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2000-4739(EI)

ENTRE :

MICHEL SIMARD,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Appel entendu le 14 juin 2002 à Chicoutimi (Québec) par

l'honorable juge S.J. Savoie

Comparutions

Avocat de l'appelant :                                             Me Gilbert Nadon

Avocate de l'intimé :                                               Me Julie David

JUGEMENT

          L'appel est rejeté et la décision rendue par le Ministre est confirmée selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Grand-Barachois (Nouveau-Brunswick), ce 9e jour de septembre 2002.

« S. Savoie »

J.S.C.C.I.


Date: 20020909

Dossier: 2000-4739(EI)

ENTRE :

MICHEL SIMARD,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge suppléant Savoie, C.C.I.

[1]      Cet appel a été entendu à Chicoutimi (Québec), le 14 juin 2002.

[2]      L'appel porte sur l'assurabilité de l'emploi de l'appelant lorsqu'au service de Produits Forestiers Alliance Inc., le payeur, pour la période du 12 novembre 1998 au 26 janvier 1999, du 19 avril au 16 juillet 1999, du 9 août au 14 octobre 1999 et du 25 octobre 1999 au 27 janvier 2000, les « périodes en litige » , au sens de la Loi sur l'assurance-emploi (la « Loi » )

[3]      En prenant sa décision, le ministre du Revenu national (le « Ministre » ) s'est fondé sur les hypothèses de faits suivantes :

a)          le payeur exploitait une entreprise de coupes forestières;

b)          l'appelant était l'actionnaire unique de la société 2425-9483 Québec Inc (ci-après nommé l'entrepreneur);

c)          l'entrepreneur possédait une « garette » John Deere évaluée à plus de 150 000 $;

d)          les 6 juillet 1998 et 12 mai 1999, le payeur signait un contrat de location de machinerie avec l'entrepreneur;

e)          le payeur rémunérait l'entrepreneur en fonction du volume de bois coupé;

f)           l'appelant opérait la machinerie de l'entrepreneur;

g)          le payeur versait directement à l'appelant la rémunération de celui-ci;

h)          le payeur soustrayait des sommes dues à l'entrepreneur le salaire de l'appelant incluant les retenues d'impôt et les cotisations ouvrières et patronales;

i)           l'appelant travaillait une semaine de jour et une semaine de soir;

j)           l'entrepreneur devait prendre, à ses frais, des assurances adéquates pour la machinerie et son opérateur;

k)          l'entrepreneur était responsable de l'entretien de la machinerie;

l)           le payeur ne versait aucun salaire à l'appelant suite à un bris de machinerie;

m)         le payeur ne réaffectait pas l'appelant à d'autres tâches pendant le bris de la machinerie;

n)          l'appelant était au service de l'entrepreneur et non pas du payeur.

[4]      L'appelant a admis toutes les hypothèses de faits du Ministre, sauf celles qui sont formulées aux alinéas i) et j) auxquelles il désire apporter certaines précisions. Quant aux alinéas l), m) et n), il les a niés.

[5]      En ce qui concerne les présomptions énoncées aux alinéas i) et j), il précise que durant la dernière année des périodes en litige, l'appelant n'a travaillé que la nuit.

[6]      Par lettres, en date du 2 novembre 2000, le Ministre informa l'appelant de ses décisions selon lesquelles, pour les périodes en question, l'appelant n'avait pas un emploi assurable puisque cet emploi, pour les périodes en litige, ne rencontrait pas les exigences d'un contrat de louage de services; il n'y avait donc pas de relation employeur-employé.

