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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

2000-1349(IT)I

ENTRE :

EVELYN ELLEN WILSON,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu le 11 mai 2001 à Toronto (Ontario) par

l'honorable Juge T. E. Margeson

Comparutions

Avocat de l'appelante :                                  Me John David Buote

Avocate de l'intimée :                                    Me Meghan Castle

JUGEMENT

          L'appel de la cotisation établie aux termes de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1996 est admis et la cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation, afin que le ministre prenne en considération, lorsqu'ils seront présentés, les reçus à l'appui des frais médicaux admissibles visés par la présente demande.


À tous les autres égards, l'appel est rejeté et la cotisation du ministre est confirmée, selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 10e jour de septembre 2001.

« T. E. Margeson »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 17e jour de février 2003.

Yves Bellefeuille, réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Date : 20010910

Dossier : 2000-1349(IT)I

ENTRE :

EVELYN ELLEN WILSON,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Margeson, C.C.I.

[1]      Dans le calcul de son revenu pour l'année d'imposition 1996, l'appelante a déclaré un revenu locatif net de 3 000 $ et un revenu d'entreprise net de 6 300 $, et elle a demandé un crédit d'impôt non remboursable de 386 $ au titre des frais médicaux admissibles.

[2]      Le ministre du Revenu national (le « ministre » ) a établi à l'égard de l'appelante, pour l'année d'imposition 1996, une cotisation qui acceptait la déclaration telle quelle et dont l'avis a été mis à la poste le 27 juillet 1998. L'appelante a déposé un avis d'opposition à cette cotisation et a également produit une déclaration de revenus modifiée pour l'année d'imposition 1996 dans laquelle elle demandait la déduction de pertes locatives nettes au montant de 20 281 $, la déduction de pertes d'entreprise nettes s'élevant à 10 419 $ et un crédit supplémentaire pour frais médicaux de 871 $.

[3]      Le ministre a établi à l'égard de l'appelante, pour l'année d'imposition 1996, une nouvelle cotisation dans laquelle il a considéré que les allocations de retraite de 3 000 $ constituaient un revenu tiré d'un emploi indépendant, il a permis la déduction de pertes locatives nettes de 1 316 $, il n'a pas admis la déduction de pertes d'entreprise nettes et il a confirmé le rejet de la demande de crédit supplémentaire présentée par l'appelante au titre de frais médicaux.

[4]      L'appelante a produit elle-même un avis d'appel relativement compliqué, daté du 29 mars 2000, dans lequel elle choisissait le régime de la procédure informelle et contestait la cotisation établie par le ministre.

[5]      Au procès, l'avocat de l'appelante a demandé à produire la pièce A-1, un recueil de pièces, ce à quoi la Cour a consenti à des fins descriptives, à condition que la nature de chaque document soit établie de façon plus précise et que chacun d'eux soit accepté en preuve durant l'audition de la cause.

[6]      L'onglet 1 de la pièce A-1 a été décrit comme étant un document exposant une proposition de vente, datée d'avril 1994, du bien-fonds sis au 2330, chemin Glastonbury, à Burlington (Ontario). L'appelante a déclaré avoir rédigé ce document en janvier 2001. La vente a été proposée en avril 1994 et le prix de vente proposé était de 157 900 $.

[7]      L'onglet 2 consistait en une ordonnance sur consentement de la Cour de l'Ontario (Division générale) datée du 18 mai 1994, applicable à la fille et au conjoint de l'appelante, qui ordonnait notamment au mari de verser à son épouse une pension alimentaire provisoire de 1 000 $ par mois, pour l'appelante elle-même et pour ses enfants, le premier jour de chaque mois à compter du 1er juin 1994. L'ordonnance sur consentement portait également que l'épouse ait la possession exclusive du foyer conjugal, lequel devait être mis en vente et vendu le plus rapidement possible. L'ordonnance prévoyait aussi des mesures d'exécution, sauf si l'ordonnance était retirée du Bureau du directeur du Régime des obligations alimentaires envers la famille.

[8]      L'appelante a déclaré qu'elle détenait la deuxième hypothèque sur le bien-fonds mais que, si celui-ci avait été vendu à ce moment-là, le produit de la vente n'aurait pas suffi pour qu'elle puisse recevoir son dû.

[9]      L'onglet 3 consistait en un document daté du 9 juin 1995, qui a été qualifié d'entente de transfert du bien-fonds sis au 2330, chemin Glastonbury, à Burlington, et qui était adressé par l'appelante à son avocat, Me Andrew C. Knox. L'appelante a déclaré que ce document était un accord visant à lui transférer le bien-fonds, mais il s'agissait au fond d'une lettre qu'elle adressait à son avocat pour lui donner des directives au sujet du bien-fonds. Il était difficile d'établir exactement l'effet juridique de ce document, mais l'appelante considérait qu'il lui donnait le droit de vendre le bien-fonds au prix, quel qu'il soit, qu'elle pourrait obtenir, sans avoir à révéler ce prix. Elle a déclaré que cela était confirmé par le document figurant à l'onglet 4, qui était une lettre adressée au cabinet d'avocats O'Connor, Macleod pour lui demander d'amorcer sur-le-champ les procédures de forclusion relatives au bien-fonds. L'appelante a déclaré que le transfert du bien-fonds en sa faveur n'avait pas eu lieu et qu'on lui avait conseillé d'exercer son droit de forclusion relativement à la deuxième hypothèque qu'elle détenait. Elle estimait que la valeur du bien-fonds serait de l'ordre de 170 000 $ à l'automne de 1995.

[10]     Elle prévoyait détenir le bien-fonds pendant quatre à six mois, après quoi elle en deviendrait la propriétaire et le vendrait. Elle croyait que la valeur du bien-fonds serait alors plus voisine de 200 000 $.

