Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Dossier : 2003-2143(IT)I

ENTRE :

LLOYD NUGENT,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

____________________________________________________________________

 

Appels entendus le 7 janvier 2004 à Kingston  (Ontario)

 

par : l’honorable juge C.H. McArthur

 

Comparutions :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

 

Avocate de l’intimée:

Marlyse Dumel

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          Les appels interjetés contre les cotisations d’impôt établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 1998 et 1999 sont rejetés.

 


 

Signé à Ottawa, Canada, ce 11e jour de février 2004.

 

 

 

« C.H. McArthur »

Juge McArthur

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 7e jour de mars 2005.

 

 

 

 

 Colette Dupuis-Beaulne

 


 

 

 

Référence : 2004TCC52

Date : 20040211

Dossier : 2003-2143(IT)I

ENTRE :

LLOYD NUGENT,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Juge McArthur

 

[1]     La question en litige dans ces appels est de savoir si l’appelant peut déduire des pertes agricoles de 21 765 $ pour l’année d’imposition 1998 et de 19 525 $ pour l’année d’imposition 1999.

 

[2]     L’appelant est un employé retraité du ministère des Transports de l’Ontario âgé de 75 ans, qui a travaillé dans ce ministère pendant 35 ans. Après avoir pris sa retraite en 1989, il a travaillé pour Sutton Group en tant qu’agent immobilier, et il travaille maintenant au service des pièces dans un garage automobile. En plus de ces activités, il élève et expose deux ou trois chevaux reproducteurs appelés Roadsters depuis au moins 1987. Il a une petite étable de trois stalles et une résidence située sur un terrain de 45 acres sur lequel il cultive  du foin pour nourrir et élever ses chevaux.

 

[3]     Il a grandi dans une ferme, où il a acquis de son père son intérêt et son amour pour les chevaux d’exposition. Il est membre de la Fédération de l’agriculture de l’Ontario, ainsi que membre actif de deux associations hippiques. Sa fille l’aide gratuitement à élever et à entraîner ses chevaux. Elle travaille à temps plein à la Régie d’assurance-maladie de l’Ontario.

 

[4]     Dans les années 1998 et 1999, l’appelant a été propriétaire de deux ou trois chevaux et a participé à 20 expositions et foires différentes. Je suis convaincu qu’il travaille durement dans sa ferme de chevaux et qu’il prend beaucoup plaisir à le faire. C’est manifestement un homme actif et en bonne santé, qui a adopté ce mode de vie comme un plaisir de la vie.

 

[5]     L’appelant n’a pas tenu de comptabilité et ou de budget, et il a des registres inappropriés. Le vérificateur  du ministère du Revenu national a dû se reporter principalement aux relevés bancaires. L’appelant a déclaré les revenus et les pertes que voici pour la ferme.

 

Année

Revenus

Dépenses

Pertes

 

1987

2 480 $

6 410 $

3 930 $

1988

2 695

7 314

4 619

1989

3 356

35 975

32 619

1990

3 090

22 004

18 914

1991

1 942

21 685

19 743

1992

1 992

30 690

28 698

1993

4 600

32 736

28 136

1994

2 300

19 201

16 901

1995

2 500

16 200

13 700

1996

3 000

21 214

18 214

1997

8 166

28 664

20 498

1998

3 300

25 065

21 765

1999

5 200

24 25

19 525

 

 

44 621 $

291 883 $

247 262 $

 

Les revenus de la ferme incluaient la vente de foin et, occasionnellement, la vente de chevaux et des prix en argent. En 1998, il a eu un revenu de 1 000 $ provenant de la vente de foin et un revenu de 2 300 $ provenant de prix en argent gagnés à des foires automnales. En 1999, la ferme lui a rapporté un revenu 1 200 $ provenant de la vente de foin, un revenu de 1 500 $ provenant de la vente d’un cheval et un revenu de 2 500 $ provenant de prix en argent gagnés à des foires automnales. Son revenu annuel moyen sur treize ans est d’environ 3 500 $, alors que les dépenses annuelles se chiffrent à quelque 24 500 $, soit sept fois le revenu, sans qu’il n’y ait de fin en vue.

