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Date: 20020319

Dossiers : 2000-565-IT-I, 2000-566-IT-I,

2000-827-IT-I, 2000-926-IT-I

ENTRE :

GEORGES NASSIF, ANTOUN NASSIF,

KHALIL NASSIF, HAMID NASSIF,

appelants,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

Intimée.

Motifsdu jugement

Le juge Tardif, C.C.I.

[1]            Il s'agit de l'un de quatre appels où les parties ont accepté de procéder au moyen d'une audition commune; l'intimée a présenté une seule preuve commune aux quatre appels.

[2]            Les appels soulèvent trois questions :

-                Le ministre du Revenu national (le « Ministre » ) était-il justifié de refuser aux appelants le crédit réclamé au titre de dons de bienfaisance?

-                Le Ministre était-il justifié de prélever une pénalité pour les années d'imposition en litige relativement au crédit réclamé par la production des reçus litigieux?

-                Le Ministre pouvait-il établir des nouvelles cotisations après l'expiration de la période normale prévue par l'alinéa 152(4)(a) de la Loi de l'impôt sur le Revenu?

[3]            Les deux premières questions concernent les quatre dossiers. Le dossier de Hamid Nassif (2000-827(IT)I) n'est cependant pas concerné par la troisième question puisque la nouvelle cotisation pour l'année 1993 a été établie dans les délais prescrits.

Faits

[4]            La preuve a révélé que tous les appelants avaient un lien de parenté entre eux. Ils sont venus au Canada au début des années 1990 alors que leur pays d'origine, le Liban vivait des moments très difficiles. Tous catholiques, ils ont affirmé avoir rapidement contacté ou avoir été contactés par l'Ordre Antonien libanais des Maronites.

[5]            Préoccupés par la guerre au Liban, qui avait des conséquences dramatiques et obligeait des milliers d'habitants à quitter le pays, les appelants ont indiqué avoir été interpellés par l'Ordre Antonien libanais des Maronites, pour les multiples besoins des réfugiés. Selon eux, l'Ordre Antonien libanais des Maronites agissait comme une sorte de refuge vers lequel tous les réfugiés dirigeaient leurs besoins essentiels. L'Ordre constituait une sorte de pierre angulaire qui s'assurait de combler les besoins primaires des nombreux réfugiés libanais.

[6]            Après avoir expliqué leur motivation et exprimé leur solidarité, ils ont sèchement mentionné avoir remis en argent comptant divers montants totalisant le chiffre apparaissant sur les reçus litigieux. Ils ont admis avoir refusé toute collaboration visant à faire quelque lumière que ce soit, sous prétexte qu'ils avaient des reçus, que ces reçus étaient bons et que l'intimée devait les accepter comme tels sans questionner quoique ce soit.

[7]            Ajoutant qu'ils étaient totalement indifférents quant aux résultats de l'enquête, ils ont ajouté que si plusieurs centaines de personnes avaient participé à une fraude, eux n'en faisaient pas partie et sur leurs reçus les dons correspondaient aux montants indiqués.

[8]            Les appelants ont indiqué avoir obtenu les reçus litigieux des suites de dons faits au moyen de plusieurs versements. Ils ont indiqué n'avoir jamais eu de comptabilité ou de notes permettant de suivre l'évolution de leur générosité. Ils ont aussi mentionné que le tout était fait dans un contexte très privé et qu'aucun témoin n'était en mesure de confirmer leurs prétentions.

[9]            Régulièrement, ils reprenaient leur argument fondamental, à savoir qu'ils avaient fait un don, obtenu un reçu et annexé le tout à leur rapport d'impôt. Selon les appelants, un don fait à des fins charitables, est un geste intimement privé qui ne regarde et ne concerne personne d'autre que le donateur et le donataire.

[10]          Les appelants ont soutenu être indifférents quant aux constats et conclusions de Revenu Canada. Selon eux, leurs reçus indiquaient un montant et l'intimée devait prendre pour acquis qu'ils avaient déboursé le montant indiqué et l'accepter sans rien questionner. Ajoutant que s'il y avait eu fraude, Revenu Canada n'avait qu'à s'en prendre aux fraudeurs, eux n'avaient rien à voir avec cela.

