Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

2000-1410(IT)G

ENTRE :

318806 B.C. LTD.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu le 5 novembre 2001 à Vancouver (Colombie-Britannique) par

l'honorable juge Gerald J. Rip

Comparutions

Avocat de l'appelante :               Me Richard J. Bennett

Avocate de l'intimée :                 Me Patricia A. Babcock

JUGEMENT

          L'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1995 est rejeté avec frais.


Signé à Ottawa, Canada, ce 22e jour de novembre 2001.

« Gerald J. Rip »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 14e jour de mai 2003.

Mario Lagacé, réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Date: 20011122

Dossier: 2000-1410(IT)G

ENTRE :

318806 B.C. LTD.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Rip

[1]      L'appelante, 318806 B.C. Ltd., interjette appel d'une cotisation d'impôt sur le revenu établie à son égard pour l'année d'imposition se terminant le 14 décembre 1995, dans laquelle elle a demandé la déduction d'une diminution de la valeur de l'inventaire en vertu du paragraphe 10(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ) relativement à un bien qu'elle a acquis de nouveau dans l'année par suite du défaut de paiement d'une dette envers elle. Il s'agit de déterminer si le bien en question était une immobilisation, comme l'a prétendu l'intimée, ou un bien figurant à l'inventaire, comme l'a soutenu l'appelante.

[2]      M. Michael Smith est l'unique administrateur et dirigeant de l'appelante. Il est aussi le seul actionnaire, administrateur et dirigeant de M. R. Smith Ltd. (la « Smithco » ), l'unique actionnaire de l'appelante.

[3]      Pendant toutes les périodes pertinentes, la Smithco agissait à titre de représentante de la Compagnie pétrolière Impériale Ltée (l' « Impériale » ) pour la vente en gros de pétrole et d'essence au nord de la rivière Fraser, en Colombie-Britannique. Vers 1989, déterminé à élargir ses activités commerciales, M. Smith a décidé de devenir propriétaire d'une station-service Esso et, à cette fin, il a constitué l'appelante en société. ( « Esso » est le nom commercial sous lequel l'Impériale vend de l'essence.) L'appelante a acheté une station-service munie de pompes à essence et comprenant un dépanneur (le « bien » ), située à l'est de la rivière Pitt et le long de l'autoroute Lougheed. Les installations étaient en mauvais état et il fallait les convertir en station Esso. Le prix d'achat était de 345 000 $.

[4]      L'emplacement du bien était idéal pour un poste d'essence. Une taxe de vente de quatre cents le litre était payable sur l'essence vendue dans les limites du district régional du grand Vancouver (le « district » ). En 1990, Pitt Meadows se trouvait à l'extérieur du district et les détaillants d'essence pouvaient y vendre leur produit quatre cents moins cher le litre que les détaillants se trouvant dans les limites du district. Le bien étant situé à quelques mètres seulement à l'est du district, la station-service pouvait vendre l'essence moins cher. Les clients potentiels pouvaient traverser la rivière Pitt puis retourner dans le district sans trop d'inconvénient. M. Smith a cru aussi qu'il pourrait doter la station-service d'un système d'accès par carte. Les utilisateurs commerciaux, c'est-à-dire les camions lourds, auraient accès à la station 24 heures sur 24 en utilisant une carte d'accès spéciale pour acheter de l'essence.

[5]      Après que l'appelante eut acheté le bien, elle a engagé des dépenses de 350 000 $ environ pour le remettre à neuf, y installer des cuves de stockage d'essence neuves et apporter des améliorations au dépanneur. Au cours des travaux de rénovation, M. Smith a découvert la présence de sol contaminé, qui a dû être enlevé et remplacé par un sol propre.

[6]      L'appelante a exploité la propriété comme station-service et dépanneur pendant 46 mois environ. Les résultats ont été remarquables. Les ventes d'essence sont passées de 400 litres par jour au moment de l'achat à 20 000 litres par jour lorsque la station a été rouverte après les travaux - une augmentation de 500 p. 100.

