frais d'utilisation d'un véhicule à moteur engagés alors qu'elle gagnait un revenu d'emploi. Les montants déduits ne sont pas contestés. Ces montants sont les suivants :

          1994             2 805 $

          1995             4 363 $

          1996             1 584 $

LES FAITS :

[2]      Au cours des années en cause, l'appelante occupait un emploi à titre de travailleuse sociale auprès de la Société Saint-Léonard. L'aller-retour entre sa maison et le bureau de la Societé était d'environ 75 km. Elle exerçait également un emploi auprès de la Simon Fraser Society for Community Living.

Elle a témoigné que son emploi consistait à fournir des services d'aide à l'enfance, notamment à fournir des services particuliers à des enfants vivant dans certains types de familles. Elle a indiqué qu'elle avait cinq ou six clients par jour et qu'elle devait se déplacer en voiture d'un domicile à l'autre et se rendre aussi aux tribunaux et aux écoles, de même que se déplacer pour rencontrer des travailleurs sociaux.

[3]      Elle a affirmé qu'elle ne recevait aucun remboursement au titre des frais d'utilisation d'un véhicule, sauf si un client l'accompagnait dans sa voiture. Elle a indiqué que, souvent, elle se rendait simplement à un domicile pour s'entretenir avec un enfant et sa famille. Elle a également ajouté qu'elle avait de [TRADUCTION] « nombreux clients » et qu'elle [TRADUCTION] « conduisait beaucoup » pour se rendre à leur domicile.

[4]      L'appelante a témoigné qu'elle consignait, dans la voiture même, les kilomètres parcourus et qu'elle remettait ses notes à son conjoint, qui tenait des journaux contenant les renseignements relatifs à l'utilisation de la voiture. Ces journaux ont été déposés en preuve devant la Cour. Ils indiquent le nombre de kilomètres qu'elle a parcourus dans le cadre de son travail et pour lesquels elle a été remboursée et ceux pour lesquels elle n'a pas été remboursée, de même que le nombre de kilomètres parcourus à des fins personnelles.

[5]      Elle a également émis des commentaires relativement aux allégations de l'intimée qui figurent dans la réponse à l'avis d'appel. Elle a indiqué que l'allégation portant que [TRADUCTION] « chaque jour, l'appelante commençait à travailler à partir du bureau de la Société Saint-Leonard [...] à Burnaby » était inexacte. Elle a affirmé qu'elle commençait à travailler à partir du bureau seulement trois fois par mois environ. Elle a ajouté que, lorsqu'elle était à proximité du bureau à un moment donné, elle s'y rendait parfois. Elle a également indiqué qu'elle s'entretenait avec son superviseur par téléphone à partir de son domicile. Elle a affirmé que l'allégation selon laquelle elle [TRADUCTION] « parcourait en moyenne 75 kilomètres par jour pour faire la navette entre son domicile et son travail » était inexacte. Elle a indiqué qu'elle ne réclamait le remboursement des kilomètres parcourus que lorsqu'elle se déplaçait du domicile d'un client à celui d'un autre ou d'un établissement à un autre. Elle a également ajouté que l'allégation portant que son [TRADUCTION] « employeur lui accordait une allocation correspondant à 35 cents du kilomètre » au titre de l'utilisation d'un véhicule dans le cadre de son emploi était inexacte, affirmant qu'on ne lui remboursait qu'une partie de ses frais et qu'elle n'avait pas réclamé le remboursement des kilomètres parcourus à des fins personnelles. Elle n'a pas inclus dans son revenu l'allocation qui lui avait été versée.

[6]      Les salaires que la Société Saint-Léonard lui a versés étaient les suivants :

          1994             31 391 $

          1995             27 823 $

          1996             13 341 $

[7]      En contre-interrogatoire, on a demandé à l'appelante de fournir des explications relativement à l'extrait suivant figurant dans son avis d'opposition :

[TRADUCTION]

Dans le cadre de mon travail, je me rendais d'abord aux bureaux de la Société Saint-Léonard situés à Burnaby et, de là, je me rendais en voiture chez mon client ou à un autre endroit où mes services étaient requis [...]

[8]      Elle a indiqué que cet extrait avait été rédigé par erreur. Elle a expliqué qu'elle avait eu un accident de voiture, qu'elle n'était pas en mesure d'écrire et que c'était sa fille qui avait commis cette erreur en rédigeant l'avis d'opposition. Elle a également affirmé que, dans une autre lettre rédigée à l'intention de Revenu Canada, elle avait tenté d'expliquer qu'elle ne commençait pas ses occupations journalières dans les locaux de l'employeur.

