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1999-1403(IT)I

ENTRE :

CARMELLE VACHON,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appels entendus sur preuve commune avec les appels de Nelson Vachon 1999-1404(IT)I le 10 août 2001 à Kingston (Ontario) par

l'honorable juge Gerald J. Rip

Comparutions

Pour l'appelante :                       L'appelante elle-même

Avocat de l'intimée :                  Me Gatien Fournier

JUGEMENT MODIFIÉ

          Les appels des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1993, 1994 et 1995 sont admis, avec frais s'il y a lieu, et les cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations en tenant compte du fait que :

a)         le montant de 11 756,34 $ représentant 50 pour cent des dépenses de 23 512,67 $, le montant de 11 516,17 $ représentant 50 pour cent de 23 032,34 $ et le montant de 10 515,81 $ représentant 50 pour cent de 21 031,61 $ pour les condominiums en Floride sont déductibles pour les années d'imposition 1993, 1994 et 1995 respectivement;

b)        le montant de 5 598,96 $ représentant 50 pour cent des dépenses de 11 197,93 $ pour la propriété à Hull sont déductibles pour l'année d'imposition 1995.

c)         pour fin de clarification, les revenus provenant des condominiums en Floride étaient :

                   1993                       1994                       1995

               5 012,73 $              4 291,20 $              10 714,68 $

           et madame et monsieur Vachon avaient droit à 50 pour cent chacun de ces revenus. Donc, les dépenses déductibles des autres revenus pour madame et monsieur Vachon pour les années d'imposition 1993, 1994 et 1995 sont de 9 249,97 $, 9 055,57 $ et 5 158,47 $ respectivement, pour chacun d'eux.

          L'appelante n'a droit à aucun autre redressement.

Signé à Ottawa, Canada ce 30ième jour de juillet 2002.

« Gerald J. Rip »

J.C.C.I.


1999-1404(IT)I

ENTRE :

NELSON VACHON,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appels entendus sur preuve commune avec les appels de Carmelle Vachon 1999-1403(IT)I le 10 août 2001 à Kingston (Ontario) par

l'honorable juge Gerald J. Rip

Comparutions

Pour l'appelant :                        L'appelant lui-même

Avocat de l'intimée :                  Me Gatien Fournier

JUGEMENT MODIFIÉ

          Les appels des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1993, 1994 et 1995 sont admis avec frais s'il y a lieu, et les cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations en tenant compte du fait que :

a)         le montant de 11 756,34 $ représentant 50 pour cent des dépenses de 23 512,67 $, le montant de 11 516,17 $ représentant 50 pour cent de 23 032,34 $ et le montant de 10 515,80 $ représentant 50 pour cent de 21 031,61 $ pour les condominiums en Floride sont déductibles pour les années d'imposition 1993, 1994 et 1995 respectivement;

b)        le montant de 5 598,96 $ représentant 50 pour cent des dépenses de 11 197,93 $ pour la propriété à Hull sont déductibles pour l'année d'imposition 1995.

c)         pour fin de clarification, les revenus provenant des condominiums en Floride étaient :

                   1993                       1994                       1995

               5 012,73 $              4 291,20 $              10 714,68 $

           et madame et monsieur Vachon avaient droit à 50 pour cent chacun de ces revenus. Donc, les dépenses déductibles des autres revenus pour madame et monsieur Vachon pour les années d'imposition 1993, 1994 et 1995 sont de 9 249,97 $, 9 055,57 $ et 5 158,47 $ respectivement, pour chacun d'eux.

          L'appelant n'a droit à aucun autre redressement.

Signé à Ottawa, Canada, ce 30ième jour de juillet 2002.

« Gerald J. Rip »

J.C.C.I.


Date: 20020705

Dossier: 1999-1403(IT)I

ENTRE :

CARMELLE VACHON,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée,

ET ENTRE :

1999-1404(IT)I

NELSON VACHON,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Rip, C.C.I.

[1]      Durant les années d'imposition 1993, 1994 et 1995, Nelson Vachon et sa conjointe Carmelle Vachon (les « appelants » ) étaient propriétaires de trois condominiums dans le même emplacement à Englewood en Floride ( « propriétés en Floride » ou « Palm Manor Resort » ). Ils ont acquis conjointement deux de ces condominiums en 1985 et le troisième en 1990. En mars 1990, les appelants ont acquis une maison détachée à Mississauga (Ontario) ( « propriété à Mississauga » ) qu'ils ont vendu en novembre 1994. Les appelants sont propriétaires depuis le mois de mai 1995, d'une maison à Hull (Québec) ( « propriété à Hull » ). Les appelants disent qu'ils ont acheté ces propriétés comme investissements.

