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Dossier : 2004-4647(IT)I

ENTRE :

GRANT PARTRIDGE,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appels entendus le 6 avril 2006, à Toronto (Ontario).

Devant : L'honorable juge L.M. Little

Comparutions :

Avocat de l'appelant :

Me John David Buote

Avocat de l'intimée :

Me Aleksandrs Zemdegs

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JUGEMENT

          Les appels interjetés à l'encontre des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1999, 2000, 2001 et 2002 sont rejetés avec dépens conformément aux motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 24e jour d'août 2006.

« L.M. Little »

Juge Little

Traduction certifiée conforme

ce 27e jour d'octobre 2006.

Marie-Christine Gervais, traductrice


Référence : 2006CCI465

Date : 20060824

Dossier : 2004-4647(IT)I

ENTRE :

GRANT PARTRIDGE,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Little

A.       FAITS

[1]      L'appelant et Barbara Anne Partridge (l' « ex-épouse » ) se sont mariés le 4 septembre 1976.

[2]      L'appelant et l'ex-épouse sont les parents de deux enfants :

          - Fils no 1 - né le 20 septembre 1983

          - Fils no 2 - né le 18 juin 1986

[3]      Le 8 octobre 1991, l'appelant et l'ex-épouse ont obtenu un divorce (le « jugement de divorce » - pièce A-3).

[4]      Le jugement de divorce prévoyait le versement d'une pension alimentaire pour enfants mensuelle de 1 500 $ à l'ex-épouse par l'appelant (750 $ par mois pour chaque enfant).

[5]      Le 30 juin 1993, la Cour de l'Ontario ( « Division générale » ) a modifié le jugement de divorce afin de réduire le montant de pension alimentaire pour enfants devant être payé par l'appelant à 1 300 $ par mois (650 $ par mois pour chaque enfant - pièce A-2).

[6]      Le 31 août 1998, l'appelant et l'ex-épouse ont signé un accord visant à modifier le montant de pension alimentaire pour enfants devant être payé à l'ex-épouse par l'appelant (l' « accord » - pièce A-1).

[7]      L'accord dispose qu'il a pour but de rendre les montants de pension alimentaire pour enfants devant être payés par l'appelant conformes aux Lignes directrices fédérales sur les pensions alimentaires pour enfants.

[8]      L'accord prévoit le versement d'une pension alimentaire pour enfants mensuelle de 1 000 $ à l'ex-épouse par l'appelant (500 $ par mois pour chaque enfant) à compter du 1er juin 1998.

[9]      L'accord prévoit également que le montant de la pension alimentaire pour enfants sera rajusté le 1er juin de chaque année conformément aux Lignes directrices fédérales sur les pensions alimentaires pour enfants.

[10]     Dans les années indiquées, l'appelant a versé les montants de pension alimentaire pour enfants suivants à l'ex-épouse :

                             1999                       17 312 $

                             2000                       19 372 $

                             2001                       18 891 $

                             2002                       19 351,92 $

[11]     Lorsque l'appelant a produit ses déclarations de revenu pour les années d'imposition 1999, 2000, 2001 et 2002, il a déduit les montants de pension alimentaire pour enfants mentionnés au paragraphe 10 ci-dessus.

[12]     Le 5 juin 2003, le ministre du Revenu national (le « ministre » ) a envoyé des avis de nouvelle cotisation pour les années d'imposition 1999 à 2002. Dans ces avis, le ministre a décidé que les montants de pension alimentaire pour enfants déduits par l'appelant n'étaient pas admissibles.

[13]     Les avis de nouvelle cotisation ont été ratifiés par le ministre le 9 septembre 2004.

[14]     Le 8 décembre 2004, l'appelant a déposé des avis d'appel à l'égard des nouvelles cotisations.

B.       POINT EN LITIGE

[15]     Il s'agit de savoir si l'appelant a le droit de déduire les montants de pension alimentaire pour enfants versés au cours des années d'imposition 1999 à 2002.

C.       ANALYSE ET DÉCISION

[16]     Sous ce qu'on a parfois décrit comme l'ancien régime fiscal (avant mai 1997), le conjoint qui versait des montants de pension alimentaire pour enfants à son ancien conjoint ou au conjoint dont il était séparé pouvait déduire ces montants et la personne qui les recevait devait les inclure dans son revenu. À la suite de l'arrêt rendu par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Thibaudeau c. Canada, [1995] 2 R.C.S. 627, la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ) a été modifiée et de nouvelles dispositions applicables aux versements de pension alimentaire pour enfants sont entrées en vigueur.

[17]     La Loi modifiée prévoit que, si un accord conclu ou une ordonnance d'une cour rendue avant mai 1997 n'a pas été modifié, le système de déduction / inclusion de l'ancien régime fiscal continue de s'appliquer. Toutefois, si un nouvel accord a été conclu par les parties, si une nouvelle ordonnance d'une cour a été rendue ou si un ancien accord a été modifié d'une quelconque façon, le régime de déduction / inclusion ne s'applique pas et seuls les versements effectués jusqu'à la date d'exécution, au sens de la Loi, peuvent être déduits du revenu par le payeur et doivent être inclus dans le revenu par le bénéficiaire.