 

[6]     L’appelant a reconnu que les revenus provenant de la vente de foin ne pouvaient pas dépasser 5 000 $.[1] Le maximum de prix en argent qu’il pourrait avoir annuellement dans les expositions et les foires s’il gagnait tous les prix serait de 10 000 $. Il n’exploite pas une entreprise d’élevage de chevaux, et il n’a jamais gagné un revenu de plus de 2 800 $ provenant de la vente d’un cheval. Il a indiqué qu’avec l’augmentation des subventions provinciales, les prix en argent pourraient augmenter, mais il n’y a aucune preuve tangible pour appuyer son argumentation. Je souscris à la conclusion du ministre selon laquelle la ferme, telle qu’elle est exploitée, ne peut pas générer des profits.

 

[7]     L’appelant n’envisage pas de changer le mode d’exploitation de sa ferme.  Son argumentation est basée uniquement sur des articles tirés du Toronto Star et du National Post. En voici quelques extraits :

 

… Toronto Star, le 28 septembre 2001 – intervention de Collette Gentes-Hawn, de l’Agence des douanes et du revenu du Canada : … « Vous pourriez avoir gagné un montant de 250 000,00 $ en salaires, mais aussi avoir une entreprise qui a eu une perte de 250 000,00 $ ou plus. La perte d’entreprise peut alors être déduite du revenu »

 

… « les pertes d’entreprise et les pertes sur placements peuvent parfois être suffisamment élevées pour qu’il n’y ait pas d’impôt à payer, même pour des personnes qui ont des salaires élevés ».

 

… Toronto Star (le 22 mai 2001) – article de fond à la page A6 intitulé : « Plusieurs fermiers paient peu ou pas d’impôt… presque les deux-tiers des entreprises canadiennes ayant des revenus de moins de 15 M$ n’ont payé aucun impôt fédéral entre 1995 et 1998 ».

 

… « les impôts sont basés sur les profits – toutes les entreprises ne sont pas rentables ».

 

… National Post (le 30 mai 2002). … « les investisseurs immobiliers semblent avoir gagné un grand combat la semaine passée, lorsque la Cour suprême a rejeté l’un des principaux arguments des percepteurs d’impôt du pays : l’attente raisonnable de profit (ARP) ».

 

… Article du Toronto Star, publié en date du 4 décembre 2002 … « la révélation selon laquelle la moitié des entreprises de la province ne produisent pas de déclarations de revenus ».

 

Il conclut en disant que compte tenu des énoncés susmentionnés de l’ADRC publiés dans le Toronto Star concernant la politique générale de l’ADRC en ce qui a trait à l’admission des pertes d’entreprise pour les années visées, il était non seulement contradictoire mais aussi manifestement injuste de la part des fonctionnaires de l’ADRC de faire en sorte qu’il soit traité différemment et qu’il ne puisse pas déduire les pertes agricoles demandées pour les années d’imposition visées.

 

[8]     Je n’ai aucune difficulté à trouver un élément personnel prédominant dans la façon dont l’appelant exploite la ferme. Il s’agit d’un vrai passe-temps. Il ne l’exploite pas comme une entreprise en vue de gagner un revenu. Il ne tient pas de registres comptables appropriés, et il n’a pas de projets d’entreprise pour sortir de la situation de perte. Même s’il gagnait tous les premiers prix en argent dans tous les concours auxquels il participe,[2] même s’il vendait la quantité maximale de foin et qu’il vendait un cheval chaque année, il ne pourrait pas faire de profit si l’on considère ses dépenses moyennes. Il a maintenant un travail de jour au service des pièces d’un garage automobile. Avant de commencer ce travail et à la suite de sa retraite, il a travaillé comme un vendeur d’immeubles à commission. De plus, il reçoit une pension d’environ 27 000 $ par an. Son investissement dans la ferme comprend une étable pour chevaux à trois stalles et un terrain pour cultiver du foin. Il n’a pas l’intention de donner de l’expansion à ses activités. Il est satisfait du statu quo. Il est clair que l’appelant n’a pas une entreprise. Son activité est un passe-temps et non une source de revenu au sens des articles 3, 4 et 9 de la Loi. Il subvient à ses besoins et finance son passe-temps au moyen de sa pension et de son emploi au service des pièces d’auto.

