Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

Dossier : 2003-726(GST)I

ENTRE :

GORDON HAY,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Appel entendu les 21 et 22 août 2003, à Montréal (Québec).

 

Devant : L’honorable juge Pierre Archambault

 

Comparutions :

 

Avocat de l’appelant :

Me Michael Worsoff

 

Avocat de l’intimée :

Me Alain‑François Meunier

____________________________________________________________________

JUGEMENT

 

          L’appel de la cotisation établie en vertu de la Loi sur la taxe d’accise pour la période allant du 1er août 1996 au 31 décembre 1998, dont l’avis est daté du 27 novembre 2001 et porte le numéro PM‑10304, est accueilli avec dépens, conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 

Signé à Montréal (Québec), ce 13e  jour de janvier 2004.

 

 

« Pierre Archambault »

Juge Archambault

 

Traduction certifiée conforme

ce 30e jour de mars 2009.

 

D. Laberge, LL.L.


 

 

 

Référence : 2004CCI51

Date : 20040113

Dossier : 2003-726(GST)I

 

ENTRE :

 

GORDON HAY,

 

appelant,

 

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

 

Le juge Archambault

 

[1]     Monseiur Gordon Hay interjette appel d’une cotisation datée du 27 novembre 2001, établie par le ministère du Revenu du Québec (le « ministère ») conformément à l’article 323 de la Loi sur la taxe d’accise (la « Loi »). Par cette cotisation, le ministère tient M. Hay, en sa qualité d’administrateur de Distribution Canada Disc DCD Inc. (« DCD »), responsable de la TPS due par cette personne morale, d’une somme de 15 386,95 $. Le ministère déclare que DCD devait cette taxe nette en vertu de la Loi pour la période allant du 1er août 1996 au 31 décembre 1998 (la « période pertinente »). Le montant peut être réparti comme suit entre les diverses périodes mentionnées :

 

 

 

 


1996[1]

1997

1998

TOTAL

 

Montant de la taxe nette déclarée par DCD

 

2 370,10 $

 

(1 295,59 $)

 

S/O

 

1 074,51 $

 

Rajustements effectués par le ministère :

 

 

 

 

 

 

i) Taxe majorée

 

10 040,48 $

 

8 825,87 $

 

4 830,28 $

 

23 696,63 $

 

 

ii) Crédit de taxe sur les intrants

 

(4 656,68 $)

 

   551,88 $

 

(5 279,39 $)

 

(9 384,19 $)

 

Total de la taxe nette (remboursement)

 

7 753,90 $[2]

 

8 082,16 $2

 

(449,11 $)

 

15 386,95 $

 

[2]     Selon l’avis de cotisation délivré en vertu du paragraphe 323(1) de la Loi, le montant des droits dus par M. Hay est de 15 836,06 $ et non de 15 386,95 $. Selon l’agent de perception du ministère, la taxe nette négative de 449,11 $ pour l’année 1998 serait normalement imputée à la taxe nette globale que l’inscrit doit au ministère. M. Hay ne souscrivait pas à l’assertion de l’avocat de l’intimée, à savoir que le remboursement de 449,11 $, pour l’année 1998, serait normalement déduit du montant des intérêts et des pénalités dus par l’inscrit. Étant donné qu’il est selon moi préférable de déduire le remboursement de 1998 du montant global de la taxe nette due par DCD pour les années 1996 et 1997, la cotisation dont M. Hay a fait l’objet, si elle est confirmée, devrait du moins être modifiée, de façon à diminuer le montant des droits que celui‑ci doit, de 15 836,06 $ à 15 386,95 $, et le ministère devrait être tenu de calculer de nouveau les intérêts et les pénalités conformément aux dispositions de la Loi.

 

[3]     En établissant la cotisation, le ministère a tenu pour acquis que M. Hay était administrateur de droit de DCD depuis la constitution de la DCD en personne morale, en 1994. En contestant la cotisation, M. Hay affirme que, pour les raisons suivantes, il n’est pas redevable des taxes dues par DCD. Premièrement, il n’a jamais été administrateur de DCD puisqu’il n’a jamais accepté d’agir en cette qualité. Deuxièmement, s’il était administrateur de DCD, il a cessé de l’être le 28 février 1999, lorsqu’il a quitté DCD pour accepter un nouvel emploi auprès d’une société non liée. Étant donné que le ministère a établi sa cotisation le 27 novembre 2001, plus de deux ans s’étaient écoulés depuis qu’il avait cessé d’être administrateur et la cotisation établie par le ministère en vertu du paragraphe 323(1) de la Loi était prescrite. Enfin, même si la cotisation n’était pas prescrite, M. Hay a agi avec autant de soin, de diligence et de compétence pour prévenir le manquement que l’aurait fait une personne raisonnablement prudente dans les mêmes circonstances. Subsidiairement, s’il était conclu que M. Hay n’a pas agi avec le soin, la diligence et la compétence nécessaires, le montant des taxes dues par DCD devrait être réduit des trois montants suivants, totalisant 6 450,37 $ : premièrement, une réduction de la TPS de 1 737,25 $ à l’égard d’une créance irrécouvrable de 24 817,86 $ se rapportant à l’année 1996; deuxièmement, une réduction similaire de 4 054,68 $ à l’égard d’une créance irrécouvrable de 57 924 $ se rapportant à l’année 1997; troisièmement, un crédit de taxe sur les intrants (le « CTI ») de 658,44 $ pour des fournitures additionnelles effectuées par Hydro (4 370 $) et par Blanca Canada (5 036,30 $).

 

Les faits

 

[4]     Monsieur Hay s’est présenté comme ayant une certaine expérience en matière de commercialisation. Il a un diplôme d’études secondaires et il a entrepris des études à l’Université McGill, dans le cadre du programme d’éducation permanente. Toutefois, il n’a pas terminé ces études. Au début de l’année 1994, il a été embauché par M. Jacques Cohen, à titre de président de DCD, au salaire annuel de 50 000 $. Il a dit que cette société appartenait à M. Cohen, un entrepreneur et un promoteur s’occupant de plusieurs sociétés, dont certaines dans le secteur de la technologie. De fait, DCD a été constituée en personne morale le 20 avril 1994 conformément à la Loi canadienne sur les sociétés par actions (la « LCSA ») en vue de fabriquer des disquettes.