[11]     En suivant l'évolution du marché immobilier, l'appelante a été portée à croire que les prix reviendraient aux niveaux auxquels ils se situaient auparavant. L'une des raisons en était que l'autoroute 407 devait passer plus près du bien-fonds et que d'importants travaux d'aménagement devaient avoir lieu dans le secteur. Elle estimait que, « suivant le cycle normal » , les ventes s'intensifieraient au printemps.

[12]     L'appelante a indiqué qu'elle avait analysé les coûts en 1995 et qu'elle croyait que les frais de possession du bien seraient alors de 15 000 $. À sa connaissance, il n'y avait pas d'impôts impayés ni d'arriérés hypothécaires, mais quelques factures de services publics devaient être acquittées. Il n'y avait aucune autre dette, à sa connaissance. Elle a été priée de se reporter à l'onglet 9 de la pièce A-1, un bail résidentiel conclu entre Yvan Dagenais et elle-même, désignée dans le document comme étant « le locateur » . Le bail était daté du 17 avril 1996, et l'appelante a admis qu'elle n'était pas propriétaire du bien-fonds à cette date. Elle a accepté d'inclure dans l'entente une disposition relative au locataire, qui figurait à la page 3 du document. Cette disposition portait qu'en cas de vente de la maison, la convention d'achat-vente devait comporter une clause obligeant l'acheteur à respecter le bail et qu'il faudrait alors payer au locataire une pénalité égale au montant de trois mois de loyer. L'appelante a diminué le loyer à cause de cette disposition. En novembre 1997, elle a reçu le titre de propriété de la maison. En août 1998, la maison a été vendue à son initiative.

[13]     L'appelante a également reconnu, à l'onglet 10, une entente d'inscription au service interagences datée du 4 juillet 1997. Elle a déclaré ne pas avoir été propriétaire à cette date, mais elle croyait toutefois pouvoir procéder à la vente.

[14]     L'onglet 11 consistait en une lettre de l'appelante aux courtiers immobiliers Re/Max, datée du 5 octobre 1997, dans laquelle elle s'enquérait des perspectives de vente. L'onglet 12 était un addendum à une entente d'inscription avec Re/Max Escarpment Realty Inc., que l'appelante a qualifiée de deuxième entente d'inscription du bien-fonds auprès d'un autre agent Re/Max. Elle ne connaissait pas le prix auquel le bien était mis en vente, mais, d'après elle, il était possible qu'elle ait réduit ce prix.

[15]     L'onglet 13 était une note du 12 octobre 1997 adressée au locataire, Yvan Dagenais, dans le but, selon les indications de l'appelante, de l'informer de la vente future de la maison. L'onglet 14 consistait en une lettre adressée à Yvan Dagenais et portant sur la vente du bien-fonds au prix proposé de 189 900 $; l'appelante demandait au locataire s'il souhaitait faire une offre. L'onglet 15 était un reçu attestant le paiement d'une annonce classée et l'onglet 16 était un bail conditionnel conclu entre Frederic et Sharon Daillant et Evelyn E. Wilson, dans lequel celle-ci, c'est-à-dire l'appelante, se présentait comme le locateur. L'onglet 17 retraçait la chronologie des faits relatifs au bien-fonds et avait été rédigé par l'appelante le 16 juillet 1998. L'onglet 18 était une lettre adressée à l'appelante par le cabinet d'avocats Dingle, Charlebois et Swybrous au sujet de la conclusion de la vente du bien-fonds. Elle était datée du 6 novembre 1998 et s'accompagnait d'un état des rajustements. Le prix de vente était de 175 000 $. L'appelante a déclaré qu'une maison de moindre valeur s'était vendue 185 000 $, mais qu'elle était obligée de vendre sa maison pour moins que cela.

[16]     L'onglet 19 était un état des activités d'entreprise dressé par l'appelante et figurant dans sa déclaration de revenus de 1996. L'appelante a indiqué que toutes les dépenses figurant dans l'état avaient été payées. Son but était de mener à bien la forclusion et la vente. L'onglet 20 consistait en un état des activités d'entreprise pour la période allant du 1er mars au 31 décembre 1996.

[17]     L'onglet 21 était une entente de services privés de garde d'enfants conclue entre la fille, Mme Barbara Chiasson, et l'appelante, qui devait être la gardienne. L'entente devait entrer en vigueur le 3 mars 1996.

[18]     Le témoin a déclaré qu'on se servait de l'appartement no 1 situé dans la maison comme garderie. Elle n'aurait pas engagé les dépenses en question si elle n'avait pas pensé qu'elle allait tirer un revenu de cette activité. Elle devait trouver une façon quelconque de tirer un revenu de l'appartement no 1 pendant qu'il était en rénovation. La maison n'était pas, à ce moment, dans un état permettant de la louer. L'appartement no 2 était presque en état d'être offert en location.

[19]     L'appelante a déclaré que l'appartement no 1 [TRADUCTION] « nécessitait d'importants travaux » . Elle avait prévu les réparations à effectuer. C'était une façon d'en tirer un certain revenu. C'est l'appartement qu'elle occupait avec les enfants. Elle a calculé le montant de la pension qu'elle devait demander, et elle est arrivée à un chiffre de 300 $ par mois pour deux enfants, soit 600 $ par mois au total. La mère de l'enfant a offert cette somme, et l'appelante estimait que cette solution serait viable.

[20]     Les circonstances n'ont pas tardé à changer. L'appelante a pris conscience qu'elle devrait rester constamment aux côtés des enfants. Il n'y avait pas beaucoup de place là où habitait sa fille. Cette dernière partageait son logement avec une autre personne, qui avait quatre garçons. Elle ne pouvait pas s'assurer qu'ils iraient à l'école.

