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Dossier : 2006-286(CPP)

ENTRE :

DNS SIGNS LTD.,

appelante,

 

et

 

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Appel entendu le 30 juin 2006 à Toronto (Ontario)

 

Devant : L’honorable N. Weisman, juge suppléant

 

Comparutions :

 

Représentant de l’appelante :

David G. Masters

 

 

Avocates de l’intimé :

Mes Jocelyn Espejo Clarke et Charmaine De Los Reyes

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L’appel est rejeté, et la cotisation du ministre est confirmée conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 

Signé à Toronto (Ontario), ce 28e jour de juillet 2006.

 

 

« N. Weisman »

Juge suppléant Weisman

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 13e jour d’octobre 2006.

 

 

 

Jean David Robert, traducteur


 

 

Référence : 2006CCI407

Date : 20060728

Dossier : 2006-286(CPP)

ENTRE :

DNS SIGNS LTD.,

appelante,

 

et

 

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge suppléant Weisman

 

[1]     La Cour est saisie d’un appel interjeté par la société DNS Signs Ltd. (l’« appelante ») à l’encontre d’une évaluation établie par l’intimé, soit le ministre du Revenu national (le « ministre »), concernant des cotisations au Régime de pensions du Canada relatives à des montants qui auraient été attribués en 2002 et en 2003, dans le cadre d’un régime de participation des employés aux bénéfices (le « RPEB ») mis sur pied par l’appelante, à Douglas et à Kimberley Paterson (les « Paterson ») et à leurs deux enfants, Melanie et Shayne.

 

[2]     Les Paterson détiennent chacun 50 % des actions ordinaires de l’appelante et sont des cadres de la société, dont Douglas est le président et Kimberley, la secrétaire.

 

[3]     Dans sa réponse à l’avis d’appel, le ministre conteste la validité du RPEB de l’appelante. Il soutient que les sommes d’argent attribuées aux quatre membres de la famille Paterson en 2002 et en 2003 étaient des traitements et salaires ouvrant droit à pension. Par conséquent, en tant que leur employeur, l’appelante était tenue, en application des paragraphes 8(1), 12(1) et 21(1) du Régime de pensions du Canada[1] (le « Régime »), dont le texte est reproduit ci‑dessous, de retenir des cotisations au Régime de pensions du Canada sur ces sommes d’argent et de les remettre :

 

8(1) Tout employé occupant chez un employeur un emploi ouvrant droit à pension verse, par retenue prévue par la présente loi sur la rémunération que lui paie cet employeur au titre de cet emploi, pour l’année au cours de laquelle cette rémunération lui est payée, une cotisation d’employé égale au produit obtenu par la multiplication du taux de cotisation des employés pour l’année par le plus petit des montants suivants :

 

a) les traitement et salaire cotisables de l’employé pour l’année, payés par cet employeur, moins tel montant, au titre de l’exemption de base pour l’année ou à valoir sur cette exemption, qui est prescrit;

 

b) le maximum des gains cotisables de l’employé pour l’année, moins le montant, s’il en est, qui est déterminé de la manière prescrite comme étant les traitement et salaire que cet employeur paie à l’employé et sur lesquels une cotisation a été versée pour l’année par l’employé en vertu d’un régime provincial de pensions.

 

            [...]

 

12(1) Le montant des traitement et salaire cotisables d’une personne pour une année est le revenu qu’elle retire pour l’année d’un emploi ouvrant droit à pension, calculé en conformité avec la Loi de l’impôt sur le revenu [...] plus les déductions pour l’année, faites en calculant ce revenu [...]

 

[...]

 

21(1) Tout employeur payant une rémunération à un employé à son service, à une date quelconque, dans un emploi ouvrant droit à pension est tenu d’en déduire, à titre de cotisation de l’employé ou au titre de la cotisation pour l’année au cours de laquelle la rémunération au titre de l’emploi ouvrant droit à pension est payée à cet employé, le montant déterminé conformément à des règles prescrites; l’employeur remet au receveur général, à la date prescrite, ce montant ainsi que le montant qui est prescrit à l’égard de la cotisation qu’il est tenu de verser selon la présente loi […]

 

[4]     L’appelante réplique que, bien que le paragraphe 21(1) du Régime exige que les cotisations au Régime soient retenues sur la rémunération des employés, seuls les traitements et les salaires sont des gains ouvrant droit à pension pour les besoins du paragraphe 8(1) du Régime. Elle soutient que les Paterson et leurs enfants n’exerçaient pas un emploi auprès d’elle aux termes d’un contrat de louage de services en 2002 et en 2003 et, donc, qu’ils ne recevaient d’elle aucun traitement ou salaire cotisable ni revenu tiré d’un emploi ouvrant droit à pension pendant ces années‑là, contrairement aux employés avec lesquels elle n’avait pas de lien de dépendance qui étaient payés à l’heure. Les Paterson et leurs enfants étaient plutôt les bénéficiaires d’une fiducie qui leur attribuait des bénéfices.