[7]      À plusieurs reprises, des mandants de Soni & Sai Holdings Ltd. ( « Soni » ) ont présenté des offres d'achat à M. Smith. Les offres d'achat se situaient entre 1,2 et 1,6 million de dollars et, chaque fois, elles ont été rejetées par M. Smith. Cependant, au printemps de 1990, Soni a offert 1 950 000 $ à l'appelante, qui a accepté l'offre pour le motif, entre autres choses, qu'elle représentait trois fois le coût du bien pour l'appelante. M. Smith a déclaré que l'offre avait été acceptée également pour le motif que l'entreprise de vente de gros de Smithco prenait de l'expansion et qu'il n'avait pas le temps de se consacrer au point de vente au détail. M. Smith a rappelé que l'appelante n'avait pas été en mesure de mettre sur pied le système d'accès par carte parce qu'un trop grand nombre d'autos fréquentaient la station-service pour que des camions lourds puissent facilement y accéder et en sortir. Après la vente du bien par l'appelante, M. Smith a consacré tout son temps et toute son énergie à l'entreprise de Smithco.

[8]      Le prix d'achat de 1 950 000 $ était payable de la façon suivante : 700 000 $ en argent à la signature (le 30 avril 1990), et 100 000 $, plus les intérêts, le 31 décembre 1990. Le solde, soit 1 150 000 $, plus les intérêts, étaient payables sur une période de cinq ans, un paiement forfaitaire final devant être effectué le 31 mai 1995. Les versements - intérêt et principal confondus - étaient de 11 866,85 $ par mois. Le solde du prix d'achat était garanti par une convention de vente en faveur du vendeur.

[9]      Une fois la transaction conclue, ni M. Smith ni l'appelante n'ont eu quoi que ce soit à voir avec le bien. Smithco y a livré de l'essence pendant les deux ou trois années suivantes. Soni a effectué tous ses paiements mensuels.

[10]     Lorsque la transaction a été conclue en 1990, l'appelante a comptabilisé la dette comme une créance sur Soni. Le bien n'était plus déclaré comme un élément d'actif de l'appelante. Dans sa déclaration de revenu de 1990, cette dernière a déclaré un gain en capital à l'égard de la transaction, déduit un montant à titre de provision en vertu du sous-alinéa 40(1)a)(iii) et continué à déduire une provision dans ses déclarations de 1991 à 1994.

[11]     Soni n'a pas effectué le paiement final prévu le 31 mai 1995. Elle a informé M. Smith qu'elle avait pris des dispositions pour vendre le bien à un tiers (le « tiers » ) et s'est engagée à effectuer le paiement final lorsque le bien serait vendu. M. Smith a convenu de retarder le paiement final à condition que Soni continue à effectuer les paiements mensuels de 11 866,85 $ jusqu'à ce que la vente soit conclue.

[12]     Dans le cadre de son contrôle préalable, le tiers a découvert que le sol du bien était contaminé. La vente n'a donc pas eu lieu.

[13]     M. Smith n'était pas au courant de cette contamination. Il croyait que le sol contaminé avait été nettoyé lorsqu'il avait acquis le bien, mais il n'était pas surpris. En 1995, la contamination des sites pétroliers était une question d'intérêt majeur. Cependant, la gravité de la situation l'a étonné et il a dû aviser le gouvernement provincial de la présence de déchets dangereux. Comme la transaction avec le tiers n'avait pas eu lieu, Soni n'a pu obtenir de financement et n'a pas effectué le paiement forfaitaire final. On avait informé Soni que le coût des travaux de nettoyage du sol se situerait dans les « six chiffres » . D'après les hypothèses faites par le ministre du Revenu national (le « ministre » ) pour établir une cotisation à l'égard de l'appelante, le tiers a indiqué que le coût du nettoyage s'élèverait à 500 000 $ environ. Soni a aussi informé l'appelante qu'elle devait approximativement 115 000 $ au titre de la taxe sur les produits et services ( « TPS » ) qu'elle avait omis de verser au receveur général du Canada et que Revenu Canada, tel était alors son nom, était prête à pratiquer une saisie-arrêt sur son compte bancaire. Soni a déclaré à l'appelante qu'elle ne pouvait plus effectuer les paiements mensuels.