[21]     À la question de savoir pourquoi elle n'avait pas recouvré toutes les sommes qui lui étaient dues, l'appelante a répondu que sa fille ne pouvait pas effectuer les paiements. Une ordonnance de pension alimentaire n'était pas respectée. Sa fille lui payait ce qu'elle pouvait.

[22]     L'onglet 22 était une entente de placement privé datée du 27 septembre 1996 se rapportant à la nièce de l'appelante, Jennifer.

[23]     L'onglet 23 consistait en un état des activités d'entreprise où figuraient des prévisions de revenu relativement à l'appartement no 1, où les services de garde étaient dispensés. L'appelante a déclaré que tous les montants reçus servaient à entretenir l'appartement et, à terme, à permettre d'effectuer la forclusion.

[24]     L'onglet 24 était un état des activités d'entreprise relativement à la location de l'appartement no 2.

[25]     En 1996, l'appelante n'a rien reçu au titre des services de garde dispensés dans l'appartement no 1.

[26]     En contre-interrogatoire, l'appelante a déclaré que les dispositions relatives aux services de garde se rapportaient principalement à ses deux petits-enfants, par suite de l'entente figurant à l'onglet 21. Elle avait décidé d'offrir ces services de manière à pouvoir tirer un revenu supplémentaire et à utiliser un local qui n'aurait pas servi autrement et qui lui causait des dépenses. Sa fille devait payer la somme prévue dans l'entente. On a demandé à l'appelante pourquoi sa fille ne versait pas les sommes qu'elle devait payer, ce à quoi l'appelante a répondu qu'elle ne savait pas combien sa fille gagnait. Celle-ci ne bénéficiait plus des prestations familiales après le 1er janvier 1996.

[27]     La fille de l'appelante a fait quelques paiements à cette dernière en 1996, lorsqu'elle le pouvait. Elle était censée verser 600 $ par mois. Elle ne recevait rien au titre de la nièce. L'appelante a choisi de recevoir ce revenu supplémentaire et de fournir le service correspondant.

[28]     On a demandé au témoin de se reporter à l'état des activités d'entreprise selon lequel elle était censée recevoir 6 840 $ au titre des frais de garde d'enfants pour s'occuper de sa petite-fille et de sa nièce, alors qu'elle n'avait reçu que 1 700 $, versé en espèces. L'appelante a déclaré qu'elle s'attendait vraiment à recouvrer la somme en question et qu'elle considère avoir une créance irrécouvrable d'un montant de 5 140 $. Elle a demandé à sa fille de faire exécuter l'ordonnance judiciaire.

[29]     Lors du contre-interrogatoire portant sur l'utilisation du bien-fonds, l'appelante a déclaré qu'elle l'avait acquis dans le but de le vendre à profit. L'argent qu'elle gagnait visait à compenser les frais d'entretien du bien-fonds jusqu'à ce qu'il soit vendu. La deuxième hypothèque que détenait l'appelante garantissait un prêt de 15 008,95 $, portant intérêt au taux de 10 p. 100. Ce prêt hypothécaire ne devait donner lieu à aucun versement avant que le bien-fonds soit vendu. L'appelante ne savait pas si elle avait payé les 15 008,95 $ pour la deuxième hypothèque, mais elle a déclaré détenir une hypothèque valide.

[30]     À la question de savoir dans quel but elle avait voulu obtenir le titre de propriété du bien-fonds, l'appelante a répondu que cela devait lui permettre de récupérer le montant de la deuxième hypothèque ainsi que ses frais, de gagner un certain montant d'intérêt et d'avoir encore un peu d'argent en fin de compte. Elle a offert aux locataires la possibilité de demeurer dans la maison, mais il leur fallait payer le loyer jusqu'à ce que celle-ci soit vendue.

[31]     L'appelante a reçu le titre de propriété du bien-fonds en novembre 1997. En 1996, le bien-fonds était au nom de sa fille et du mari de cette dernière. L'appelante s'est vu confier la responsabilité fiduciaire de s'occuper du bien-fonds et, d'après les avis juridiques reçus, elle pourrait reprendre le bien-fonds et le mettre en vente.

[32]     L'appelante a acquitté les dépenses figurant à l'onglet 19. On lui a fait valoir qu'elle n'était pas la propriétaire du bien-fonds, mais elle a déclaré que sa fille et le mari de cette dernière étaient déchargés des obligations en raison des démarches en forclusion.

[33]     L'intimée a fait comparaître Mme Martina Urbanek, agent des appels. Mme Urbanek s'était occupée du dossier. Elle avait reçu l'avis d'opposition. Elle avait passé en revue la déclaration produite et a indiqué que celle-ci avait été acceptée telle quelle.

[34]     L'appelante lui avait déclaré qu'elle venait de produire une déclaration estimative et que c'était ce qu'elle voulait faire. Elle a déclaré que d'autres renseignements seraient produits.

[35]     Le témoin a demandé à obtenir une déclaration en bonne et due forme, accompagnée d'états et des autres documents requis. L'appelante a produit sa déclaration et beaucoup de renseignements à l'appui. Elle déclarait des revenus locatifs tirés de deux appartements. Le témoin est parti du postulat qu'il existait trois activités d'entreprise qui en étaient à leurs débuts et qu'il n'y avait aucune dépense que l'on pouvait réclamer. Un feuillet T4A avait aussi été produit, ainsi qu'un autre document indiquant des services de garde. Le témoin a conclu qu'il n'existait pas d'attente raisonnable de profit du fait que, selon les calculs, le montant à payer ne dépassait pas 10 $ par jour et par enfant. Il n'était pas raisonnable de s'attendre à réaliser un profit avec un tel revenu.