 

[5]     Dans le formulaire 6, Liste des administrateurs, daté du 20 avril 1994 et signé par une personne non identifiée, M. Hay est désigné à titre d’unique administrateur. Ce formulaire est inséré dans le registre des procès‑verbaux de DCD et, selon toute probabilité, il a été envoyé à Consommation et Affaires commerciales Canada. M. Hay a témoigné n’avoir jamais su, avant 1997 ou 1998, qu’il était inscrit à titre d’administrateur de DCD et, selon lui, on ne lui avait jamais demandé de devenir administrateur et il n’avait jamais autorisé qui que ce soit à le désigner à titre d’administrateur. L’examen du registre des procès‑verbaux n’indique pas qu’un autre administrateur ait remplacé M. Hay. M. Hay a affirmé que, lorsqu’il a appris l’existence du registre des procès‑verbaux, en 1997 ou en 1998, il a fait part de son mécontentement à M. Cohen. M. Hay a affirmé que M. Cohen lui avait dit qu’il ne pouvait pas utiliser son propre nom à cause de problèmes juridiques qu’il avait eus auparavant. Lorsqu’il a été contre‑interrogé, M. Hay a expliqué qu’il n’avait pas pris de mesures afin de faire enlever son nom du registre des procès‑verbaux parce que M. Cohen lui avait donné à entendre qu’il ne devait pas le faire. Toutefois, l’examen du registre des procès‑verbaux révèle que M. Hay et M. Cohen ont été élus administrateurs de DCD conformément à une résolution non signée des deux actionnaires, en date du 20 avril 1994. Il y a également, dans le registre des procès‑verbaux, deux ententes non signées de M. Hay et M. Cohen selon lesquelles ils devaient agir comme administrateurs.

 

[6]     Il existe également une souscription non signée, pour 100 actions de la catégorie A chacun, de la part de M. Cohen et de M. Hay. Les certificats d’actions sont encore joints au registre des procès‑verbaux et ils ne sont pas signés non plus. Une autre résolution non signée désigne M. Hay à titre de président et de secrétaire de DCD et M. Cohen à titre de vice‑président de la société. De fait, le registre des procès‑verbaux dans son ensemble n’est pas signé. Dans son témoignage, M. Hay a également déclaré n’avoir jamais signé quelque résolution que ce soit de DCD ou quelque déclaration annuelle ou déclaration de revenus ou encore des états financiers, sauf pour deux déclarations relatives à la TPS.

 

[7]     Monsieur Hay a accompagné M. Cohen à une succursale de la Banque de Montréal afin d’ouvrir un compte bancaire pour DCD. Le nom de M. Hay et le nom de M. Cohen figurent tous deux sur la carte de signature de la banque datée du 27 janvier 1995. M. Hay est désigné à titre de président et M. Cohen à titre de vice‑président. C’est le représentant de la banque qui a affirmé avec insistance que deux signatures étaient nécessaires sur les chèques de DCD. Le même jour, M. Hay a également signé, à titre de dirigeant autorisé, un certificat (dans un formulaire de la Banque de Montréal) à l’égard du règlement administratif de DCD en matière d’emprunts. Dans un document non signé joint à ce certificat, qui semble être l’accord conclu avec la Banque de Montréal au sujet des services bancaires, M. Gordon Hay et M. Jacky Cohen sont désignés à titre (i) d’« administrateur(s) » et (ii) de « membre(s) de la direction », M. Hay étant désigné à titre de président et M. Jacky Cohen à titre de vice‑président. Lorsqu’on lui a montré ce document à l’audience, M. Hay a affirmé qu’il croyait comprendre qu’en français, le mot « administrateur » s’entendait d’un directeur plutôt que d’un administrateur[3].

 

[8]     Malgré le plan initial, il semble que DCD n’ait jamais été en mesure d’entreprendre ses activités de fabrication. Ses seules activités semblent avoir été limitées à la location, le 13 octobre 1994, d’un local commercial de 8 615 pieds carrés, situé au 359, boulevard Ste‑Croix, à St‑Laurent (Québec). Le bail, d’une durée de cinq ans, devait commencer le 1er janvier 1995 et prendre fin le 31 décembre 1999. C’était M. Cohen qui avait négocié les conditions du bail et qui l’avait signé pour le compte de la société. M. Hay y figure uniquement à titre de témoin. C’était également M. Cohen qui avait certifié la copie de la résolution du conseil d’administration de DCD l’autorisant à signer pour le compte de la société. Il semble que DCD ait sous‑loué ce local commercial à plusieurs sociétés de M. Cohen, notamment TAD Digital Advanced Technologies International Inc. (« TAD »)[4] et Les Technologies Vectron Paramètre 618 Inc. (« Vectron »). Le 16 juin 1995, DCD a obtenu un local commercial additionnel du locateur. La lettre confirmant cette entente était adressée à DCD, à l’attention de Jacques Cohen, et ce dernier l’a acceptée.

 

[9]     Une série de chèques et de factures se rapportant à la période pertinente a été produite en preuve. Comme on pouvait s’y attendre, la signature de M. Hay figure sur les chèques, avec celle de M. Cohen. M. Hay a décrit les diverses fins auxquelles ces chèques étaient émis. Certains d’entre eux se rapportaient à des travaux de rénovation exécutés à la résidence personnelle de M. Cohen, à une pension alimentaire payable à son ancienne maîtresse, qui était la mère de son enfant, à des paiements effectués en faveur de son amie actuelle, au salaire en espèces dû à un aide‑comptable pour TAD, et à des paiements au profit d’amis de M. Cohen. M. Hay a déclaré avoir signé tous ces chèques à la demande expresse de M. Cohen. Pour tout le travail qu’il avait accompli pour M. Cohen, à titre d’employé de DCD, de 1994 au mois de février 1999, M. Hay a uniquement reçu 28 000 $. M. Hay a dit qu’étant donné que DCD n’avait pas suffisamment de fonds pour rembourser toutes ses dettes, il se plaignait souvent à M. Cohen que des amis de celui‑ci étaient payés avant qu’il touche son propre salaire et avant que le montant dû au gouvernement au titre de la TPS soit versé. M. Cohen lui avait répondu qu’on s’occuperait de la TPS plus tard. M. Hay a déclaré ne pas avoir eu le pouvoir voulu pour forcer M. Cohen à émettre des chèques en faveur de ces bénéficiaires.