[18]     Le paragraphe 56.1(4) de la Loi définit les expressions « date d'exécution » , « pension alimentaire » et « pension alimentaire pour enfants » . Il est rédigé ainsi :

« date d'exécution » Quant à un accord ou une ordonnance :

a) si l'accord ou l'ordonnance est établi après avril 1997, la date de son établissement;

b) si l'accord ou l'ordonnance est établi avant mai 1997, le premier en date des jours suivants, postérieur à avril 1997 :

(i)    le jour précisé par le payeur et le bénéficiaire aux termes de l'accord ou de l'ordonnance dans un choix conjoint présenté au ministre sur le formulaire et selon les modalités prescrits,

(ii)    si l'accord ou l'ordonnance fait l'objet d'une modification après avril 1997 touchant le montant de la pension alimentaire pour enfants qui est payable au bénéficiaire, le jour où le montant modifié est à verser pour la première fois,

(iii) si un accord ou une ordonnance subséquent est établi après avril 1997 et a pour effet de changer le total des montants de pension alimentaire pour enfants qui sont payables au bénéficiaire par le payeur, la date d'exécution du premier semblable accord ou de la première semblable ordonnance,

(iv) le jour précisé dans l'accord ou l'ordonnance, ou dans toute modification s'y rapportant, pour l'application de la présente loi.

« pension alimentaire » Montant payable ou à recevoir à titre d'allocation périodique pour subvenir aux besoins du bénéficiaire, d'enfants de celui-ci ou à la fois du bénéficiaire et de ces enfants, si le bénéficiaire peut utiliser le montant à sa discrétion et, selon le cas :

a) le bénéficiaire est le conjoint ou l'ancien conjoint du payeur et vit séparé de celui-ci pour cause d'échec de leur mariage et le montant est à recevoir aux termes de l'ordonnance d'un tribunal compétent ou d'un accord écrit;

b) le payeur est le père naturel ou la mère naturelle d'un enfant du bénéficiaire et le montant est à recevoir aux termes de l'ordonnance d'un tribunal compétent rendue en conformité avec les lois d'une province.

« pension alimentaire pour enfants » Pension alimentaire qui, d'après l'accord ou l'ordonnance aux termes duquel elle est à recevoir, n'est pas destinée uniquement à subvenir aux besoins d'un bénéficiaire qui est soit le conjoint ou l'ancien conjoint du payeur, soit le père ou la mère d'un enfant dont le payeur est le père naturel ou la mère naturelle.

[19]     L'alinéa 60b) de la Loi est rédigé ainsi :

b) Pension alimentaire - le total des montants représentant chacun le résultat du calcul suivant :

A - (B + C)

où :

A    représente le total des montants représentant chacun une pension alimentaire que le contribuable a payée après 1996 et avant la fin de l'année à une personne donnée dont il vivait séparé au moment du paiement,

B    le total des montants représentant chacun une pension alimentaire pour enfants qui est devenue payable par le contribuable à la personne donnée aux termes d'un accord ou d'une ordonnance à la date d'exécution ou postérieurement et avant la fin de l'année relativement à une période ayant commencé à cette date ou postérieurement,

C    le total des montants représentant chacun une pension alimentaire que le contribuable a payée à la personne donnée après 1996 et qui est déductible dans le calcul de son revenu pour une année d'imposition antérieure;

[20]     Dans ce cas-ci, le jugement de divorce daté du 8 octobre 1991 prévoyait le versement d'une pension alimentaire pour enfants mensuelle de 1 500 $ à l'ex-épouse par l'appelant (750 $ par mois pour chaque enfant).

[21]     Le 30 juin 1993, la Cour de l'Ontario ( « Division générale » ) a modifié le jugement de divorce, et le montant de pension alimentaire pour enfants devant être payé par l'appelant a été réduit à 1 300 $ par mois (650 $ par mois pour chaque enfant).

[22]     Le 31 août 1998, l'appelant et l'ex-épouse ont signé un accord visant à modifier le montant de pension alimentaire pour enfants devant être payé à l'ex-épouse par l'appelant. L'accord dispose qu'il a pour but de rendre les montants de pension alimentaire pour enfants devant être payés par l'appelant conformes aux Lignes directrices fédérales sur les pensions alimentaires pour enfants. L'accord prévoit le versement d'une pension alimentaire pour enfants mensuelle de 1 000 $ à l'ex-épouse par l'appelant (500 $ par mois pour chaque enfant) à compter du 1er juin 1998.

[23]     L'accord prévoit également que le montant de la pension alimentaire pour enfants sera rajusté le 1er juin de chaque année conformément aux Lignes directrices fédérales sur les pensions alimentaires pour enfants.

[24]     Le ministre a décidé que le montant de pension alimentaire pour enfants devant être payé par l'appelant avait été modifié par l'accord daté du 31 août 1998. Le ministre a également conclu que la « modification » entraînée par l'accord avait donné lieu à l'établissement d'une « date d'exécution » au sens du paragraphe 56.1(4) de la Loi et que, par conséquent, tous les montants versés après la date d'exécution n'étaient pas déductibles.