[14]     M. Smith a demandé les conseils d'un avocat, qui l'a informé que, peu importe à quel moment la contamination s'était produite, l'appelante et lui-même risquaient d'être tenus personnellement responsables du coût des travaux de nettoyage du sol et de devoir payer des amendes et des pénalités sous le régime de la Waste Management Act de la Colombie-Britannique. L'appelante risquait d'être tenue responsable envers Soni et peut-être même le tiers, sur le plan tant contractuel que délictuel.

[15]     M. Smith a décidé de racheter le bien dans l'intention de le nettoyer et de le revendre. Il voulait « revenir à la case départ » , c'est-à-dire à la situation telle qu'elle existait en 1990. Il craignait que l'appelante ou lui-même soient tenus responsables envers Soni. M. Smith voulait « nettoyer le bien et le revendre rapidement » à profit.

[16]     M. Smith a communiqué avec M. Bob King, du département de l'environnement de l'Impériale, qui l'a informé qu'une entreprise de la région de Vancouver pourrait nettoyer le sol contaminé en utilisant une nouvelle méthode, moins coûteuse que ce que Soni avait indiqué. M. Smith est entré en contact avec cette entreprise, et on lui a dit que le nettoyage du site coûterait entre 65 000 $ et 75 000 $. De plus, l'entreprise pourrait poursuivre ses activités pendant les travaux de nettoyage ou de restauration du sol.

[17]     Il était très important pour M. Smith que la station-service puisse poursuivre ses activités pendant les travaux de nettoyage. Si la station fermait ses portes, a-t-il déclaré, la clientèle liée au bien serait perdue. De l'avis de M. Smith, il y avait des problèmes à la station-service, et il ne voulait surtout pas la fermer pendant quelque période que ce soit. Il souhaitait maintenir la valeur de la station de façon à pouvoir obtenir plus d'un million de dollars lorsqu'il vendrait le bien.

[18]     Il semble que le bien se soit retrouvé dans les limites du district en 1992 ou 1993; l'entreprise a donc perdu cet avantage qu'elle avait de vendre l'essence moins cher. De plus, en 1995, l'intersection permettant d'avoir accès au bien et d'en sortir a été déplacée. En 1995, l'entreprise de Smithco prenait de l'expansion et forçait M. Smith à y consacrer tout son temps; comme en 1990, il n'avait pas le temps d'exploiter une seconde entreprise. Cet élément a pesé aussi dans la décision de M. Smith de vendre le bien le plus rapidement possible.

[19]     Le 12 décembre 1995 ou vers cette date, l'appelant a racheté le bien à Soni 150 000 $, plus le coût de certains articles d'équipement que Soni avait achetés et que l'appelante souhaitait acquérir. Le transfert en faveur de l'appelante s'est fait non pas conformément aux droits de cette dernière prévus dans l'accord de vente, mais aux termes d'un accord daté du 20 octobre 1995. L'appelante a réglé le prix d'achat en versant directement au receveur général du Canada la TPS due par Soni et le solde, à Soni. L'appelante a aussi libéré cette dernière de son obligation de verser la somme de 1 097 000 $ alors due aux termes de la vente initiale. Soni et l'appelante se sont déclarées mutuellement quittes de toute réclamation que l'une pourrait avoir contre l'autre.

[20]     Après avoir racheté le bien, l'appelante a retenu les services de l'entreprise recommandée par l'Impériale pour nettoyer le sol. Le budget prévu pour les travaux a été respecté et la station-service a pu rester en activité.