[2]          Par les avis de nouvelles cotisations datées du 15 décembre 1997, le ministre du Revenu national ( « Ministre » ) a refusé la déduction par les appelants des dépenses de location qu'ils ont déclarées durant la période en appel en relation des propriétés en Floride et de la propriété à Mississauga. Le Ministre a de plus refusé la déduction des dépenses de location qui ont été déclarées par les appelants durant l'année d'imposition 1995 en relation de la propriété à Hull. Le Ministre a aussi refusé la déduction des frais divers (pour bureau, auto, réunions, voyage, comptabilité, téléphone, amortissement d'ordinateur, imprimante, télécopieur, etc.) que les appelants ont déduit pour l'année d'imposition 1995.

[3]      Au début du procès, l'avocat de l'intimée a informé la Cour que le Ministre a reconnu que les appelants ont droits de déduire des dépenses de locations en ce qui concerne la propriété à Hull. Les appelants ont accepté le refus par le Ministre de permettre la déduction d'un montant de 3 474,94 $ (ou 1 737,47 $ de chaque appelant) réclamé à titre de dépenses courantes en relation de la propriété à Hull pour l'année 1995. Ces montants représentent les frais de capital, les frais de notaire, « 2 mois de loyer payé à Étienne Lyotte pour la construction du sous-sol [...] » et les frais de transfert de la propriété.

[4]      Les appels étaient entendus sur preuve commune. L'appelante Carmelle Vachon, a déposé une explication écrite de 20 pages que j'ai considérée de façon assidue; la transcription des notes sténographiques a aussi été révisée. Les jugements étaient suspendus dans l'attente des motifs de jugement de la Cour suprême dans l'arrêt Stewart c. La Reine.[1] Après la décision, j'ai invité les parties à soumettre leurs commentaires. Le procureur de l'intimée a écrit qu'étant donné que les propriétés en Floride ne comportaient aucun aspect personnel, l'activité locative était de nature commerciale et était donc une source de revenu provenant de biens. En vertu de la décision dans Stewart, l'intimée maintenant reconnaît que chacun des appelants est en droit de déduire les pertes locatives réclamées pour les années d'impositions 1993, 1994 et 1995 pour les propriétés en Floride. Le procureur de l'intimée a écrit que selon lui la propriété à Mississauga était de nature personnelle et qu'elle n'était pas exploitée de manière suffisamment commerciale pour constituer une source de revenu. Nous sommes d'accord avec le procureur de l'intimée que les condominiums en Floride étaient une bonne source de revenu de biens et que la propriété à Mississauga n'était pas commerciale et que par conséquent les appelants ne sont pas en droit de déduire les pertes locatives réclamées pour cette propriété.

[5]      Nonobstant que je sois d'accord que les dépenses des condominiums en Floride sont déductibles par les appelants, je ne suis pas d'accord que toutes les dépenses réclamées sont déductibles. Parmi les dépenses réclamées pour les propriétés en Floride, il y a les montants de 7 861,92 $ et 8 798,22 $ pour les années d'imposition 1993 et 1994 respectivement, indiqués par les appelants sous la rubrique « autres » c'est-à-dire, « office, réunion, consultants et voyage » . Je ne comprends pas ces réclamations « autres » . Le projet de Palm Manor Resort a été géré par un gérant et non pas par les appelants. Les dépenses des unités de condominiums étaient mises en commun. Les appelants n'ont pas expliqué ni la nature de ces dépenses, ni la mesure où elles ont été engagées ou effectuées en vue de tirer un revenu de ces condominiums. Les dépenses « autres » ne doivent pas être prises en compte dans le calcul des pertes déductibles pour les condominiums en Floride. Par conséquent, les dépenses déductibles pour l'année d'imposition 1993 totalisent 23 512,67 $ (la part de chaque appelant est 50 pour cent) et non pas 31 374,59 $. Les dépenses déductibles pour l'année d'imposition 1994 totalisent 23 032,34 $ (la part de chaque appelant est 50 pour cent) et non pas 31 830,56 $

[6]      Parmi les dépenses réclamées par les appelants en 1993 pour les condominiums en Floride, on trouve sous la rubrique « assurance » la somme de 1 271,05 $ Canadien. Cependant, parmi les dépenses mises en commun en 1993 pour tout le projet Palm Manor Resort, on trouve sous la rubrique « assurance » la somme de 4 804,26 $US. Il n'y a eu aucune explication quant à ce résultat. Néanmoins, ceci n'a pas été questionné par l'intimée et donc je vais permettre la déduction des dépenses réclamées à titre d'assurance.