[36]     Le témoin a examiné le dossier de la mère et a indiqué qu'elle gagnait uniquement un revenu attesté par un feuillet T4 de 2 706 $, et qu'elle obtenait des prestations de 2 000 $, pour un total de 5 030 $ pendant l'année en question.

[37]     Le témoin s'est demandé comment la fille pouvait payer 6 000 $ en frais de garde alors qu'elle ne gagnait que 5 030 $. Elle a conclu que l'appelante devait déclarer un revenu provenant de cette source si les sommes en question étaient effectivement reçues, mais que ce n'était pas le cas.

[38]     Le témoin voulait retirer le montant de ce revenu de la déclaration. Elle a admis la déduction des dépenses engagées à concurrence du revenu prétendument gagné. Quant à la prétendue entreprise de location, le témoin a déclaré que l'appartement no 2 était très petit et ne représentait que 37,3 p. 100 de la superficie de la maison. Cet appartement était loué à une personne non liée. Le témoin a considéré qu'il s'agissait bien d'une entreprise de location et a admis la déduction de 37,3 p. 100 des dépenses au titre de l'appartement no 2.

[39]     Pour ce qui est de l'appartement no 1, Mme Wilson et les enfants en occupaient 63 p. 100, et l'appelante a déclaré n'en avoir tiré aucun loyer. Le témoin a refusé de considérer qu'il s'agissait d'une entreprise et n'a pas admis la déduction de dépenses à cet égard.

[40]     Pour ce qui est des frais de garde d'enfants, le témoin a éliminé le revenu allégué de 2 100 $, puisque cette somme n'avait pas été reçue. Elle a admis la déduction de toutes les dépenses, à l'exception des frais d'automobile et des frais de bureau. L'appelante vivait déjà dans l'appartement no 1 et n'avait pas à se déplacer pour recevoir le loyer, de sorte que la déduction des dépenses lui a été refusée.

[41]     Le témoin a conclu qu'il n'y avait pas de lien entre les frais de bureau et le revenu locatif. Elle a cependant permis la déduction de certains frais de bureau à domicile et de certains frais d'automobile. Ces derniers ont été admis à concurrence du revenu déclaré mais non reçu par l'appelante. L'appelante s'est vu imposer une pénalité pour production tardive de 2 884,32 $, qui a été ramenée par le témoin à 1 982,88 $, en raison de l'élimination du revenu que l'appelante n'avait pas reçu.

[42]     La pièce R-1 a été admise sur consentement des parties. Il s'agissait d'un état des locations immobilières de l'appelante pour l'année 1996.

[43]     Lors du contre-interrogatoire du témoin, on lui a demandé de quels revenus elle avait tenu compte dans l'entreprise de services de garde. Elle a répondu que l'entente prévoyait le versement de 300 $ par mois et par enfant, soit 10 $ par jour.

[44]     Quant aux prétendues pertes locatives, on a demandé au témoin de quelles sources de revenu elle avait tenu compte pour l'appartement no 1; elle a répondu quelle n'avait tenu compte d'aucun revenu locatif, car l'appartement servait à s'occuper des enfants.

Argumentation de l'appelante

[45]     Dans sa plaidoirie, l'avocat de l'appelante a déclaré que la Cour devait tenir compte de tous les faits présentés, et non uniquement des témoignages présentés à l'audience. Il a indiqué que, selon la nouvelle présentation des entreprises un, deux et trois que l'appelante avait faite durant son témoignage, les trois faisaient partie d'un projet comportant un risque de caractère commercial. Le projet en question consistait à acquérir le bien-fonds afin de le revendre à profit le plus rapidement possible. À la suite de cela, l'appelante s'était engagée dans de nouvelles activités qui venaient se greffer au projet et avaient pour effet de compenser les frais d'entretien de la maison jusqu'à ce qu'elle soit vendue.

[46]     Après que l'appelante se soit engagée dans le projet, celui-ci ne s'est pas concrétisé, de sorte que l'appelante avait poursuivi son rêve en se lançant dans les autres activités. Ce projet s'était poursuivi pendant environ 18 mois, jusqu'à ce que le bien-fonds soit vendu. Durant cette période, il s'agissait d'une entreprise, de sorte que l'appelante a droit à la déduction des pertes qu'elle a déclarées, si elles sont raisonnables.

[47]     Pour ce qui est de déterminer s'il s'agissait ou non d'un projet comportant un risque de caractère commercial, l'avocat de l'appelante a mentionné l'affaire Minister of National Revenue v. James A. Taylor, 56 D.T.C. 1125 (C. de l'É.), notamment les pages 18 à 20. Il a déclaré que, d'après le raisonnement exposé dans ce jugement, l'appelante en l'espèce menait un projet comportant un risque de caractère commercial, de sorte que toutes les dépenses se rattachant à ce projet étaient déductibles. S'il ne s'agissait pas d'un projet comportant un risque de caractère commercial, la Cour devait déterminer s'il existait ou non une attente raisonnable de profit. Dans l'affirmative, les dépenses jugées raisonnables devaient être déductibles.

[48]     Pour déterminer s'il s'agissait ou non d'un projet comportant un risque de caractère commercial, la Cour devait juger si la situation s'apparentait ou non aux activités auxquelles se livrent les négociants. C'est ce que font les négociants. Ils cherchent des occasions, des biens qui sont sous-évalués; ils cherchent les « bonnes affaires » . L'appelante en l'espèce n'a pas cherché le bien, mais cela n'importe pas. Le comportement de l'appelante a été en tous points semblable à celui d'un négociant. Celui-ci cherche à revendre au moment même où il achète. La motivation est la revente.