[7]      En outre, le Ministre a déterminé que le véritable employeur était la société 2425-9483 Québec Inc. et que cet emploi n'était pas assurable parce que - et c'est admis - l'appelant contrôlait plus de 40 % des actions votantes de la société. Le Ministre, en prenant sa décision s'est appuyé sur les alinéas 5(1)a) et 5(2)b) de la Loi. Ils sont reproduits ci-dessous :

5.(1) Sous réserve du paragraphe (2), est un emploi assurable :

a) l'emploi exercé au Canada pour un ou plusieurs employeurs, aux termes d'un contrat de louage de services ou d'apprentissage exprès ou tacite, écrit ou verbal, que l'employé reçoive sa rémunération de l'employeur ou d'une autre personne et que la rémunération soit calculée soit au temps ou aux pièces, soit en partie au temps et en partie aux pièces, soit de toute autre manière;

[...]

(2) N'est pas un emploi assurable :

[...]

b) l'emploi d'une personne au service d'une personne morale si cette personne contrôle plus de quarante pour cent des actions avec droit de vote de cette personne morale;

[...]

[8]      Il est de Droit connu que le fardeau de la preuve incombe à l'appelant.

[9]      Le rôle du juge de la Cour canadienne de l'impôt a été défini dans l'arrêt Sylvie Desroches et M.R.N. (A-1470-92) où la Cour d'appel fédérale statuait ce qui suit :

[...] En dernière analyse, cependant, comme l'a affirmé notre Cour dans Le Procureur général du Canada c. Jacques Doucet, c'est la détermination du ministre qui est en cause, à savoir que l'emploi n'était pas assurable parce que la requérante et le payeur n'étaient pas liés par un contrat de louage de services. Le rôle du juge de la Cour canadienne de l'impôt s'étend à l'étude du dossier et à la preuve en son entier. [...]

[10]     Chaque cas est un cas d'espèce. Il incombait à l'appelant d'établir, selon la prépondérance de la preuve, que la décision du Ministre était erronée. Les articles 103 et 104 de la Loi confèrent à la Cour canadienne de l'impôt des pouvoirs réparateurs étendus. Ceux-ci permettent à cette Cour de régler tout litige basé sur les faits et d'infirmer, de confirmer ou de modifier le règlement de la question par le Ministre.

[11]     L'appelant a fait témoigner Monsieur Hugo Chayer. Il est superviseur aux ressources humaines de la société Bowater, une entreprise qui a succédé au payeur. Celui-ci, dans son témoignage, a décrit la relation entre les différents intervenants dans l'industrie et le mode de fonctionnement dans la récolte du bois en forêt.

[12]     Selon la preuve, l'époque où le bûcheron muni de sa scie mécanique exploitait sa petite entreprise en forêt, est bien révolue.

[13]     Les travailleurs en forêt ont maintenant comme outil de travail des abatteuses, des débusqueuses à câbles, des débusqueuses à grappins, une machinerie qui permet la récolte du bois par un seul opérateur pouvant travailler la nuit et ainsi permettre les opérations en forêt 24 heures par jour. Le travail en forêt est devenu mécanisé; la main-d'oeuvre est considérablement réduite. Le travail en forêt a subi une évolution telle que les travailleurs à la récolte du bois en forêt sont syndiqués.

[14]     Toute cette évolution a transformé les rapports entre les travailleurs et les payeurs. Ces derniers, qui autrefois étaient propriétaires de cette lourde et coûteuse machinerie, sont devenus les locataires de ce même équipement qui maintenant est la propriété du travailleur qui en devient son opérateur. Ce dernier cède enfin cette machinerie à une société incorporée dont il détient le contrôle pour donner lieu à un contrat de location de cette machinerie au payeur-locataire. Des situations comme celles-ci sont devenues la norme dans cette industrie, et les litiges devant cette Cour ont suivi cette tendance.

[15]     Cette situation a amené Revenu Canada à émettre un communiqué qui a été présenté à la Cour. Le communiqué porte la date du 8 juillet 1997. Au premier paragraphe, on peut y lire ce qui suit :

Le présent communiqué a pour but de clarifier notre politique relative aux travailleurs oeuvrant dans le domaine forestier et qui, en plus de donner une prestation de services à un entrepreneur, louent leurs machineries lourdes à ce même entrepreneur.

