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Référence :  2005CCI302

 

Dossier : 2004-3821(EI)

ENTRE :

 

NEENAH PAPER COMPANY OF CANADA,

(autrefois connue sous le nom de Kimberly-Clark Nova Scotia Limited),

 

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

 

intimé.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

CERTIFICATION DE LA TRANSCRIPTION

DES MOTIFS DE JUGEMENT

 

 

Je requiers que la transcription certifiée ci‑jointe des motifs de jugement qui ont été rendus oralement à l’audience à Halifax (Nouvelle‑Écosse), le 17 mars 2005, soit déposée.

 

 

« Diane Campbell »

Juge Campbell

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 9e jour de mai 2005.

 

Traduction certifiée conforme

ce 20e jour de mars 2006.

 

Christian Laroche, LL.B.


 

 

 

 

Référence : 2005CCI302

Date : 20050509

Dossier : 2004-3821(EI)

ENTRE :

NEENAH PAPER COMPANY OF CANADA,

(autrefois connue sous le nom de Kimberly-Clark Nova Scotia Limited),

 

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

(Révisée à partir de la transcription des motifs du jugement rendus oralement à l’audience à Halifax (Nouvelle-Écosse), le 17 mars 2005)

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

La juge Campbell

 

[1]     L’appelante a interjeté appel de la décision par laquelle le ministre a conclu que le travailleur, Layton Desmond, exerçait un emploi assurable auprès du payeur ou de l’appelante aux termes d’un contrat de louage de services au sens de l’alinéa 5(1)a) de la Loi sur l’assurance‑emploi (la « Loi »). La période visée par l’appel va du 1er janvier 2003 au 16 janvier 2004. Il s’agit de savoir si, pendant la période visée par l’appel, le travailleur exerçait un emploi assurable auprès de l’appelante ou, autrement dit, s’il était un employé ou un entrepreneur indépendant. Il incombe à l’appelante de réfuter ou de démolir les hypothèses de fait, telles qu’elles sont énoncées au paragraphe 13 de la réponse à l’avis d’appel de l’intimée. Il s’agit des hypothèses suivantes :

 

[TRADUCTION]

 

a)         les faits admis ci‑dessus;

 

b)         le travailleur a été embauché par l’appelante en tant que membre d’une équipe composée de quatre personnes s’occupant de l’entretien de l’installation de filtration;

 

c)         le travailleur était conducteur de filtre-presse; il était chargé de faire fonctionner la presse et d’effectuer les travaux d’entretien et les réparations;

 

d)         le travailleur est titulaire d’un certificat en matière de traitement des eaux usées;

 

e)         l’appelante se réservait le droit d’ajouter des tâches supplémentaires si elle le jugeait bon;

 

f)          le travailleur devait travailler sur les lieux 40 heures par semaine, huit heures par jour, et il devait notamment effectuer des postes la fin de semaine;

 

g)         le travailleur devait être disponible pour les appels d’urgence en dehors de ses heures normales de travail;

 

h)         le travailleur devait soumettre des feuilles de temps à l’appelante;

 

i)          le travailleur touchait un salaire hebdomadaire fixe, qui augmentait chaque année;

 

j)          le travailleur ne touchait pas de rémunération des heures supplémentaires, mais on l’autorisait à prendre des congés pour le temps supplémentaire effectué à cause des urgences;

 

k)         le travailleur avait droit chaque année à cinq semaines de vacances payées et à au moins cinq jours de congé de maladie payés;

 

l)          l’appelante avait priorité quant au temps du travailleur;

 

m)        le travailleur devait fournir ses services personnellement;

 

n)         l’appelante payait pour la formation dont le travailleur avait besoin et elle payait les frais d’adhésion à la Maritime Waste Water Operations Association, ce qui donnait droit à une formation à moindres frais;

 

o)         le travailleur était supervisé dans l’exécution de ses tâches et il devait régulièrement faire rapport à l’appelante;

 

p)         les décisions prises par le travailleur devaient être approuvées par l’appelante;

 

q)         l’appelante payait ce qu’il en coûtait pour refaire tout travail défectueux ou incomplet exécuté par le travailleur;

 

r)          les outils et le matériel nécessaires étaient fournis par l’appelante, y compris un véhicule utilisé sur les lieux;

 

s)         l’appelante conservait le droit de mettre fin à l’emploi du travailleur;

 

t)          les services fournis par le travailleur étaient nécessaires et faisaient partie intégrante des activités de l’appelante.