[49]     En l'espèce, la préoccupation première de l'appelante était de revendre la maison. L'avocat de l'appelante s'est reporté au bulletin d'interprétation IT-218R, notamment le paragraphe 5, où il est question de la première et de la deuxième intention. La preuve indiquait en l'espèce que les première et deuxième intentions étaient de revendre la maison. Les chances de la contribuable de parvenir à ses fins et la mesure dans laquelle elle y était arrivée étaient très élevées. Il ne s'agissait pas que d'un espoir ou d'un rêve, car l'appelante avait reçu des conseils juridiques à l'égard de ses démarches. Malheureusement, elle avait vendu le bien un tout petit peu trop tard, mais aussi rapidement qu'elle avait pu conclure l'opération. Le fait que l'argent dont elle se servait était du capital emprunté n'était pas un facteur important, mais, de toute façon, ce facteur jouait en sa faveur.

[50]     L'avocat a demandé dans quelle mesure la nature du bien faisant en sorte qu'il ne pouvait être à titre de capital. En l'espèce, le bien aurait pu être détenu afin d'être conservé ou en vue d'une revente rapide. En l'espèce, il s'agissait d'un bien à caractère unique, parce que l'appelante ne pouvait que le vendre; comme elle ne pouvait se permettre de détenir le bien, elle devait le vendre.

[51]     L'avocat a soutenu que l'entreprise consistait dans l'acquisition et dans la vente du bien-fonds. L'appelante s'attendait à en tirer un profit et avait prévu un profit. Elle se conduisait en cela de façon raisonnable. L'évolution des circonstances, par exemple le non-transfert du titre de propriété, n'avait pas tardé à créer des problèmes, auxquels l'appelante avait réagi de façon aussi raisonnable et aussi rapide qu'elle le pouvait dans les circonstances. L'appel devrait être admis avec dépens.

[52]     L'avocat de l'appelante a alors convenu que le nouveau calcul des frais médicaux devait être effectué par le ministre, en fonction des reçus qui seraient présentés.

Argumentation de l'intimée

[53]     L'avocate de l'intimée a fait valoir que la Cour devait tenir compte de l'ensemble de l'opération. Si l'on devait considérer qu'il s'agissait d'un projet comportant un risque de caractère commercial, l'immeuble devait figurer à l'inventaire. Il devait être évalué à son coût d'acquisition. L'appelante ne pouvait avoir obtenu le titre de propriété du bien-fonds en 1996 dans le but de s'engager dans un projet comportant un risque à caractère commercial, car elle n'a obtenu le titre qu'en novembre 1997. L'immeuble ne pouvait figurer à l'inventaire et sa valeur ne pouvait être calculée, conformément à l'article 10 de la Loi de l'impôt sur le revenu ( « Loi » ), au coût d'acquisition, car l'appelante ne l'avait pas acquis en 1996.

[54]     Il est clair que l'appelante n'avait pas acquis le bien-fonds dans le cadre d'un projet comportant un risque de caractère commercial, car elle aurait alors appliqué le traitement visé au paragraphe 10(1.01) de la Loi, et le bien-fonds aurait été évalué à son coût d'acquisition pour le contribuable. Cela n'avait pas été le cas en l'espèce parce que l'intention n'était pas d'acquérir le bien-fonds dans le cadre d'un projet comportant un risque de caractère commercial.

[55]     L'avocate a cité le jugement Jake Friesen c. La Reine, [1995] 3 R.C.S. 103, 95 D.T.C. 5551 (C.S.C.) à l'appui de sa thèse selon laquelle, d'après la preuve produite en l'espèce, on pouvait s'interroger sur l'intention de l'appelante lorsqu'elle avait acquis le bien-fonds. Les éléments de preuve les plus concluants montraient que l'appelante voulait recouvrer le montant qu'elle avait perdu. Il n'y avait pas de plan visant la réalisation d'un bénéfice. Il ne suffisait pas de déclarer, au moment du procès, que telle était son intention.

[56]     Dans le jugement en question, la Cour a indiqué que :

   La première condition de l'existence d'un projet comportant un risque de caractère commercial est qu'il comporte un « plan visant la réalisation d'un bénéfice » . Le contribuable doit avoir l'intention légitime de tirer un bénéfice de l'opération.

[57]     La Cour s'est reportée ensuite au bulletin d'interprétation IT-459 pour énoncer les facteurs dont il convenait de tenir compte pour déterminer si une opération immobilière était un projet comportant un risque de caractère commercial qui génère un revenu d'entreprise ou une opération portant sur une immobilisation, impliquant la vente d'un placement.

[58]     Quoi qu'il en soit, la preuve présentée en l'espèce indique que les conditions en question n'étaient pas remplies.

[59]     En ce qui concerne la question de l'attente raisonnable de profit et l'activité de garde d'enfants, l'avocate a fait valoir que ce qui s'était passé en l'occurrence était tout simplement que la fille de l'appelante connaissait des difficultés et qu'elle avait demandé à sa mère de s'occuper des enfants à son domicile, à proximité de l'école. Elle n'était pas en mesure de le faire. Elle n'avait pas élaboré de plan. Elle recevait très peu de sa fille. L'activité en cause ici avait un caractère entièrement personnel.

[60]     L'avocate s'est reportée au jugement Kaye c. La Reine, C.C.I., no 97-2772(IT)I, 9 avril 1998, 98 D.T.C. 1659, Carswell TaxPartner Cases, 2001 Release 4, à la page 3 (p. 1660 D.T.C), où le savant juge a déclaré :

   En fin de compte, les choses se résument à évaluer, en faisant preuve de sens pratique, l'ensemble des facteurs, en accordant à chacun l'importance qui convient dans le contexte global. [...]