 

[10]    Deux personnes qui travaillaient pour des sociétés de M. Cohen ont témoigné ne pas savoir que M. Hay était administrateur de DCD. Le premier témoin, M. Van Den Berghe, agissait depuis 1994 à titre de conseiller de M. Cohen et aidait celui‑ci à réunir des fonds pour ses nouvelles entreprises. Au mois de janvier 1996, Vectron l’avait embauché en vue de mettre un plan de commercialisation à exécution. M. Van Den Berghe a dit que M. Hay était pour ainsi dire gérant des locaux loués par DCD. M. Hay s’occupait de réparer le matériel défectueux, comme les systèmes de climatisation et de téléphone. M. Van Den Berghe a également témoigné que c’était M. Cohen qui donnait des ordres à M. Hay. Le témoin a dit que M. Cohen était l’organisateur, la personne qui prenait toutes les décisions. M. Van Den Berghe a déclaré que M. Hay a refusé avec véhémence d’accepter d’être élu à titre d’administrateur de Vectron.

 

[11]    L’autre témoin était M. David Amsel, que M. Cohen avait embauché comme conseiller pour travailler chez Vectron. Depuis le début de l’année 1996 et pendant un an et demi par la suite, il passait la plupart de ses heures de travail aux bureaux de cette société. Son bureau était situé près de celui de M. Hay. Il a déclaré que M. Hay était un employé de M. Cohen et qu’il était responsable des activités quotidiennes de TAD et de DCD. Il a affirmé que M. Hay était un « aide de bureau ». M. Hay ne prenait pas de décisions importantes sans en parler d’abord à M. Cohen. M. Amsel a également affirmé ne pas avoir non plus reçu tout l’argent que M. Cohen lui avait promis.

 

[12]    C’était M. Hay qui, le 6 septembre 1996, avait demandé l’inscription de DCD pour la TPS. Dans la demande, M. Hay est désigné à titre de président de DCD. M. Hay a signé et produit le 13 juillet 1998 (bien que ce ne soit pas lui qui l’ait préparée), une déclaration annuelle relative à la TPS pour la période allant du 1er août au 31 décembre 1996. Dans cette déclaration, un montant de 2 370,10 $ est inscrit à titre de taxe nette payable au ministère. Le même jour, M. Hay a également produit une déclaration relative à la TPS pour l’année civile 1997 (l’année civile correspondant également à l’exercice de DCD) et une taxe nette négative de 1 295,59 $ est inscrite.

 

[13]    Monsieur Hay, qui en avait assez des nombreuses fausses promesses que M. Cohen lui avait faites au sujet de sa rémunération et de sa participation à ses différentes entreprises, a quitté DCD à la fin du mois de février 1999 et a accepté un nouvel emploi auprès d’une société qui n’avait absolument aucun lien avec M. Cohen. En 1999, M. Hay recevait de son nouvel employeur un salaire de 58 427 $, et en l’an 2000, un salaire de 63 763 $[5]. Il importe également d’ajouter qu’Equifax Canada Inc. a informé M. Hay, au début de l’année 1999, que le ministère avait demandé des renseignements au sujet de sa solvabilité dans le cadre des [traduction] « efforts visant à assurer l’application des lois fiscales ». M. Hay a écrit au ministère le 3 février 1999 afin d’obtenir des renseignements au sujet de l’objet de cette demande.

 

[14]    Monsieur Hay a déclaré qu’un représentant du ministère l’avait appelé chez lui et l’avait informé que le ministère voulait procéder à une vérification de la TPS et de la TVQ dues par DCD. Même s’il n’était plus un employé de DCD, M. Hay a accepté de rencontrer la vérificatrice de la TPS étant donné que M. Cohen ne voulait pas le faire parce qu’il avait déjà lui‑même suffisamment de problèmes. Étant donné que DCD ne tenait pas de livres comptables et qu’elle n’avait jamais préparé d’états financiers, M. Hay s’est vu obligé d’utiliser les dépôts bancaires pour préparer les factures qu’il pouvait soumettre au ministère. Il a affirmé que M. Cohen savait qu’il faisait tout ce travail.

 

[15]    Pour établir la cotisation de DCD, la vérificatrice a préparé des feuilles de travail énumérant toutes les factures soumises par M. Hay. Ces feuilles de travail indiquaient fondamentalement le loyer que DCD avait demandé à ses sous‑locataires pour la période allant du mois de janvier 1995 au mois de décembre 1998, lorsque, selon les renseignements que M. Hay avait fournis à la vérificatrice, le bail entre DCD et le locateur avait pris fin. La vérificatrice a également préparé des feuilles de travail décrivant les dépenses engagées par DCD. Tous ces renseignements ont fondamentalement été donnés par M. Hay. La vérificatrice a préparé un état des rajustements à utiliser pour la nouvelle cotisation envisagée et elle l’a présenté à M. Hay le 21 février 2000 pour commentaires. Toutefois, M. Hay n’a pas soumis de commentaires et la vérificatrice a établi une cotisation le 17 mars 2000. La cotisation a été envoyée à l’adresse personnelle de M. Hay, c’est‑à‑dire à l’adresse figurant dans la demande d’inscription pour la TPS que M. Hay avait présentée. Lorsqu’elle a été contre‑interrogée, la vérificatrice a reconnu que toutes les données qu’elle avait utilisées pour préparer la cotisation avaient été fournies par DCD et qu’elle avait accepté la déclaration de DCD selon laquelle son bail avait pris fin au mois de décembre 1998. La vérificatrice a également reconnu qu’il n’y avait pas de factures après le mois de décembre 1998. M. Hay a déclaré que DCD avait été dissoute le 10 mars 2000.