[7]      Les appelants ont écrit que suite à l'arrêt Stewart, il ressort que toutes leurs activités locatives constituaient une source de revenu et que toutes les pertes réclamées sont déductibles. Selon les appelants, toutes leurs propriétés ont toujours été exploitées d'une manière suffisamment commerciale et conformément à des normes objectives de comportement d'homme d'affaires sérieux. Ils soutiennent quant à la propriété à Mississauga que leur intention étaient de réaliser des profits nets d'entreprise et que l'élément personnel est accessoire et sans importance.

[8]      Les appelants suggèrent dans leur correspondance, tout comme ils l'ont fait lors de l'audience, que je fonde mes conclusions en ce qui concerne la propriété à Mississauga sur le fait que le Ministre a consenti à la déductibilité des dépenses pour la propriété à Hull. Les contribuables doivent être conscients du fait qu'une Cour n'est pas liée par un règlement qui survient entre les parties à un litige, ni par une concession donnée par une des parties. Un juge peut toujours rejeter un règlement qui survient entre les parties ou une concession, comme j'ai fait avec la concession de la part du procureur de l'intimée concernant les dépenses des condominiums en Floride.

[9]      En ce qui concerne la propriété à Hull, j'ai accepté la concession donnée au début de l'audience par le Ministre. Par conséquent je n'ai considéré aucune preuve quant à la question de savoir si les dépenses de la propriété à Hull étaient proprement déductibles. Si je devais prendre en considération une telle preuve, incluant des interrogatoires de témoins, j'aurais soit accepté, soit refusé d'accepter, le consentement du Ministre quant à la déductibilité des dépenses de la propriété à Hull. Néanmoins, en considérant les dépenses de la propriété à Mississauga ainsi que la nature de cette propriété, je ne suis pas lié par ce que le Ministre a ou n'a pas accepté comme étant un loyer raisonnable ou des dépenses déductibles pour la propriété à Hull.

[10]     Suite à la décision de la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Stewart, il n'est pas question de déterminer si les appelants avaient une attente raisonnable de profit. Il s'agit plutôt de déterminer si la propriété était utilisée dans la poursuite de profit et donc si elle était une source de revenu tiré d'une entreprise ou d'un bien.

[11]     Donc, il s'agit de déterminer deux points :

a)         si les appelants ont droit de déduire des dépenses de locations de la propriété à Mississauga; et

b)        si les appelants ont droit de déduire les frais divers additionnels réclamés pour l'année d'imposition 1995.

A.       Propriété à Mississauga

[12]     Quant aux appelants, la propriété à Mississauga était une « maison de chambres » , selon la définition de ce terme prévue dans le Bulletin d'interprétation 434R de l'Agence des douanes et du revenu de Canada ( « ADRC » ). Ils prétendent que leur plan opérationnel en ce qui concerne la propriété à Mississauga consistait à louer les quatre chambres au taux de 600 $ par mois chacune avec une augmentation annuelle de six pour cent. Selon les appelants, le prix de location du marché était de 1 075 $ par mois pour une propriété semblable et par conséquent la propriété était louée au-dessus de la valeur marchande.

[13]     Les appelants exposent qu'en 1990 et 1991, deux des quatre chambres étaient louées en permanence et qu'une troisième l'était de temps en temps pour ainsi recevoir un revenu moyen de 1 225 $ par mois. Un des deux locataires en 1990 et 1991, et le seul locataire en 1992, était leur fils. En 1993 seulement une des chambres était louée en permanence à leur fils. Selon les appelants, il y avait un autre locataire durant une partie de l'année 1993 mais ils n'ont pas pu collecter le loyer de celui-ci. Durant les trois premiers mois de 1994, le seul locataire était le fils des appelants. L'appelante, Carmelle Vachon, a indiqué que le loyer de son fils était fixé à 600 $ par mois étant donné qu'il était sur l'assurance-chômage et que par conséquent ce n'était pas possible de lui demander plus que ça. Elle a indiqué de plus, qu'en 1994 lorsque la situation financière du fils s'était améliorée, son loyer fut augmenté au prix de 1 100 $ par mois. Les appelants soutiennent qu'en 1992 après avoir perdu un des deux locataires permanents, ils ont mis la maison en vente sans succès. Entre temps ils ont fait plusieurs publicité pour louer les chambres et ont finalement remis la maison en vente en 1994 pour réussir cette fois à s'en départir.