[11]          En substance, les prétentions des appelants sont à l'effet qu'à défaut d'une preuve directe et absolue démontrant qu'ils n'ont pas versé le montant apparaissant sur les reçus, il devrait être fait droit à leur appel.

[12]          Non seulement cette façon de voir et de faire n'est pas acceptable, il eût fallu que j'accorde une quelconque valeur à leur témoignage pour que leur théorie soit recevable. Or, ce n'est pas le cas; je suis d'avis que les appelants ont menti tout au long du procès.

[13]          Mon appréciation de leur témoignage quant à la crédibilité repose sur plusieurs éléments, notamment, sur ce qui suit : à plusieurs reprises, ils ont éludé les questions, prétendu ne pas se souvenir ou tout simplement refusé de répondre. Quant aux réponses fournies, elles étaient cousues de fil blanc, vagues, confuses et souvent invraisemblables. La preuve des appelants a également été parsemée de contradictions choquantes à certains moments.

[14]          La seule affirmation gratuite, claire et non équivoque ressortie de leur témoignage a été qu'ils avaient bel et bien versé comptant les montants indiqués aux reçus. Ils n'ont rien, mais strictement rien, soumis qui soit de nature à soutenir la vraisemblance de leurs prétentions.

[15]          En outre, ils ont systématiquement refusé de collaborer sous prétexte qu'ils n'avaient rien à voir avec la supposée fraude. Ils ont refusé d'obtempérer aux demandes indiquées aux subpoena qui leur ont été signifiés sur la base qu'il s'agissait-là d'exigences injustifiées, inutiles et sans fondement. Ils ont même exprimé frustration et répugnance face aux initiatives visant à faire la lumière sur leur dossier personnel, même si l'intimée avait en sa possession le résultat d'une enquête colossale ayant produit des résultats exceptionnels et déterminants quant à l'ampleur de la fraude, justifiant ainsi très bien les conclusions retenues quant aux appelants.

[16]          Le montant des dons constituait un pourcentage important du reliquat de leur revenu disponible pour vivre. Finalement, le hasard a voulu qu'il s'agissait dans tous les cas de montants exacts et ce, bien qu'il s'agissait dans tous les cas du total de plusieurs contributions de montants inégaux, soit 2 000 $, 2 000 $, 2 000 $, 3 000 $ et 4 000 $.

[17]          Le même hasard a aussi révélé que les appelants, malgré leur préoccupation humanitaire, le sens développé de leur solidarité à l'endroit de leur communauté libanaise, leur grande générosité et leur préoccupation pour le bien-être des leurs, n'ont fait des dons que d'une façon ponctuelle et lors d'une année où leur fardeau fiscal faisait en sorte qu'ils profitaient largement des reçus litigieux.

[18]          Malgré toutes les indications minant les prétentions des appelants, ces derniers ont manifesté, lors de leur témoignage, une indifférence telle qu'ils se sont même permis d'être arrogants, choqués et insultés que l'intimée questionne la qualité des reçus produits au soutien de leur déclaration de revenu. Pour toutes ces raisons, je n'ai aucune hésitation à conclure que leurs témoignages n'ont aucune valeur, ne sont pas crédibles et de ce constat, doivent être écartés.

[19]          En contre-partie, l'intimée a soumis une preuve très documentée, résultant d'une enquête très élaborée. La preuve a été étoffée de pièces et documents crédibles et surtout déterminants quant au bien-fondé des conclusions retenues à savoir que les reçus produits par les appelants étaient de faux et mensongers documents.

