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Date: 20020619

Dossiers: 2001-1780-IT-I, 2001-1781-IT-I

ENTRE :

ARTHUR DOYON,

BAR LE VILLAGEOIS INC.,

appelants,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée,

Motifsdu jugement

La juge Lamarre Proulx, C.C.I.

[1]            Ces appels ont été entendus sur preuve commune selon la procédure informelle. Dans les deux cas, les années en litige sont les années d'imposition 1996 à 1998. Il s'agit de cotisations établies sur la base d'un avoir net fait à l'encontre de l'appelant.

[2]            En ce qui concerne l'appelante, le ministre du Revenu national (le « Ministre » ) a ajouté les revenus présumés non déclarés de son seul actionnaire, monsieur Arthur Doyon, aux montants respectifs de 7 819 $, 13 159 $ et 10 439 $. De plus, le Ministre a refusé des dépenses de logement aux montants de 6 606 $, 6 253 $ et 6 264 $, ainsi que des dépenses de boissons alcoolisées aux montants de 329 $, 335 $ et 340 $.

[3]            En ce qui concerne l'appelant, le Ministre a ajouté à l'appelant les mêmes montants que ci-dessus aux titres respectifs d'appropriation de fonds, d'avantage logement et d'avantage diverses boissons pour des montants totaux respectifs de 14 754 $, 19 747 $ et 17 043 $.

[4]            L'appelant avait en 1996 déclaré un revenu de 23 874 $. La principale partie de ce revenu provenait d'un revenu d'emploi d'une société familiale Alimentation Doyon et fils Inc., au montant de 21 782 $. Pour l'année 1997, l'appelant a déclaré 8 350 $. Le revenu d'emploi était de 3 879 $ et les prestations d'assurance-emploi de 3 705 $. Toutefois, dans cette année selon l'avoir net (pièce I-1), il avait reçu un remboursement d'assurance invalidité au montant de 3 243 $ et un remboursement d'impôt provincial au montant de 2 245 $. En 1998, il a déclaré un revenu de 17 752 $, dont 14 189 $ à titre de prestation du Régime des rentes du Québec, pour cause d'invalidité (pièce I-8). La même année, l'appelant a encaissé un dépôt fait dans un Régime enregistré d'épargne retraite ( « RÉER » ) au montant de 3 563,94 $.

[5]            La vérification par avoir net ou « bilan de l'appelant » a été déposée comme pièce I-1. Monsieur Raymond Parent, vérificateur pour Revenu Canada a expliqué l'avoir net qu'il avait préparé. Il dit qu'il a procédé de cette manière parce que la comptabilité de l'appelante n'était pas adéquate.

[6]            Il a produit comme pièce I-5, les retraits du compte bancaire de l'appelant pour les années en cause. Ces retraits totalisent respectivement 29 060 $, 24 429 $ et 20 828 $. Il fait donc valoir que cela corrobore la validité des cotisations et surtout les totaux des dépenses personnelles de l'appelant qui sont décrites à l'annexe 5 de la pièce I-1. Ces dépenses personnelles totalisent respectivement pour les années en cause 26 882 $, 26 867 $ et 27 206 $. Elles comprennent les dépenses de logement au montant moyen de 6 300 $.

[7]            La situation actuelle de l'appelant telle que ce dernier l'a décrite à l'audience est qu'il est invalide, que le bar est fermé depuis avril 2000 et que sa conjointe l'a quitté en novembre 1998 parce qu'elle était fatiguée de vivre au jour le jour. Il n'a plus de voiture depuis 1996. Il a avancé de l'argent à l'appelante mais il s'agissait d'argent qu'il avait obtenu soit de son travail auprès de la société familiale Alimentation Doyon et fils Inc., ou de la vente de sa participation dans cette entreprise en 1995. Il a tenté de faire augmenter les affaires en engageant les services de musiciens, mais cela n'a pas marché et il a dû fermer les portes. Il continue maintenant à rembourser la marge de crédit. Il a aussi dit que le revenu qu'il a déclaré est le seul revenu imposable qu'il ait gagné dans ces années. Il dit qu'il ne peut pas comprendre les cotisations actuelles car il n'a fait que mettre de l'argent personnel dans son entreprise sans jamais en retirer de profit.

[8]            La principale question dans ce dossier est le montant du loyer qui a été considéré comme un avantage de l'appelant et qui a été ajouté dans le calcul de ses dépenses personnelles au montant d'environ 6 000 $ chaque année. Ces dépenses ont été refusées à l'appelante. Selon le Ministre, il s'agit d'un avantage annuel imposé à l'appelant monsieur Doyon, parce qu'il habitait avec sa conjointe et son fils le deuxième étage de l'immeuble où était situé le bar. Cet édifice est la propriété de l'appelante. Le Ministre a estimé que l'appelant occupait à des fins personnelles 50 p. 100 de l'espace de l'immeuble. Il a divisé par deux les dépenses réelles de l'immeuble concernant l'entretien et les réparations, les taxes, les assurances, les intérêts sur hypothèque et l'électricité, l'eau et le chauffage.