[14]     Selon les appelants, leur plan opérationnel incluait, tout comme pour les propriétés en Floride, la remise de montants substantiels sur le capital de l'hypothèque. Ils prétendent qu'à partir de 1993 il y avait un plus grand espoir raisonnable de tirer un profit de la propriété à Mississauga puisque des profits d'exploitation ont été générés en même temps que les frais et les taux hypothécaires ont diminué considérablement.

[15]     Les appelants soutiennent qu'ils n'avaient aucun lien personnel avec la propriété à Mississauga malgré le fait que leur fils était un des locataires et en effet, le seul locataire pour certaines parties de l'année. Ils soutiennent que leur fils en plus de payer le même loyer que n'importe quel autre locataire, s'occupait de l'entretien de tout l'immeuble (les parties communes ainsi que les parties privées occupées pas les autres locataires) et fournissait également tous les meubles et services qu'offre une maison de chambres. Ils prétendent que la nature de l'activité était strictement commerciale et ne leur procurait aucun avantage personnel.

[16]     Selon les appelants il y avait un espoir raisonnable de tirer des profits, mais se sont les locations qui ne se sont pas concrétisées selon leur plan opérationnel. Ils prétendent que la propriété à Mississauga est exploitée de la même manière que celle de Hull et que par conséquent, étant donné que le Ministre a accepté que les dépenses réclamées pour la propriété à Hull étaient déductibles, la même conclusion devrait s'appliquer en relation de la propriété à Mississauga. Nous ne sommes pas d'accord que la situation de la propriété à Mississauga est équivalente à celle de la propriété à Hull.

[17]     Lors du procès, les appelants ont soulevé que la Loi est discriminatoire et que plus spécifiquement, le paragraphe 248(1) est inconstitutionnel « dans la mesure où il affecte l'interprétation des autres dispositions relatives aux déductions pour dépenses d'entreprises » . L'argumentation des appelants particulièrement sur ce point, n'était pas très clair. Ils semblent prétendre que la définition du terme « frais personnels ou de subsistance » stipulée au paragraphe 248(1) de la Loi, appliquée en relation avec l'alinéa 18(1)h), établit une distinction fondée sur une caractéristique personnelle qu'est l'état parental ou familial, ce qui (selon eux) est discriminatoire. Ils ont exposé que « l'effet de la disposition créé par cet article est que les contribuables qui louent un immeuble au prix du marché aux personnes qui leur sont unies par le sang se voient refuser les dépenses légitimes engagées dans l'exploitation de leur entreprise qui leur seraient par ailleurs déductibles » .

B.       Frais additionnels

[18]     En ce qui concerne les frais additionnels réclamés par les appelants dans leurs déclarations de revenu pour l'année d'imposition 1995, les appelants prétendent que ces dépenses sont déductibles puisqu'elles ont été engagées afin de générer un revenu net d'entreprise. Selon les appelants, ils sont en droit de déduire les dépenses engagées en 1994 dans leur déclaration de 1995. Ils prétendent que le Ministre aurait dû amender leur déclaration de revenus pour l'année 1994 pour y inclure les dépenses en question tel qu'ils lui ont demandé de le faire, puisqu'il ne leur a pas répondu pour refuser cette demande.

Analyse

Propriété à Mississauga

[19]     En ce qui concerne la propriété à Mississauga, certaines des dépenses sont considérées par la partie intimée comme n'étant pas déductibles nonobstant qu'il y ait une détermination à l'effet que les appelants avait un espoir raisonnable de tirer des profits. Toutefois, d'autres dépenses engagées en relation de la propriété à Mississauga sont acceptées comme étant déductibles si elles ont été engagées dans le but de tirer un revenu.

[20]     Le Ministre a cotisé les appelants sur la base qu'ils n'avaient aucune expectative raisonnable de profit. La cotisation des appelants est erronée étant donné la décision de la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Stewart au paragraphe 4, à l'effet que le test de l'expectative raisonnable de profit n'est pas déterminant de l'existence d'une source de revenu :

4       À notre avis, l'analyse de l'expectative raisonnable de profit ne saurait être maintenue comme critère indépendant pour déterminer l'existence d'une source de revenu, car cela irait à l'encontre du principe selon lequel les tribunaux doivent éviter d'innover et d'établir des règles en matière de droit fiscal.

[21]     La Cour suprême du Canada a exprimé le test à appliquer pour déterminer l'existence d'une source de revenu comme suit au paragraphe 50 de l'arrêt Stewart :

[...] On peut recourir à la méthode à deux volets suivante pour trancher la question de l'existence d'une source :

(i) L'activité du contribuable est-elle exercée en vue de réaliser un profit, ou s'agit-il d'une démarche personnelle?