[61]     Dans un passage précédent de la même décision, le juge avait déclaré :

   On ne peut considérer le caractère raisonnable de l'attente de profit de façon isolée. Il faut se demander : « Est-ce qu'une personne raisonnable qui examine une activité en particulier et applique des normes courantes de gestion d'entreprise affirmerait qu'il s'agit bien d'une entreprise? »

[62]     L'avocate a en outre cité l'affaire Clogg c. La Reine, C.C.I., no 96-4059(IT)I, 9 avril 1997, Carswell TaxPartner Cases, 2001 Release 4, dans laquelle la Cour a déclaré qu'il fallait tenir soigneusement compte de l'élément personnel, comme l'a indiqué l'affaire Tonn c. La Reine, [1996] 2 C.F. 73, 96 D.T.C. 6001, (C.A.F.), où il était dit aux pages 103-104 (p. 6013 D.T.C.) :

[...] Cependant, lorsque les circonstances donnent à penser qu'une motivation personnelle ou non commerciale existait ou que l'attente de profit était déraisonnable au point de soulever un doute, le contribuable devra prouver objectivement que l'activité constituait effectivement une entreprise. Par conséquent, des circonstances douteuses appelleront plus souvent un examen plus approfondi comparativement à celles qui ne soulèvent aucun doute.

[63]     En l'espèce, l'appelante a été autorisée à déduire des dépenses qui ont ramené son revenu à néant. Ce sont là toutes les dépenses qu'elle a le droit de déduire.

[64]     On ne peut autoriser la déduction de toutes les dépenses demandées parce que les sous-activités ne constituent pas des activités auxquelles se serait livrée une personne qui aurait acheté le bien en vue d'une revente rapide.

[65]     L'appel devrait être admis et l'affaire déférée au ministre pour nouvelle cotisation et nouvel examen uniquement en ce qui concerne les frais médicaux, si des reçus appropriés sont produits.

[66]     À tous les autres égards, l'appel devrait être rejeté.

Réplique

[67]     Dans sa réplique, l'avocat de l'appelante a affirmé que la preuve ne permettait pas de conclure que les activités en cause ici étaient fondées sur des objectifs personnels. Les opérations étaient compatibles avec les contrats que l'appelante avait conclus.

[68]     En ce qui concerne la question du projet comportant un risque de caractère commercial, l'avocat a fait valoir que le titre de propriété du bien-fonds n'était pas un facteur important. Le projet commence non pas lorsque le bien-fonds est acquis, mais dès que s'amorce l'activité à but lucratif. L'appelante ne s'attendait pas à obtenir le titre de propriété du bien-fonds avant des mois. Le ministre a reconnu l'intérêt fiduciaire de l'appelante en 1996. Il a admis la déduction de certaines dépenses.

[69]     En ce qui concerne l'attente raisonnable de profit, le témoignage montre que le montant que l'on s'attendait à tirer du projet était fondé sur les motifs indiqués par l'appelante.

Analyse et décision

[70]     Dans la plaidoirie qu'il a présentée à la Cour, l'avocat de l'appelante a affirmé que, peu importe que l'appelante ait pu déclarer son revenu au titre d'une « entreprise » ou d' « entreprises » , ce qui importait était la nature du témoignage produit à l'audience. Il soutient que l'appelante était en droit de faire valoir à ce stade-ci qu'elle était engagée dans un « projet comportant un risque de caractère commercial » et que, en conséquence, toutes les dépenses qu'elle engageait, peu importe leur nature, en rapport avec l'achat du bien-fonds en question devaient pouvoir être déduites aux fins du calcul de l'impôt sur le revenu. Au début, dans sa plaidoirie, l'avocat était prêt à admettre que, si la Cour devait conclure que l'appelante n'était pas engagée dans un « projet comportant un risque de caractère commercial » , l'appelante était déboutée et ne pouvait avoir gain de cause en prétendant qu'il existait une « entreprise » et que les dépenses dont elle demandait la déduction étaient raisonnables dans les circonstances.

[71]     En fin de compte, cependant, l'avocat était prêt à plaider que l'appelante pouvait avoir gain de cause pour ces deux motifs, bien que sa thèse principale fût que l'appelante était engagée dans un projet comportant un risque de caractère commercial, lorsqu'elle avait obtenu, de sa fille et de son gendre, le droit de disposer du bien-fonds. Elle s'était toujours attendue à pouvoir tirer un profit de ce bien-fonds, de sorte que toutes les dépenses qu'elle avait engagées étaient déductibles.

[72]     Il ressort clairement d'un examen des déclarations de revenus produites par l'appelante et de tous les documents à l'appui que la seule conclusion raisonnable que le ministre pouvait tirer était que l'appelante faisait état d'activités d'entreprise et que la façon dont le ministre en a disposé, comme il est exposé aux paragraphes 17 à 20 de la réponse à l'avis d'appel, était la seule manière raisonnable dont le ministre pouvait interpréter les déclarations. Le ministre a conclu essentiellement que, dans le calcul de son revenu pour l'année d'imposition 1996, l'appelante avait déclaré un revenu locatif net de 3 000 $ et un revenu d'entreprise net de 6 300 $, et qu'elle avait demandé un crédit d'impôt non remboursable de 386 $ au titre de frais médicaux admissibles.

[73]     Mme Martina Urbanek, témoin appelée à comparaître pour l'intimée, a indiqué dans son témoignage que les déclarations produites par l'appelante avaient été acceptées telles quelles, et qu'ensuite l'appelante lui avait déclaré qu'il s'agissait uniquement d'une déclaration estimative et qu'il s'agissait là du souhait de l'appelante. L'appelante a déclaré qu'elle produirait d'autres renseignements et s'est fait dire que des déclarations en bonne et due forme, accompagnées d'états et d'autres documents, devaient être produites.