[20]          Aux termes de cette preuve, il est clairement ressorti que l'Ordre Antonien libanais des Maronites avait mis en place une organisation qui émettait des reçus pour fins d'impôt avec des montants substantiellement plus élevés que la contre-partie qu'il recevait; de manière générale, il en coûtait entre 10 et 20 p. 100 du montant apparaissant au reçu pour l'obtenir. En d'autres termes, la communauté des Maronites faisait tout simplement le commerce des reçus pour fins d'impôt. Conséquemment, les présumés donateurs et donataires s'enrichissaient au détriment de la société canadienne; en effet, les retours d'impôt obtenus des suites de la production de faux reçus étaient généralement plus élevés que le déboursé fait pour l'obtention du reçu. La preuve a révélé que ceux et celles qui ont obtenu de tels reçus ont été tout simplement associés et complices à part entière d'une véritable fraude. Conséquemment, il est tout à fait inapproprié de parler de dons dans de telles circonstances, il s'agit plutôt d'un acte frauduleux duquel on veut tirer avantage.

Pénalités

[21]          Le degré de preuve en matière de pénalités est élevé et requiert des faits et éléments qui établissent une mauvaise foi et un comportement répréhensif. Apprécier et analyser si des pénalités étaient justifiées nécessitent la prise en considération de plusieurs éléments révélateurs quant au comportement et l'intention du contribuable au moment de sa déclaration. En l'espèce, la prépondérance de la preuve est à l'effet que les appelants savaient, connaissaient parfaitement bien l'avantage découlant de la production d'un reçu attestant qu'un don à des fins charitables avait été fait. Ils ont sciemment et délibérément produit un reçu qu'ils savaient faux quant au montant indiqué dans le but d'en tirer un avantage, soit un retour d'impôt.

[22]          La prépondérance de la preuve quant à l'aspect mensonger du reçu a été établie d'une manière satisfaisante par la convergence et cohérence de tous les éléments mis en preuve par l'intimée.

[23]          L'arrogance et l'indifférence des appelants suite à l'émission de nouvelles cotisations m'apparaissent également révélatrices de leur mauvaise foi. Jamais, ils n'ont tenté d'étoffer le bien-fondé de leurs prétentions. Jamais, ils n'ont fait de demande auprès de l'Ordre Antonien libanais des Maronites pour obtenir des pièces justificatives.

[24]          Non seulement ils ont refusé de collaborer en ne donnant pas suite à une demande de renseignements écrite, ils ont délibérément choisi de ne pas obtempérer aux demandes décrites, aux subpoena, prétextant qu'ils n'avaient rien à se reprocher et qu'il s'agissait là d'une demande inutile et sans intérêt.

[25]          Les reçus produits généraient des déductions d'impôt. Ils devaient être en mesure d'établir et de démontrer la valeur et qualité de ces mêmes reçus. Non seulement, ils n'en n'ont rien fait, ils ont exprimé leur impatience, leur dégoût et une indifférence totale vis-à-vis la fraude.

[26]          Je n'ai aucune hésitation à conclure au bien-fondé des nouvelles cotisations émises dans les quatre dossiers et à confirmer la justesse des pénalités. L'intimée a relevé les fardeaux de preuve qui lui incombaient alors que les appelants se sont bornés à prétendre qu'ils avaient fait un don, dont le montant apparaissait sur les reçus; pour que cette seule explication puisse produire des effets, il eût fallu que les témoignages des appelants soient crédibles. Or, je n'accorde aucune valeur aux quatre témoignages, étant convaincu qu'ils n'ont jamais dit la vérité. L'ensemble de leurs réponses, attitudes et comportements a démontré que les appelants étaient capables de mentir avec une faculté déconcertante. Ils ont poussé l'arrogance jusqu'à exprimer leur frustration du fait d'avoir à s'expliquer.

[27]          L'intimée a relevé le fardeau de preuve qui lui incombait dans les dossiers pour établir les nouvelles cotisations après l'expiration de la nouvelle période.

[28]          Pour toutes ces raisons, les appels sont rejetés; quant aux pénalités, elle étaient pleinement justifiées et elles ont été imposées à bon droit.

Signé à Ottawa, Canada ce 19e jour de mars 2002.