 

[2]     L’appelante s’est fondée sur les témoignages du travailleur et de M. Wark, chef des ressources humaines auprès de l’appelante. L’intimé a cité un témoin, Charlene Moore, l’agente des appels.

 

[3]     Pendant la période visée par l’appel, l’appelante exploitait une usine à Abercrombie Point (Nouvelle‑Écosse) où elle fabriquait de la pâte kraft blanchie. Pendant cette période et à d’autres moments, le travailleur était membre d’une équipe composée de quatre personnes, chargée d’assurer l’entretien de l’installation de filtration, située à dix ou 15 kilomètres de l’usine. Si je comprends bien le témoignage rendu par M. Desmond, on divise, à l’installation de filtration, le sous‑produit provenant de l’usine. Les solides, que l’on sépare de l’eau, sont stockés, et ces solides, des copeaux de bois, sont finalement rapportés par camion à l’usine pour être brûlés. Ce processus empêche une bonne partie du sous‑produit de s’échapper dans le détroit de Northumberland et de le polluer.

 

[4]     M. Desmond est conducteur de filtre‑presse. Il a travaillé à cette installation de 1994 à 1996 comme employé de la province de Nouvelle‑Écosse. Il a témoigné que lorsque Les Papiers Scott avait acheté l’usine en 1996, il avait continué à travailler à l’installation, mais à titre d’entrepreneur indépendant. Le contrat concernant le travail de M. Desmond a été produit sous la cote A‑1, onglet 2. Il a été signé au mois de décembre 2002, pour la période allant du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2005. M. Desmond a déclaré avoir signé le contrat de son plein gré et avoir eu la possibilité d’en discuter. Dans le contrat, on désignait le travailleur en tant qu’entrepreneur indépendant plutôt que comme employé de l’appelante. Selon le témoignage qu’il a présenté, M. Desmond estimait être un entrepreneur indépendant. M. Desmond a déclaré qu’il était responsable de l’entretien de toute l’installation; il devait notamment prélever des échantillons d’eau, faire des lectures, surveiller les niveaux d’eau, faire fonctionner la filtre‑presse, réparer les pompes, s’occuper des installations électriques et effectuer du travail à l’ordinateur.

 