 

[9]     Comme il a été déterminé que l’activité d’élevage de chevaux de l’appelant n’est pas une entreprise, il n’est pas nécessaire de pousser plus loin l’examen. Puisque le ministre s’est basé sur le seul fait que l’appelant n’avait pas une attente raisonnable de profit et que l’appelant croyait que c’était là la question à débattre, je vais en parler brièvement.

 

[10]    La Cour suprême du Canada, dans l’arrêt Stewart c. Canada, 2002 DTC 6969, a modifié les critères établis dans l’arrêt Moldowan c. La Reine, 77 DTC 5213. Voici ce qu’elle a énoncé au paragraphe 60 de l’arrêt Stewart :

 

             « En résumé, la question de savoir si le contribuable a ou non une source de revenu doit être tranchée en fonction de la commercialité de l'activité en cause. Lorsque l'activité ne comporte aucun aspect personnel et qu'elle est manifestement commerciale, il n'est pas nécessaire de pousser l'examen plus loin. Lorsque l'activité peut être qualifiée de personnelle, il faut alors déterminer si cette activité est ou non exercée d'une manière suffisamment commerciale pour constituer une source de revenu… »

 

La Cour suprême a aussi énoncé dans l’arrêt Stewart que les facteurs établis dans l’arrêt Moldowan peuvent être pris en considération lorsque, comme dans le cas présent, l’activité peut être qualifiée de personnelle. Ces facteurs comprennent : (i) 1) l'état des profits et pertes des années antérieures; (ii) la formation du contribuable; (iii) la voie qu'entend suivre le contribuable; (iv) la capacité de l'entreprise de dégager des profits et l’attente raisonnable de profit.

 

[11]    Appliquant les facteurs susmentionnés à la situation présente, je constate que : (i) l’entreprise de l’appelant a un historique de treize années de pertes importantes sans aucune tendance de redressement, et le pourcentage des pertes par rapport au revenu n’a pas diminué; (ii) l’appelant n’a jamais suivi de formation structurée en élevage et exposition de chevaux mais, manifestement, il a une très bonne connaissance provenant de l’école de la vie; (iii) l’appelant n’a pas l’intention de changer sa ligne de conduite et il est prêt à continuer à exercer ses activités d’élevage de chevaux comme il l’a fait aux cours des treize dernières années; (iv) comme indiqué antérieurement, il n’y a aucun élément permettant d’en arriver à une conclusion autre que celle-ci : l’activité de l’appelant ne pourra jamais réaliser de profits. L’affirmation de l’appelant selon laquelle les prix en argent pourraient augmenter est vague, non documentée et déraisonnable. En conclusion, l’activité de l’appelant comporte un élément personnel prédominant, et il est clair qu’elle n’est pas exercée de manière suffisamment commerciale pour constituer une source de revenu au sens des articles 3, 4 et 9 de la Loi.

 

[12]    Les appels sont rejetés.


 

Signé à Ottawa, Canada, ce 11e jour de février 2004.

 

 

 

 

« C.H. McArthur »

Juge McArthur

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 7e jour de mars 2005.

 

 

 

 

 Colette Dupuis-Beaulne

 

 



[1]           Un revenu de 2 000 $ semble être plus réaliste.

[2]           Cette éventualité n’est pas réaliste.

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