 

[16]    Après qu’il eut quitté DCD, M. Hay s’est uniquement occupé pour la société de la question de la vérification faite par le ministère. C’était M. Hay qui avait retenu les services du cabinet d’avocats Sweibel Novek pour qu’il dépose un avis d’opposition le 2 août 2000 ou vers cette date. Le 21 juin 2000, M. Hay et DCD ont autorisé ce cabinet [traduction] « à obtenir des renseignements de Revenu Canada et de Revenu Québec au sujet des questions de TPS et de TVQ ». Au mois d’août 2000, M. Hay a également autorisé la vérificatrice à emprunter les factures de vente et d’achat en plus des documents bancaires.

 

[17]    Monsieur Salomon Amar a témoigné que M. Hay avait retenu ses services, au début de l’année 2001, afin d’examiner la cotisation établie par le ministère. Il a confirmé que DCD ne tenait pas de livres comptables, qu’elle n’avait jamais préparé d’états financiers et qu’elle n’avait jamais produit de déclarations de revenus. M. Hay a demandé à M. Amar de préparer des états financiers et des déclarations de revenus, mais M. Cohen a apparemment refusé de les signer. À ce moment‑là, M. Cohen devait plus de 1,6 million de dollars au fisc. Pour l’examen de la cotisation établie par le ministère, M. Hay a remis à M. Amar deux boîtes de documents seulement. C’est l’examen de ces documents effectué par M. Amar qui a entraîné les trois rajustements que M. Hay a demandés aux fins de la détermination de la taxe nette réelle que DCD devait au ministère.

 

[18]    Selon M. Amar, certains montants qui étaient inclus dans les cotisations du ministère au titre de la location n’avaient jamais été payés par les sous-locataires. En 2001, M. Amar a préparé des « Écritures de journal » pour les exercices 1996, 1997 et 1998. Pour l’année 1996, une réduction de loyer de 24 817,86 $ était signalée, donnant lieu à une réduction de 1 737,25 $ au titre de la TPS. Pour l’année d’imposition 1997, M. Amar a radié un montant de 57 924 $ au titre du loyer dû par TAD, ce qui entraînait une réduction de 4 054,68 $ au titre de la TPS. Pour l’année 1998, M. Amar a réduit de 5 036,30 $ le montant des achats pour des fournitures effectuées par Blanca Canada et de 4 370 $ pour des fournitures effectuées par Hydro‑Québec, ce qui a entraîné une augmentation des CTI de 658,44 $.

 

[19]    L’agent de perception a établi la cotisation du 27 novembre 2001 en vertu du paragraphe 323(1) de la Loi, étant donné que le ministère n’avait pas réussi à être payé par DCD à l’égard de l’obligation de cette société au titre de la TPS. L’agent a déclaré avoir appris d’Industrie Canada que M. Hay était un administrateur de DCD. L’agent a également témoigné qu’il avait établi une cotisation à l’égard de M. Hay parce que, à son avis, M. Hay avait agi en sa qualité d’administrateur en signant le certificat se rapportant au règlement administratif concernant les emprunts, en signant des chèques pour DCD, en présentant une demande d’inscription pour la TPS et en produisant des déclarations relatives à la TPS, au mois de juillet 1998. En outre, M. Hay est également désigné à titre d’administrateur dans le document qui a été remis à la Banque de Montréal avec le règlement en question. L’agent de perception a reconnu qu’aucune déclaration de revenus de société (C‑17) n’avait été produite par DCD conformément à la Loi sur les impôts du Québec. Enfin, l’agent de perception a également reconnu n’avoir jamais rencontré M. Hay.

 

Analyse

 

[20]    La disposition pertinente, lorsqu’il s’agit de trancher la question soulevée dans le présent appel, est le paragraphe 323(1) de la Loi, qui prévoit ce qui suit :[6]

 

323(1) Responsabilité des administrateurs Les administrateurs de la personne morale au moment où elle était tenue de verser une taxe nette comme l’exigent les paragraphes 228(2) ou (2.3), sont, en cas de défaut par la personne morale, solidairement tenus, avec cette dernière, de payer cette taxe ainsi que les intérêts et pénalités y afférents.

                                                                                    [Non souligné dans l’original.]

 

[21]    La première condition à remplir, pour que le paragraphe 323(1) de la Loi s’applique, est que M. Hay doit avoir été administrateur de la personne morale au moment où cette dernière était tenue de verser la TPS. Le ministère a établi une cotisation à l’égard de M. Hay compte tenu du fait que celui‑ci était administrateur de droit, mais l’intimée est d’avis que les administrateurs de fait sont aussi responsables que les administrateurs de droit, pour l’application de l’article 323 de la Loi et de l’article 227.1 de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « LIR »). Comme c’est le cas pour l’article 227.1 de la LIR, en ce qui concerne les retenues à la source, le paragraphe 323(1) de la Loi tient les administrateurs responsables de l’omission de la personne morale de verser la TPS en vertu de la Loi. Toutefois, ni l’une ni l’autre disposition ne précise si le mot « administrateurs » comprend les administrateurs de fait.

 

[22]    Dans l’arrêt Canada c. Corsano, [1999] A.C.F. no 401 (QL), 99 DTC 5658[7], la Cour d’appel fédérale a conclu que les administrateurs de droit et les administrateurs de fait pouvaient dans les deux cas être tenus responsables de l’omission de leur société de retenir l’impôt en vertu de l’article 227.1 de la LIR. Dans ses motifs, le juge Noël a signalé l’article 97 de la Compagnies Act de la Nouvelle‑Écosse[8], qui est une disposition semblable à l’article 116 de la LCSA[9], et qui « reconnaît la possibilité que des personnes agissent comme administrateurs alors qu’elles ne sont pas éligibles, et que le législateur a choisi, malgré cela, de valider leurs actes dans les circonstances susmentionnées »[10]. Le juge Noël a donc conclu que les administrateurs de fait ne devaient pas pouvoir « échapper aux obligations imposées aux administrateurs par l’article 227.1 de la LIR »[11].