 

[5]     L’appelante a établi un RPEB, dont les bénéficiaires sont Douglas et Kimberley Paterson et leurs deux enfants, Melanie et Shayne. En 2002 et en 2003, les quatre membres de la famille Paterson ont fait des retraits mensuels ou semestriels des comptes de prêts des actionnaires des Paterson, prêts que Douglas et Kimberley avaient consentis antérieurement à l’appelante. À la fin des exercices concernés, les fiduciaires du RPEB ont donné à l’appelante la directive de verser un pourcentage des bénéfices avant impôt de celle‑ci pour l’année dans les comptes de prêts des actionnaires des Paterson en guise de remboursement. L’opération a été effectuée par un enregistrement comptable. Par conséquent, l’appelante n’a jamais payé les fiduciaires, et ceux‑ci n’ont donc jamais reçu de sommes d’argent à attribuer aux employés.

 

[6]     Le pourcentage des bénéfices qui auraient été attribués aux bénéficiaires a fluctué d’une année à l’autre selon la capacité de payer de l’appelante. En 2002, les fiduciaires ont exigé que l’appelante verse 85 631 $ ou 52,9 % de ses bénéfices dans les comptes de prêts des actionnaires. En 2003, le chiffre était de 82 727,57 $, ce qui représentait 51,7 % des bénéfices de l’appelante pour cette année‑là.

 

[7]     Bien que les Paterson aient fourni des services à l’appelante dix heures par jour, sept jours par semaine, alors que leurs enfants travaillaient pour le compte de l’appelante à temps partiel, ils soutiennent qu’ils le faisaient tous sans rétribution. Ils font valoir que, puisqu’ils n’étaient pas rémunérés par l’appelante, ils n’étaient pas des employés de l’appelante aux termes de contrats de louage de services[2].

 

[8]     Les Paterson croient qu’ils sont malgré tout, par définition, des employés de l’appelante et qu’ils ont le droit d’être des bénéficiaires du RPEB de l’appelante parce que, étant respectivement le président et la secrétaire de la société, ils en sont des cadres, et que le paragraphe 248(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »)[3] dispose que « sont compris parmi les employés les cadres ou fonctionnaires ».

 

[9]     La position de l’appelante présente deux failles. D’abord, l’arrangement de l’appelante ne remplit pas les conditions requises pour être un régime de participation des employés aux bénéfices tel qu’il est prévu au paragraphe 144(1) de la Loi.

 

[10]    Les dispositions pertinentes du paragraphe 144(1) sont ainsi rédigées :

 

« régime de participation des employés aux bénéfices » À un moment donné, arrangement dans le cadre duquel, à la fois :

 

a) un employeur est tenu de faire des versements — calculés en fonction soit des bénéfices qu'il tire de son entreprise [...] — à un fiduciaire dans le cadre de l'arrangement au profit de ses employés [...];

 

b) le fiduciaire a attribué, conditionnellement ou non, à ces employés, depuis la dernière en date de l'entrée en vigueur de l'arrangement et de la fin de 1949, les montants suivants :

 

(i)      au cours de chaque année terminée au moment donné ou antérieurement, les montants que le fiduciaire a reçus au cours de l'année de l'employeur [...]

 

[11]    Il y a par conséquent trois exigences :

 

1)      Un employeur est tenu de faire des versements à un fiduciaire dans le cadre de l’arrangement au profit de ses employés;

 

2)     Ces versements doivent être calculés en fonction des bénéfices que l’employeur tire de son entreprise;

 

3)     Le fiduciaire doit attribuer aux employés au cours de chaque année les fonds qu’il a reçus.

 

[12]    Dans le cadre du RPEB de l’appelante, celle‑ci n’a jamais fait de versements aux fiduciaires, et ceux‑ci n’ont par conséquent jamais reçu de sommes d’argent à attribuer aux employés. Les exigences 1 et 3 n’ont donc jamais été remplies. De plus, la participation des deux enfants Paterson, qui, selon l’appelante, n’exerçaient pas un emploi auprès d’elle, ne concorde pas avec la prétention que l’arrangement était un RPEB.

 

[13] L’arrangement ne remplit pas non plus les conditions requises pour être un régime de prestations aux employés ou une fiducie d’employés au sens de la Loi. La preuve ne permet pas de conclure que l’appelante avait eu l’intention d’établir l’un ou l’autre de ces arrangements, et ils sont tous les deux incompatibles avec la participation des deux enfants Paterson.