[5]     Quant aux hypothèses figurant dans la réponse à l’avis d’appel, M. Desmond n’a pas souscrit à 15 des 19 hypothèses invoquées par le ministre du Revenu national (le « ministre ») ou il y a apporté des précisions. M. Desmond a souscrit aux hypothèses c), l), m) et n). Il a apporté des précisions à l’hypothèse b) en disant qu’il n’avait pas été embauché par l’appelante, mais qu’il avait signé un contrat en vue de travailler comme entrepreneur indépendant pour l’appelante. Contrairement à ce qui est allégué à l’hypothèse d), M. Desmond ne détient pas de certificat en matière de traitement des eaux usées. M. Desmond n’a pas souscrit à l’hypothèse e); en effet, il ne croyait pas qu’il y avait d’autres services que l’appelante pouvait ajouter à la liste jointe à l’appendice A du contrat. Il a ajouté qu’on ne lui avait jamais demandé de faire autre chose. Il n’a carrément pas souscrit à l’hypothèse f) et il a affirmé que ses heures de travail étaient variables. Il travaillait habituellement chaque jour de 8 h à 15 ou 16 h, mais il a témoigné qu’il pouvait se présenter au travail à différentes heures et que personne ne dictait à quel moment il devait arriver au travail ou quitter l’installation. Chaque fin de semaine, un membre de l’équipe composée de quatre personnes devait se rendre à l’installation pour prélever des échantillons et procéder aux lectures. Cela prenait environ une heure chaque samedi et chaque dimanche et M. Desmond a affirmé qu’il pouvait accomplir cette tâche n’importe quand au cours de la fin de semaine. M. Desmond n’a pas souscrit non plus à l’hypothèse g); il a expliqué que les appels d’urgence étaient faits à l’une des quatre personnes dont le nom figurait sur une liste et que, si quelqu’un n’était pas disponible ou ne répondait pas, on appelait la personne suivante inscrite sur cette liste. En fait, le nom de M. Desmond était le troisième sur la liste. M. Desmond n’a pas souscrit à l’hypothèse h); en effet, il a affirmé qu’on n’établissait pas de feuilles de temps, et ce, même s’il en était fait mention à l’appendice A du contrat. Il a affirmé qu’il ne se pointait pas et qu’il ne soumettait pas ses heures à l’appelante. M. Desmond n’a pas souscrit au libellé de l’hypothèse i); il a affirmé qu’il touchait une rémunération hebdomadaire plutôt qu’un salaire. Pendant le contre‑interrogatoire, il a précisé que, selon lui, le « salaire » comprenait un paiement ainsi que des avantages sociaux et il a déclaré ne pas bénéficier d’avantages sociaux. Au paragraphe 6 du contrat, il était fait mention d’une [TRADUCTION] « rémunération pour tous les services » et le mot [TRADUCTION] « certains » figurait également dans cette clause. Quant à l’hypothèse j), M. Desmond a souscrit en partie à cette hypothèse, mais il a encore une fois précisé que, s’il effectuait une heure supplémentaire ou deux, il pouvait ensuite prendre un jour complet de congé. Il a expliqué qu’il devait se montrer raisonnable, mais que c’était lui qui décidait des congés qu’il prenait. Il a également déclaré prendre congé le vendredi lorsque cela arrivait et qu’il pouvait choisir le jour de la semaine où il prendrait un congé. Il n’a pas souscrit à l’hypothèse k). Le paragraphe 8 du contrat permettait à M. Desmond de s’absenter de son travail pendant cinq semaines pour des raisons personnelles. M. Desmond a déclaré qu’il ne s’agissait pas de vacances, et que ce droit était uniquement fondé sur le fait qu’il fournissait ses services. M. Desmond n’a pas souscrit non plus au libellé de l’hypothèse o), en ce sens qu’il y était fait mention des tâches accomplies pour l’appelante, alors que le mot [TRADUCTION] « services » était employé dans le contrat ainsi qu’à l’appendice qui était joint au contrat. M. Desmond a ensuite expliqué qu’il n’était pas supervisé et qu’il n’y avait personne qui lui disait quoi faire. Un représentant de la société, Joe Van Buskirk, allait parfois au lieu de travail pour 15 minutes ou une demi‑heure, mais pas tous les jours. En fait, pendant le contre-interrogatoire, M. Desmond a dit qu’en 2003, le représentant ne venait qu’une fois par semaine. M. Van Buskirk avait commencé à s’occuper d’excursions, au port, et il était au lieu de travail plus souvent, mais il ne donnait pas d’ordres ou de directives à M. Desmond, et M. Desmond a affirmé que, si M. Van Buskirk essayait de lui donner des ordres, il quittait tout simplement les lieux ou il l’ignorait. M. Desmond a déclaré qu’il avait principalement affaire à cet homme lorsqu’il s’agissait de commander des pièces pour l’installation au besoin. M. Desmond a ajouté qu’il ne faisait aucunement rapport à l’appelante. Il n’a pas souscrit à l’hypothèse p) parce que, comme il l’a dit, il prenait des décisions sans avoir l’approbation de l’appelante, bien qu’il ait pu l’informer. M. Desmond a donné des précisions au sujet de l’hypothèse r) en expliquant que l’équipe partageait le matériel et les outils, qui étaient composés de moteurs, de pompes, d’un camion de cinq tonnes et de la filtre‑presse, ceux‑ci étant trop gros pour qu’il soit possible de les transporter jusqu’au lieu de travail ou pour les rapporter du lieu de travail. Quant à l’hypothèse s), M. Desmond n’était pas d’accord pour dire qu’il était employé et il a déclaré que l’appelante avait le droit de mettre fin à son travail, mais qu’il avait également le droit de le faire. Et en ce qui concerne la dernière hypothèse, t), M. Desmond a déclaré que l’usine pouvait fonctionner sans l’installation, mais que celle-ci en faisait partie intégrante uniquement à des fins environnementales.

 

[6]     Le travailleur a également répondu à un questionnaire qu’il a retourné à l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC »), pièce A‑1, onglet 1. Quant à la question 5a), M. Desmond a répondu qu’il touchait un [TRADUCTION] « salaire », mais il a témoigné qu’il s’agissait d’une [TRADUCTION] « somme hebdomadaire » et que ces mots ou ces termes ne figuraient pas comme choix dans le corps du questionnaire, alors que le mot [TRADUCTION] « salaire » y figurait. Il a donc choisi le mot [TRADUCTION] « salaire » en répondant à la question. Quant à la question 7, où il a répondu que l’entreprise était exploitée 24 heures sur 24, M. Desmond a précisé qu’il parlait de l’usine, et non de l’installation. Certaines de ses réponses, en particulier aux questions 8 et 12, étaient différentes de celles qu’il a données dans son témoignage, mais il a témoigné ne pas savoir pourquoi il avait répondu ainsi et que c’était inexact.