[16]     Il est opportun de reproduire ici les autres parties pertinentes de ce communiqué :

Opérateur-propriétaire

2.          Le fait de posséder sa propre machinerie n'est pas, en soi, un facteur déterminant quant à la détermination du statut d'un travailleur forestier. Il est donc possible, pour un opérateur-propriétaire, d'être engagé en vertu d'un contrat de louage de services tout en louant sa machinerie à son employeur en vertu d'un contrat de location. Dans cette situation, les revenus d'emploi sont considérés comme étant du salaire et les revenus générés par la machinerie constituent un revenu de location.

Contrats écrits

3.          Dans le cas des opérateurs-propriétaires, il est essentiel que les ententes relatives à la location de la machinerie lourde ainsi que celle relative à l'embauche, en vertu d'un contrat de louage de services de l'opérateur-propriétaire soient produites par écrit. Dans ces circonstances, nous considèrerons l'opérateur-propriétaire comme étant un employé occupant un emploi assurable pourvu que les conditions énoncées au paragraphe 7 soient remplies.

Aucune entente écrite

4.          Toute situation où il n'y a pas d'ententes écrites séparées (machinerie-employé) doit faire l'objet d'une étude afin de déterminer si les critères essentiels à l'établissement d'un contrat de louage de services sont respectés. Si ces conditions ne sont pas rencontrées, l'opérateur-propriétaire sera considéré comme étant un travailleur autonome.

Location de machinerie

5.          Le contrat de location de la machinerie entre l'opérateur-propriétaire (locateur) et l'entrepreneur principal (locataire) doit inclure certaines clauses démontrant que le locataire prend le contrôle de la machinerie pour la durée de l'entente. Voici les points qui devraient être couverts:

a)          identification précise des parties concernées, par exemple, locateur et locataire;

b)          la durée de l'entente;

c)          le montant de la location ainsi que son mode de calcul, s'il y a lieu (à la journée, à la semaine, à l'heure, à la corde, au mètre cube ou bien à la longueur des billots manoeuvrés, etc.)

d)          les responsabilités du locataire et du locateur;

e)          Le contrat doit être signé par les deux parties concernées.

Contrat d'emploi

6.          Il est possible qu'un opérateur-propriétaire soit engagé en vertu d'un contrat de louage de services valide, mais de façon générale, chaque cas doit être étudié selon les circonstances qui l'entourent. Cependant, l'on peut conclure que tous les cas où le contrat d'emploi d'un opérateur-propriétaire rencontre les conditions énoncées au paragraphe 7, cet emploi sera considéré comme un emploi en vertu d'un contrat de louage de services valide.

7.          Les conditions sont:

a)          Le contrat d'engagement doit être distinct du contrat de location de machinerie;

b)          Le mode de rémunération doit être indiqué dans le contrat (taux horaire, journalier, à la pièce, etc.);

c)          L'employeur doit avoir le droit de contrôler la façon dont le travail sera exécuté. Généralement, ce contrôle est exercé par un contre-maître sur le chantier;

d)          C'est l'employeur qui indique au travailleur où il rendra les services et ainsi que la durée de ceux-ci (lieu ou emplacement - horaire, durée de l'emploi);

e)          L'employeur a le droit de décider quel genre de travaux l'opérateur exécutera;

f)           ces services de l'opérateur-propriétaire ne doivent pas être directement liés aux opérations de sa machinerie. Par exemple, en cas de bris majeur, l'opérateur peut être requis par l'employeur d'effectuer d'autres tâches pour lesquelles il sera rémunéré en conséquence et;

g)          L'employeur est responsable des dommages ou blessures causés par l'opérateur dans le cadre de ses fonctions, y compris les blessures subies par ce dernier.

[17]     En réponse à ce communiqué, l'appelant a produit, sous la cote A-2, le contrat de location entre l'entrepreneur et le payeur. Il est reproduit ci-dessous comme suit :

LOCATION DE SERVICES PERSONNELS

1.     L'Entrepreneur demeure responsable de l'entretien et de la réparation de l'équipement pendant toute la durée du présent contrat et en assume les coûts.

