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Dossier : 2003-2137(IT)I

ENTRE :

ELKE CHURCHMAN,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Appels entendus à Saskatoon (Saskatchewan), le 25 février 2004.

 

Devant : L’honorable D.W. Beaubier

 

Comparutions :

 

Avocat de l’appelante :

Me Kurt Wintermute

 

Avocate de l’intimée :

Me Anne Jinnouchi

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          Les appels des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 1999 et 2000 sont admis, et les nouvelles cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation selon les motifs de jugement ci‑joints.

 


 

 

Signé à Regina (Saskatchewan), ce 9e jour de mars 2004.

 

 

 

 

                 « D.W. Beaubier »               

Juge Beaubier

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 31e jour de mars 2005.

 

 

 

Jacques Deschênes, traducteur

 

 

 

 


 

 

 

Référence : 2004CCI191

Date : 20040309

Dossier : 2003-2137(IT)I

 

ENTRE :

ELKE CHURCHMAN,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Beaubier

 

[1]     Cet appel, qui a été interjeté sous le régime de la procédure informelle, a été entendu à Saskatoon (Saskatchewan) le 25 février 2004. L’appelante était la seule personne à témoigner.

 

[2]     Les questions en litige sont en partie énoncées aux paragraphes 5 à 14 inclusivement de la réponse à l’avis d’appel, lesquels sont rédigés comme suit :

 

[TRADUCTION]

 

5.         Dans le calcul du revenu pour les années d’imposition 1999 et 2000, l’appelante a déclaré un revenu d’emploi, un revenu brut d’entreprise et un revenu net d’entreprise et a déduit des dépenses d’entreprise comme suit :

 

 

1999

2000

 

Revenu d’emploi

néant

1 412 $

 

Revenu brut d’entreprise

14 000 $

14 990 $

Moins : Dépenses d’entreprise

6 965 $

0 $

Revenu net d’entreprise

7 035 $

14 990 $

 

6.         L’appelante a demandé un rajustement dans sa déclaration de revenus pour 1999, de façon que les dépenses d’entreprise soient portées de 6 965 à 21 281,83 $ (les « dépenses »), donnant lieu à une perte nette d’entreprise de 7 281,83 $, calculée comme suit :

 

 

Revenu brut d’entreprise

 

14 000,00 $

Moins :

Dépenses

 

 

 

Taxe professionnelle

500,00 $

 

 

Frais de bureau

200,00 $

 

 

Frais juridiques et comptables

16 158,51 $

 

 

Téléphone et services publics

1 400,00 $

 

 

 

 

21 281,83 $

 

Perte nette d’entreprise

 

(7 281,83)$

 

7.         En réponse à la demande de rajustement pour l’année d’imposition 1999, le ministre du Revenu national (le « ministre ») a établi de nouvelles cotisations à l’égard de l’appelante pour les années d’imposition 1999 et 2000 en vue :

 

a)         d’inclure un revenu d’emploi de 14 000 $ et de 14 990 $ respectivement dans les années d’imposition 1999 et 2000;

 

b)         de radier un revenu brut d’entreprise de 14 000 $ et de 14 990 $ respectivement dans les années d’imposition 1999 et 2000;

 

c)         de refuser la déduction de dépenses d’entreprise d’un montant de 6 965 $ réclamées dans l’année d’imposition 1999; et

 

d)         de refuser la demande visant à porter les dépenses d’entreprise à 21 181,83 $;

 

Les avis de nouvelle cotisation étaient datés du 22 février 2002.

 

8.         L’appelante a déposé un avis d’opposition daté du 29 avril 2002 à l’égard de ces nouvelles cotisations.

 

9.         Le ministre a ratifié les nouvelles cotisations au moyen d’un avis de ratification daté du 10 mars 2003.

 

10.       En ratifiant ainsi les nouvelles cotisations de l’appelante pour les années d’imposition 1999 et 2000, le ministre a émis les hypothèses de fait suivantes :

 

a)         l’appelante a fourni des services à DRHC à titre de présidente d’un conseil arbitral pendant les années d’imposition 1999 et 2000;

 

b)         l’appelante devait fournir ses services à DRHC du 24 février 1998 au 23 février 2004;

 

c)         l’appelante a été radiée en tant que membre actif du barreau au mois de mars 1998;