« Alain Tardif »

J.C.C.I

Nos DU DOSSIER DE LA COUR :       2000-565(IT)I, 2000-566(IT)I,

2000-827(IT)I et 2000-926(IT)I,

INTITULÉS DES CAUSES :                                Georges Nassif et Sa Majesté la Reine,

                                                                                                Antoun Nassif et Sa Majesté la Reine,

                                                                                                Khalli Nassif et Sa Majesté la Reine,

                                                                                                Hamid Nassif et Sa Majesté la Reine,

LIEU DE L'AUDIENCE :                     

DATE DE L'AUDIENCE :                    les 11 et 13 mars 2002

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :         l'honorable juge Alain Tardif

DATE DU JUGEMENT :                      le 19 mars 2002

COMPARUTIONS :

Pour les appelants :                              Les appelants eux-mêmes

Avocats de l'intimée :                          Me Nathalie Lessard et Me Simon Crépin

AVOCATE INSCRITE AU DOSSIER :

Pour les appelants :

                               

Pour l'intimée :                                       Morris Rosenberg

                                                                                Sous-procureur général du Canada

                                                                                Ottawa, Canada

2000-565(IT)I

ENTRE :

GEORGES NASSIF,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appels entendus sur preuve commune avec les appels de Antoun Nassif (2000-566(IT)I), Khalil Nassif (2000-827(IT)I) et Hamid Nassif (2000-926(IT)I)

les 11 et 13 mars 2002 et jugement prononcé séance tenante

à Montréal (Québec) par

l'honorable juge Alain Tardif

Comparutions

Pour l'appelant :                        L'appelant lui-même

Avocats de l'intimée :                 Me Nathalie Lessard et Me Simon Crépin

JUGEMENT

          Les appels des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1992 et 1993 sont rejetés, selon les motifs de jugement ci-joints; quant aux pénalités, elles étaient pleinement justifiées.

Signé à Ottawa, Canada, ce 19e jour de mars 2002.

« Alain Tardif »

J.C.C.I.


2000-566(IT)I

ENTRE :

ANTOUN NASSIF,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu sur preuve commune avec les appels de Georges Nassif (2000-565(IT)I), Khalil Nassif (2000-827(IT)I) et Hamid Nassif (2000-926(IT)I)

les 11 et 13 mars 2002 et jugement prononcé séance tenante

à Montréal (Québec) par

l'honorable juge Alain Tardif

Comparutions

Pour l'appelant :                        L'appelant lui-même

Avocats de l'intimée :                 Me Nathalie Lessard et Me Simon Crépin

JUGEMENT

          L'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1993 est rejeté, selon les motifs de jugement ci-joints; quant à la pénalité, elle était pleinement justifiée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 19e jour de mars 2002.

« Alain Tardif »

J.C.C.I.


2000-827(IT)I

ENTRE :

KHALIL NASSIF,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu sur preuve commune avec les appels de Georges Nassif (2000-565(IT)I), Antoun Nassif (2000-566(IT)I) et Hamid Nassif (2000-926(IT)I)

les 11 et 13 mars 2002 et jugement prononcé séance tenante

à Montréal (Québec) par

l'honorable juge Alain Tardif

Comparutions

Pour l'appelant :                        L'appelant lui-même

Avocats de l'intimée :                 Me Nathalie Lessard et Me Simon Crépin

JUGEMENT

          L'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1993 est rejeté, selon les motifs de jugement ci-joints; quant à la pénalité, elle était pleinement justifiée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 19e jour de mars 2002.

« Alain Tardif »

J.C.C.I.


2000-926(IT)I

ENTRE :

HAMID NASSIF,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu sur preuve commune avec les appels de Georges Nassif (2000-565(IT)I), Antounl Nassif (2000-566(IT)I) et Khalil Nassif (2000-827(IT)I)

les 11 et 13 mars 2002 et jugement prononcé séance tenante

à Montréal (Québec) par

l'honorable juge Alain Tardif

Comparutions

Pour l'appelant :                        L'appelant lui-même

Avocats de l'intimée :                 Me Nathalie Lessard et Me Simon Crépin

JUGEMENT

          L'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1993 est rejeté, selon les motifs de jugement ci-joints; quant à la pénalité, elle était pleinement justifiée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 19e jour de mars 2002.

« Alain Tardif »

J.C.C.I.

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