[21]     Lorsqu'il a négocié le rachat du bien, M. Smith a fait en sorte que l'appelante conclue, avec M. Barj Dhahan, un exploitant expérimenté et prospère d'un poste d'essence dans le Lower Mainland, un bail prévoyant l'exploitation du poste d'essence de l'appelante en contrepartie de la somme d'un dollar par mois. M. Smith s'était entendu avec l'Impériale pour que l'appelante touche 1,5 cent le litre sur toute l'essence vendue par Smithco à M. Dhahan. Le bail prévoyait aussi l'octroi à M. Dhahan d'une option d'acheter le bien 1,25 million de dollars, option qui devait être levée le 1er juillet 1997 au plus tard.

[22]     M. Smith a témoigné qu'il n'avait demandé qu'un loyer symbolique à M. Dhahan parce qu'il ne voulait pas reprendre le bien. Exploitant chevronné, M. Dhahan pourrait poursuivre les activités de la station sans la participation de M. Smith. M. Smith espérait que, une fois le sol nettoyé, M. Dhahan achèterait la station.

[23]     Malheureusement, M. Dhahan n'a pas levé l'option. En 1997, lui et M. Smith ont passé en revue les activités de la station-service et en sont tous deux arrivés à la conclusion que le bien ne valait plus 1,25 million de dollars. L'entreprise n'était plus ce qu'elle était : les marges s'étaient amenuisées et les questions environnementales étaient plus préoccupantes. M. Dhahan a continué à exploiter le bien pour 1 $ par mois jusqu'à ce que, en 1999, il trouve un acheteur, qui a versé à l'appelante 725 000 $ pour acquérir le bien.

[24]     Le comptable de l'appelante a dressé les états financiers et la déclaration de revenu de cette dernière pour 1995. Il a traité le rachat du bien comme une affaire de caractère commercial. L'appelante considérait le bien comme un bien figurant à l'inventaire. Se fondant sur le paragraphe 79.1(6) de la Loi, elle a déterminé que le coût du bien lors du rachat avait été de 1 244 296 $, et elle a demandé la déduction d'une diminution de 885 296 $ de la valeur de l'inventaire au titre du bien, dont la valeur était ainsi ramenée à 359 000 $, conformément au paragraphe 10(1) de la Loi.

[25]     Dans un avis de nouvelle cotisation, le ministre a refusé la déduction pour le motif que le bien était une immobilisation lorsqu'il avait été acquis de nouveau par l'appelante en 1995.

[26]     Les parties concèdent que, si le bien était un bien figurant à l'inventaire ou si le rachat subséquent du bien et sa vente en 1999 constituaient une affaire de caractère commercial, l'appel doit être admis, mais que, si le bien est demeuré une immobilisation au moment du rachat, l'appel doit être rejeté.

[27]     La thèse de l'appelante part du principe qu'il n'existe aucune règle de droit suivant laquelle un ancien bien en immobilisation d'un contribuable doit continuer d'être traité comme un bien en immobilisation lorsqu'il est acquis de nouveau par le contribuable par suite du défaut de paiement d'une dette.

[28]     L'article 79.1 de la Loi énonce les règles applicables au rachat d'un bien par un créancier par suite du non-paiement d'une dette, peu importe que le créancier ait détenu le bien comme immobilisation ou comme bien figurant à l'inventaire. Le paragraphe 79.1(6) énonce une formule dont le résultat est réputé être le coût pour le créancier du bien acquis de nouveau, selon que la dette elle-même constitue pour le créancier un bien en immobilisation ou un bien autre qu'un bien en immobilisation. Le paragraphe 79.1(7) prévoit la façon dont la dette est traitée. Il n'y a, à l'article 79.1, aucune règle relative à la nature du bien acquis de nouveau.