 

L’appelant est-il un administrateur de droit?

 

[23]    Selon le Black’s Law Dictionary, l’administrateur (ou l’administrateur de droit) s’entend [traduction] d’« une personne nommée ou élue pour siéger au conseil qui gère les affaires internes d’une société en élisant ses dirigeants et en exerçant un contrôle sur ceux‑ci »[12].

 

[24]    Il faut faire une distinction entre la notion d’« administrateur » et celle de « dirigeant », cette dernière notion se rapportant, en droit des sociétés, [traduction] « à une personne élue ou nommée par le conseil d’administration en vue de gérer les activités quotidiennes d’une société, comme un PDG, un président, un secrétaire ou un trésorier »[13]. En fait, les administrateurs d’une société délèguent certaines de leurs responsabilités aux dirigeants de la société[14]. Les mots « dirigeant » et « administrateur » sont définis au paragraphe 2(1) de la LCSA :

 

« administrateur » Indépendamment de son titre, le titulaire de ce poste; « conseil d’administration » s’entend notamment de l’administrateur unique.

 

« dirigeant » Particulier qui occupe le poste de président du conseil d’administration, président, vice‑président, secrétaire, trésorier, contrôleur, chef du contentieux, directeur général ou administrateur délégué d’une société ou qui exerce pour celle‑ci des fonctions semblables à celles qu’exerce habituellement un particulier occupant un tel poste ainsi que tout autre particulier nommé à titre de dirigeant en application de l’article 121.

 

[25]    La caractérisation d’une personne comme étant un administrateur ou un dirigeant est cruciale, parce que seuls les dirigeants (dans le sens général du terme) qui sont des administrateurs peuvent être tenus responsables en vertu du paragraphe 323(1) de la Loi et de l’article 227.1 de la LIR. Dans la décision Mosier v. R., [2001] G.S.T.C. 124 (CCI), il a été conclu qu’un président et chef de direction qui gérait une société, mais qui ne s’était jamais présenté comme étant un administrateur de la société, n’était pas un administrateur de fait et il a donc été conclu qu’il n’était pas responsable de l’omission de la société de verser les taxes en vertu de la Loi.

 

[26]    Dans ce cas‑ci, M. Hay était désigné à titre d’administrateur de DCD dans le formulaire 6, qui avait été envoyé avec les statuts constitutifs. Conformément au paragraphe 106(2) de la LCSA, cette désignation par le fondateur avait pour effet de nommer[15] M. Hay administrateur provisoire jusqu’à la première assemblée des actionnaires. Toutefois, il semble n’y avoir jamais eu d’assemblée, étant donné que le registre des procès‑verbaux dans son ensemble, y compris les certificats d’actions, n’a jamais été signé. En d’autres termes, DCD n’a jamais été organisée d’une façon appropriée et, par conséquent, on n’a jamais élu d’administrateurs réguliers.

 

[27]    Il s’agit de savoir s’il est possible de considérer M. Hay comme un administrateur alors qu’il n’a jamais autorisé[16] le fondateur à le désigner à titre d’administrateur provisoire et, en outre, qu’il a appris plus de trois ou quatre ans plus tard seulement qu’il avait ainsi été désigné. La disposition la plus pertinente, pour ce qui est de la question du consentement, est le paragraphe 106(9) de la LCSA, qui énonce les conditions auxquelles un particulier est reconnu à titre d’administrateur. Cette disposition est libellée comme suit :

 

106. (9) L’élection ou la nomination d’un particulier au poste d’administrateur est subordonnée :

 

a) s’il était présent à l’assemblée qui l’élit ou le nomme administrateur, à ce qu’il ne refuse pas d’occuper ce poste;

 

b) s’il était absent, soit à son consentement à occuper ce poste, donné par écrit avant son élection ou sa nomination ou dans les dix jours suivants, soit au fait de remplir les fonctions de ce poste après son élection ou sa nomination.

                        [Non souligné dans l’original.]

 

[28]    La portée de dispositions légales semblables au paragraphe 106(9) de la LCSA a été examinée dans la décision De Witt v. M.N.R., [1990] 1 C.T.C. 2098. Dans cette affaire, la juge Kempo, de la Cour, examinait l’application des paragraphes 100(5) et (6)[17] de la Business Corporations Act de l’Alberta (l’« ABCA »), S.A. 1981, ch. B‑15. Une liste des administrateurs ou un avis de changement concernant les administrateurs déposé avec les statuts de prorogation désignait deux personnes et les appelants à titre d’administrateurs. Toutefois, ces appelants n’étaient pas au courant des exigences concernant la prorogation et n’avaient pas autorisé ni signé de documents à cet égard.

 

[29]    La juge Kempo a d’abord cité les remarques suivantes de l’Alberta Institute of Law Research and Reform, à la page 2106 :

 

[traduction]

 

Nous ne croyons pas qu’une personne devrait, sans son consentement, être mise dans une position où elle pourrait être soumise aux responsabilités d’un administrateur ou contrainte d’entreprendre des procédures pour faire la preuve qu’elle n’en est pas un. Le paragraphe 100(5) imposerait au moins à la société le fardeau de prouver l’allégation voulant qu’une personne ait consenti à être administrateur et, ce faisant, pourrait empêcher que l’allégation soit faite. Il n’existe aucune disposition analogue dans la Loi sur les sociétés par actions du Canada.

                                                          [Non souligné dans l’original.]