 

[7]     Pendant le contre‑interrogatoire, l’avocat de l’intimé a passé en revue avec M. Desmond chacun des services énumérés à l’appendice A joint au contrat. M. Desmond a témoigné qu’il préparait chaque jour des feuilles de contrôle pour diverses choses, mais qu’on rangeait les feuilles sans les soumettre à l’appelante. M. Desmond a déclaré qu’il répondait au téléphone en disant simplement [TRADUCTION] « Allô! » sans mentionner l’entreprise ou l’appelante. Il a expliqué que s’il se posait un problème, par exemple un problème de régulation du pH, il composait simplement un numéro pour signaler la chose, mais que l’équipe chargée de l’installation ne prenait pas l’initiative de résoudre elle‑même le problème, étant donné que les problèmes prenaient en général naissance à l’usine plutôt qu’à l’installation. M. Desmond a admis ne pas savoir quels devraient être les niveaux de DBO ou de solides en suspension ou quelle quantité de ces produits pouvait être envoyée dans le port. Il a également témoigné que s’il était malade, il appelait à l’installation et avertissait simplement l’un des membres de son équipe. M. Desmond a également déclaré s’être entendu sur ses heures supplémentaires et sur ses congés avec un représentant de la société, Joe Van Buskirk, mais il a affirmé qu’il ne s’agissait pas d’une entente formelle et qu’il en avait uniquement été question lors d’une conversation ordinaire.

 

[8]     Le second témoin de l’appelante, M. Wark, a déclaré que l’usine comptait 250 employés syndiqués et environ 75 membres du personnel salariés. Ils bénéficiaient d’un ensemble complet d’avantages sociaux, notamment l’assurance‑vie, une pension, l’assurance‑maladie et l’assurance‑soins dentaires, l’assurance‑invalidité de courte durée et de longue durée, des vacances et certains éléments mineurs comme les congés pour décès ou pour fonctions judiciaires. La plupart de ces avantages étaient offerts sans que les employés aient à verser une cotisation, sauf pour la pension. Le témoin a expliqué que l’appelante avait également recours à des entrepreneurs indépendants qui ne bénéficiaient pas d’avantages sociaux. Le témoin a déclaré qu’il savait que M. Desmond était un entrepreneur indépendant. Les entrepreneurs indépendants touchaient de 25 à 30 pour cent de plus l’heure que les employés. En sa qualité de chef des ressources humaines, le témoin avait accès à des études sur les salaires pour des emplois comparables. Le taux horaire de base de l’entrepreneur indépendant était alors majoré.

 

[9]     Pendant le contre‑interrogatoire, M. Wark a témoigné que le contrat conclu avec M. Desmond était un contrat en vue de l’exploitation de l’installation et de la prestation de services d’exploitation de l’installation de traitement sur une base continue. Le témoin considérait que l’appendice A joint au contrat énonçait les fonctions ou services généraux nécessaires aux fins de l’exploitation de l’installation de traitement. L’appelante payait les cotisations relatives aux accidents du travail parce que, croyait‑il, elle était peut‑être obligée, aux termes de la loi applicable, de payer la cotisation, même dans le cas des entrepreneurs indépendants. Quant au paragraphe 8 du contrat, qui se rapportait aux [TRADUCTION] « congés pour raisons personnelles », le témoin a déclaré qu’étant donné que les services exigeaient plus d’un travailleur contractuel et que personne ne pouvait travailler 52 semaines par année sans prendre de congés, il s’agissait tout simplement d’une question d’équité et que l’appelante estimait que c’était ce qu’il convenait de faire dans le cas de ces entrepreneurs indépendants.