 

d)         la radiation a été annulée le 1er janvier 2000;

 

e)         l’appelante était tenue de travailler avec un autre avocat pendant six mois après avoir été réintégrée;

 

f)          l’appelante a commencé à exercer seule sa profession au mois d’avril 2001;

 

g)         pendant les années d’imposition 1999 et 2000, l’appelante n’a pas exploité d’entreprise;

 

h)         pendant les années d’imposition 1999 et 2000, l’appelante n’a pas tiré de revenu d’une entreprise ou d’un bien;

 

i)          l’appelante était tenue de verser un droit de 500 $ à la Law Society de la Saskatchewan à l’égard de sa demande de réintégration;

 

j)          pendant l’année d’imposition 1999, l’appelante a engagé des frais juridiques de 13 875,27 $ comme il en est fait état à l’annexe A jointe à la réponse à l’avis d’appel et faisant partie intégrante de la réponse à l’avis d’appel;

 

k)         pendant l’année d’imposition 1999, l’appelante a versé une somme de 4 435,29 $ à valoir sur les frais juridiques qu’elle avait engagés;

 

l)          les dépenses n’ont pas été engagées en vue de tirer un revenu d’une entreprise ou d’un bien; ces dépenses étaient plutôt des frais personnels ou des frais de subsistance de l’appelante;

 

m)        dans l’exercice de ses fonctions, l’appelante devait siéger à titre de membre d’un conseil arbitral dans des affaires d’assurance‑emploi;

 

n)         les audiences tenues par le conseil arbitral avaient lieu dans les locaux de DRHC;

 

o)         l’appelante était considérée comme « occupant une charge » pendant qu’elle fournissait ses services à DRHC;

 

p)         l’appelante est réputée toucher un revenu ouvrant droit à pension conformément au paragraphe 2(1) du Régime de pensions du Canada;

 

q)         l’appelante touchait un montant quotidien de 330 $ lorsque le conseil arbitral tenait des audiences;

 

r)          l’appelante a reçu de DRHC un revenu tiré d’une charge de 14 000 $ et de 14 990 $ respectivement dans les années d’imposition 1999 et 2000;

 

s)         l’appelante n’avait pas à être titulaire d’un diplôme de droit pour exercer ses fonctions au sein du conseil arbitral;

 

t)          DRHC n’obligeait pas l’appelante à louer un bureau ailleurs qu’à son lieu d’affaires ou à utiliser une partie de sa maison;

 

u)         l’appelante n’était pas tenue de payer les dépenses engagées dans l’exercice de ses fonctions auprès de DRHC;

 

v)         l’appelante n’était pas tenue d’engager des frais pour un téléphone cellulaire ou d’autres frais de téléphone dans l’exercice de ses fonctions auprès de DRHC.

 

B.        QUESTIONS À TRANCHER

 

11.       Les questions litigieuses sont ci‑après énoncées :

 

a)         L’appelante a‑t‑elle engagé les dépenses en vue de tirer un revenu d’une entreprise ou d’un bien?

 

b)         L’appelante a‑t‑elle le droit de déduire des frais de bureau à domicile conformément au paragraphe 18(12) de la Loi de l’impôt sur le revenu?

 

 

C.        DISPOSITIONS LÉGISLATIVES PERTINENTES, MOTIFS INVOQUÉS ET RÉPARATION DEMANDÉE

 

12.       Il se fonde sur les articles 3 et 9, sur les paragraphes 18(12) et 248(1) ainsi que sur les alinéas 18(1)a) et 18(1)h) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985 ch. 1 (5e suppl.) (la « Loi ») dans sa forme modifiée pour les années d’imposition 1999 et 2000.

 

13.       Il soutient que l’appelante n’a pas engagé les dépenses en vue de tirer un revenu d’une entreprise ou d’un bien au sens de l’alinéa 18(1)a) de la Loi; il s’agissait de frais personnels ou de frais de subsistance de l’appelante au sens de l’alinéa 18(1)h) de la Loi.

 

14.       Il soutient qu’étant donné que le bureau à domicile de l’appelante :

 

a)         n’était pas le principal lieu d’affaires de l’appelante; ou

 

b)         ne servait pas exclusivement à tirer un revenu d’une entreprise et à rencontrer des clients sur une base régulière et continue dans le cadre de l’entreprise;

 

l’appelante n’a pas le droit de déduire des frais de bureau à domicile conformément au paragraphe 18(12) de la Loi.