 

[30]    La juge a ajouté qui suit, à la page 2107 :

Cette exigence a été reconnue dans la jurisprudence; voir à cet égard la décision West Leechburg Steel Co. v. Smitton, 280 Mich 180, 273 NW 439 (Mich S.C.). Le texte de la loi albertaine intègre législativement le principe d’exiger le consentement exprès ou implicite de la personne avant que celle‑ci ne devienne un administrateur. Je suis d’accord avec les arguments du procureur des appelants selon qui, après que le certificat de prorogation a été émis le 31 janvier 1984, il n’y a pas eu de réunions auxquelles des administrateurs ont été élus, aucun consentement d’agir n’a été obtenu ou offert, et il n’a subsisté par la suite aucune preuve documentaire permettant d’établir qu’il y avait eu consentement exprès ou implicite par voie d’actes ou d’actions de la part des trois appelants.

        [Non souligné dans l’original.]

 

[31]    La juge Kempo a conclu que les appelants n’étaient pas devenus des administrateurs de la nouvelle société prorogée, et ce, pour le motif suivant, à la page 2108 :

 

La preuve non réfutée était que les trois appelants n’étaient pas au courant des questions et des exigences concernant la prorogation de la Calmax, qu’aucune discussion ou réunion n’a été tenue et qu’aucun document n’a été autorisé, rédigé et/ou signé par eux à cette fin. Les conditions de l’alinéa 105a) ont été satisfaites parce qu’il n’y a pas eu de réunion. Les conditions des sous‑alinéas 105b)(i) et (ii) ont été satisfaites parce qu’aucun des trois appelants n’avait donné son consentement par écrit ou agi comme administrateur en exécution de quoi que ce soit.

                                                          [Non souligné dans l’original.]

 

[32]    Je souscris entièrement à la conclusion à laquelle est arrivée la juge Kempo dans la décision De Witt, précitée, mais je ne souscris pas à certains motifs que la juge a exprimés, et plus particulièrement aux motifs suivants, pages 2107 et 2108 :

 

Cependant, les dispositions justificatives sur lesquelles s’est fondé le procureur en vertu des paragraphes 100(5) et 100(6) sont d’une portée générale, et s’appliquent donc tout autant à une société prorogée qu’à une société nouvellement constituée. Leur effet est le même que sur un nouveau membre fondateur en vertu du paragraphe 7(1) de la Business Corporations Act de l’Alberta, lequel englobe expressément le paragraphe 101(2), précité, où il est indiqué que les administrateurs nommés dans l’avis de désignation des administrateurs qui est produit avec les statuts de constitution doivent occuper leur poste jusqu’à la première réunion des actionnaires. Aucun motif sensible n’a été fourni pour expliquer pourquoi les administrateurs provisoires et les administrateurs titulaires étaient censés ou devraient être traités différemment dans le cadre du nouveau régime législatif.

         [Non souligné dans l’original.]

 

[33]    À mon avis, le paragraphe 106(9) de la LCSA, comme les paragraphes 100(5) et (6) de l’ABCA, ne s’applique pas aux administrateurs provisoires parce que leur nomination n’est pas effectuée « à l’assemblée ». Je crois que le paragraphe 106(9) prévoit uniquement le cas des administrateurs qui ont été élus ou nommés à pareille assemblée. La nomination des administrateurs provisoires découle de la désignation faite par le fondateur dans le formulaire 6, lorsque ce formulaire est déposé auprès du directeur. Aucune assemblée n’est nécessaire dans le cadre de ce processus. De fait, la LCSA prévoit que la première assemblée a lieu après que le directeur a délivré le certificat de constitution. En vertu du paragraphe 106(2) de la LCSA, le mandat de l’administrateur provisoire « commence à la date du certificat de constitution et se termine à la première assemblée des actionnaires ». Les administrateurs peuvent être élus à cette assemblée conformément au paragraphe 106(3) de la LCSA ou être nommés à une réunion du conseil d’administration conformément au paragraphe 106(8) de la LCSA.

 

[34]    Toutefois, on ne saurait inférer du libellé du paragraphe 106(9) de la LCSA que le législateur voulait que les administrateurs provisoires soient nommés administrateurs sans y consentir[18]. En common law, il a été reconnu qu’un administrateur doit expressément ou implicitement consentir à sa nomination éventuelle. Dans la décision West Leechburg Steel Co. (citée dans la décision De Witt)[19], la Cour suprême du Michigan a cité en les approuvant les remarques suivantes, pages 183 et 184 :

 

[traduction]

 

La personne qui n’a jamais accepté le poste d’administrateur, mais que d’autres personnes ont simplement présentée comme telle, et ce, à son insu, ne peut pas être tenue responsable de l’omission du conseil d’administration d’observer la loi. 2 Thompson on Corporations (3e éd.), page 1010, paragraphe 1450[20].

 

[...]

 

Pour qu’une personne devienne dirigeante d’une société, il faut obtenir son consentement et il faut également qu’elle soit nommée ou élue à ce poste. La personne qui est élue à son insu et qui n’accepte le poste, ou qui n’agit pas à titre de dirigeant, n’est pas un dirigeant, même si elle a peut‑être reçu des actions après son élection. [...] 2 Fletcher Cyclopedia Corporations (éd. perm.), page 71, paragraphe 314.

 

[35]    La même approche a été suivie par la cour de circuit du comté  de Faifax (Virginie), dans la décision Williams et al. v. Chamer et al., 32 Va. Cir. 12, 19, 1993 Va. Cir. Lexis 775 :

 

[traduction]

 

Il faut généralement qu’une personne qui est désignée comme dirigeant ou comme administrateur d’une société accepte ce poste.  Am. Jur. 2d, Corporations, § 1364, page 272 (1985). Christ v. Lake Erie Distributors, Inc., 51 Misc. 2d 811, 273 N.Y.S. 2d 878, 883 (1966) (citant Cameron v. Seaman, 69 N.Y. 396, 398).