(ii) S'il ne s'agit pas d'une démarche personnelle, la source du revenu est-elle une entreprise ou un bien?

Le premier volet du critère vise la question générale de savoir s'il y a ou non une source de revenu; dans le deuxième volet, on qualifie la source d'entreprise ou de bien.

[22]     Les appelants n'ont pas démontré qu'il n'y avait aucun élément personnel de rattaché à la propriété à Mississauga. Malgré le plan d'exploiter la propriété à Mississauga comme une maison de chambres, ce n'est pas contesté qu'en 1993 et durant les trois premiers mois de 1994, le seul loyer perçu par les appelants provenait de leur fils. Aucune preuve n'a été faite qu'il y avait un autre locataire en 1993 duquel les appelants n'ont pas pu encaisser le loyer. Donc, nonobstant les prétentions des appelants, leur fils semble avoir bénéficié de l'usage de toute la maison. Par conséquent, les meubles qu'il a supposément fournis et les services de ménage qu'il a accompli, ont seulement servi à ses propres besoins. Ceci démontre un élément personnel, étant donné qu'un loyer de seulement 600 $ était payé par le fils.

[23]     Le fait que les appelants aient augmenté le loyer de leur fils au prix de 1 100 $ par mois en 1994 du moment que la situation financière de ce dernier c'est amélioré, démontre selon moi que la maison n'était pas exploitée comme une maison de chambres. L'appelante, Carmelle Vachon, a admis lors de son témoignage que l'augmentation du loyer a eu lieu en 1994 puisque le fils avait plus de ressource disponible en ce temps pour payer un loyer plus élevé. En effet, la propriété à Mississauga semble avoir été louée selon les ressources du fils des appelants. À partir du moment que le fils payait un loyer de 1 100 $, il semble incontestable qu'il serait le seul à utiliser la maison et que les appelants ne loueraient pas les chambres individuellement. Ceci démontre qu'il n'y avait pas une intention d'exploiter la propriété à titre de maison de chambres. Selon les projections des appelants, en louant la propriété au prix de 1 100 $ par mois, il n'était pas possible de faire un profit. De plus, le fait que la propriété fut vendue en 1994 lorsque le fils a déménagé de la région de Mississauga démontre aussi un élément personnel.

[24]     La Cour suprême du Canada a indiqué par la suite comme suit aux paragraphes 60 et 63 de l'arrêt Stewart :

60       En résumé, la question de savoir si le contribuable a ou non une source de revenu doit être tranchée en fonction de la commercialité de l'activité en cause. Lorsque l'activité ne comporte aucun aspect personnel et qu'elle est manifestement commerciale, il n'est pas nécessaire de pousser l'examen plus loin. Lorsque l'activité peut être qualifiée de personnelle, il faut alors déterminer si cette activité est ou non exercée d'une manière suffisamment commerciale pour constituer une source de revenu.   

[...]

63       Même si l'appelant avait utilisé une seule ou plusieurs des propriétés à son avantage personnel, le ministre ne pourrait pas conclure sans plus à l'inexistence d'une entreprise. Le contribuable qui se trouve dans une telle situation devrait avoir l'occasion d'établir que son intention prédominante était de tirer un profit de l'activité et que celle-ci était exercée conformément à des normes objectives de comportement d'homme d'affaires sérieux. La question de l'existence d'une expectative raisonnable de profit peut être un facteur à prendre en considération dans cette analyse.

[25]     Étant donné les éléments personnels décrits ci-haut, les appelants n'avaient pas un but commercial bona fide quant à la propriété à Mississauga. De plus, la propriété à Mississauga n'était pas exploitée d'une façon commerciale. Ceci est clair vu que les décisions concernant la propriété à Mississauga étaient prises en fonction des besoins du fils des appelants et non pas dans un but de produire un profit. Un homme d'affaire sérieux ne fixe pas le loyer en fonction de la capacité de payer du locataire, tel que l'ont fait les appelants. Par conséquent, la propriété à Mississauga ne peut être considérée comme étant une source de revenu tiré d'une entreprise ou d'un bien et les appelants ne peuvent pas déduire des dépenses reliées à cette propriété.