 

[14]    Le second défaut de l’argument de l’appelante est que les Paterson ne travaillaient pas 70 heures par semaine sans rétribution. Ils recevaient des traitements et salaires ouvrant droit à pension sous le couvert d’allocations versées aux bénéficiaires d’un RPEB. Il s’agissait d’un moyen déguisé employé pour ne pas avoir à verser des cotisations d’assurance‑emploi et des cotisations au Régime de pensions du Canada. Si la famille Paterson avait reçu les traitements et salaires gagnés, il ne serait resté aucun bénéfice à partager entre les bénéficiaires du RPEB. De plus, il n’a pas été expliqué pourquoi les deux enfants Paterson auraient eu le droit de faire des retraits des comptes de prêts des actionnaires de leurs parents.

 

[15]    Normalement, les sommes d’argent attribuées aux bénéficiaires d’un régime de participation des employés aux bénéfices authentique ne sont pas assujetties à des retenues à la source. Le bulletin d’interprétation IT-379R de l’Agence du revenu du Canada intitulé « Régimes de participation des employés aux bénéfices – Sommes attribuées aux bénéficiaires » daté du 29 septembre 1999 énonce qu’une retenue en vertu du paragraphe 153(1) de la Loi n'est pas exigée lorsqu'un employeur contribue à un RPEB, même si les contributions de l'employeur sont comprises dans le revenu du bénéficiaire comme un revenu d'emploi en vertu de l'alinéa 6(1)d). Le bulletin d’interprétation indique également qu’une retenue n'est pas non plus exigée lorsqu'un fiduciaire procède à une répartition au profit du bénéficiaire. C’est pourquoi le formulaire T4PS Sommaire, dans lequel les fiduciaires déclarent à l’Agence du revenu du Canada les paiements et les allocations attribués dans le cadre d’un régime de participation des employés aux bénéfices, ne comporte aucune case pour les cotisations au Régime de pensions du Canada. Bien que les bulletins d’interprétation n’aient pas force de loi, ils ont une force persuasive en cas d'ambiguïté[4].

 

[16]    Cette exemption de l’obligation d’effectuer des retenues à la source découle du fait que les sommes d’argent attribuées aux bénéficiaires dans le cadre d’un régime de participation des employés aux bénéfices représentent un revenu d’une fiducie calculé en fonction des bénéfices que l’employeur tire de son entreprise et ne sont pas des traitements et salaires cotisables des employés au sens du Régime.

 

[17]    En l’espèce, cependant, le RPEB de l’appelante n’était pas un régime de participation des employés aux bénéfices authentique, comme je l’ai dit précédemment.

 

[18]    L’article 144 de la Loi vise à préciser, d’une manière certaine, les conséquences fiscales relatives aux contributions à un régime de participation des employés aux bénéfices, aux allocations incitatives versées à des employés dans le cadre de tels régimes, au revenu tiré d’éléments d'actif fiduciaire et aux répartitions de celui‑ci. L’article en question n’est pas destiné à être utilisé comme un moyen de contourner le Régime et d’éviter les cotisations qu’il exige. Le Régime est une loi réparatrice qui vise à mettre sur pied un régime d'assurance sociale destiné aux Canadiens[5]. Par conséquent, il doit être interprété de manière équitable, large et libérale et ne doit pas être déjoué par un usage abusif de l’article 144 de la Loi.

 

[19]    L’appelante ne s’est pas acquittée du fardeau qui lui incombait de réfuter les hypothèses exposées dans la réponse à l’avis d’appel du ministre. L’appel est donc rejeté, et l’évaluation du ministre est confirmée.

 

Signé à Toronto (Ontario), ce 28e jour de juillet 2006.

 

 

« N. Weisman »

Juge suppléant Weisman

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 13e jour d’octobre 2006.

 

 

 

Jean David Robert, traducteur


RÉFÉRENCE :                                  2006CCI407

 

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :      2006-286(CPP)

 

INTITULÉ :                                       DNS Signs Ltd. et M.R.N.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 30 juin 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable N. Weisman, juge suppléant

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 28 juillet 2006

 

COMPARUTIONS :

 

Représentant de l’appelante :

David G. Masters

 

 

Avocates de l’intimé :

Mes Jocelyn Espejo Clarke et Charmaine De Los Reyes

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelante :

 

                   Nom :                            

 

                   Cabinet :

 

       Pour l’intimé :                             John H. Sims, c.r.

                                                          Sous‑procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada



[1] L.R.C. (1985), ch. C‑8.

[2] Fournier c. Canada (Ministère du Revenu national), [1997] A.C.F. nº 211 (C.A.F.).

[3] L.R.C. (1985), (5e suppl.) ch. 1.

[4] Mattabi Mines Ltd. c. Ontario (Ministre du Revenu), [1988] 2 R.C.S. 175.

[5] Granovski c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [2000] 1 R.C.S. 703.

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