 

[36]    En l’absence d’une intention contraire clairement exprimée par le législateur dans la LCSA, ce principe de common law doit s’appliquer aux administrateurs provisoires. Je ne vois pas pourquoi le consentement (exprès ou implicite) ne devrait être nécessaire qu’en cas d’élection ou de nomination des administrateurs réguliers. En outre, il serait absurde d’imposer des obligations onéreuses à la personne qui n’a jamais accepté d’agir à titre d’administrateur et dont le nom a été irrégulièrement inscrit, à son insu, dans le formulaire 6.

 

[37]    Étant donné que le fondateur a désigné M. Hay à titre d’administrateur sans que celui‑ci y consente, la désignation n’est pas valide et, conformément au paragraphe 106(2) de la LCSA, M. Hay ne peut pas être considéré comme un administrateur de droit.

 

L’appelant est‑il un administrateur de fait?

 

[38]    Subsidiairement, l’intimée soutient que, si M. Hay n’est pas un administrateur de droit, il peut être considéré comme un administrateur de fait. Les administrateurs sont habituellement nommés à titre d’administrateurs de droit, mais [traduction] « [e]n droit des sociétés, il doit au départ avoir été évident que, de temps à autre, certaines personnes agiraient à titre d’administrateurs a) même si elles n’avaient pas qualité pour occuper ce poste ou b) même si elles n’avaient pas été validement élues ou nommées »[21]. Le professeur McGuinness a simplement défini l’administrateur de fait comme suit :

 

[traduction]

 

[…] rien d’autre qu’une personne qui n’est pas (ou qui n’est plus) un administrateur, mais qui néanmoins prétend agir comme administrateur[22].

 

[39]    Par conséquent, les administrateurs de fait peuvent être rangés dans deux catégories distinctes :

 

[traduction]

 

[...]

 

Une catégorie comprend les anciens administrateurs dont le mandat a expiré, mais qui ont continué à agir à titre d’administrateurs de la société une fois leur mandat expiré. [...] La seconde catégorie d’administrateurs de fait est composée de ceux qui se sont attribués le poste d’administrateur sans être nommés d’une façon appropriée[23].

 

[40]    Dans la décision Perricelli v. R., 2002 CarswellNat 1346, 2002 G.T.C. 244, le juge Miller (CCI) a fait remarquer qu’un facteur déterminant, lorsqu’il s’agit de conclure qu’une personne ne pourrait pas être considérée comme un administrateur de fait, est qu’elle « ne se considérait [pas] comme un administrateur et ne croyait en aucun moment disposer du pouvoir nécessaire pour donner des conseils ou exercer une influence ou un contrôle relativement à la gestion ou l’administration de la société ».

 

[41]    En l’espèce, M. Hay ne remplissait pas les conditions voulues pour être inclus dans l’une ou l’autre des catégories d’administrateurs de fait. M. Hay ne faisait pas partie de la première catégorie parce qu’il n’a jamais été nommé, de sorte qu’il ne peut pas être considéré comme ayant agi à titre d’administrateur une fois son mandat expiré. Il ne faisait pas non plus partie de la seconde catégorie, parce qu’il ne s’était pas attribué le poste d’administrateur. Comme il en a ci‑dessus été fait mention, selon le Black’s Law Dictionary[24] et selon le droit canadien des sociétés, le fait d’agir comme administrateur veut dire qu’une personne [traduction] « siège au conseil d’administration qui gère les affaires internes d’une société en élisant les dirigeants de la société et en exerçant un contrôle sur ceux‑ci » (non souligné dans l’original).

 

[42]    M. Hay ne se considérait pas comme un administrateur de DCD; de plus, il n’a jamais agi en tant que tel, même après avoir appris qu’il avait été désigné à titre d’administrateur provisoire. M. Hay n’a jamais signé de documents à titre d’administrateur et il n’a jamais siégé à une réunion du conseil d’administration. Le seul document de DCD sur lequel l’intimée pouvait se fonder pour montrer que M. Hay était administrateur était la convention conclue avec la Banque de Montréal au sujet des services bancaires. M. Gordon Hay et M. Jacky Cohen y sont désignés à titre d’« administrateurs ». Toutefois, étant donné que M. Hay (un anglophone) a déclaré qu’il croyait comprendre qu’en français, le mot « administrateur » s’entendait d’un directeur – comme la vérificatrice elle‑même (une francophone) le croyait également – je ne puis considérer ce document comme faisant foi de l’intention de M. Hay d’agir à titre d’administrateur.

 

[43]    M. Hay travaillait uniquement comme dirigeant et comme employé de DCD. Lorsqu’il a signé la demande d’inscription pour la TPS, il l’a fait à titre de président, c’est‑à‑dire à titre de dirigeant de DCD. Lorsqu’il a signé les déclarations relatives à la TPS, il n’a pas mentionné en quelle qualité il le faisait. Tout employé d’un fournisseur (selon la définition figurant dans la Loi) pouvait signer pareilles déclarations, de sorte qu’on ne saurait inférer que M. Hay agissait à titre d’administrateur du fait qu’il a signé les déclarations. Les mesures qui ont été prises afin de satisfaire aux exigences de la Loi, notamment la préparation de factures, la rencontre avec la vérificatrice du ministère et le recours à un avocat, ne constituent pas nécessairement en soi des actes accomplis par un administrateur. Il en va de même pour la signature des chèques.

 

[44]    De plus, rien ne montre que M. Hay ait exercé un contrôle sur les dirigeants de DCD. Au contraire, c’est M. Cohen qui semble avoir exercé pareil contrôle. Selon les deux témoins indépendants, ce n’était pas M. Hay qui prenait les décisions. C’était M. Cohen qui donnait des instructions à M. Hay, et ce, bien que M. Cohen ait été désigné comme étant vice‑président, alors que M. Hay était président. M. Amsel a dit que M. Hay était un [traduction] « aide de bureau ». Par conséquent, la conduite de M. Hay ne peut pas être décrite comme étant celle d’un administrateur de fait. M. Hay était simplement un homme de paille entre les mains de M. Cohen.