Frais divers additionnels

[26]     Les frais additionnels déduits en 1995 sont énumérés comme suit, à l'annexe C de la pièce A-5[2] déposée par les appelants :

Office, auto fournitures, réunions, voyage, comptabilité et téléphone      11 067,56 $

Amortissement - ordinateur 1990                                                              329,76 $

Mise à jour de l'ordinateur - 1991                                                              787,66 $

Imprimante - 1991                                                                                   824,24 $

Télécopieur - 1994                                                                                            659,38 $

DPA pour 1994 ordinateur, imprimante, fax                                               572,34 $

DPA pour 1995 ordinateur, imprimante, fax                                               447,88 $

                                                                                                          14 688,82 $

[27]     L'appelante Carmelle Vachon a témoigné en contre-interrogatoire qu'à peu près 97 pour cent du montant de 11 067,56 $ des dépenses réclamées semble représenter des dépenses reliées à la propriété à Mississauga, tel que les frais de voyages encourus en 1995 pour les déplacements à Mississauga en vue de s'occuper de l'entretien de la maison après la vente de cette dernière mais avant la dépossession de celle-ci. Les dépenses reliées à la propriété à Mississauga ne sont pas déductibles étant donné que la propriété à Mississauga n'était pas une source de revenu d'entreprise ou de bien. De plus, en 1995 les appelants avaient déjà vendu la propriété à Mississauga. Ils ne pourraient donc, de toute façon, déduire des dépenses engendrées en 1995 par rapport à cette propriété. Il n'y a aucune preuve que ces dépenses ont été encourues pour la propriété. Certaines des dépenses réclamées en 1995 ont été engendrées en 1994 et de ce fait ne sont pas déductibles.

[28]     Le reste du montant de 11 067,56$ représente des frais de voyages à Hull pour l'achat de la propriété à Hull. Les parties se sont entendues que des pertes de locations de la propriété à Hull peuvent être déduites. Cependant, il faut clarifier que la propriété à Hull était une source de revenu tiré d'un bien et non pas une source de revenu tiré d'une entreprise. Une distinction doit être faite entre les dépenses qui peuvent être déduites lorsqu'il est question d'un revenu d'entreprise et celles qui peuvent être déduite lorsqu'il s'agit d'un revenu de bien. Sur les faits devant moi, les frais de voyages ne sont pas des dépenses déductibles lorsqu'il est question d'un revenu tiré d'un bien.

[29]     Le reste des dépenses énumérées à l'annexe C de la pièce A-5 totalise 3 621,26$. Certaines de ces dépenses proviennent d'années antérieures à 1995 et par conséquent ne sont pas déductibles, tandis que pour certaines des dépenses il n'y a aucune preuve qu'elles ont été engendrées dans le but de produire un revenu de la propriété à Hull ou des propriétés en Floride et donc elles non plus ne sont pas déductibles.

Argument constitutionnel

[30]     L'argument constitutionnel soulevé par les appelants, n'est pas bien fondé. Les appelants semblent prétendre que les déductions réclamées par rapport à la propriété à Mississauga ont été refusées parce que leur fils était locataire. Ils prétendent que ceci constitue un traitement discriminatoire qui est contraire à la Charte canadienne des droits et libertés.

[31]     Aucun motif n'a été trouvé qui permettrait de conclure que les dispositions pertinentes aux présents appels sont invalides en vertu du paragraphe 15(1) de la Charte canadienne des droits et libertés. Dans l'arrêt Law c. Canada,[3] la Cour suprême du Canada a exposé au paragraphe 39 de son jugement la démarche à prendre en examinant une allégation de discrimination fondée sur le paragraphe 15(1) de la Charte :

[...] Appliquant l'analyse énoncée dans Andrews, précité, et l'analyse en deux étapes décrite notamment dans Egan et Miron, précités, le tribunal appelé à décider s'il y a eu discrimination au sens du par. 15(1) devrait se poser les trois grandes questions suivantes. Premièrement, la loi contestée a) établit-elle une distinction formelle entre le demandeur et d'autres personnes en raison d'une ou de plusieurs caractéristiques personnelles, ou b) omet-elle de tenir compte de la situation défavorisée dans laquelle le demandeur se trouve déjà dans la société canadienne, créant ainsi une différence de traitement réelle entre celui-ci et d'autres personnes en raison d'une ou de plusieurs caractéristiques personnelles? Si tel est le cas, il y a différence de traitement aux fins du par. 15(1). Deuxièmement, le demandeur a-t-il subi un traitement différent en raison d'un ou de plusieurs des motifs énumérés ou des motifs analogues? Et, troisièmement, la différence de traitement était-elle réellement discriminatoire, faisant ainsi intervenir l'objet du par. 15(1) de la Charte pour remédier à des fléaux comme les préjugés, les stéréotypes et le désavantage historique? Les deuxième et troisième questions servent à déterminer si la différence de traitement constitue de la discrimination réelle au sens du par. 15(1).