[9]            Monsieur Doyon a expliqué qu'il s'agit d'un ancien hôtel de village. Au dernier étage, il y a six chambres qui sont rarement utilisées. L'appelant mentionne que 25 p. 100 aurait dû lui être alloué vu que l'immeuble avait un sous-sol qui était utilisé pour les besoins d'entreposage du bar et que les chambres du troisième, si elles étaient utilisées, l'étaient pour les fins du bar.

[10]          Des sommes, à titre de consommation personnelle par l'appelant à l'égard de produits (bière et autres), furent évaluées et refusées dans le calcul du revenu de l'appelante pour chacune des années d'imposition en litige. Il s'agit de petites sommes et il n'est pas utile d'en discuter.

[11]          L'avoir net fait état de la construction d'un mur mitoyen à laquelle l'appelant fut forcé de contribuer par la loi civile en 1998 au montant de 3 801 $. Toutefois, il a dû faire un emprunt pour le montant total en 1998 (pièce I-2).

[12]          L'avoir net montre la possession d'une voiture en 1995 de si peu de valeur qu'on n'a mis aucune somme en ce qui concerne cette valeur. L'avoir net en mentionne la vente en 1996 pour une somme de 600 $ pour en soustraire le montant. Dans les années subséquentes, 1996 à 1998, l'appelant n'a aucune voiture.

[13]          L'avoir net ne montre la possession d'aucune propriété immobilière.

[14]          L'avoir net a pris en compte des avances aux montants respectifs de 19 199 $, 11 580 $ et 13 390 $. Selon l'appelant ces avances proviennent des sommes reçues pour le paiement de la vente de sa participation dans l'entreprise familiale, Alimentation Doyon et fils Inc., en 1995. En 1996, il aurait reçu 9 000 $ ainsi qu'un revenu d'emploi totalisant une somme de 21 782 $. De plus, le comptable des appelants a mentionné que les montants de ces avances étaient constitués pour la plus grande part d'écritures comptables, ce dont semblait douter l'agent du Ministre. Ce point est somme toute demeuré plutôt nébuleux. Comme l'est également la nature de la somme reçue de Alimentation Doyon et fils Inc. en 1996.

[15]          L'avoir net a montré que de 1996 à 1998, l'appelant avait des soldes bancaires de 6 261 $, 6 785 $ et 4 827 $. Toutefois, l'avoir net a aussi montré des emprunts bancaires aux montants respectifs de 11 740 $, 7 780 $ et 7 542 $.

[16]          Le bilan de l'appelante, au 31 décembre 1998, montre un déficit accumulé de 101 993 $.

[17]          Aucun salaire n'a été versé à l'appelant. En ce qui concerne sa conjointe, des montants de 5 000 $ et de 6 706 $ lui ont été versés par l'appelante en 1996 et en 1998. Autrement, les salaires sont des entrées comptables, comme avances de l'administrateur à la société.

Conclusion

[18]          En ce qui concerne, l'avantage du logement, le comptable des appelants monsieur Wilbrod Poulin a suggéré au moment de la plaidoirie que plutôt que d'ajouter ce montant comme avantage dans le calcul des dépenses personnelles de l'appelant, ce montant aurait dû être pris en compte dans les états financiers de l'appelante. Cet avantage aurait dû être soustrait des avances de l'actionnaire à la société et cela aurait réduit les pertes de l'entreprise.

[19]          J'ai mentionné au comptable qu'il était regrettable qu'il n'ait pas fait cette affirmation lors de son témoignage ou qu'il n'ait pas posé la question à un des deux agents du Ministre qui ont témoigné à l'audience, car il s'agit normalement d'un élément de preuve. Toutefois, l'avocate de l'intimée a répliqué à cette affirmation qu'on ne pouvait pas modifier les états financiers.

[20]          Avec égard, je ne partage pas cet avis. Cela se peut dans le cas où la société n'est pas également en appel, mais dans ce cas-ci, et la société et son actionnaire sont en appel. Donc, la société peut modifier la présentation du calcul de son revenu. Comme cet argument a été le seul avancé à l'encontre de la suggestion du comptable des appelants, j'accepte sa proposition au motif que cette proposition est raisonnable, car elle prend en compte le contexte économique dans lequel cet avantage a été accordé à l'actionnaire. En effet, l'actionnaire n'a retiré aucun salaire de l'entreprise, il serait donc surprenant que l'entreprise exige le paiement du loyer. Comme cet avantage doit être pris en compte, il peut être pris en compte en diminuant les avances de l'actionnaire à la société et ainsi il n'a pas à être inclus dans le calcul du revenu de l'appelant.