 

[45]    En fin de compte, M. Hay n’a même pas touché tout le salaire auquel il avait droit. Les amis de M. Cohen venaient avant lui et avant le ministère. La conduite de M. Cohen semble correspondre à celle d’un administrateur de fait. La société était la sienne; il prenait toutes les décisions importantes et il négociait et signait les principaux contrats. Il a même certifié la résolution du conseil d’administration le désignant à titre de personne autorisée à signer au nom de DCD.

 

[46]    En conclusion, M. Hay n’était pas administrateur de DCD, de sorte que l’une des conditions nécessaires à l’application du paragraphe 323(1) n’est pas remplie. Étant donné cette conclusion, il ne sera pas nécessaire d’examiner les autres arguments invoqués par M. Hay. Par conséquent, la cotisation doit être annulée et M. Hay a droit à des dépens, conformément aux règles de la Cour.

 

 

Signé à Montréal (Québec), ce 13jour de janvier 2004.

 

 

 

 

« Pierre Archambault »

Juge Archambault

 

Traduction certifiée conforme

ce 30e jour de mars 2009.

 

D. Laberge, LL.L.


RÉFÉRENCE :                                  2004CCI51

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :      2003-726(GST)I

 

INTITULÉ :                                       Gordon Hay

                                                          c.

                                                          Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Les 21 et 22 août 2003

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge Pierre Archambault

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 13 janvier 2004

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l’appelant :

Me Michael Worsoff

 

 

Avocat de l’intimée :

Me Alain‑François Meunier

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :

 

                   Nom :                             Me Michael Worsoff

 

                   Cabinet :                         Gross Pinsky

                                                          Montréal (Québec)

 

       Pour l’intimée :                            Morris Rosenberg

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 



[1]           Il s’agit de la période allant du 1er août au 31 décembre 1996.

[2]           Le total de ces deux montants s’élève à 15 836,06 $.

[3]           Il importe de noter que la vérificatrice qui a établi la cotisation relative à la TPS à l’égard de DCD croyait elle aussi que le mot « administrateur » s’entendait d’un directeur.

[4]           Le 15 août 1995, M. Hay a signé une « Déclaration d’immatriculation » qui a été envoyée à l’Inspecteur général des institutions financières, et dans laquelle il est désigné à titre de « président » et de « secrétaire »; seul M. Cohen est désigné à titre d’administrateur.

[5]           À l’audience, M. Hay a déclaré être au chômage.

[6]           Le paragraphe 323(1) de la Loi est semblable à l’article 227.1 de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « LIR »).

[7]           Sous l’intitulé Wheeliker v. R., [1999] 2 C.T.C. 395.

[8]           Companies Act, R.S.N.S. 1989, ch. 81, art. 97, qui prévoit : [traduction] « Les actes d’un administrateur ou d’un directeur sont valides, même s’il est constaté ultérieurement que la nomination comporte une irrégularité ou que l’administrateur ou le dirigeant n’est pas éligible. »

[9]           Cette disposition prévoit ce qui suit :

116.     Les actes des administrateurs ou des dirigeants sont valides nonobstant l’irrégularité de leur élection ou nomination ou leur inhabilité.

[10]          Corsano (précité), par. 58 QL, page 5662 DTC.

[11]          Ibid., par. 61 QL, page 5662 DTC. Dans Corsano (Canada c. Corsano), [1999] S.C.C.A. no 260 (QL), la Cour suprême du Canada a rejeté une demande d’autorisation d’en appeler de la décision de la Cour d’appel fédérale.

[12]          Bryan A. GARNER, Black’s Law Dictionary, 7e éd. (St. Paul: West Group, 1999), pages 472 et 473.

[13]          Ibid., page 1113. Ici, la notion de dirigeant a une portée restreinte. Dans un sens plus général, ce terme s’applique à tout particulier qui occupe un poste de confiance, qui a autorité ou qui donne des ordres. Dans ce sens, un administrateur pourrait être considéré comme un dirigeant. De fait, dans la jurisprudence américaine, l’administrateur a été assimilé au dirigeant. Voir par exemple la jurisprudence citée dans William Meade Fletcher, Cyclopedia of the Law of Private Corporations, vol. III, Chicago: Callaghan and Company, 1917), page 2950.

[14]          Kevin Patrick McGuinness, The Law and Practice of Canadian Business Corporations (Toronto: Butterworths, 1999), page 798.

[15]          Dans Black’s Law Dictionary (précité), le mot « appointment » (nomination) est défini comme étant [traduction] l’« acte de désigner une personne, par exemple un agent public non élu, à un emploi ou à certaines fonctions ».

[16]          Il est malheureux que, contrairement au paragraphe 5(2) de la Loi sur les sociétés par actions de l’Ontario, L.R.O., ch. B.16 (la « LSAO »), la LCSA n’exige pas expressément le consentement.

[17]          Ces dispositions sont rédigées comme suit :

[traduction]

100(5) L’élection ou la nomination d’un particulier au poste d’administrateur est subordonnée :

a)         s’il était présent à l’assemblée au cours de laquelle il a été élu ou nommé à ce qu’il ne refuse pas d’occuper ce poste;

b)         s’il était absent, soit à son consentement à occuper ce poste, donné par écrit avant son élection ou sa nomination [...] soit au fait de remplir les fonctions de ce poste après son élection ou sa nomination.

100(6)  Pour l’application du paragraphe (5), le particulier qui est élu ou nommé au poste d’administrateur et qui refuse d’occuper ce poste ou ne donne pas son consentement ou ne remplit pas les fonctions de ce poste est réputé ne pas avoir été élu ou nommé au poste d’administrateur.

 

[18]          Même si la LCSA ne renferme aucune disposition semblable à celle qui figure au paragraphe 5(2) de la LSAO.

[19]          J’ai également mentionné cette décision dans Simon v. The Queen, 2002 DTC 1795, 1808.

[20]          Thompson a cité Hume v. Commercial Bank, 9 Lea (Tenn.) 728, à l’appui de son énoncé.

[21]          McGuiness, précité, page 660.

[22]          Ibid.

[23]          Ibid, pages 660 et 661.

[24]          Précité, pages 472 et 473.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.