[74]     Ces déclarations ont été produites, accompagnées de nombreux renseignements, et il était tout à fait raisonnable que le ministre conclue que l'appelante exploitait un certain nombre d'entreprises différentes et demandait la déduction des dépenses liées à l'exploitation de ces entreprises. La Cour est convaincue par ce témoignage que le ministre a fait preuve de beaucoup de patience en essayant de déterminer exactement ce qui faisait l'objet des déclarations et la manière dont ces dernières pouvaient être traitées de façon que l'appelante bénéficie du traitement le plus favorable. En fait, il est ressorti du témoignage de Mme Urbanek que le traitement accordé aux déclarations de l'appelante était raisonnable et favorable à celle-ci, et que, lorsque certains revenus déclarés n'avaient pas été gagnés, le ministre avait essayé de les éliminer de la déclaration de l'appelante, de lui accorder un crédit à cet égard et, en fin de compte, d'autoriser la déduction des dépenses à concurrence du revenu allégué de l'appelante.

[75]     La Cour est convaincue que le ministre n'aurait pu traiter la déclaration d'une façon autre que ce qu'il a fait car rien n'y indiquait que l'appelante était engagée dans un projet comportant un risque de caractère commercial. En effet, il ressort clairement de la façon dont l'appelante a produit les déclarations qu'elle n'envisageait pas un tel projet au moment en question et, si elle croyait être engagée dans un projet comportant un risque de caractère commercial, cette opinion a été formée un certain temps après qu'elle eut produit la déclaration et avant que le procès ait lieu.

[76]     Cela amène assurément à remettre en question l'argument selon lequel l'appelante croyait être engagée dans un projet comportant un risque de caractère commercial dès le tout début, que son intention avait toujours été de tirer un profit de l'achat et de la revente de la maison, et que les autres activités qu'elle déclarait étaient uniquement des activités secondaires liées au projet principal, auxquelles elle se livrait uniquement pour être en mesure de réduire ses dépenses pendant qu'elle détenait le bien-fonds dans le but ultime de le vendre.

[77]     L'avocat de l'appelante a fait valoir que les entreprises un, deux et trois, telles que l'appelante les a présentées, faisaient toutes partie d'un projet comportant un risque de caractère commercial lorsqu'on tient compte de l'ensemble des faits présentés et non uniquement des faits présentés au procès.

[78]     La Cour ne souscrit pas à la thèse selon laquelle, lorsque l'appelante a pris le contrôle du bien-fonds en question, c'était à titre de projet comportant un risque de caractère commercial, avec l'intention de le revendre rapidement et de réaliser un profit, puis qu'elle a pris conscience qu'elle ne pouvait y parvenir, bien qu'elle ait poursuivi son rêve en se lançant dans les autres activités en question afin de réduire ses dépenses. Cette thèse est complètement incompatible avec la façon dont l'appelante a produit ses déclarations, avec la façon dont elle a demandé la déduction des dépenses, avec la façon dont elle a déclaré le revenu allégué et avec la documentation qu'elle a produite à l'appui de sa demande de déductions.

[79]     Dans sa déclaration, l'appelante a déclaré un revenu qu'elle n'avait pas gagné et elle a demandé la déduction des dépenses pendant l'année ou elles étaient engagées afin de compenser le revenu prétendument gagné au cours de l'année en question, ce qui porte à croire qu'elle croyait exploiter une entreprise et qu'elle croyait pouvoir déduire les dépenses engagées pendant une année du revenu gagné au cours de cette année, comme c'est normalement le cas lorsqu'on exploite une entreprise.

[80]     Si l'appelante avait cru être engagée dans un projet comportant un risque de caractère commercial, elle aurait déclaré son activité différemment. Elle aurait dû considérer que le bien figurait à l'inventaire conformément aux dispositions du paragraphe 10(1.01) de la Loi, qui se lit comme suit :

      (1.01) Projet comportant un risque. Pour le calcul du revenu d'un contribuable tiré d'une entreprise qui est un projet comportant un risque ou une affaire de caractère commercial, les biens figurant à l'inventaire sont évalués à leur coût d'acquisition pour le contribuable.

En outre, si l'appelante prétendait être engagée dans un projet comportant un risque de caractère commercial à l'égard du bien-fonds en question, il aurait été normal que les dépenses soient déduites au moment de la vente du bien-fonds, et non pendant l'année où elles étaient engagées, comme l'appelante cherchait à le faire en l'espèce.

[81]     L'expression « projet comportant un risque de caractère commercial » , ainsi qu'il est indiqué dans le jugement Jake Friesen, précité, exige qu'il existe tout d'abord un « plan visant la réalisation d'un bénéfice » . Le contribuable doit avoir l'intention légitime de tirer un bénéfice de l'opération. Dans ce jugement, la Cour a fait état de quelques-uns des facteurs qui doivent être pris en considération lorsqu'il faut déterminer s'il existe ou non un « projet comportant un risque de caractère commercial » :

(i) L'intention du contribuable relativement au bien immeuble au moment de l'achat, ses possibilités de réalisation et la mesure dans laquelle cette intention est réalisée. L'intention de revendre la propriété avec bénéfice la rendra plus susceptible d'être qualifiée de projet comportant un risque de caractère commercial.

(ii) La nature de l'entreprise, de la profession, du métier ou de l'occupation du contribuable et des associés. Plus l'entreprise ou la profession d'un contribuable est liée aux transactions immobilières, plus il est probable que le revenu réalisé sera considéré comme un revenu tiré d'une entreprise plutôt que comme un gain en capital.

(iii) La nature du bien et l'usage qu'en fait le contribuable.

(iv) La mesure dans laquelle l'argent emprunté a servi à financer l'acquisition du bien immeuble et la période pendant laquelle le bien immeuble a été détenu par le contribuable. Les opérations impliquant emprunt et revente rapide sont plus susceptibles d'être des projets comportant un risque de caractère commercial.