L'ENTREPRENEUR autorise la COMPAGNIE à déduire des paiements prévus aux présentes toutes les déductions à la source requises par les autorités gouvernementales et par la convention collective en vigueur, ainsi que les frais pour toute main-d'oeuvre et/ou marchandise fournie par la COMPAGNIE pour l'opération ou l'entretien du bien mobilier décrit aux présentes.

2.     Lorsque requis par la loi, à quelque titre que ce soit, L'ENTREPRENEUR s'engage à se procurer et à maintenir, à ses propres frais, les protections d'assurances adéquates.

3.     Tout bien utilisé par L'ENTREPRENEUR pour rendre les services décrits aux présentes le sera à ses propres risques, celui-ci dégageant par les présentes la COMPAGNIE, ses représentants, employés, agents, serviteurs, successeurs et ayant droit de tout dommage ou de toute perte dudit bien.

4.     L'ENTREPRENEUR accepte pour fin de paiement :

      Le fichier des heures de service;

      La quantité, le volume et la qualité du travail à la pièce, le tout, tel que tenu par la COMPAGNIE.

5.     L'ENTREPRENEUR s'engage à ne présenter aucune réclamation pour délais ou perte de temps.

6.     Ce contrat est un contrat personnel et ne peut être cédé en tout ou en partie par L'ENTREPRENEUR, sans l'autorisation préalable de la COMPAGNIE.

7.     Il est entendu que chacune des parties peut, en tout temps, mettre fin à ce contrat en donnant un avis écrit à l'autre partie.

8.     L'ENTREPRENEUR s'engage, s'il y a lieu, à satisfaire les ordonnances de la Commission de santé et sécurité au travail de la province où les opérations prennent place et, à cette fin, il autorise par les présentes la COMPAGNIE à effectuer les déductions ainsi requises et à payer ses employés suivant le système de paye de cette dernière, le tout en déduction des paiements prévus aux présentes.

9.     L'ENTREPRENEUR, s'engage à respecter lui-même et, s'il y a lieu, à faire respecter par ses employés les règlements de la COMPAGNIE et du gouvernement, spécialement ceux qui concernent la sécurité et les exigences de la convention collective qui s'appliquent aux opérations à exécuter en vertu des présentes.

CE CONTRAT EST PASSÉ :

ENTRE

LOCATAIRE

                                    Produits forestiers Alliance inc.

                                    200, rue De Quen

                                    Dolbeau-Mistassini (Québec)

                                    G8M 1M1

ET

LOCATEUR

                                    Forestiers BerMan inc.

                                    1913, boul. Sacré-Coeur

                                    Dolbeau (Québec)

                                    G8L 2A5

                                    Numéro de machine : 2280

                                    Représentant (s) : Emmanuel Labrecque

1)     En considération des paiements ci-après mentionnés, le LOCATEUR s'engage envers le LOCATAIRE à lui rendre les services personnels à l'aide d'un bien mobilier tel que ci-après décrit, selon les termes et conditions qui suivent. Il est entendu que l'entrepreneur assume l'entière responsabilité pour l'exécution desdits services.

       DESCRIPTON DES SERVICES                          TAUX

       Équipement, marque et année :        Timberjack 1997           Selon

       Série :                                            977054                                     entente

       Modèle :                                        2628                           ci-jointe

       Immatriculation :                             V621891-5

2)     Tous les termes et conditions inscrits au verso de ce contrat font partie intégrante des présentes.

3)     Cette location de services personnels se renouvellera d'année en année à moins que la description des services soit modifiée.

Contrat signé en duplicata ce 05-05-99            .

________________________                         ______________________

LOCATEUR                                                     LOCATAIRE

CE CONTRAT EST PASSÉ :

ENTRE

LOCATAIRE

                                    Produits forestiers Alliance inc.