[32]     La Cour suprême du Canada a indiqué par la suite au paragraphe 41 comme suit :

41       Depuis ses tout premiers arrêts portant sur le par. 15(1), notre Cour a reconnu qu'il fallait absolument qu'il y ait conflit entre la loi contestée et l'objet du par. 15(1) pour fonder une allégation de discrimination. Ce principe demeure vrai à l'égard de tous les éléments d'une allégation de discrimination. C'est en fonction de l'objet et du contexte qu'il faut déterminer si les dispositions législatives omettent de tenir compte d'un désavantage existant, si un demandeur peut se réclamer de l'un ou de plusieurs des motifs énumérés ou des motifs analogues, ou si on peut dire que la différence de traitement constitue de la discrimination au sens du par. 15(1).

[33]     La Cour a exprimé l'objet du paragraphe 15(1) de la Charte canadienne des droits et libertés comme suit au paragraphe 51 de son jugement :

[...] On pourrait affirmer que le par. 15(1) a pour objet d'empêcher toute atteinte à la dignité et à la liberté humaines essentielles par l'imposition de désavantages, de stéréotypes et de préjugés politiques ou sociaux, et de favoriser l'existence d'une société où tous sont reconnus par la loi comme des êtres humains égaux ou comme des membres égaux de la société canadienne, tous aussi capables, et méritant le même intérêt, le même respect, et la même considération. Une disposition législative qui produit une différence de traitement entre des personnes ou des groupes est contraire à cet objectif fondamental si ceux qui font l'objet de la différence de traitement sont visés par un ou plusieurs des motifs énumérés ou des motifs analogues et si la différence de traitement traduit une application stéréotypée de présumées caractéristiques personnelles ou de groupe ou que, par ailleurs, elle perpétue ou favorise l'opinion que l'individu concerné est moins capable, ou moins digne d'être reconnu ou valorisé en tant qu'être humain ou que membre de la société canadienne. Subsidiairement, une différence de traitement ne constituera vraisemblablement pas de la discrimination au sens du par. 15(1) si elle ne viole pas la dignité humaine ou la liberté d'une personne ou d'un groupe de cette façon, surtout si la différence de traitement contribue à l'amélioration de la situation des défavorisés au sein de la société canadienne.

[34]     Les dispositions de la Loi traitant de la déductibilité de dépenses, ne créent pas, tel que le prétendent les appelants, une différence de traitement fondé sur l'état familial qui est discriminatoire. Le fait que le fils des appelants soit un locataire de la propriété à Mississauga est pris en compte dans le contexte de déterminer si la propriété était utilisée dans la poursuite d'un profit et donc si c'était une source de revenu tiré d'une entreprise ou d'un bien. Ce n'est pas le fait que les appelants louent la propriété à Mississauga à leur fils qui rend les dépenses reliées à cette propriété non déductibles, mais c'est plutôt le fait que la propriété n'était pas exploitée d'une façon commerciale.

[35]     Les déductions réclamées par les appelants en ce qui concerne la propriété à Mississauga ne sont pas déductibles puisque la propriété n'était pas une source de revenu d'entreprise ou d'un bien. Les dépenses ne sont pas refusées sur la base qu'elles étaient des frais personnels visés par le paragraphe 18(1)(h). Les appelants prétendent cependant que la définition dans la Loi du terme « frais personnels » crée une différence de traitement fondé sur l'état parental ou familial. En vertu du paragraphe 18(1)(h), toute personne qui tire un revenu d'entreprise n'a pas droit de déduire des frais personnels ou de subsistance, à l'exception des frais de déplacement engagés dans le cadre de l'exploitation de son entreprise pendant qu'elle est absente de chez elle. La définition de « frais personnels ou de subsistance » énoncée au paragraphe 248(1) inclut les dépenses reliées aux biens entretenus par tout contribuable pour l'usage ou l'avantage de leurs enfants si ces biens ne sont pas entretenus avec l'espoir raisonnable de tirer un profit de l'exploitation d'une entreprise. Le paragraphe 18(1)(h) ne crée pas une différence de traitement discriminatoire, puisque les dépenses reliées aux biens entretenus par tout contribuable pour l'usage ou l'avantage de leurs enfants ne seront pas considérées comme des frais personnels si ces biens sont entretenus avec l'espoir raisonnable de tirer un profit de l'exploitation d'une entreprise. L'objet et l'effet de la Loi est de prévenir la déduction de dépenses qui ne sont pas reliées à une entreprise du contribuable et non pas de défavoriser un contribuable qui fait affaire avec un membre de sa famille. Par conséquent, il n'y a pas de conflit avec le paragraphe 15(1) de la Charte.