 

[3]     Au début de l’audience, l’avocat de l’appelante a attiré l’attention de la Cour sur les faits suivants :

 

1.       L’appelante a retenu les services d’un avocat dont l’adresse doit désormais être utilisée aux fins de la signification de documents à l’appelante :

 

                   Kurt Wintermute

          MacPherson, Leslie et Tyerman s.r.l.

1500‑410, 22nd Street East

Saskatoon (Saskatchewan)

S7K 5T6

No de téléphone : (306) 975‑7100

No de télécopieur : (306) 975‑7145

 

2.       Pour l’année 2000 :

 

(1)     L’appelante réclame un montant de 6 869,03 $ au titre des dépenses déductibles.

 

(2)     Le droit de 500 $ versé à la Law Society de la Saskatchewan se rapporte à une demande distincte entre les parties.

 

3.       Pour l’année 1999 :

 

(1)     L’appelante ne poursuit pas sa demande en ce qui concerne la déduction des dépenses suivantes :

 

                   véhicule à moteur            1 102,19 $

                   intérêts                            1 921,13 $

 

(2)     Une correction est apportée au montant des frais juridiques et comptables dont la déduction est demandée, ce montant devant être de 13 875,27 $.

 

4.       De l’avis de l’appelante, les questions suivantes sont en litige :

 

[TRADUCTION]

 

En l’espèce, il s’agit principalement de trancher les questions suivantes :

 

a)         L’appelante a‑t‑elle le droit de déduire certains frais juridiques associés à sa réintégration à titre de membre actif et ces frais sont‑ils assujettis à des restrictions conformément à l’alinéa 18(1)b) ou à l’alinéa 18(1)h) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »)?

 

b)         Le revenu que l’appelante a reçu de Développement des ressources humaines Canada (« DRHC ») était‑il un revenu tiré d’une charge conformément au paragraphe 5(1) de la Loi ou un revenu tiré d’une entreprise conformément au paragraphe 9(1) de la Loi?

 

(i)         Si le revenu reçu de DRHC était un revenu tiré d’une entreprise, les dépenses déclarées par l’appelante sont‑elles déductibles dans le calcul du revenu tiré de l’entreprise conformément au paragraphe 9(1) de la Loi et sont‑elles assujetties à des restrictions conformément au paragraphe 18(1) de la Loi?

 

(ii)        Si le revenu reçu de DRHC est un revenu tiré d’une charge conformément au paragraphe 5(1) de la Loi, les dépenses sont‑elles déductibles conformément au paragraphe 8(1) de la Loi?

 

[4]     Les hypothèses énoncées aux alinéas 10a), d), e), f), i), j), k), n) et s) n’ont pas été réfutées. Quant aux autres hypothèses, la Cour conclut ce qui suit :

 

b)      Deux contrats de trois ans étaient en cause. À ce jour, l’appelante n’a pas obtenu un troisième contrat.

 

c)       Cette hypothèse est inexacte. La distinction est importante. L’appelante était malade et, comme elle l’avait fait lorsqu’elle était enceinte, elle a demandé à la Law Society de la Saskatchewan de lui délivrer un certificat de membre inactif, de façon à ne pas avoir à payer les droits d’exercice de la profession. La Law Society a accordé ce statut à l’appelante au mois de mars 1998.

 

d)      Cette hypothèse fait l’objet d’une réserve. L’appelante a demandé à être réintégrée en tant que membre actif de la Law Society de la Saskatchewan au mois de décembre 1998. Elle a retenu les services d’un avocat à cette fin (ce qui n’était pas nécessaire mais, de l’avis de la Cour, l’appelante l’a en partie fait pour des raisons d’éthique). Cet avocat n’a pas donné suite au dossier et, au printemps 1999, l’appelante a retenu les services d’un second avocat qui s’est de fait occupé du dossier. L’appelante a été réintégrée le 1er janvier 2000, à condition de pratiquer le droit avec un autre avocat pendant six mois et de faire régulièrement rapport à la Law Society. Cela étant, l’appelante a commencé à travailler pour un autre avocat à Saskatoon le 10 juillet 2000 et a continué à exercer cet emploi jusqu’au 1er avril 2001. L’appelante estimait que sa charge de travail, pendant cette période d’emploi, était composée pour les trois quarts des dossiers dont elle était responsable à titre d’avocate‑employée, le reste se rapportant au contrat qu’elle avait conclu avec DRHC, avec l’assentiment de l’avocat‑employeur.