                                    200, rue De Quen

                                    Dolbeau-Mistassini (Québec)

                                    G8L 5M8

ET

LOCATEUR

                                    Forestiers BerMan inc.

                                    1913, boul. Sacré-Coeur

                                    Dolbeau (Québec)

                                    G8L 2A5

                                    Numéro de machine : 2703

                                    Représentant (s) : Emmanuel Labrecque

1)     En considération des paiements ci-après mentionnés, le LOCATEUR s'engage envers le LOCATAIRE à lui rendre les services personnels à l'aide d'un bien mobilier tel que ci-après décrit, selon les termes et conditions qui suivent. Il est entendu que l'entrepreneur assume l'entière responsabilité pour l'exécution desdits services.

DESCRIPTION DES SERVICES                                    TAUX

Équipement :                      Abatteuse multifonctionnelle

Timberjack / 1997                    Selon

Série :                                977054                                                 entente

Modèle :                            2628                                       ci-jointe

Immatriculation :                 V621891-5

2)     Tous les termes et conditions inscrits au verso de ce contrat font partie intégrante des présentes.

3)     Cette location de services personnels se renouvellera d'année en année à moins que la description des services soit modifiée.

Contrat signé en duplicata ce         5 juin 2000         .

________________________                         ______________________

LOCATEUR                                                     LOCATAIRE


[18]     Lorsque les termes du contrat de location sont examinés à la lumière du communiqué de Revenu Canada, on y constate une importante lacune quand on tente de les comparer.

[19]     Par exemple, la condition décrite à l'alinéa 5c) du communiqué est bien loin d'avoir été prévue dans le contrat de location. L'alinéa 5c) se lit comme suit :

le montant de la location ainsi que son mode de calcul, s'il y a lieu (à la journée, à la semaine, à l'heure, à la corde, au mètre cube ou bien à la longueur des billots manoeuvrés, etc.)

[20]     Il en est de même pour les alinéas suivants du communiqué :

7.a)       Le contrat d'engagement doit être distinct du contrat de location de machinerie;

b)          Le mode de rémunération doit être indiqué dans le contrat (taux horaire, journalier, à la pièce, etc.);

c)          L'employeur doit avoir le droit de contrôler la façon dont le travail sera exécuté. Généralement, ce contrôle est exercé par un contre-maître sur le chantier;

d)          C'est l'employeur qui indique au travailleur où il rendra les services et ainsi que la durée de ceux-ci (lieu ou emplacement - horaire, durée de l'emploi);

e)          L'employeur a le droit de décider quel genre de travaux l'opérateur exécutera;

f)           ces services de l'opérateur-propriétaire ne doivent pas être directement liés aux opérations de sa machinerie. Par exemple, en cas de bris majeur, l'opérateur peut être requis par l'employeur d'effectuer d'autres tâches pour lesquelles il sera rémunéré en conséquence et;

g)          L'employeur est responsable des dommages ou blessures causés par l'opérateur dans le cadre de ses fonctions, y compris les blessures subies par ce dernier.

[21]     Par contre, la pièce A-2 qui décrit les termes de l'entente entre l'entrepreneur et le payeur précise au paragraphe 3 que :

Tout bien utilisé par L'ENTREPRENEUR pour rendre les services décrits aux présentes le sera à ses propres risques, celui-ci dégageant par les présentes la COMPAGNIE, ses représentants, employés, agents, serviteurs, successeurs et ayant droit de tout dommage ou de toute perte dudit bien.

[22]     L'appelant qui a nié que le payeur ne lui versait aucun salaire suite à un bris de machinerie, brandit la convention collective de travail, produite sous la cote A-1, où l'article 23 prévoit qu'en cas de bris de machine :

[...] au cours d'une journée de travail, les employés préposés à l'opération de cette machine ont droit à une compensation au taux de l'occupation jusqu'à un maximum de neuf (9) heures à compter de la vérification du bris par le surveillant.

Si le bris n'est pas réparé dans la seconde journée, les employés ont droit à une compensation au taux de l'occupation jusqu'à un maximum de quatre heures et demie (4 h ½). [...]