[25]     L'avocat de l'appelant allègue que les parties n'ont pas réussi à modifier l'ordonnance de la Cour. Il a dit que rien de ce qui devait être fait pour donner effet à l'accord n'a été effectué en réalité.

[26]     L'avocat de l'appelant a dit que, dans la province d'Ontario, il faut qu'un accord soit déposé en vertu de la Loi sur le droit de la famille pour qu'un montant de pension alimentaire pour enfants soit modifié.

[27]     Me Zemdegs, l'avocat de l'intimée, soutient que, pour qu'un accord soit valide, il n'est pas nécessaire qu'il soit approuvé ou ratifié par la Cour. Il a allégué que la Loi sur le droit de la famille et la Loi sur le divorce n'interdisent pas aux parties de s'entendre entre elles sur la façon dont elles veulent que les modalités d'une ordonnance de la Cour relatives auxavantages et aux obligations soient exécutées, et que les parties ont le droit de négocier en tout temps.

[28]     À l'appui de sa position, l'avocat de l'intimée m'a renvoyé à l'arrêt rendu par le juge Sexton de la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Kennedy c. Canada, [2004] A.C.F. no 2122. Le juge Sexton y a formulé les commentaires suivants :

11.        L'appelante a fait valoir que, comme elle devait obtenir un jugement afin d'obtenir une procédure d'exécution pour forcer son mari à payer les augmentations relatives au coût de la vie, l'ordonnance de 1997, qui a été rendue après avril 1997, a créé une date d'exécution au sens de l'alinéa a) de la définition du paragraphe 56.1(4).

12.        Je ne peux souscrire à cette interprétation de la loi. L'obligation de payer la pension alimentaire a été créée par l'ordonnance rendue par la Cour de l'Ontario en 1991, et celle de payer les augmentations relatives au coût de la vie, par le procès-verbal de transaction signé en 1991. Le jugement de 1997 n'a eu aucune incidence sur ces obligations. Ce jugement a peut-être facilité la perception des sommes par Mme Kennedy, mais les obligations elles-mêmes existaient bien avant avril 1997. Mme Kennedy n'avait pas besoin d'obtenir le jugement de 1997 pour contraindre son mari à payer. Elle aurait pu intenter une action devant la Cour de l'Ontario pour faire respecter les modalités du procès-verbal de transaction.

13.        Il me semble que, même si la définition de « date d'exécution » au paragraphe 56.1(4) aurait pu être plus claire, l'objet de la loi est de faire en sorte que le nouveau régime s'applique aux ordonnances ou aux accords établis après avril 1997 qui créent effectivement de nouvelles obligations. Les obligations créées sous l'ancien régime demeurent assujetties aux anciennes dispositions. C'est ce que confirme d'ailleurs le sous-alinéa b)(ii), qui prévoit que l'accord ou l'ordonnance qui fait l'objet d'une modification après avril 1997 touchant le montant de la pension alimentaire pour enfants crée une nouvelle date d'exécution; dans ce cas, une nouvelle obligation est créée par suite de la modification apportée après avril 1997. Il en est de même du sous-alinéa b)(iii), qui prévoit qu'un accord ou une ordonnance subséquent établi après avril 1997 ayant pour effet de changer le total des montants de pension alimentaire pour enfants crée une date d'exécution.

[29]     Me Zemdegs m'a également renvoyé à la décision rendue par ma collègue la juge Lamarre dans l'affaire Clermont c. La Reine, [2003] C.C.I. 752. Dans ce jugement, la juge Lamarre a dit qu'un accord qui n'était pas entériné par une ordonnance de la Cour avait quand même pour effet de modifier l'ordonnance antérieure.

[30]     Je souscris aux commentaires formulés par le juge Sexton et la juge Lamarre, et je conclus que l'accord daté du 31 août 1998 (pièce A-1) a pour effet de modifier l'ordonnance initiale rendue par la Cour. Il s'ensuit donc qu'il y a une date d'exécution en l'espèce et que, par conséquent, tous les montants de pension alimentaire pour enfants versés par l'appelant après la date d'exécution ne sont pas déductibles.

[31]     Les appels sont rejetés avec dépens.

Signé à Ottawa, Canada, ce 24e jour d'août 2006.

« L.M. Little »

Juge Little

Traduction certifiée conforme

ce 27e jour d'octobre 2006.

Marie-Christine Gervais, traductrice


RÉFÉRENCE :

2006CCI465

NO DU DOSSIER DE LA COUR :

2004-4647

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Grant Partridge c. Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :

Le 6 avril 2006

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :

L'honorable juge L.M. Little

DATE DU JUGEMENT :

Le 24 août 2006

COMPARUTIONS :

Avocat de l'appelant :

Me John David Buote

Avocat de l'intimée :

Me Aleksandrs Zemdegs

AVOCAT(S) INSCRIT(S) AU DOSSIER :

Pour l'appelant :

Nom :

Me John David Buote

Cabinet :

Brampton (Ontario)

Pour l'intimée :

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

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