 

g) et h) Ces hypothèses prêtent fortement à controverse. L’appelante affirme avoir exploité une entreprise en 1999 et en l’an 2000, et ce, pour les motifs suivants :

 

(1)     Elle n’était pas titulaire d’une « charge » en vertu du contrat qu’elle avait conclu avec DRHC en vue d’agir comme présidente d’un conseil arbitral, selon la définition de ce terme figurant dans la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »). Elle avait plutôt conclu un contrat d’entreprise en vue d’agir à titre [TRADUCTION] d’« expert‑conseil indépendant »;

 

(2)     Même si elle avait obtenu un certificat de membre inactif, l’appelante a néanmoins continué à exploiter une entreprise pendant qu’elle était malade.

 

(l)      Cette hypothèse est niée. Les frais qui prêtent encore à controverse ont été versés à l’avocat de l’appelante dans le cadre de la demande qu’elle présentait en vue d’obtenir un certificat de membre actif et l’appelante a payé ces frais en vue de maintenir et d’exploiter son bureau à domicile, ce bureau étant utilisé pour entreposer les dossiers juridiques des clients, pour maintenir des installations, pour répondre aux appels téléphoniques des clients (dans le but de les renvoyer à un autre avocat, de garder leurs dossiers et de conserver leur clientèle lorsqu’elle recommencerait à exercer sa profession) et pour répondre aux appels téléphoniques se rapportant à sa fonction de présidente auprès de DRHC, pour fixer les dates d’audience, pour travailler aux dossiers d’appel de DRHC, pour préparer les audiences et, en sa qualité de présidente, pour préparer et rédiger des décisions pour ces audiences. L’appelante pouvait refuser de siéger, mais DRHC voulait qu’elle préside, chaque année, plus d’une ou deux audiences. Sa désignation pour une audience dépendait de trois conditions : (1) il fallait qu’une audience soit nécessaire; (2) le greffier devait lui offrir de siéger à l’audience; (3) elle devait accepter de siéger à l’audience. Deux autres présidents étaient disponibles en vue d’être désignés.

 

m)      Cette hypothèse est fausse. Les tâches et activités de l’appelante sont celles qui ont été décrites à l’alinéa 1) ci‑dessus; en plus de siéger comme présidente du conseil arbitral pour entendre les appels en matière d’assurance‑emploi, la présidente était chargée de rédiger la décision des arbitres.

 

o)      Cette hypothèse est contestée; le sens à attribuer au mot « charge » figurant dans la Loi de l’impôt sur le revenu sera examiné dans la partie de cette décision qui porte sur le fond. L’appelante a défini le poste qu’elle occupait comme étant un poste [TRADUCTION] d’« expert‑conseil indépendant ».

 

q)      Il arrivait que l’appelante touche un montant quotidien de 300 $, alors qu’à d’autres moments, elle touchait 330 $. Ce montant s’appliquait uniquement aux jours où l’appelante siégeait. L’appelante ne touchait aucun montant lorsqu’elle acceptait de siéger, lorsqu’on lui envoyait les dossiers chez elle par messager, lorsqu’elle étudiait ces dossiers dans son bureau à domicile (aucune autre installation appropriée ne lui étant fournie), lorsqu’elle rédigeait une ébauche de décision, de façon que l’adjoint puisse mettre au propre la décision à l’audience, lorsqu’elle rendait une décision à l’audience ou au plus tard une semaine après l’audience (conformément aux instructions qu’elle avait reçues au moment de sa nomination) et lorsqu’elle remettait à l’adjoint, à l’audience, une version électronique des ébauches. En sa qualité de présidente, l’appelante signait les décisions mises au propre. Si les audiences étaient ajournées sans qu’elle ait siégé, l’appelante ne touchait aucun montant.

 

r)       L’emploi du mot « charge » est contesté.