[23]     On constate par là la limite de la compensation pour perte de revenu attribuable à un bris majeur de l'équipement. Confronté à ça, l'appelant explique que les bris majeurs dans ces pièces d'équipements sont rares, en raison de la qualité de l'entretien qu'on lui apporte. La question de savoir qui, en l'occurrence, subit la perte si toutefois cela se produit, est demeurée sans réponse. Le document intitulé « Location de services personnels » , la pièce A-2 prévoit que :

L'ENTREPRENEUR s'engage à ne présenter aucune réclamation pour délais ou perte de temps.

[24]     Il est vrai, comme le prétend l'appelant, que certaines conditions du communiqué sont prévues dans la convention collective de travail. Cependant, elles ne le sont pas toutes. Il convient de noter que la plupart de ces conditions ne représentent rien de plus que ce qui est déjà prévu aux alinéas sur lesquels le Ministre s'est appuyé pour arriver à sa détermination.

[25]     Dans sa plaidoirie, la procureure du Ministre a invoqué l'application des principes établis dans les arrêts suivants :

1.        Canada (Procureur général) c. Rousselle (C.A.F.) [1990] A.C.F. no 990;

2.        Coopérative forestière des Hautes-Laurentides c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.) [1996] A.C.I. no 469;

3.        Charbonneau c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.) [1996] A.C.F. no 1337;

4.        Girard c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.) [2000] A.C.I. no 35.

[26]     Le juge Cuddihy de cette Cour dans l'arrêt Coopérative forestière des Hautes-Laurentides (supra) formulait ainsi les principes et les critères établis par la jurisprudence en la matière, en ces termes :

Je me dois d'adopter le raisonnement poursuivi par l'honorable juge Desjardins de la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Hennick [Voir Note 2 ci-dessous] et je cite:

______________________________________________________

Note 2:      A-328-94 Le Procureur Général du Canada et Gayle Hennick et Le Royal Conservatory of Music, 22 février 1995.

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            "Le critère en question est bien connu, mais il pourrait être utile au départ de mettre l'accent sur le fait que, dans son analyse de la règle comportant quatre critères énoncée par lord Wright (à savoir, le degré de contrôle, la propriété des instruments de travail, les chances de bénéfice, les risques de perte) et sur le critère de l'organisation ou de l'intégration énoncé par lord Denning, le juge MacGuigan, dans l'arrêt Wiebe Door Services Ltd., a souligné qu'il est toujours important de déterminer quelle relation globale les parties entretiennent entre elles. Il a d'abord cité au complet les remarques que lord Wright avait faites dans l'arrêt Montreal v. Montreal Locomotive Works Ltd. [Voir Note 3 ci-dessous] :

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Note 3:      [1947] 1 D.L.R. 161 (C.P.) aux p. 169-170.

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[TRADUCTION] Dans les jugements antérieurs, on s'appuyait souvent sur un seul critère, comme l'existence ou l'absence de contrôle, pour décider s'il s'agissait d'un rapport de maître à préposé, la plupart du temps lorsque des questions de responsabilité délictuelle de la part du maître ou du supérieur étaient en cause. Dans les situations plus complexes de l'économie moderne, il faut souvent recourir à des critères plus compliqués. Il a été jugé plus convenable dans certains cas d'appliquer un critère qui comprendrait les quatre éléments suivants : (1) le contrôle; (2) la propriété des instruments de travail; (3) la possibilité de profit; (4) le risque de perte. Le contrôle en lui-même n'est pas toujours concluant. Ainsi, le capitaine d'un vaisseau affrété est généralement l'employé de l'armateur, bien que l'affréteur puisse diriger l'embauchage sur le navire. Encore une fois, la loi apporte souvent des limites aux droits de l'employeur de diriger la conduite de l'employé, comme le font les règlements relatifs aux syndicats ouvriers. Dans bien des cas, il faut, pour résoudre la question, examiner l'ensemble des divers éléments qui composent la relation entre les parties. Ainsi, il est dans certains cas possible de décider en posant la question "à qui appartient l'entreprise", en d'autres mots, en demandant si la partie exploite l'entreprise, c'est-à-dire qu'elle l'exploite pour elle-même ou pour son propre compte et pas seulement pour un supérieur."