[29]     L'avocat de l'appelante a fait valoir que, si le législateur avait souhaité formuler une règle déterminative expresse selon laquelle l'ancien bien en immobilisation continue d'être un bien en immobilisation lorsqu'il est acquis de nouveau par le contribuable dans des circonstances auxquelles l'article 79.1 s'applique, il aurait pu facilement le faire. En l'absence d'une formulation explicite de ce genre dans la Loi, je devrais y réfléchir à deux fois avant de conclure à l'existence, dans les dispositions claires de l'article 79.1, d'une intention législative non exprimée[1]. L'avocat a soutenu qu'il y avait lieu d'appliquer les critères ordinaires pour distinguer le bien en immobilisation du placement. Entre autres choses, il faut se demander si le contribuable a traité le bien comme un commerçant l'aurait fait, prendre en considération le délai écoulé entre l'acquisition et la vente, déterminer si le contribuable a pris des mesures pour améliorer la qualité marchande du bien, tenir compte de la nature du bien et déterminer s'il y avait une intention de revendre le bien à profit[2].

[30]     De l'avis de l'avocat de l'appelante, cette façon de procéder cadre avec l'esprit de la Loi. La Loi traite la première disposition d'un bien en immobilisation (la vente du bien de l'appelante à Soni), assujettie à une créance du vendeur, comme une « disposition complète et distincte » et l'impose à ce titre. Puis, la disposition de la créance du vendeur lors du rachat du bien est traitée comme une opération complète et distincte, imposable conformément au paragraphe 79.1(7) de la Loi. Lors du rachat du bien, à un coût déterminé conformément au paragraphe 79.1(6), la Loi ne précise pas la nature du bien aux fins de l'impôt.

[31]     L'avocat de l'appelante estime important sur le plan factuel que, après avoir disposé du bien en 1990 et avoir acquis une créance garantie constatée dans le contrat de vente, c'est-à-dire du 30 avril 1990 au 12 décembre 1995, l'appelante n'a détenu aucun droit à titre bénéficiaire sur le bien, si ce n'est à titre de garantie de sa créance sur Soni et, le 12 décembre 1995, elle a disposé de la créance en contrepartie du rachat du bien[3]. L'avocat a fait valoir qu'un contribuable peut acquérir une première fois ou acquérir de nouveau un bien par suite d'un manquement aux termes d'un prêt dans l'intention de détenir le bien comme un placement de capital ou comme une affaire spéculative de nature commerciale et, dans tous les cas, dans une toute autre intention que celle qu'il avait lorsqu'il a acquis le bien la première fois.

[32]     L'avocat a fait valoir que, si l'appelante n'était pas un commerçant, elle avait cependant traité le bien de la même façon qu'un commerçant l'aurait fait et, par conséquent, avait racheté le bien et disposé de celui-ci dans le cadre d'une affaire de caractère commercial. L'avocat de l'appelante a dit du comportement de M. Smith qu'il était celui du « spéculateur » immobilier classique. M. Smith a pris des dispositions pour, en même temps, racheter le bien à Soni et le revendre à M. Dhahan après avoir nettoyé le sol contaminé. Il n'y a eu aucun délai entre le moment où l'appelante a acquis de nouveau le bien et le moment où elle a accordé une option d'achat du bien à M. Dhahan ou à une société dont ce dernier était propriétaire. Lorsque l'appelante a racheté le bien, son unique intention était de le revendre à profit.

[33]     L'avocat de l'appelante a fait valoir en outre que l'appelante a pris des mesures pour maintenir la valeur du bien et améliorer sa qualité marchande : elle a remboursé la dette de Soni au titre de la TPS, elle a fait nettoyer le sol contaminé et elle a fait en sorte que les activités de la station-service se poursuivent pendant les travaux de nettoyage du sol.

[34]     Enfin, la nature du bien était telle que celui-ci pouvait être détenu comme bien en immobilisation ou comme actif commercial dans le cadre d'une affaire de caractère commercial.

[35]     L'avocat me demande donc de conclure que l'appelante a acquis de nouveau le bien le 12 décembre 1995 dans le cadre d'une affaire de caractère commercial et qu'elle a le droit de déduire une diminution de la valeur de l'inventaire pour l'année d'imposition 1995 conformément à la décision de la Cour suprême dans l'affaire Friesen[4].