 

[10]    L’agente des appels, Charlene Moore, a examiné la pièce R‑1, soit le rapport sur la décision rendue en appel qu’elle avait préparé. Elle a également envoyé le questionnaire à M. Desmond pour qu’il y réponde, ainsi qu’à l’employeur. Elle a examiné le critère à quatre volets énoncé dans l’arrêt Wiebe Door Services Ltd. v. M.N.R., 87 DTC 5025, qu’elle a utilisé dans son analyse en vue de conclure que M. Desmond n’était pas un travailleur autonome, mais qu’il était plutôt un employé de l’appelante.

 

Analyse

 

[11]    Je n’ai aucune raison de rejeter le témoignage que M. Desmond a rendu. En effet, M. Desmond s’est présenté comme étant un homme honnête et sincère et j’estime que ce qu’il m’a dit était crédible. M. Desmond n’a pas souscrit à la plupart des hypothèses émises par l’intimé et il a fourni des explications vraisemblables à ce sujet. Un grand nombre des hypothèses sont tout simplement clairement inexactes, notamment une hypothèse fondamentale telle que la d), où l’intimé s’est fondé sur la déclaration selon laquelle le travailleur était titulaire d’un certificat en matière de traitement des eaux usées, alors que ce n’était pas le cas, ainsi que l’hypothèse h), à savoir que le travailleur devait soumettre des feuilles de temps à l’appelante, alors qu’il n’avait pas à le faire. Le travailleur se considérait clairement comme un entrepreneur indépendant en 2003 et il a signé, au mois de décembre 2002, une entente indiquant l’existence d’une telle relation de travail avec l’appelante. M. Desmond estimait que son travail englobait la multitude de tâches qu’il fallait accomplir avec les trois autres membres de l’équipe afin d’exploiter l’installation dans son ensemble. Il a pu donner des explications au sujet de toute la gamme de services qu’il fournissait et, contrairement à ce qui est énoncé à l’hypothèse c), ces services ne consistaient certes pas simplement à assurer le fonctionnement de la presse et à effectuer les réparations. Les services fournis par M. Desmond visaient à assurer l’exploitation générale sûre et efficace de l’installation, comme le prévoyait le paragraphe 5 du contrat. Selon MM. Desmond et Wark, l’appendice A renfermait simplement des services essentiels à cette fin. Au paragraphe 5, il était fait mention d’autres services que l’appelante pouvait demander à M. Desmond de fournir de temps en temps, mais pendant le contre‑interrogatoire, M. Wark a déclaré qu’il se pouvait que l’appelante ait à ajouter ou à supprimer des services selon les exigences des règlements et règles en matière environnementale et en matière de sécurité, lesquels sont de temps en temps modifiés et auxquels l’appelante doit en fin de compte se conformer. À la fin du paragraphe 5, il est prévu que l’appelante peut modifier les heures auxquelles ces services sont fournis, mais uniquement [TRADUCTION] « sur consultation préalable de M. Desmond ». Ce n’est certes pas la clause habituelle à laquelle on s’attend dans une relation employeur‑employé. Dans ce cas‑ci, l’appelante devait d’abord consulter M. Desmond pour de simples modifications des heures de prestation des services. Il ressort clairement du témoignage du travailleur que ses heures étaient variables. Il n’y avait pas de feuilles de temps. M. Desmond se présentait au travail et quittait son travail en fonction de son propre horaire. S’il effectuait du temps supplémentaire, il en tenait lui‑même compte et il décidait du jour de la semaine où il prendrait un congé. Je crois de fait que le travailleur estimait qu’il devait être disponible pour les appels d’urgence. Toutefois, s’il était malade ou s’il n’était pas disponible, il savait qu’il y avait sur la liste plusieurs autres personnes auxquelles il était possible de s’adresser. De fait, ce travailleur était, si je ne me trompe, le troisième sur la liste. Ni M. Desmond ni M. Wark n’ont désigné les congés pris pour des raisons personnelles comme étant des vacances et le contrat ne désigne pas non plus ainsi ces congés. Les témoignages des deux témoins ainsi que le contrat lui‑même ont certes raisons de l’hypothèse k), où il est fait mention de vacances. Le travailleur n’était clairement pas supervisé. La seule personne‑ressource était un représentant de la société qui, avant de commencer ses excursions, était sur les lieux peut‑être pendant 15 ou 30 minutes par semaine en 2003. Ce représentant était tout simplement l’intermédiaire auquel le travailleur transmettait toute demande visant l’obtention de pièces. Ces demandes n’étaient jamais remises en question et elles n’étaient apparemment jamais refusées. De fait, M. Van Buskirk n’exerçait absolument aucun contrôle sur le travailleur et ce dernier a affirmé qu’il ne faisait tout simplement aucun cas de M. Van Buskirk ou qu’il ne l’écoutait pas lorsque celui‑ci essayait de lui donner des directives. Je crois que M. Desmond a dit que M. Van Buskirk, et je cite, [TRADUCTION] « disait sa façon de penser » plutôt que de donner des ordres ou des directives. Le témoignage de M. Desmond n’est pas contredit lorsque celui‑ci affirme qu’il prenait les décisions après avoir consulté les membres de son équipe, qui étaient également des entrepreneurs indépendants, mais sans qu’il soit question d’une contribution de la part de l’appelante. L’appelante et le travailleur avaient tous deux le droit de mettre fin au contrat sur préavis.