                                                [C'est le juge qui souligne]

Puis, le juge MacGuigan a ajouté ceci [Voir Note 4 ci-dessous] :

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Note 4:      Wiebe Door Services Ltd. aux pages 562-563.

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"[...]      Je considère le critère de lord Wright non pas comme une règle comprenant quatre critères, comme beaucoup l'ont interprété, mais comme un seul critère qui est composé de quatre parties intégrantes et qu'il faut appliquer en insistant toujours sur ce que lord Wright a appelé ci-dessus "l'ensemble des éléments qui entraient dans le cadre des opérations", et ce, même si je reconnais l'utilité des quatre critères subordonnés. [...]

Il est toujours important de déterminer quelle relation globale les parties entretiennent entre elles. [...]

            De toute évidence, le critère d'organisation énoncé par lord Denning et d'autres juristes donne des résultats tout à fait acceptables s'il est appliqué de la bonne manière, c'est-à-dire quand la question d'organisation ou d'intégration est envisagée du point de vue de l'"employé" et non de celui de l'"employeur". En effet, il est toujours très facile, en examinant la question du point de vue dominant de la grande entreprise, de présumer que les activités concourantes sont organisées dans le seul but de favoriser l'activité la plus importante. Nous devons nous rappeler que c'est en tenant compte de l'entreprise de l'employé que lord Wright a posé la question "À qui appartient l'entreprise".

                                                            [C'est le juge qui souligne]

[27]     Dans l'arrêt Rousselle (supra), la Cour d'appel fédérale a également passé en revue les principes et les critères énoncés ci-haut et dans des circonstances analogues aux nôtres, en l'espèce, sous la plume du juge Hugessen, a statué ce qui suit :

À mon avis, il est évident que le juge de la Cour canadienne de l'impôt a mal compris et par conséquent a mal appliqué plusieurs des critères mentionnés ci-dessus.

D'abord pour ce qui est du facteur "contrôle", il est constant que les intimés travaillaient seuls dans la forêt à un endroit situé loin du lieu d'affaire de l'employeur. Il n'y avait aucun représentant de l'employeur sur les lieux et donc aucune surveillance directe.

Chacun des intimés était libre de travailler quand il voulait et aux heures qu'il voulait. Une fois par semaine, tout au plus, M. Chiasson se rendait sur les lieux pour mesurer le bois coupé. Comme nous l'avons vu, il était convenu d'avance que chaque intimé ne travaillerait que le nombre minimum de semaines nécessaire à se qualifier pour l'assurance-chômage.

[...]

À mon avis, il est évident que le juge n'a pas compris le sens du mot contrôle. Ce n'est pas de contrôler un travail que de fixer la valeur de la rémunération ou de définir le but recherché. Le contrat d'entreprise comporte ces éléments aussi bien que le contrat de louage de services. À plus forte raison, le contrôle ne réside pas dans l'acte de paiement que ce soit par chèque ou autrement.

[28]     Il a été prouvé que le placage des arbres a été fait par les contre-maîtres du payeur. Mais les feuilles de temps étaient préparées par le travailleur et remises au contre-maître une fois par semaine. L'appelant a témoigné que :

[...] les contre-maîtres nous disent quoi faire. On les voit pas souvent. On demeure au camp du lundi au vendredi.

[29]     Il est établi que l'entrepreneur s'engage à respecter lui-même et, s'il y a lieu, à faire respecter par ses employés les règlements du payeur. Le payeur reconnaît que le travailleur est soumis à la surveillance de l'entrepreneur. C'est le contrat qu'ils ont signé. Mais il ne faut pas oublier que le travailleur est l'unique actionnaire de l'entrepreneur, et donc, dans ce contexte, il doit assurer sa propre surveillance.