 

t)       L’appelante conteste cette hypothèse; la Cour souscrit à son avis. DRHC fournissait une salle de conférence pour les audiences. Si d’autres audiences avaient lieu (deux autres formations similaires d’arbitres utilisaient la salle) ou si DRHC utilisait la salle, l’appelante ne pouvait pas s’en servir. De l’avis de la Cour, l’appelante a raison de dire qu’elle ne pouvait pas se rendre jusqu’aux bureaux de DRHC pour voir si la salle était disponible simplement pour se rendre compte que la salle n’était pas libre. DRHC a contredit son propre personnel à ce sujet en envoyant toujours à l’appelante, par messager, à son bureau à domicile, les dossiers d’audience avant chaque audience.

 

u) et v)         Ces hypothèses sont erronées. L’appelante devait se préparer pour les audiences comme on l’a expliqué; elle devait répondre aux appels de DRHC à l’aide de son téléphone cellulaire afin de fixer les dates d’audience et de rendre les décisions prises en délibéré. Tout cela obligeait l’appelante à engager des dépenses connexes, y compris celles qui étaient liées à son bureau à domicile (dans la mesure où ces dépenses n’étaient pas engagées à des fins personnelles), les frais associés à son téléphone cellulaire étant imputés à ces tâches dans une proportion de 50 p. 100 en 1999 et dans une proportion de 66,6 p. 100 en l’an 2000.

 

[5]     La première question soulevée par l’appelante est énoncée comme suit à l’alinéa 4a) reproduit au paragraphe [3] :

 

[TRADUCTION]

 

a)         L’appelante a‑t‑elle le droit de déduire certains frais juridiques associés à sa réintégration à titre de membre actif et ces frais sont‑ils assujettis à des restrictions conformément à l’alinéa 18(1)b) ou à l’alinéa 18(1)h) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »)?

 

[6]     Ces frais ont été engagés lorsque l’appelante a présenté une demande à la Law Society en vue d’être réintégrée à titre de membre actif (en sa qualité de membre inactif, elle bénéficiait de tous les droits et elle avait toutes les obligations liés à la qualité de membre sauf qu’elle n’était pas autorisée à pratiquer le droit) et d’obtenir un certificat l’autorisant à exercer sa profession à titre de membre actif.

 

[7]     Il s’agit de savoir si l’appelante a effectué un paiement en vue d’avoir droit à un revenu ou d’avoir le droit de gagner un revenu. L’appelante conservait dans son bureau les dossiers des clients lui permettant de gagner un revenu. Elle pouvait accomplir de nombreuses tâches sans être titulaire d’un certificat de la Law Society l’autorisant à pratiquer le droit. Ainsi, elle pouvait rédiger des lettres d’homologation pour un exécuteur, faire enregistrer les lettres d’homologation et s’occuper de la succession au nom de l’exécuteur, ou elle pouvait s’occuper de transactions immobilières et toucher des honoraires pour ces activités. Cela pouvait indisposer le barreau ou amener le barreau à prendre des mesures, mais que la chose soit légale ou illégale, l’appelante pouvait néanmoins facturer le client et toucher des honoraires sans être titulaire du certificat et pareil revenu serait imposable. Le certificat lui permettrait probablement de toucher des honoraires plus élevés. Le certificat lui permettrait de comparaître en personne devant les tribunaux judiciaires pour représenter des clients et de faire enregistrer des lettres d’homologation en son propre nom à titre d’avocate. En outre, en conservant les dossiers, l'appelante s’assurait une clientèle lorsqu’elle recommencerait à exercer sa profession. Un certain nombre de clients attendaient qu’elle obtienne le certificat pour avoir recours à ses services juridiques.

 

[8]     L’appelante a versé un montant pour avoir droit à un revenu; les frais juridiques et débours sous ce chef ainsi que le droit de demande de 500 $ sont tous déductibles de son revenu à titre de dépenses d’entreprise, et ce, pour les raisons suivantes :

 

1.       Elle conservait les dossiers dans son bureau et elle maintenait son bureau.

 

2.       Elle s’occupait de ses clients, les renvoyait à d’autres avocats, les clients devant de nouveau avoir recours à ses services lorsqu’elle se porterait mieux, et elle communiquait avec d’autres clients et leur assurait qu’elle leur fournirait encore ses services lorsqu’elle se rétablirait. C’est à cette condition que les clients lui laissaient leurs dossiers.