 

[12]    En ce qui concerne les incohérences entre le témoignage oral du travailleur et certaines des réponses données dans le questionnaire, je crois que le travailleur a eu de la difficulté à répondre à un questionnaire plutôt long. En effet, M. Desmond a effectué neuf années d’études et, bien que je n’enlève rien à ce témoin en raison de cela, j’estime qu’il est tout simplement logique et raisonnable de conclure qu’il ne pouvait pas répondre au questionnaire avec le même soin et le même discernement qu’une personne dont le niveau de scolarité est supérieur. Toutefois, M. Desmond a rendu son témoignage en toute lucidité et je l’accepte lorsqu’il dit que certaines réponses qu’il a données étaient tout simplement inexactes, parce qu’il n’y avait pas réfléchi ou qu’il avait choisi certaines des réponses proposées qui figuraient dans le texte du questionnaire.

 

[13]    L’arrêt Wiebe Door énonce un critère à quatre volets à appliquer pour statuer sur les appels de ce genre. L’un des principaux éléments, lorsqu’il s’agit de décider si une personne est un employé ou un entrepreneur indépendant, est la supervision ou le contrôle. La relation de travail dans ce cas‑ci n’est pas une relation habituelle, mais il était clairement difficile de superviser le travailleur dans l’exercice de ses activités à l’installation ou il n’était peut‑être même pas possible de le faire. Les parties ont conclu un contrat en toute liberté sur un marché libre en vue d’énoncer la liste de services à l’appendice joint au contrat. Le travailleur a accepté de toucher une rémunération donnée sur une certaine période en vue d’exploiter l’installation et il s’est engagé à mener à bonne fin les services prévus. L’appelante n’intervenait pas ou n’exerçait aucun contrôle. La seule personne qui ait eu des contacts avec le travailleur était Joe Van Buskirk qui, en fin de compte, assurait uniquement la liaison lorsqu’il s’agissait de commander les pièces selon les instructions données par le travailleur. Cela mis à part, M. Van Buskirk n’exerçait absolument aucun contrôle et il n’existait aucune possibilité d’exercer un contrôle. Si M. Van Buskirk essayait de donner des conseils, le travailleur quittait les lieux ou l’ignorait. M. Desmond n’établissait pas de feuilles de temps, il décidait de ses propres heures, il décidait du moment où il allait fournir les services nécessaires aux fins de l’exploitation efficace de l’installation, conformément aux lignes directrices figurant à l’appendice A, et il décidait du jour où il prendrait un congé s’il effectuait du temps supplémentaire. M. Desmond préparait des feuilles de contrôle, mais on rangeait simplement ces feuilles sans jamais les remettre à l’appelante. La preuve ne donne même pas à penser que l’appelante ait consulté ces feuilles. Rien ne montre que le travailleur ait de quelque façon fait rapport à l’appelante ou que l’appelante se soit attendue à ce qu’il fasse rapport. La preuve elle‑même, pour ce qui est d’une tâche aussi élémentaire que le fait de répondre au téléphone, indique que l’appelante ne participait pas à l’exploitation de l’installation, puisque le travailleur disait simplement [TRADUCTION] « Allô! » sans faire mention de l’entreprise de l’appelante. L’élément « contrôle » milite fortement en faveur d’une relation avec un entrepreneur indépendant plutôt qu’avec un employé.

 

[14]    Le facteur suivant, la propriété des instruments de travail, est un facteur neutre en l’espèce. Les petits outils étaient partagés entre les membres de l’équipe. Les outils plus gros, comme la presse, devaient tout simplement de toute façon rester sur les lieux.