[30]     Pour ce qui concerne la propriété des outils, c'est sans contredit l'entrepreneur qui en est le propriétaire et l'appelant, le travailleur qui l'opérait. L'employeur ne fournissait aucun outil.

[31]     Quant aux chances de profit et aux risques de perte, il est important de souligner que la rémunération du travailleur est fractionnée afin de bien démontrer que les bénéfices ou les pertes dans leur ensemble étaient ceux de l'entreprise 2425-9483 Québec Inc. représentée par son unique actionnaire, le travailleur. Ce n'est donc pas le payeur qui encourait pour le travailleur les risques les plus coûteux dans l'entente globale. Le profit résidait dans la rémunération faite à 2425-9483 Québec Inc., et le travailleur, son unique actionnaire. Les deux se trouvaient, dans les faits, inséparables.

[32]     Quant au critère d'intégration, il faut reconnaître que le travailleur et le payeur oeuvrent dans le même champ d'activité. Mais cette Cour n'est pas d'avis que le projet du payeur aurait débuté sans le travailleur.

[33]     L'entreprise 2425-9483 Québec Inc. était l'entreprise du travailleur. Ainsi le travailleur et son entreprise 2425-9483 Québec Inc. se sont intégrés à l'appelante au début du projet dans le but d'exécuter le travail convenu. Il faut reconnaître, cependant, qu'on ne détermine pas le sens et la portée d'un contrat par le titre qu'on lui a donné, mais plutôt par les relations et la conduite des parties. C'est ça qui détermine la nature réelle du contrat qui en résulte.

[34]     Il faut noter, et c'est un fait important, que le contrat entre le payeur et le travailleur ne détermine aucun taux de rémunération et ne peut créer une relation employeur-employé puisque ce taux est un élément essentiel à l'existence d'un emploi assurable.

[35]     En conséquence, c'est la conclusion de cette Cour que l'appelant, pendant les périodes en litige, n'occupait pas un emploi assurable puisque cet emploi ne rencontrait pas les exigences d'un contrat de louage de services. Il n'y avait donc pas de relation employeur-employé.

[36]     En outre, le véritable employeur de l'appelant était 2425-9483 Québec Inc. mais cet emploi n'est pas assurable parce que l'appelant contrôlait plus de 40 % des actions votantes de cette société.

[37]     Cette Cour est d'avis que la présente décision s'appuie sur une jurisprudence constante qui, dans des circonstances semblables, a conclu à la non-assurabilité d'un emploi exercé dans de mêmes conditions. Cette Cour tient à préciser qu'il s'agit des arrêts précités, notamment, les arrêts :

1.        Rousselle;

2.        Coopérative forestière des Hautes-Laurentides;

3.        Charbonneau;

4.        Girard.

[38]     Donc, l'appel est rejeté et la décision du Ministre est confirmée.

Signé à Grand-Barachois (Nouveau-Brunswick), ce 9e jour de septembre 2002.

« S. Savoie »

J.S.C.C.I.


No DU DOSSIER DE LA COUR :       2000-4739(EI)

INTITULÉ DE LA CAUSE :               Michel Simard et M.R.N.

LIEU DE L'AUDIENCE :                    Chicoutimi (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                  14 juin 2002

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :        L'honorable juge S.J. Savoie

DATE DU JUGEMENT :                    le 9 septembre 2002

COMPARUTIONS :

Pour l'appelant :                        Me Gilbert Nadon

Pour l'intimé :                            Me Julie David

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

Pour l'appelant :                       

                   Nom :           Me Gilbert Nadon

                   Étude :                   Ouellet, Nadon, Barabé, Cyr, De Merchant,

Bernstein, Cousineau, Heap, Palardy

                                                Montréal (Québec)

Pour l'intimé :                            Morris Rosenberg

                                                Sous-procureur général du Canada

                                                Ottawa, Canada

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