 

3.       Ce congé n’était pas différent d’un congé de maternité ou d’un congé sabbatique. Un avocat ou toute autre personne peut prendre de tels congés à plusieurs reprises tout en conservant son emploi ou son entreprise et tout en considérant qu’il en est ainsi, et ce, que cette personne soit temporairement inactive ou non.

 

[9]     En d’autres termes, l’appelante avait l’intention de tirer des bénéfices de l’exercice de sa profession; elle a continué à maintenir un bureau et un service de téléphone à ses frais, elle a gardé les dossiers et elle s’est activement occupée des clients sur une base restreinte. Selon la Cour, l’appelante ne pratiquait peut‑être pas activement le droit, mais elle s’occupait activement de son entreprise dans l’intention d’en tirer des bénéfices. De nos jours, les congés sabbatiques, les grossesses, les vacances, les congés de maladie et autres congés similaires sont chose commune; cela ne veut pas pour autant dire qu’une personne ne continue pas à exploiter une entreprise. L’appelante n’a pas effectué ces paiements en vue d’obtenir un actif réel ou durable. Elle les a plutôt effectués afin de pouvoir continuer à exploiter le même type et la même qualité d’entreprise. Cela étant, l’appel est admis quant à la première question.

 

[10]    La seconde question soulevée par l’appelante est énoncée comme suit à l’alinéa 4b) reproduit au paragraphe [3] :

 

[TRADUCTION]

 

b)         Le revenu que l’appelante a reçu de Développement des ressources humaines Canada (« DRHC ») était‑il un revenu tiré d’une charge conformément au paragraphe 5(1) de la Loi ou un revenu tiré d’une entreprise conformément au paragraphe 9(1) de la Loi?

 

[11]    Le mot « charge » est défini comme suit au paragraphe 248(1) de la Loi :

 

« charge » Poste qu’occupe un particulier et qui lui donne droit à un traitement ou à une rémunération fixes ou vérifiables, y compris une charge judiciaire, la charge de ministre de la Couronne, la charge de membre du Sénat ou de la Chambre des communes du Canada, de membre d’une assemblée législative ou de membre d’un conseil législatif ou exécutif et toute autre charge dont le titulaire est élu au suffrage universel ou bien choisi ou nommé à titre représentatif, et comprend aussi le poste d’administrateur de société; « fonctionnaire » ou « cadre » s’entend de la personne qui détient une charge de ce genre, [...]

 

[12]    L’avocat de l’appelante a mis l’accent sur la question de savoir si le montant quotidien touché par l’appelante était « un traitement ou une rémunération fixes ou vérifiables ». Dans la négative, il ne s’agissait pas d’une « charge » au sens de la Loi. Il ne s’agissait pas d’un montant « fixe ». Il s’agissait plutôt d’un montant quotidien accordé uniquement pour les jours d’audience.

 

[13]    Pour déterminer si le montant quotidien est vérifiable, la Cour adopte le raisonnement que le juge Dussault a fait dans la décision Payette v. M.N.R., 2002 Carswell Nat. 4668 dans des circonstances comparables à la présente espèce où la définition du mot « charge » était en cause. Aux paragraphes 24 et 26, le juge Dussault a dit ce qui suit :

 

[24]      Toutefois, dans ses commentaires sur la décision dans l’affaire Guérin précitée, le juge Reed semble tenir pour acquis que la rémunération dans ce cas n’était pas vérifiable principalement en raison des dépenses que devait assumer l’appelant. Je ne suis pas d’accord avec cette position. Les termes « traitement » et « rémunération » s’entendent de montants bruts et non de revenu net une fois les dépenses déduites. Ceci apparaît clairement du libellé du paragraphe 5(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu. Par ailleurs, l’utilisation du qualificatif « vérifiable » ou « constatable » doit, il me semble, référer à quelque chose qu’il est possible de vérifier ou de constater a priori car autrement ces qualificatifs n’auraient aucune portée puisque tout peut être vérifié ou constaté a posteriori. Ainsi, si le « traitement » ou la « rémunération » n’est pas fixe, encore faut‑il pouvoir l’établir à l’avance avec un minimum d’exactitude par l’utilisation d’une formule quelconque ou la référence à certains éléments déterminés. C’est là, à mon avis, le sens des décisions dans les affaires Guérin et MacKeen précitées.