[36]     Je ne peux souscrire aux arguments de l'avocat de l'appelante. On ne peut, compte tenu des faits en l'espèce, dissocier la vente originale à Soni du rachat par l'appelante du bien en question à Soni. L'appelante a racheté le bien pour protéger son investissement. Lorsque Soni n'a pas été en mesure de conclure une vente avec un tiers en raison de la contamination du sol, elle n'a pas effectué le paiement forfaitaire final à l'appelante. Du fait de l'état du sol, l'appelante et M. Smith craignaient une action en justice et la possibilité réelle que la valeur du bien diminue. L'appelante a décidé d'acquérir de nouveau le bien et de le revendre après avoir fait nettoyer le sol. Lorsqu'elle a racheté le bien, elle souhaitait atténuer la possibilité qu'une action en justice soit intentée contre elle et protéger son investissement en disposant du bien aussi rapidement que possible au meilleur prix possible. Ses actions le confirment : elle a fait nettoyer le sol, elle a fait en sorte que les activités soient maintenues pendant les travaux de nettoyage et elle a confié l'exploitation de l'entreprise à une personne compétente jusqu'à ce que le bien puisse être vendu. Il est vrai que, comme l'avocat de l'appelante l'a déclaré, ces mesures ont permis d'améliorer la qualité marchande du bien. Cela ne signifie pas pour autant qu'elles sont dans tous les cas exclusives au commerçant ou que l'appelante a racheté et détenu le bien à titre de bien figurant à l'inventaire.

[37]     L'avocat a déclaré que les faits exposés à la page 15 de l'affaire Bailey c. M.R.N.[5], qui m'ont amené à conclure, dans cet appel, que le bien en cause avait conservé sa nature, se distinguent de l'appel en l'instance. Les faits dans l'affaire Bailey sont différents, mais des faits différents n'impliquent pas nécessairement une conclusion différente. Dans l'affaire Bailey, je me suis reporté aux remarques faites par le président Thorson dans l'affaire Taylor [6]:

[TRADUCTION]

[...] L'intention de vendre les marchandises achetées moyennant un bénéfice ne constitue pas en soi un critère lorsqu'il s'agit de savoir si le bénéfice est assujetti à l'impôt car l'intention de réaliser un bénéfice peut tout autant exister dans le cas d'un investissement que dans le cas d'une opération commerciale [...]

[38]     En 1995, l'appelante a racheté le bien dans l'intention d'en faire ce qu'elle avait eu l'intention d'en faire en 1990, c'est-à-dire le vendre. Les actions de l'appelante en ce sens ne faisaient pas partie d'une affaire de caractère commercial et le bien n'était pas un bien figurant à l'inventaire de l'appelante.

[39]     L'appel est rejeté avec frais.

Signé à Ottawa, Canada, ce 22e jour de novembre 2001.

« Gerald J. Rip »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 14e jour de mai 2003.

Mario Lagacé, réviseur



[1]           Ludco Enterprises Ltd. c. Canada, 2001 C.S.C. 62, par. 38 et Friesen c. Canada, [1995] 3 R.C.S. 103, aux pages 121 à 123 (95 DTC 5551, à la page 5556).

[2]           Les tribunaux canadiens se sont penchés sur cette question peut-être plus que sur toute autre question fiscale. L'affaire M.N.R. v. Taylor, 56 DTC 1125 (C. de l'É.), motifs du président Thorson, est un arrêt de principe.

[3]           Lysaght v. Edwards (1875-76), 2 Ch. D. 499, 506. Law and Equity Act R.S.B.C., ch. 253, art. 16.

[4]           Précité. À noter, l'ajout à la Loi du paragraphe 10(1.01), qui s'applique aux années d'imposition se terminant après le 20 décembre 1995. Cette disposition ne touche pas l'appelante.

[5]           C.C.I., no 88-2034 (IT), 4 juillet 1989 (90 DTC 1321).

[6]           Précité, 1137.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.