 

[15]    Le travailleur dans ce cas‑ci était exposé à des risques énormes. Selon le témoignage de M. Wark, les employés et le personnel de l’usine bénéficiaient d’un ensemble complet d’avantages sociaux et les moindres détails comme les congés pour fonctions judiciaires étaient prévus. Le travailleur ne bénéficiait d’aucun de ces avantages et, bien sûr, il s’agit d’une perte que la majoration de la rémunération ne pouvait pas complètement compenser. De plus, il n’y avait aucune sécurité d’emploi au‑delà de la durée précisée dans le contrat. Les témoignages du travailleur et de M. Wark, notamment quant au contenu du contrat, n’indique pas que la période de cinq semaines était considérée comme une période de vacances; cette période était plutôt accordée au travailleur par un employeur équitable et raisonnable qui reconnaissait que même l’entrepreneur indépendant a besoin de temps en dehors de son travail. Dans l’ensemble, le travailleur assumait des risques financiers en contrepartie d’une rémunération plus élevée que celle qui était accordée aux employés et membres du personnel de l’usine, mais il bénéficiait d’heures variables et de journées de congé dans un environnement de travail où, comme il l’a dit [TRADUCTION] « il n’y avait personne qui faisait la loi ». Ces facteurs militent clairement, encore une fois, en faveur de l’existence d’une relation avec un entrepreneur indépendant.

 

[16]    L’usine et l’installation sont liées entre elles uniquement dans la mesure où, à l’usine, il fallait observer les règlements en matière d’environnement. L’usine était exploitée d’une façon indépendante de l’installation, qui était un accessoire nécessaire de l’usine, mais il est clair que l’appelante voulait que l’exploitation de l’installation soit sous‑traitée et que le travailleur savait parfaitement qu’il concluait ce contrat à titre d’entrepreneur indépendant plutôt qu’à titre d’employé. Le critère d’intégration n’est pas un facteur aussi important que les autres éléments et il devrait de toute façon être considéré du point de vue du travailleur. Or, le travailleur estimait conclure un contrat dans le cadre duquel il offrait son expertise et son expérience en ce qui concerne l’exploitation de l’installation, conformément aux lignes directrices prévues dans le contrat. À la fin du contrat, M. Desmond était libre de négocier encore une fois avec l’appelante ou il pouvait chercher du travail ailleurs.

 

[17]    La plupart de ces facteurs indiquent l’existence d’une relation avec un entrepreneur indépendant. De plus, le contrat que les parties ont conclu entre elles étaye mes conclusions. Je crois que ce contrat a été conclu d’une façon équitable. L’intention des parties était claire. Les témoignages du travailleur et du représentant de l’appelante le confirment. Il existait une entente mutuelle au sujet de la relation de travail, laquelle a été consignée par écrit d’une façon appropriée et légale. À moins qu’il n’existe une preuve claire de subterfuge ou d’une intention d’obtenir un avantage illicite, ou à moins qu’une partie ne soit clairement défavorisée dans les négociations, je ne crois pas que les tribunaux doivent intervenir à la légère lorsqu’un contribuable décide d’organiser légitimement ses affaires de façon à arriver à un résultat final licite. La preuve orale qui a ici été présentée étaye clairement la relation contractuelle dont le contrat fait état et j’accueille l’appel, compte tenu du fait que le travailleur est un entrepreneur indépendant plutôt qu’un employé.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 9e jour de mai 2005.

 

 

 

 

« Diane Campbell »

Juge Campbell

 

Traduction certifiée conforme

ce 20e jour de mars 2006.

 

Christian Laroche, LL.B.

 


 

 

RÉFÉRENCE :

2005CCI302

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2004-3821(EI)

 

INTITULÉ :

Neenah Paper Company of Canada, (autrefois connue sous le nom de Kimberly-Clark Nova Scotia Limited) c. Le ministre du Revenu national

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Halifax (Nouvelle-Écosse)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 15 mars 2005

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge Diane Campbell

 

DATE DU JUGEMENT ORAL :

Le 17 mars 2005

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l’appelante :

Me Bruce S. Russell, c.r.

 

Avocat de l’intimé :

Me Edward Sawa

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Pour l’appelante :

 

Nom :

Bruce S. Russell, c.r.

 

Cabinet :

McInnes Cooper

Halifax (Nouvelle-Écosse)

 

Pour l’intimé :

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

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