 

[...]

 

[26]      C’est sans trop de difficultés que je pourrais conclure que les appelants, membres du Comité de révision, occupent une charge. En effet, le Comité de révision est une institution permanente de la Commission des services juridiques. Le fait d’être nommé membre pour un an, de même que celui d’avoir d’autres occupations professionnelles ailleurs, n’impliquent aucunement qu’on ne peut occuper un poste pour une durée déterminée et à temps partiel. On peut à la fois pratiquer le droit et être administrateur d’une société par actions et même de plusieurs. Je ne vois là rien d’incompatible. On ne peut affirmer qu’une personne n’occupe pas un poste parce que son activité professionnelle dominante s’exerce ailleurs qu’à la Commission. Toutefois, il n’est pas suffisant d’occuper un poste, encore faut‑il que ce poste donne droit à un « traitement ou à une rémunération déterminée ou constatable » selon les termes de la définition du paragraphe 2(1) du Régime de pensions du Canada. Or, dans la présente instance, il est évident que le poste ne donne pas droit à un traitement ou à une rémunération fixe. Par ailleurs, j’estime qu’il est impossible d’en arriver à la conclusion que la rémunération est constatable, puisque les faits énoncés à l’avis d’appel et admis par l’intimé sont insuffisants à cet égard. On ne sait pas combien de fois chaque membre est appelé à siéger sur le Comité de révision ou combien de jours ou d’heures sont consacrés à cette activité dans une année. Les informations concernant le nombre de séances du Comité de révision et le nombre de demandes de révision entendues annuellement ne permettent pas de connaître de paramètre certain pour les membres pris individuellement. Je n’ai aucune idée du « traitement » ou de la « rémunération » que les membres du Comité de révision étaient susceptibles de recevoir pour rendre leurs services et aucune information n’a d’ailleurs été fournie à cet égard sinon qu’ils sont rémunérés à vacation à un taux horaire de 50 $. À mon avis, cette simple indication du taux horaire décidé par la Commission des services juridiques n’est pas suffisante pour établir que le poste lui‑même donnait droit à un « traitement » ou à une « rémunération » qui était « déterminée ou constatable ». Ainsi, j’estime que l’intimé qui a simplement admis les faits énoncés à l’avis d’appel ne s’est aucunement déchargé de son fardeau d’établir que les appelant(e)s, membres du Comité de révision de la Commission des services juridiques, occupaient une fonction ou une charge au sens du paragraphe 2(1) du Régime de pensions du Canada. Le sous‑alinéa 6f)(iii) du Règlement ne peut donc être applicable en l’espèce pour inclure dans les emplois assurables le poste occupé par les appelant(e)s.

 

[14]    Pour ce motif et compte tenu des faits qui ont été énoncés au sujet du contrat que l’appelante avait conclu en vue d’agir comme présidente du conseil arbitral, la Cour conclut qu’en fait, l’appelante exploitait une entreprise à titre d’expert‑conseil indépendant et que les dépenses qu’elles a déclarées sur cette base sont déductibles. L’appelante contrôlait le temps qu’elle consacrait à son travail; elle choisissait les audiences qu’elle devait présider; elle fournissait tous les instruments de travail, le matériel et les locaux qu’elle utilisait, sauf la salle de conférence; elle risquait de subir des pertes ou elle avait des chances de faire des bénéfices en fonction du temps qu’elle consacrait au travail, des frais qu’elle engageait pour ses instruments de travail, le matériel et le bureau ainsi que de la possibilité d’accomplir d’autres tâches qui lui étaient confiées dans l’exercice de son emploi ou en vertu de contrats; elle n’était pas intégrée aux activités de DRHC.

 

[15]    L’appel est admis sur tous les points. L’appelante a droit aux dépens partie‑partie à taxer.

 

 

Signé à Regina (Saskatchewan), ce 9e jour de mars 2004.

 

 

 

 

                 « D.W. Beaubier »               

Juge Beaubier

 

Traduction certifiée conforme

ce 31e jour de mars 2005.

 

 

 

Jacques Deschênes, traducteur

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