[21]          De plus, je suis convaincue qu'il ne peut pas y avoir eu de revenus non déclarés de l'ampleur indiquée par le Ministre dans l'établissement de son bilan. J'en prends pour élément de poids le fait que l'appelant ait eu recours en 1998 à l'encaissement d'un RÉER. Quand une personne est obligée d'encaisser un RÉER pour pouvoir subsister, elle est au niveau de la survie et non de revenus non déclarés. L'agent du Ministre a mis du poids sur les totaux des retraits bancaires (pièce I-5). Il faut cependant réaliser que ces retraits proviennent en grande partie de la marge de crédit ou des emprunts bancaires.

[22]          Ces cotisations par avoir net sont difficiles à comprendre dans le cas d'une personne qui n'a, en fait, comme avoir qu'un montant d'environ 5 000 $ dans ses comptes bancaires à la fin de l'année et dont les emprunts dépassent toujours de près de la moitié ce montant. De plus, lorsque l'appelante a mis fin à son entreprise, il ne semble pas y avoir eu de propositions d'achat ou de tentative de vente. Ce qui laisse à penser qu'il ne s'agissait pas d'une entreprise rentable que ce soit ouvertement ou de façon cachée.

[23]          Généralement, on voit l'établissement d'un avoir net dans le cas d'un contribuable qui a fait au cours des années l'acquisition de nombreuses propriétés immobilières, ou de voitures luxueuses ou encore de détention de comptes bancaires au Canada ou à l'étranger, sans avoir déclaré de revenus correspondants à l'enrichissement ou sans explication plausible. Dans un cas comme celui en l'espèce, un cas où, plutôt qu'enrichissement il y a appauvrissement au fur et à mesure des années, de telles cotisations par avoir net sont surprenantes.

[24]          La preuve ne m'a pas convaincue que l'appelant avait, dans les années en cause, dépensé et gagné plus de revenu imposable que ce qu'il a déclaré. Je suis donc d'avis qu'il n'y a pas matière à ajouter un montant de revenu non déclaré imposable pour ces années.

[25]          En ce qui concerne l'appelante, son appel est accordé sauf que 25 p. 100 des dépenses concernant le logement ne peuvent pas faire partie des dépenses de l'entreprise. Cette créance doit réduire les créances de l'appelant à l'encontre de l'appelante.

[26]          Les appels sont accordés avec frais en faveur des appelants.

Signé à Ottawa, Canada, ce 19e jour de juin 2002.

« Louise Lamarre Proulx »

J.C.C.I.

Nos DES DOSSIERS DE LA COUR : 2001-1780(IT)I et 2001-1781(IT)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :                                 Arthur Doyon et Sa Majesté la Reine

                                                                                                Bar le Villageois Inc. et Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :                      Québec (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                    le 14 juin 2002

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :         l'honorable juge Louise Lamarre Proulx

DATE DU JUGEMENT :                      le 19 juin 2002

COMPARUTIONS :

Pour les appelants :                              Arthur Doyon (représentant)

Avocate de l'intimée :                          Me Stéphanie Côté

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

Pour les appelants :

                                Nom :                      

                                Étude :                    

Pour l'intimée :                                       Morris Rosenberg

                                                                                Sous-procureur général du Canada

                                                                                Ottawa, Canada

2001-1780(IT)I

ENTRE :

ARTHUR DOYON,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appels entendus sur preuve commune avec les appels de Bar Le Villageois Inc. (2001-1781(IT)I) le 14 juin 2002 à Québec (Québec) par

l'honorable juge Louise Lamarre Proulx

Comparutions

Pour l'appelant :                                            l'appelant lui-même

Avocate de l'intimée :                                    Me Stéphanie Côté

JUGEMENT

          Les appels des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1996, 1997 et 1998 sont accordés, avec frais, et les cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 19e jour de juin 2002.

« Louise Lamarre Proulx »

J.C.C.I.


2001-1781(IT)I

ENTRE :

BAR LE VILLAGEOIS INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appels entendus sur preuve commune avec les appels de Arthur Doyon (2001-1780(IT)I) le 14 juin 2002 à Québec (Québec) par

l'honorable juge Louise Lamarre Proulx

Comparutions

Représentant de l'appelante :                         Arthur Doyon

Avocate de l'intimée :                                    Me Stéphanie Côté

JUGEMENT

          Les appels des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1996, 1997 et 1998 sont accordés, avec frais, et les cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 19e jour de juin 2002.

« Louise Lamarre Proulx »

J.C.C.I.

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