[82]     Lorsque la Cour applique ces critères aux faits qui ont été établis par la preuve en l'espèce, il devient évident que l'appelante n'était pas engagée dans un « projet comportant un risque de caractère commercial » . L'opération en cause ne présentait aucune des caractéristiques d'un projet de ce genre.

[83]     Dès le tout début, l'appelante avait l'intention de garder le bien-fonds assez longtemps pour pouvoir le vendre et récupérer le montant de la deuxième hypothèque. Tous les faits subséquents visaient à réaliser cette intention. De plus, rien dans la preuve n'indiquait que l'appelante avait un plan qui lui aurait permis de croire raisonnablement qu'elle finirait par tirer un profit de l'opération. En réalité, comme l'a révélé la preuve, l'appelante était le jouet des forces du marché et, si elle concluait qu'en fin de compte elle pourrait vendre le bien-fonds à profit, cette conclusion reposait uniquement sur des spéculations et des souhaits, sans que rien ne puisse l'étayer. Tous les chiffres que l'appelante a présentés à la Cour étaient de simples estimations, des convictions ou des projections personnelles non étayées, qui ne reposaient sur aucune donnée valide en matière immobilière.

[84]     La situation était encore compliquée par le fait que l'appelante avait un énorme intérêt personnel à essayer de venir en aide à sa fille, à s'occuper des enfants de sa fille et, en fin de compte, à s'occuper même de sa nièce. Toutes ces décisions n'avaient absolument rien à voir avec un projet comportant un risque de caractère commercial, mais elles ont été prises par l'appelante pour venir en aide à sa fille et à ses petits-enfants alors qu'ils traversaient une période difficile.

[85]     La Cour est persuadée que l'appelante n'était pas engagée dans un projet comportant un risque de caractère commercial lorsqu'elle a acquis le droit de disposer du bien-fonds. Cependant, même si c'était le cas, les sommes dont elle demandait la déduction à titre de frais devaient être raisonnables, elles devaient être ajoutées au coût des biens figurant à l'inventaire et leur déduction aurait dû être demandée au moment de la vente du bien-fonds, et non dans l'année en question en l'espèce.

[86]     La thèse de l'appelante sur ce point est rejetée.

[87]     Le deuxième argument de l'appelante, encore que son avocat ne l'ait pas fait valoir de façon vigoureuse, est que tous les frais peuvent être déduits à titre de dépenses d'entreprise et qu'ils sont raisonnables dans les circonstances. La Cour est persuadée qu'il n'existait pas d' « entreprise » au cours de l'année en question et que l'appelante ne peut déduire les frais dont la déduction a été rejetée. La preuve démontre on ne peut plus clairement que l'appelante ne pouvait raisonnablement s'attendre à tirer un profit de ces activités au cours de l'année en question.

[88]     La preuve présentée par le témoin qui a comparu pour l'intimée a bien montré que, d'après les calculs, faits par l'appelante, de la pension qu'elle devait recevoir pour s'occuper des enfants, il était impossible de réaliser un bénéfice, même si la totalité de la pension était perçue - or, très peu d'argent a été reçu à ce titre. Le témoin a calculé que la pension devait être de 10 $ par jour, et la Cour souscrit à la conclusion du témoin selon laquelle il aurait été impossible de payer ne serait-ce que les frais d'entretien des pensionnaires à ce prix, et à plus forte raison de réaliser un bénéfice.

[89]     De plus, pour ce qui est de la location des appartements faisant partie de la maison, aucune preuve n'indique qu'on pouvait raisonnablement s'attendre à en tirer un bénéfice qui aurait permis à l'appelante de demander la déduction de toutes les dépenses qu'elle a présentées. Le ministre a admis qu'il existait une activité de location dans le cas de l'appartement no 2 et a admis la déduction de 37,3 p. 100 des dépenses. Cela est plus que raisonnable dans les circonstances. Pour ce qui est du deuxième appartement, il servait à raison de 63 p. 100 à Mme Wilson et aux enfants. L'appelante n'en tirait aucun loyer. En conséquence, il était impossible d'en tirer un bénéfice, et le ministre a eu raison de ne pas autoriser la déduction de dépenses à l'égard de cet appartement.

[90]     Pour ce qui est des frais de garde d'enfants, le ministre a déduit les 2 100 $ qui constituaient un revenu allégué, car celui-ci n'avait pas été reçu, et il a admis toutes les dépenses à l'exception des frais d'automobile et des frais de bureau. L'argument invoqué sur ce point par l'intimée était que l'appelante vivait déjà dans l'un des appartements et n'avait pas besoin de se déplacer pour percevoir le loyer. Sa conclusion était que les frais de bureau ne se rattachaient pas à la production du revenu locatif. Cette conclusion n'était pas déraisonnable. L'appelante a été autorisée à déduire les frais d'un bureau à domicile et les frais d'automobile à concurrence du revenu qu'elle avait déclaré mais non reçu.

[91]     L'appelante s'est vu imposer une pénalité pour production tardive. Cette pénalité n'a pas été contestée par l'avocat de l'appelante.

[92]     En ce qui concerne la deuxième question, l'attente raisonnable de profit, la Cour conclut que l'appelante ne s'est pas acquittée du fardeau de la preuve à cet égard, qu'on ne pouvait raisonnablement s'attendre à tirer un profit de l'une quelconque des activités au cours de l'année en question et que l'appelante n'avait droit à aucune déduction autre que les déductions qui ont été admises par le ministre dans la cotisation.

[93]     Dans l'appel portant sur les frais médicaux admissibles, le ministre doit réexaminer les reçus valides qui seront présentés à l'appui de cette demande de déduction. À tous autres égards, l'appel est rejeté et la cotisation du ministre est confirmée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 10e jour de septembre 2001.

« T. E. Margeson »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 17e jour de février 2003.

Yves Bellefeuille, réviseur

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