[36]     Il est utile de rappeler l'avertissement de la Cour suprême du Canada au paragraphe 188 de l'arrêt Blencoe c. Colombie-Britannique (Human Rights Commission)[4] en ce qui concerne le recours à la Charte :

188       Nous devons toutefois nous rappeler que l'art. 7 énonce certaines valeurs fondamentales de la Charte. Il est sûrement vrai qu'il nous faut éviter de ramener la Charte, voire le droit canadien, à une disposition souple et complexe comme l'art. 7. Toutefois, son importance est telle pour la définition des garanties de fond et de procédure en droit canadien qu'il serait périlleux de bloquer l'évolution de cette partie du droit. Il restera difficile pendant encore assez longtemps de prévoir et d'évaluer toutes les répercussions de l'art. 7. Notre Cour devrait être consciente de la nécessité de maintenir une certaine souplesse dans l'interprétation de l'art. 7 de la Charte et dans l'évolution de son application. En même temps, notre Cour devrait rappeler aux parties que les affaires ne peuvent pas toutes être plaidées sur le fondement de la Charte.

189       Supposer que tout problème juridique doit se régler en fonction de la Charte contribuerait à bloquer et à stériliser l'évolution naturelle et nécessaire de la common law et du droit civil dans notre pays. Comme nous l'avons vu, l'absence en l'espèce d'une réparation fondée sur la Charte ne signifie pas qu'aucune réparation n'aurait pu être trouvée et accordée en application du droit administratif.

[37]     Il n'y a aucune justification dans les circonstances du présent appel, de recourir à la Charte.

[38]     L'acquisition de la propriété à Mississauga a servi à satisfaire aux besoins personnels du fils des appelants plutôt que pour réaliser un profit. Cette propriété n'était pas d'une nature commerciale. Par conséquent, les appelants n'ont pas droit de déduire des dépenses reliées à la propriété à Mississauga.

[39]     De plus, les appelants n'ont pas droit de déduire les frais divers additionnels énumérés dans l'annexe C de la pièce A-5.

[40]     Les appels pour les années en litige sont admis, avec frais s'il y a lieu, et les cotisations sont déférées au Ministre pour nouvel examen et nouvelles cotisations en tenant compte du fait que :

a)         le montant de 11 756,34 $ représentant 50 pour cent des dépenses de 23 512,67 $, le montant de 11 516,17 $ représentant 50 pour cent de 23 032,34 $ et le montant de 10 515,81 $ (pour madame Vachon et 10 515,80 $ pour monsieur Vachon) représentant 50 pour cent de 21 031,61 $ pour les condominiums en Floride sont déductibles pour les années d'imposition 1993, 1994 et 1995 respectivement;

b)        le montant de 5 598,96 $ représentant 50 pour cent des dépenses de 11 197,93 $ pour la propriété à Hull sont déductibles pour l'année d'imposition 1995.

          Les appelants n'ont droit à aucun autre redressement.

Signé à Ottawa, Canada, ce 5ième jour de juillet 2002.

« Gerald J. Rip »

J.C.C.I.


No DU DOSSIER DE LA COUR :       1999-1403(IT)I et 1999-1404(IT)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :               Carmelle Vachon c. La Reine

                                                          Nelson Vachon c. La Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :                    Kingston (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                  le 10 août 2001

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :        l'honorable juge Gerald J. Rip

DATE DU JUGEMENT :                    le 5 juillet 2002

COMPARUTIONS :

Pour les appelant(es) :                Les appelants eux-même

Pour l'intimé(e) :                        Me Gatien Fournier

AVOCAT(E) INSCRIT(E) AU DOSSIER :

Pour l'appelant(e) :

                   Nom :          

                   Étude :                  

Pour l'intimé(e) :                        Morris Rosenberg

                                                Sous-procureur général du Canada

                                                Ottawa, Canada



[1]           2002 CSC 46 (Q.L.).

[2]           Les appelants ont fait plusieurs changements par écrits aux montants qui se trouvent dans l'État des revenus et dépenses des propriétés en litiges inclus dans la pièce A-5. Il en résulte que les chiffres qui se trouvent dans la pièce A-5 ne correspondent pas aux chiffres qui se trouvent dans les déclarations de revenus des appelants.

[3]           [1999] 1 R.C.S. 497 (Q.L.).

[4]           [2000] 2 R.C.S. 307 (Q.L.).

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