[9]      Un agent des appels à Revenu Canada a témoigné que, selon ses notes, l'appelante se rendait au bureau de l'employeur deux ou trois fois par semaine. L'appelante a affirmé que ce renseignement, tiré, semble-t-il, d'une conversation téléphonique, était inexact et qu'elle se rendait au bureau deux ou trois fois par mois.

[10]     En contre-interrogatoire, l'appelante a également indiqué qu'elle possédait deux voitures pendant la période en cause.

[11]     L'avocate de l'intimée a renvoyé l'appelante à une DÉCLARATION DES CONDITIONS DE TRAVAIL jointe à sa déclaration de revenus de 1994. À la question no 7, on demandait à l'employé si elle avait reçu [TRADUCTION] « une allocation ou un remboursement au titre des frais engagés en vue de gagner un revenu d'emploi » . La réponse fait état du montant de l'allocation obtenue pour chaque kilomètre, du nombre de kilomètres parcourus et du montant total. À la question no 9, on demandait à l'employée si elle était [TRADUCTION] « tenue d'engager d'autres frais à l'égard desquels [elle] ne recevait aucun remboursement ou allocation » . L'appelante a répondu par la négative. Elle a expliqué que, pour elle, cela signifiait qu'elle n'était pas tenue de payer des déjeuners aux clients et qu'elle n'avait pas séjourné dans des hôtels à l'extérieur de la ville.

[12]     L'appelante a témoigné que la Société Saint-Léonard savait quelles étaient les activités qu'elle exerçait dans le cadre de son travail et de ses déplacements.

POSITION DE L'INTIMÉE :

[13]     L'avocate de l'intimée a renvoyé la Cour à l'alinéa 8(1)(h.1) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » )[1], qui stipule qu'un contribuable peut déduire des frais ainsi :

(h.1)     dans le cas où le contribuable, au cours de l'année, a été habituellement tenu d'accomplir les fonctions de son emploi ailleurs qu'au lieu d'affaires de son employeur ou à différents endroits et a été tenu, aux termes de son contrat d'emploi, d'acquitter les frais afférents à un véhicule à moteur qu'il a engagés dans l'accomplissement des fonctions de sa charge ou de son emploi, les sommes qu'il a dépensées au cours de l'année au titre des frais afférents à un véhicule à moteur pour se déplacer dans l'exercice des fonctions de son emploi, sauf s'il a, selon le cas :

(i) reçu une allocation pour frais afférents à un véhicule à moteur qui, par l'effet de l'alinéa 6(1)b), n'est pas incluse dans le calcul de son revenu pour l'année,

[...]

[14]     L'alinéa 6(1)b) stipule qu'un contribuable doit inclure dans son revenu, à titre de revenu tiré d'une charge ou d'un emploi, toutes les allocations reçues sauf « les allocations raisonnables pour l'usage d'un véhicule à moteur qu'un employé [...] a reçues de son employeur pour voyager dans l'accomplissement des fonctions de sa charge ou de son emploi » .

[15]     L'avocate a soutenu que les deux dispositions susmentionnées avaient été interprétées par le juge Mogan, de la présente cour[2], comme signifiant que l'alinéa 8(1)(h.1) ne permettait pas à un contribuable de déduire un quelconque montant s'il avait reçu une allocation visée à l'alinéa 6(1)b) qu'il n'avait pas incluse dans son revenu. Cependant, ce n'est pas le cas en l'espèce. Il appert d'une lecture attentive de ses motifs du jugement que l'appelante ne peut déduire les mêmes frais que ceux à l'égard desquels elle avait reçu des allocations raisonnables. J'admets le témoignage de l'appelante sans compromis. Elle était implicitement tenue d'utiliser son automobile, sans avoir droit au remboursement de ses frais si elle n'était pas accompagnée d'un client. En exigeant cela, la Société voulait s'assurer que, lorsque l'appelante exécutait les tâches relatives à son emploi à l'extérieur des bureaux de la Société, elle payait ses propres frais d'utilisation d'un véhicule à moteur. Il est tout à fait logique que l'appelante puisse déduire des frais d'utilisation d'un véhicule à moteur, puisqu'elle était tenue d'exécuter les tâches liées à son emploi à l'extérieur du lieu d'affaires de l'employeur, qu'elle devait engager de tels frais dans l'exécution de ces tâches et que celles-ci étaient des tâches qui s'ajoutaient à celles pour lesquelles on remboursait ses frais.


[16]     L'appel sera admis.

Signé à Ottawa, Canada, ce 1er jour d'août 2000.

« R. D. Bell »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 17e jour d'octobre 2003.

Philippe Ducharme, réviseur



[1]           Toute référence subséquente à un article renvoie à la Loi de l'impôt sur le revenu.

[2] Carter c. Sa Majesté la Reine, C.C.I., no 93-1530 (IT)I, 26 novembre 1993 ([1994] 1 C.T.C. 2330).

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